La récompense est
au bout du combat
La première lecture est une
admirable action de grâces pour la Sagesse qu'a reçue Salomon - le présumé
auteur du Livre de la Sagesse.
On s'en souvient, ce jeune roi
avait demandé à Dieu de recevoir la Sagesse, plutôt que la richesse, et Dieu
l'avait exaucé en lui accordant et l'une et l'autre (2 Ch 1:7-12). Comblé, le
roi remercie Dieu pour ce don inestimable, qu'il a trouvé tout d'abord, dit-il,
après avoir prié, après avoir supplié.
La Sagesse divine peut à juste
titre être identifiée à la personne divine du Fils de Dieu. La demander et la
recevoir ne peut arriver qu'en Lui accordant une place de choix dans notre cœur
et dans notre personne. On le lit plus loin : Je l'ai préférée aux trônes...
l'or du monde auprès d'elle n'est que du sable... je l'ai aimée plus que la
santé...
On est parfois tellement préoccupé
par la santé, qui est un bien si précieux. Mais Dieu parfois nous éprouve dans
cette santé ; il faut accepter l’épreuve «avec sagesse».
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Le psaume 89 se fait l'écho de
cette bienheureuse sagesse. C’est un psaume qui exprime aux yeux de Dieu la
fragilité de l’homme : Mille ans sont à tes yeux comme un jour… tu les
emporte, (comme) un songe au matin.
Le psalmiste met la Sagesse au
premier plan de sa prière : même s'il implore Dieu pour ses serviteurs éprouvés,
il exprime à Dieu son humble volonté de connaître l'œuvre divine avant tout.
Ce sera aussi la prière de Jésus au
Jardin des Oliviers : Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux (Mc
14:36).
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Ce dimanche voit la continuation
des textes de dimanche dernier, tant dans l'épître aux Hébreux que dans le
chapitre 10 de saint Marc.
Recevoir la Sagesse de Dieu, c'est
recevoir sa Parole, le Verbe éternel : le Christ.
Dans l'Écriture, les mots Sagesse,
Parole, Verbe, peuvent toujours être assimilées au Fils de Dieu incarné, à
Jésus-Christ notre Sauveur.
Le bref passage d’aujourd’hui parle
de cette Parole qui pénètre au plus profond de l'âme. Nous le sentons
bien nous-mêmes : quand la Parole de Dieu nous est proclamée durant la Liturgie,
quelque chose (ou Quelqu’un) nous invite à accueillir cette divine Parole, comme
des enfants (cf. l'évangile de dimanche dernier).
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Aujourd'hui, ce même dixième
chapitre de Marc se poursuit avec un épisode bien connu, celui du jeune homme
riche.
On dirait de prime abord que Jésus
lui reproche de l'appeler Bon ; pourtant, par sa divinité, Jésus mérite
ce titre plus que tout autre. Il insiste même : Seul Dieu est bon.
On peut supposer que Jésus a
voulu «pénétrer au fond des mœlles» de ce jeune homme, et lui rappeler justement
que son attitude n'était pas celle d'un enfant disponible à recevoir la Parole
de Dieu. Son attitude de se mettre à genoux et d'interpeller Jésus sur la
vie éternelle est un peu trop formelle, trop conventionnelle, alors que dans son
cœur le jeune homme n'est pas disposé à la conversion totale. C’est ce que les
versets suivants vont nous confirmer.
Jésus ne parle pas du «premier»
commandement : Adorer Dieu et L'aimer plus que tout, dont il sera en revanche
question un peu plus loin, au douxième chapitre. Ici, Jésus semble se «limiter»
aux commandements plus humains qui en découlent et qui apparaissent parfois plus
«faciles» : ne pas tuer ni commettre l'adultère, ne pas voler, ni mentir,
honorer les parents. Ce sont les Commandements de Dieu, que Jésus reprend dans
l'ordre à peu près inverse de leur succession habituelle.
Ce qui surprend, c’est l'assurance
du jeune homme : Tout cela, je l'ai observé depuis l'enfance ; comme s'il
n’avait jamais connu aucun manquement :
– Certes, il n’a pas tué, mais
n’a-t-il jamais eu une parole dure envers un proche, ou souhaité la «punition»
d’un pécheur, la malédiction ?
– Certes, il n’a pas commis
l’adultère, mais n’a-t-il jamais nourri quelque pensée malsaine ?
– Certes, il n’a pas enfoncé une
porte pour voler, mais n’a-t-il jamais convoité quelque bien, ni détérioré un
bien autrui ?
– Certes, il n’a pas menti
effrontément, mais n’a-t-il pas eu des réticences ou des silences fautifs ?
– Certes, il n’a pas insulté en
face ses parents, mais a-t-il vraiment tout fait pour les honorer, les aider,
les entourer d’affection ?
Ceci pourrait être un petit examen
de conscience pour chacun. Mais écoutons maintenant Jésus.
Jésus va lui parler au plus
profond des mœlles». Il le regarde profondément : recevons nous aussi ce
regard.
Et, dit l'évangéliste, il se mit
à l’aimer. Seulement alors ? Certainement pas, mais maintenant, l'amour de
Jésus souffre davantage pour la conversion de ce jeune : Jésus prie
intérieurement pour que Ses propres mérites touchent ce garçon trop sûr de lui
et là, la Vérité parle tout entière : Vends ce que tu as, donne-le aux
pauvres. Jésus ne dit pas de placer l'argent, de le prêter, mais de le
donner. Ce jeune homme avait certainement de quoi vivre facilement, mais il
était attaché à ces biens, bien plus qu'à la Sagesse de Dieu. Et il s'en va tout
attristé, disons plutôt : tout confus de sa première audace. L'Évangéliste ne
dit pas ce qu'il fit ensuite : on ne peut que souhaiter qu'il réfléchit, qu'il
se reprit, et qu'il se convertit vraiment.
Et moi, qu’est-ce que je fais,
quand je me rends compte que je suis attaché à quelque chose ?
Vient ensuite l'enseignement sur le
détachement. Remarquons-le bien : Jésus ne nous interdit pas de posséder, il
nous reproche d'être attachés aux richesses, de ne pas en disposer pour faire du
bien. De plus, il ne parle pas que des biens matériels ; plus bas il dit qu'il
faut quitter : frères, sœurs, mère, père, enfants. Tous ces trésors sont des
«richesses» quand nous y sommes attachés plus qu'il ne faut au détriment du
Royaume de Dieu.
En même temps Jésus explique ici en
quoi consiste l'appel de Dieu à la consécration, sacerdotale ou religieuse. Se
consacrer à Dieu ne consiste pas à oublier les siens, à claquer la porte de la
maison de famille.
Il n'est pas toujours facile de
quitter les siens ; parfois ce sont eux à empêcher leur fils ou leur fille de se
consacrer. La vie des Saints contient une foule d'exemples de ce genre de
conflits. Dans tous les cas, on voit que l'amour de Dieu n'est pas total, ni
inconditionnel, parce que l'on est attaché aux «richesses». Jésus a cette
comparaison amusante qu' il est plus facile à un chameau de passer par le
trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu :
expliquons que ce chameau peut être compris au sens de «la corde faite
avec du poil de chameau», ce qui représente tout de même une certaine difficulté
pour passer par le trou de l'aiguille !
L'appel de Dieu passe donc par
cette exigence. Jésus nous le rappelle : si cela nous semble trop difficile
humainement parlant, tout devient possible avec la grâce de Dieu : Comme l'avait
déjà dit l'Ange à Marie : Rien n'est impossible à Dieu (Lc 1:37). On peut
aisément concevoir que les Apôtres reçurent une grâce spéciale pour suivre
Jésus, laissant derrière eux les filets, la banque, les terres familiales. Voici
Pierre, avec sa naïveté tout enfantine, qui reprend la parole : Eh bien, nous, nous
avons tout quitté pour Te suivre ! Alors ?
Ici, Jésus ne le rabroue pas, mais
il va laisser entrevoir à Pierre, à tous les Apôtres, et à nous tous, ce qui
nous attend : cent fois plus de maisons, de frères, de sœurs, de mères,
d'enfants, de terres ! Comment est-ce possible ? Simplement les serviteurs de
Dieu seront partout comme chez eux, ils seront heureux d'habiter d'autres
terres, de côtoyer d'autres peuples, leur amour immense de tous les hommes fera
que tous seront pour eux d'autres frères, d'autres sœurs, d'autres mères,
d'autres enfants. En effet, le prêtre, les religieuses, tous ceux qui donnent
leur vie pour Dieu, sont heureux de partager les conditions de vie de tous les
hommes ; leur famille est désormais le genre humain dans son intégralité. Les
missionnaires sont allés dans les régions les plus reculées, les plus difficiles
d'accès, jusqu'au pôle Nord : partout ils se sont fait des amis, partout la
parole de Dieu a été annoncée, reçue, accueillie et aujourd'hui c'est en Afrique
qu'il y a le plus de vocations sacerdotales et religieuses.
Mais Jésus ajoute aussi une
expression qu'il ne faut pas oublier : avec des persécutions, car en même
temps que la parole de Dieu a été annoncée, elle a aussi été combattue, les
chrétiens et les missionnaires ont aussi reçu la palme du martyre. Encore
aujourd'hui, les communautés chrétiennes sont persécutées, dans les pays du
Moyen-Orient ou de l'Extrême-Orient : le vingtième siècle (et le
vingt-et-unième) ont connu plus de martyrs que tous les siècles précédents.
C'est que le Mal s'acharne contre Dieu, contre la Sagesse incarnée, contre
l'Église, contre ses Ministres et contre la Foi.
Nous le savons : ce combat sera
bref, et Dieu sera toujours vainqueur. Peu importe si cette vie sur terre est
difficile et si nous devons y perdre la vie, nos biens, nos proches, nos amis :
la récompense est au bout du combat, la Vie éternelle !
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Comme toujours, achevons cette
petite méditation en relisant avec conviction la Prière du jour : Que ta
grâce nous devance et nous accompagne, pour nous rendre attentifs à faire le
bien sans relâche, sans nous laisser arrêter par les difficultés quelles
qu'elles soient.
L'autre Prière, sur les Offrandes,
est encore plus explicite : Que cette liturgie nous fasse passer à la gloire
du ciel.
Amen !
Abbé Charles Marie de Roussy |