Vers
le milieu du cinquième siècle saint Valentin, quoique
originaire d'une contrée plus éloignée, fraya à saint Séverin,
apôtre de la Norique, le chemin que celui-ci parcourut avec courage
et avec succès après la mort de notre Saint. Armé de la parole
divine, il quitta le rivage de la mer, venant, selon toute
apparence, des Pays-Bas, ou, d'après l'opinion générale,
d’Angleterre, pour apporter la lumière de l'évangile aux habitants
des bords de l'Inn et du Danube. Toutefois, n'oubliant pas les
paroles de l'Apôtre : « Comment les prédicateurs leur »
prêcheront-ils s'ils ne sont envoyés ? » Il se rendit auprès du
Vicaire de Jésus-Christ, afin qu'il pût, en entreprenant ce grand
œuvre, se guider entièrement d'après les ordres du grand Apôtre des
gentils. Saint Léon occupait alors le siège de S' Pierre, et cette
indication nous fait connaître l'époque où notre Saint arriva dans
la Norique. Léon présida à l'Église de 440-461 ; c'est donc dans
cette époque qu'il faut y placer la mission de saint Valentin, et
même dans les premières années du règne de ce saint Pape, ce qui
semble prouver l'âge de Lucille, disciple de S' Valentin. En effet
dans la vie de S'
Severin, écrite par Eugippe il est dit qu'en 480 ce Lucille était
déjà un homme décrépit. Or il est peu probable qu'il ne se soit
placé, qu'à un âge avancé sous la direction de S' Valentin.
En quittant Rome
notre Saint se rendit directement à Passau et se mit à prêcher la
doctrine de Jésus-Christ aux habitants de cet endroit. Mais ses
paroles ne furent pas écoutées, ce qui l'affligea si vivement qu'il
résolut de planter ailleurs l'étendard de la croix, et d'aller
chercher de nouvelles instructions auprès du Père commun de la
chrétienté. Léon surpris d'un si prompt retour répliqua au Saint qui
lui en avait exposé les motifs : « Annoncez la parole ; que vous
soyez bien ou mal reçu, persévérez; si vous parvenez à vous vaincre
vous-même, à demeurer et à adoucir la férocité de ce peuple long»
temps rétif, vous recueillerez les plus beaux fruits de vos peines.
Mais si une troisième tentative échouait, je vous permets, et vous
ordonne en vertu de mon pou« voir apostolique, d'aller chez d'autres
peuples annoncer la sainte foi. » Ayant dit ces paroles, il lui
imposa les mains, le sacra évêque et le renvoya fortifié par sa
bénédiction.
Bientôt Valentin
reparut à Passau ; sa voix s'éleva avec une nouvelle force pour
annoncer le salut; mais cette fois encore elle retentit dans le
désert. Les habitants de cette contrée composés d'ariens et de
païens s'élevèrent contre lui, l'insultèrent, le maltraitèrent et le
chassèrent du pays. Secouant la poussière de ses pieds, il se rendit
dans la Rhétie, annonça partout la parole de la rédemption, et
l'injustice qu'il avait éprouvée lui fut payée au centuple. Il
arriva enfin dans les montagnes du Tyrol et répandit la semence du
royaume de Dieu dans la vallée du Vintschgau où il trouva un sol
fertile au milieu des montagnes de roc. Il s'arrêta à Maïs, non loin
de Merau, et eut la consolation de voir croître autour de lui une
moisson abondante. Plusieurs fois même il s'avança vers l'Italie,
laissant partout où il pénétrait des traces de ses bienfaits,
convertissant et baptisant un grand nombre de personnes. Dieu
accompagna ses prédications de la puissance des miracles, ce qui
frappa d'étonnement beaucoup de païens et d'hérétiques, et les gagna
pour une religion qui accorde de si grands pouvoirs à ses ministres,
Valentin parlait avec une onction a laquelle il était impossible de
résister, et qui entraînait souvent l'âme la plus tiède vers la
conviction. Mais l'aménité et le charme de sa vie privée égalaient
le zèle et la persévérance avec laquelle il annonçait la sainte
doctrine, et l'exemple précédait toujours ses paroles. Afin de
conserver continuellement cette vie de l'âme qui ne se dessèche que
trop souvent sans la rosée divine , il consacrait à la prière et à
la contemplation une grande partie de la nuit, et tout ce qu'il
pouvait dérober à la journée, et se bâtit à cet effet une petite
cellule où, éloigné du tumulte, il put sans être troublé s'abîmer
dans ses pieuses méditations. Cette cellule qui se trouve dans le
château de Neubourg, se montre encore aujourd'hui aux étrangers sous
le nom de la chambre de St
Valentin.
Valentin fonda
aussi une communauté de prêtres, qui étaient soumis à une règle
commune et qui le secondaient dans ses travaux apostoliques. S'
Lucille, son disciple, le nomme en termes exprès son abbé, comme on
peut le lire dans la vie de S'
Séverin, par Eugippe. Après la mort de son maître Lucille s'associa
à S'
Séverin et l'aida fidèlement dans l'œuvre de la conversion. Après la
mort de cet apôtre on vit encore ce vieillard, chargé d'années, à la
tête d'un couvent près de Vienne.
Saint Valentin
mourut le 7 Janvier, comme le dit expressément Eugippe ; cependant
l'année de sa mort est incertaine; les uns disent 440, d'autres 442,
il y en a même qui disent 470 ; ce qu'il y a de certain c'est qu'en
474 il ne vivait plus. Ses disciples inhumèrent son corps dans
l'église qu'il avait fait bâtir a Mais et qui devint très-célèbre
dans toute la Rhétie. Lorsque Maïs tomba au pouvoir des Lombards les
ossements du Saint furent transférés à Trente, puis dans la suite à
Passau avec ceux de S'
Corbinien, évêque de Freising. Sa fête est célébrée le 7 Janvier
cependant le martyrologe romain le nomme sous le 20 Octobre.
SOURCE :
Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux
Saints… – Traduction : Jean-François Godes-card. |