Ursule
et ses compagnes martyres et saintes
V siècle

Pendant que les Saxons, encore païens, ravageaient l'Angleterre, un grand nombre d'anciens Bretons, qui habitaient cette île, s'enfuirent dans les Gaules, et s'établirent dans l'Armorique, qu'on a depuis appelée Bretagne. D'autres passèrent dans les Pays-Bas, et s'arrêtèrent au château de Brittenbourg, près de l'embouchure du Rhin ; c'est ce qui se prouve par d'anciens monuments, et par le témoignage des historiens belges cités par Ussérius.

Il paraît que nos saintes martyres quittèrent la Grande-Bretagne ou l'Angleterre vers le temps dont nous parlons, c'est-à-dire dans le cinquième siècle. Elles aimèrent mieux faire le sacrifice de leur vie que de perdre leur virginité, et elles furent mises à mort par l'armée des Huns, qui ravagèrent alors le pays où elles s'étaient réfugiées, et qui portèrent le fer et la flamme dans tous les lieux où ils passèrent. On convient que ces saintes étaient venues originairement de la Grande-Bretagne, et qu'Ursule était à leur tête pour les conduire et les encourager a. Quoiqu'on les désigne en général sous le nom de vierges, il n'est pas

Les anciens calendriers copiés par Usuard, nomment, sous le 20 d'octobre, sainte Saule et sainte Marthe compagnes, vierges et martyres à Cologne. Le P. Alexandre, et les rédacteurs du nouveau Bréviaire de Paris, pensent que S'e Saule est la même que sainte Ursule. Il faut attendre les mémoires que les Bollandistes ont promis sur ces saintes. Selon Baronius, on doit principalement s'en rapporter sur ce qui les concerne, à ce qu'on lit dans l'histoire manuscrite d'Angleterre, par Geoffroi de Montmouth, laquelle se garde dans la bibliothèque du Vatican. Ce dernier auteur rapporte qu'Ursule était Bile de Dionoc, roi ou prince de Cornouailles ; que son père l'envoya à Conan, prince breton qui avait suivi le parti du tyran Maxime, et que Maxime, qui avait commandé les troupes de l'empire dans la Bretagne sous Gratien, passa dans les Gaules en 382, après avoir pris la pourpre. Mais diverses circonstances que l'on trouve dans le récit de Geoffroi de Montmouth, montrent qu'il n'est pas plus digne de foi que le rédacteur des Actes prétendus des saintes martyres.

Il parait par les tombeaux des saintes qu'on a découverts à Cologne, qu'elles étaient en fort grand nombre. Wandelbert, moine en Ardenne, dans son Martyrologe en vers, qu'il compila en 850, les fait monter à mille ; mais il n'écrivait que d'après de faux Actes. Sigebert, qui florissait en 1111, compte onze mille vierges. C'est une méprise que quelques auteurs font venir de l'abréviation XI. M. V. qui ne voulait dire autre chose que onze martyres vierges. Du moins la chronique de S. Tron, Spicil. t. 7, p. 475, ne compte point un plus grand nombre de martyres. Le Martyrologe romain se contente de nommer sainte Ursule et ses compagnes, dont il est effectivement impossible de déterminer le nombre.

Geoffroi de Montmouth met le martyre de ces saintes sous le règne de Maxime, hors de vraisemblance que quelques-unes aient été engagées dans l'état du mariage. La chronique de Sigebert ' met leur martyre en 453. Elles souffrirent près du Bas-Rhin, et furent enterrées à Cologne. Suivant la coutume de ce temps-là, on .bâtit sur leur | tombeau une église, qui était fort célèbre en 643, lorsque S. Cunibert fut élu archevêque de cette ville. S. Annon, archevêque de Cologne dans le onzième siècle, avait une grande dévotion pour les saintes martyres, et il priait souvent les nuits entières devant leurs tombeaux, où il s'était opéré plusieurs miracles.

Ste Ursule, qui conduisit au ciel tant de saintes âmes qu'elle avait formées à la vertu, est regardée comme le modèle des personnes qui s'appliquent à donner une éducation chrétienne à la jeunesse. Elle est patronne de l'église de la maison de Sorbonne à Paris. Il s'est formé sous son invocation plusieurs établissements religieux pour l'éducation des jeunes filles ; tels sont les monastères des Ursulines, dont le nombre s'est si considérablement accru. Celles d'Italie furent établies en 1537 par la B. Angèle de Bresce. Sept ans après, Paul III approuva leur institut. En 1572, Grégoire XIII les érigea en ordre religieux sous la règle de S. Augustin, et les obligea à la clôture. S. Charles Borromée les protégeait singulièrement, et il ne contribua pas peu à étendre leur institut. Le premier établissement qu'elles eurent en France fut fondé à Paris en 1611, par Magdeleine L'Huillier, dame de Sainte-Beuve. Cinq ans auparavant, la mère Anne de Saintonge, de Dijon, les avait établies en Franche-Comté : mais avec cette différence, qu'elles n'étaient point obligées à une exacte clôture.

Rien de plus intéressant pour l'État et pour la religion que l'éducation de la jeunesse. Rien ne mérite plus d'être soutenu et encouragé que les établissements qui se proposent une fin si noble et si importante. Comment se fait-il que l'éducation de la jeunesse soit la chose la plus négligée? Les parents commencent le mal, et on le continue en se servant de méthodes vicieuses, jusque dans les maisons d'ailleurs respectables. On ne peut bien élever la jeunesse, à moins qu'on ne joigne un grand fonds de vertu à plusieurs qualités qui supposent une attention suivie et beaucoup d'expérience ". Or, ces qualités, les trouve-t-on communément dans les parents, les maîtres ou maîtresses ? Le comble du malheur, c'est qu'il n'y a personne qui ne se croie capable d'exercer une fonction aussi essentielle. Qu'arrive-t-il de là ? La jeunesse étant confiée à des mains imprudentes, à des maîtres, ou à des maîtresses qui ignorent l'étendue de leurs devoirs, qui ne connaissent point la nature humaine, qui n'observent point le développement successif de la raison, l'État et la religion perdent des sujets que la Providence avait destinés à servir utilement la société, et à mettre la vertu en honneur par leurs exemples.

SOURCE : Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction : Jean-François Godescard.

 

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