Les actes de S.
Marcel
nous ont appris que S. Valérien, son compagnon de captivité, avait
vu comme lui tomber ses chaînes, et qu'ensemble ils étaient sortis
de Lyon pour annoncer la bonne nouvelle à d'autres peuples. Tandis
que S. Marcel allait à Châlon par les forêts qui servaient de
limites à la Séquanie, S. Valérien prenait la voie romaine qui
longeait la rive droite de la Saône, et s'arrêtait à Trenorchium,
Tournus, lieu fortifié, station et grenier des légions romaines.
Il entrait dans les rues de la divine Providence que ces deux villes
éduennes parvinssent à la connaissance de la vraie religion, et
qu'elles eussent chacune leur martyr et leur protecteur.
S. Valérien
exerçait donc à Tournus les saintes et périlleuses fonctions de
l'apostolat. Le zèle dont il était embrasé appelait tous les jours
de nouveaux combattants sous les étendards de Jésus-Christ. Mais,
comme son généreux compagnon, il devait arroser de son sang la
semence bénie qu'il avait jetée dans cette terre.
Quelques jours
après le martyre de S. Marcel,
le président Priscus descendait à Lyon. Précédé d'un héraut, il
voguait sur la Saône ; un nombreux cortège le suivait sur la voie
romaine. Il s'arrête vers le soir à Tournus, y publie la mort
récente de Marcel, et apprend, de la bouche des païens, que dans une
grotte ou chaumière peu éloignée des murs de Tournus, un autre
fugitif de Lyon avait élevé un autel au Christ, et converti
plusieurs personnes.
Dès le lendemain,
Priscus fait arrêter S. Valérien. On le trouve dans une cellule
décorée d'une croix. Reconnu à ce signe auguste, on le conduit au
président.
Il paraît devant
lui chargé de chaînes et les mains liées comme un criminel. Priscus
lui dit : « Est-ce toi, Valérien, qui t'exposes à la mort, en
prêchant le nom du Christ ? Ignores-tu le sort de ton ami Marcel
abusé par la même erreur ? Songe à te sauver en honorant les dieux
immortels. Reconnais ces divinités que les édits sacrés de
l'empereur ordonnent d'adorer. Nos pères les ont vues, nous vénérons
leurs saintes images, et leur postérité règne dans les deux. Adore
donc Jupiter tout-puissant, Junon, son épouse cl sa sœur, Vénus, sa
fille, Vulcain et Mars, frères et époux de Vénus. Si tu ne le fais,
tu seras puni avec plus de rigueur encore que ton compagnon
Marcel. »
S. Valérien
répondit : « Le cortège qui vous entoure m'annonce que vous êtes
président et juge de ces provinces. Mais l'erreur commune aux païens
vous obscurci l'intelligence. Pourquoi la superstition de
votre empereur détruit-elle les décrets de ceux qui l'ont précédé.
Quelles sont les divinités dont vous parlez ? Les lois ordonnent de
punir l'inceste, et vous adorez des dieux coupables de ce crime ! Ce
qui est condamnable dans l'homme, peut-il être honoré dans la
divinité ? Vous êtes en contradiction avec vous-même.
Vous me menacez
du supplice que mon frère Marcel a glorieusement enduré.
Ah ! Plutôt, avouez-vous vaincu par son courage. Confessez, adorez
le Dieu du ciel et de la terre, créateur et souverain maître de
tout ; ce Dieu qui a souffert innocent pour nous délivrer par sa
mort de la damnation éternelle, et qui par sa résurrection assure
pour toujours notre salut. Son règne n'a ni fin ni commencement ;
c'est lui qui
est le vrai Dieu ; on ne le trouve ni dans le métal ni dans la
pierre, mais dans le temple de la foi et dans le sein de l'éternelle
félicité. »
Le président lui
dit : « Quoi ! tu n'es pas effrayé de l'appareil des supplices ! Tu
me réponds par de vaines rêveries, comme pour faire le procès à ton
juge ! Tout-à-l'heure, quand tu succomberas dans les tourments, tu
reconnaîtras la puissance de nos dieux et la faiblesse du tien. »
Valérien répondit : « Les tortures dont, vous me menacez n'ont pas
ébranlé le courage de mes compagnons. »
Irrité de la
fermeté de notre saint confesseur, Priscus le fait attacher à un
poteau et déchirer avec les ongles de fer. Soutenu par une foi
inébranlable, ce généreux athlète bravait ce cruel supplice. Le
président, craignant qu'une constance si merveilleuse n'attirât à la
foi chrétienne quelques-uns des assistants, ou pressé lui-même de
partir ce jour-là, le fit délier et le condamna à avoir la tète
tranchée. S. Valérien fut aussitôt conduit au lieu du supplice, hors
de l'enceinte fortifiée qu'habitaient les Romains.
Il est marqué dans ses actes que, rendant grâces à Dieu pendant
qu'on le conduisait à la mort, et tenant les yeux élevés vers le
ciel, il aperçut Jésus-Christ s'offrant à lui avec une couronne.
Déjà certain de la récompense annoncée par cette vision, il marchait
si vile qu'il devançait môme les exécuteurs. A peine fut-il arrivé
au lieu du supplice, qu'il se mit à genoux et reçut dans celle
posture le coup qui l'associait à la gloire des martyrs.
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