Wolbodon de Liège
Évêque, Saint
† 1021

Ce Saint était d'une famille noble de Flandre. Dès ses premières années on remarqua en lui beaucoup de douceur, une rare intelligence, du penchant pour les bonnes choses et un goût ardent pour l'étude. Ses parents de leur côté ne négligèrent rien pour développer d'aussi bonnes dispositions, et il fit de grands progrès dans la piété et dans les sciences. Il s'avançait de vertu en vertu, et, bien que son grand corps exigeât une copieuse nourriture, il se contentait de fort peu et joignait à son abstinence la plus grande pureté. Il était encore enfant lorsqu'il fut placé chez les -chanoines d’Utrecht, où il se fit remarquer bientôt par sa piété et son savoir. Ces chanoines menaient une vie très réglée et très édifiante. Ils le placèrent à la tête des écoles, poste qu'il remplit avec beaucoup de zèle et de succès, étudiant le caractère de chacun de ses élèves en particulier et y conformant ses leçons, afin de faire comprendre ce qu'il enseignait. Quelque temps après il fut nommé doyen de l'église de Saint-Martin; il regarda cette élévation comme un appel à une plus grande piété, à une plus grande sainteté : il parvint en effet à un si haut degré de vertu, que la lumière et la bonne odeur qu'il répandait autour de lui le firent connaître au saint Empereur Henri, qui lui accorda aussitôt son estime et son amitié. Il prenait tant de goût à sa société, que souvent il le gardait longtemps auprès de sa personne et se dirigeait d'après ses conseils dans les affaires importantes de l'état.

Baudri ou Balderic, évêque de Liège, étant mort, l'Empereur, dont les premiers soins étaient de donner de bons pasteurs à l’Église, ne put faire de meilleur choix qu'en donnant ce siége à Wolbodon. Il lui confia donc cette église ; mais Wolbodon, qui se croyait incapable de porter un si grand poids, fit tous ses efforts pour s'y soustraire. 11 pria l'Empereur, les larmes aux yeux, de bien vouloir l'épargner; mais voyant que ses refus affligeaient ce prince, et qu'on aurait fini par les prendre pour de l'opiniâtreté, il céda en toute humilité. Il fut reçu à Liège par le clergé et le peuple, avec beaucoup d'honneur et de joie, et fut sacré au mois de Novembre 1018 par S. Héribert, archevêque de Cologne. Comme il était monté sur le siége épiscopal en pasteur véritable et désintéressé, appelé de Dieu comme Aaron, il gouverna, sous l'inspiration divine, son troupeau dans la simplicité de son cœur, et le guida par les connaissances et les lumières intérieures que le Seigneur lui communiquait. Il s'était fait un devoir d'observer lui-même ce qu'il recommandait aux autres; c'est pourquoi il ne faisait que lire, exhorter et prier. Il avait le cœur si tendre pour les pauvres, qu'il leur distribua presque tout ce qu'il avait, et lorsqu'il eut tout donné, il donna ses ornements épiscopaux, envoyant ensuite ses domestiques les dégager et les racheter des mains des pauvres. L'hiver il passait quelquefois des nuits entières à veiller; il visitait alors les chapelles des Saints et y passait un temps considérable en prière : le reste de la nuit était employé à aller voir quelques pauvres honteux ou des malades, qu'il consolait dans leur misère. Il ne mangeait que du pain et quelque légume grossier et en mangeait si peu, qu'il quittait toujours la table sur sa faim, et lorsqu'on lui servait quelque chose de délicat, il le renvoyait aussitôt et le faisait porter à quelque pauvre malade, mais surtout à ceux qui craignaient Dieu et qui se conduisaient bien.

Quoique Wolbodon menât une vie exempte de tout reproche et que jamais il n'eût donné lieu au plus léger scandale, les langues méchantes et envieuses firent tant cependant, qu'il tomba en disgrâce auprès de l’Empereur, qui l'avait tant aimé et estimé. Toutefois, s'appuyant sur la justice de sa cause, il s'inquiéta peu de ce revers de fortune ; il espérait que Dieu lui fournirait l'occasion de se disculper aux yeux de l'Empereur et de confondre ses calomniateurs. Ayant appris un jour que l'Empereur se trouvait à Cologne, il lui sembla qu'il ne devait pas laisser échapper cette occasion pour éclaircir ses affaires. Il se rendit en cette ville, accompagné non pas de dons et de présents d'or et d'argent, à l'exemple d'autres évêques qui en avaient offert à l'Empereur, mais d'une conscience pure et d'un cœur qui ne connaissait pas la feinte. Il alla directement trouver l'Empereur, qui, après quelques moments d'entretien, découvrit aussitôt le fond de son affaire, et non seulement lui parla d'un air gracieux, mais l'embrassa et le fit asseoir auprès de lui, lui faisant voir par là qu'il était pleinement convaincu de son innocence.

Ses affaires étant ainsi heureusement terminées, il retourna tranquillement à Liège : y ayant célébré la Pâque avec sa dévotion accoutumée, il s'aperçut que Dieu l'appelait pour célébrer une Pâque éternelle dans son royaume. Le premier symptôme qu'il éprouva fut une grande douleur d'estomac, qui n'avait d'autre cause que ses jeûnes continuels et ses abstinences de toute espèce : au lieu de prendre quelque repos, ou de faire quelque remède pour rétablir sa santé, il se coucha sur un cilice fort dur et couvert de cendres. Comme nourriture de l'âme il se fit lire les psaumes et les livres divins, et son cœur s'alluma d'un si vif désir de quitter ce corps mortel, qu'il ne fit que soupirer après la céleste patrie. Cependant il ne négligea pas de prêcher la parole de charité à ceux qui étaient présents, en les exhortant à avoir toujours devant les yeux leur dernière fin ; et afin de servir d'exemple à ses fidèles jusqu'à son dernier soupir, il ordonna qu'on permît à chacun d'approcher de sa personne. Le démon, qui ne cesse de tenter l'homme, surtout à l'heure de la mort, n'oublia pas non plus Wolbodon ; mais celui-ci, qui connaissait toutes ses ruses, n'eut pas de peine à le forcer de prendre la fuite.

Dans ces conjonctures il eut aussi, dit-on, une vision de S. Laurent, pour lequel il avait eu toute sa vie une dévotion particulière. Ce Saint sembla lui prédire avec une douceur ineffable que dans cinq jours il viendrait le rejoindre. Ces paroles l'inondèrent d'une si grande félicité, qu'il lui fut impossible de se contenir et qu'il en fit part à quelques membres de son clergé ; il reçut après cela le Corps de Notre-Seigneur et l'Extrême-onction. Il attendit alors avec impatience ce cinquième jour ; mais il le vit passer, sans que son attente fût remplie ; ce que Dieu permit pour le punir d'avoir révélé cette vision indistinctement aux indignes et à ceux qui méritaient cette confiance. Il en fut extrêmement affligé, et ayant examiné sa conscience, il découvrit sa faute et résolut de s'en venger sur lui-même. Comme il n'avait plus la force de se châtier, il pria un ecclésiastique, nommé Wieland, de prendre une discipline et de le frapper sévèrement. Il satisfit ainsi à la justice divine, et ce châtiment fut si agréable au Seigneur, qu'il l'avertit par une nouvelle révélation que sa fin était prochaine. Il pria alors ceux qui l'assistaient de lui accorder le secours de leurs ferventes prières, et il lut encore lui-même les antiphones des psaumes qu'il termina par les collectes, se faisant de temps en temps humecter avec de l'eau ses lèvres desséchées. Lorsqu'il vit approcher son heure dernière, il prit le crucifix et rendit l'âme en le tenant serré dans ses bras. Ceci arriva le 21 Avril 1021, le vingt-neuvième mois de son épiscopat. Son corps fut porté avec beaucoup de pompe dans la grotte ou chapelle souterraine de saint Laurent ; un grand nombre de personnes tant ecclésiastiques que laïques formaient le cortège, et Dieu manifesta la sainteté de son serviteur par un grand nombre de miracles, opérés sur son tombeau et par son intercession. Le corps demeura dans le lieu de sa première sépulture jusqu'au 26 Octobre 1656, jour auquel on commença, vers cinq heures du soir, à ouvrir le tombeau, par ordre de Joseph Sanfelicius, archevêque de Consens et légat du Pape Alexandre VII. Le 27 les reliques furent levées de terre, en présence des docteurs en théologie et en médecine, des religieux du couvent de Saint-Laurent et d'un grand nombre d'amis du légat. On eut le bonheur de trouver tous les ossements du Saint. Le 28 le légat vint les examiner et les honorer : le 29 on célébra la messe, et le saint corps fut porté processionnellement, tantôt par le légat lui-même et l'évêque de Dionysie , suffragant de Liège, tantôt par les doyens de Saint-Pierre et de Saint-Martin. La procession terminée, le légat ordonna que le corps fût placé dans un endroit convenable pour être honoré.

SOURCE : Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction : Jean-François Godescard.

 

 

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