Théodore de Cantorbery
Archevêque, Saint
† 690

Après la mort de S. Deusdedit, archevêque de Cantorbéry, Oswi, roi de Northumberland, et Egbert, roi de Kent, lui destinèrent pour successeur un savant et vertueux prêtre, nommé Wighard. Ils l'envoyèrent à Rome pour y être sacré par le Pape. Mais Wighard et ceux qui l'accompagnaient moururent de la peste en Italie. Vitalien, qui occupait alors la chaire de S. Pierre, désigna pour le siège de Cantorbéry, Adrien, abbé de Niridan près Naples. Les rois Oswi et Egbert l'avaient prié de leur envoyer un métropolitain qui eût une grande connaissance des cérémonies et de la discipline de l'Eglise, afin de pouvoir en instruire le clergé d'Angleterre. Adrien, Africain de naissance, savait parfaitement les langues grecque et latine, et était d'ailleurs fort versé dans toutes les sciences ecclésiastiques. Mais il avait une telle frayeur d« l'épiscopat, que le souverain Pontife, touché de ses prières et de ses larmes, lui laissa la liberté de ne pas l'accepter. Ce fut pourtant à condition qu'Adrien indiquerait une personne digne de lu place qu'il refusait, qu'il l'accompagnerait en Angleterre, qu'il l'aiderait de ses conseils, et qu'il travaillerait conjointement avec lui à la propagation du règne de Jésus-Christ. Son choix tomba sur André, moine d'un mérite distingué, que l'on n'admit cependant point, à cause de ses infirmités, qui ne lui auraient pas permis de supporter les fatigues inséparables dans l'épiscopat.

Il y avait à Rome un moine grec, nommé Théodore, connu pour la sainteté de sa vie. Il était de Tarse en Cilicie, avait étudié à Athènes, et portait le manteau de philosophe. Il était âgé de soixante-six ans, et joignait une parfaite intelligence des langues grecque et latine à une connaissance peu commune des sciences humaines et divines. Adrien le proposa au pape, avec promesse de l'accompagner. Théodore ayant été ordonné sous-diacre laissa croître pendant quatre mois ses cheveux, qu'il avait fait raser jusque-là, selon la coutume des moines grecs, afin qu'on pût lui faire une couronne sur la tête. Enfin, le Pape le sacra le 26 mars 1668, II le recommanda à S. Benoît Biscop, qui se trouvait à Rome, et il exigea de ce saint qu’il retournât en Angleterre avec Théodore et Adrien, pour leur servir de guide et d'interprète.

Ils s'embarquèrent tous trois le 27 mai de la même année, et abordèrent à Marseille. De là ils se rendirent à Arles, où ils restèrent jusqu'à ce qu'Ebroïn, maire du palais, leur eût accordé la permission de continuer leur voyage. Théodore resta l'hiver à Paris avec Agilbert, qui avait passé sur le siège de cette ville de celui de Winchester en Angleterre. Il apprit pendant ce temps la langue anglaise, et se procura toutes les connaissances dont il avait besoin pour bien gouverner l'église dont il allait être le pasteur. Egbert, roi de Kent, ayant appris qu'il était à Paris, envoya au-devant de lui un des principaux seigneurs de sa cour, qui l'attendait au port de Quentavic en Ponthieu, aujourd'hui Saint-Josse-sur-mer. Théodore, y étant tombé malade, fut obligé d'y rester quelque temps. Dès que sa santé fut rétablie, il s'embarqua avec S. Benoît Biscop, et prit possession de son siège un dimanche 27 mai 669. Ebroïn n'avait point permis à Adrien de passer en Angleterre parce qu'il le soupçonnait envoyé par l'empereur, pour tramer quelque projet contraire à la France. Mais ses soupçons étant enfin dissipés, il consentit qu'il allât rejoindre Théodore, par lequel il fut établi abbé de Saint-Pierre de Cantorbéry.

Le nouvel archevêque commença par faire la visite de toutes les églises de la nation anglaise. Il voulut que l'abbé Adrien l'accompagnât. On le reçut avec respect, et on écoutait ses instructions avec docilité. Il rétablit partout la pureté de la morale, et confirma la discipline de l'Église catholique, par rapport au jour de la célébration de la Pâque. Il introduisit le chant grégorien, qui n'était guère connu que dans le royaume de Kent. Après avoir réglé tout ce qui concernait le service divin, il corrigea les abus qui s'étaient glissés, et ordonna des évêques pour tous les lieux où il crut qu'il était du bien de l'Église d'en établir. Il confirma S. Wilfrid sur le siège d'York, déclarant que l'ordination de Céadda était irrégulière : premièrement parce qu'on devait le regarder comme un intrus ; secondement, parce que ceux qui l'avaient sacré n'en avaient point le droit. Céadda reconnut qu'il était indigne de l'épiscopat, et représenta qu'il avait été sacré contre sa volonté. Il se retira donc avec joie dans son monastère de Lesteinguen. Mais Théodore le donna bientôt après pour successeur à Jaruman, évêque des Merciens ou de Lichtfield. Notre saint fut, après S. Augustin, le premier archevêque de Cantorbéry qui exerça la primatie sur toute l'Église britannique.

Ayant fondé une école à Cantorbéry, il expliqua l'Écriture avec Adrien. Il y enseigna aussi les différentes sciences, et surtout l'astronomie et l'arithmétique, qui servaient à calculer les temps pour fixer le jour de la célébration de la Pâque. Les langues grecque et latine commencèrent à être cultivées; et il se forma dans la nouvelle école un grand nombre d'hommes célèbres. La Bretagne devint plus florissante qu'elle n'avait jamais été, depuis que les Anglais s'y étaient établis. Les rois de cette île étaient si braves, au rapport de Bède, que toutes les nations barbares redoutaient leur puissance; mais ils étaient en même temps si bons Chrétiens, qu'ils ne soupiraient qu'après le bonheur du royaume céleste qui leur avait été prêché. Tous les esprits ne semblaient occupés que des biens de la vie future. S. Théodore fonda encore des écoles en divers lieux de l'Angleterre. On ne sait ce qu'on doit admirer le plus, ou le zèle infatigable des pasteurs, ou l'humble docilité avec laquelle le peuple se portait à apprendre et à pratiquer ce qu'on lui enseignait.

S. Théodore tint en 673 un concile national à Héorutfort et Bisi, évêque des Est-Angles, y occupa la seconde place. On y fil plusieurs canons de discipline, dont un portait qu'aucun homme ne quitterait sa femme que dans le cas d’adultère, et que même dans ce cas un véritable Chrétien ne devait point épouser une autre femme. Il y fut arrêté qu'on tiendrait tous les ans un concile à Cloveshoe, le premier jour d'août. Théodore cita un livre de canons, relativement à divers points de discipline, et surtout à la célébration de la Pâque. Smith a pris ce livre pour le concile de Chalcédoine, et d'autres pour le Pénitentiel du saint archevêque. Mais on ne trouve ni dans l'un ni dans l'autre de décisions semblables à celles dont il s'agit. Il est donc plus probable que Théodore s'appuyait sur l'autorité d'un recueil de canons de l'Eglise romaine.

L'hérésie des Eutychiens et celle des Monothélites ayant fait de grands ravages en Orient, le saint archevêque tint 'un autre concile à Hetfied en 680. On y exposa la doctrine de l'Eglise sur le mystère de l'Incarnation, on y reçut les cinq premiers conciles généraux, et on y condamna les hérésies dont nous venons de parler. En 684 le saint archevêque assembla un troisième concile à Twiford, dans le pays des Ottadini.

Six ans auparavant, Théodore avait partagé le siège d'Yorck en trois évêchés, sur la demande qui lui en avait été l'aile par le roi Egfrid ; et en cela il n'avait eu aucun égard aux oppositions de S. Wilfrid. Ce fut pour ne s'être pas prêté à cet arrangement que le saint archevêque d'York se vit chassé de son siège. Il se retira dans la Frise, où il prêcha l'Evangile, à peu près un an avant l'arrivée de saint Willibrord dans cette contrée. Théodore sacra S. Erconwald évêque de Londres.

Sur ces entrefaites, la paix dont jouissait la Bretagne fut troublée. La guerre s'alluma entre Egfrid, roi des Northumbres, et Ethelred, roi des Merciens. Ces deux princes en vinrent aux mains auprès de la Trent, et Elfwin, frère d'Egfrid, perdit la vie sur le champ de bataille. A cette nouvelle, Théodore, comptant sur le secours du ciel, entreprit de rétablir la paix entre les deux nations, et il y réussit. Il fut seulement arrêté qu'on paierait l'amende ordinaire à Egfrid, en dédommagement de la perte du prince son frère.

Mais rien n'a rendu le nom de S. Théodore plus célèbre que son Pénitentiel. C'est un recueil de canons qui règle le temps que devait durer la pénitence publique, relativement à l’espèce et à l'énormité des péchés. On voit par ce Pénitentiel, que quand un moine mourait, on célébrait la messe pour lui le jour de sa sépulture, le troisième jour après, et aussi souvent que l'abbé le jugeait convenable. On voit aussi, par le même ouvrage, qu'on offrait le sacrifice pour les laïques, et qu'on l'accompagnait de jeûnes.

Théodore témoigna, quelques aimés avant sa mort, un grand désir de se réconcilier avec S. Wilfrid. Il pria ce saint de venir le trouver à Londres, lui demanda pardon de s'être déclaré contre lui, quoiqu'il n'eût commis aucune faute qui méritât le démembrement de son siège, tâcha par toutes sortes de moyens de regagner son amitié, lui rendit en entier le siège d'York. Il écrivit en même temps des lettres très fortes à ce sujet à Alfrid, roi de Northumberland, frère et successeur d'Egfrid ; à Ethelred, roi des Merciens ; à Elflède, abbesse de Streneshal ; à toutes les personnes enfin qu'il savait opposées à S. Wilfrid ; et il eut la consolation de voir ses efforts suivis d'un heureux succès. Il mourut en 690, dans la quatre-vingt-huitième année de son âge, à la vingt- deuxième de son épiscopat. On l'en terra dans l'église du monastère de Saint-Pierre, qui prit depuis le nom de Saint-Augustin. On l'honore le 19 de septembre, qui fut le jour de sa mort.

 

 

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