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Quand c’est Dieu qui nous convie,
on n’a plus le temps...
La lecture de l’évangile de Matthieu se poursuit aujourd’hui avec cette parabole
du festin de noces. La lecture d’Isaïe nous y prépare et s. Paul ajoute une note
un peu plus personnelle.
De quelles noces s’agit-il ? Certainement des noces de l’Agneau Divin avec son
Eglise, son Epouse virginale, auxquelles sont conviés beaucoup d’invités. Parmi
ceux-là, certains ont leurs soucis, leurs préférences, leurs goûts, ou
prétendent, comme on dit, avoir “d’autres chats à fouetter”. Il semble que notre
époque soit caractérisée par ce malheureux refrain qu’on entend partout : je
n’ai pas le temps !
Voyons : on a le temps de surfer sur Internet, de faire des jeux devant la
console, d’aller “s’éclater” en discothèque, d’aller au club de ‘muscu’ ou de
danse, de se déplacer aux antipodes pour assister à un match, d’aller hurler des
slogans sur la place publique… Et bien d’autres choses encore !
Mais voilà, quand c’est Dieu qui nous convie, on n’a plus le temps, et l’on va
“qui vers son champ, qui vers son commerce”, dit Jésus. Avec les hommes, on a du
temps ; pas avec Dieu. Alors, il n’est pas étonnant que, dans la parabole, le
maître “se mette en colère”. Mais là où la parabole est étonnante, c’est que,
dit Jésus, le maître fait venir tous ceux qu’on pourra trouver aux croisées des
chemins. Imaginez qu’on aille vous prendre à un feu rouge, là, comme vous êtes,
et lorsque vous entrez dans la salle du festin, le maître vous reproche : Mais
tu n’as pas ta tenue de noce !
C’est qu’une parabole est une parabole : elle n’est pas un récit historique pur
et simple et comporte des éléments symboliques, mystérieux ; l’évangéliste
Matthieu rappelle ce verset du psaume 78, pour montrer qu’il se réalise en
Christ : “Ma bouche prononcera des paraboles, elle clamera des choses cachées
depuis la fondation du monde” (Mt 13:35). Ainsi donc, le maître de maison qui
examine ses invités, ne regarde pas à l’habit visible, mais à l’habit invisible,
aux dispositions intérieures, et tandis que les convives nourrissent des
sentiments de reconnaissance et de joie pour cette invitation imprévue, il en
est un qui rumine en lui, qui critique les dépenses excessives ou qui n’apprécie
pas les mets qu’on lui présente…
Cet invité sans reconnaissance n’a pas droit à la fête ; il ne prendra pas part
au festin. Ce n’est pas manque de bonté de la part du maître, c’est un choix
délibéré de la part du convive qui s’exclut de la joie unanime. De la même
manière, personne n’aura sa place dans la Vie éternelle contre son gré. On ne
peut pas répondre “présent” à l’appel, et en même temps regretter d’être
présent.
Dans le même sens que l’évangile va la prophétie d’Isaïe, sur le festin que Dieu
prépare sur la Montagne — la Jérusalem céleste, pour tous les peuples, et où
Dieu fera disparaître tout signe de mort, toute larme.
Le psaume du Bon Berger, eucharistique par excellence, évoque aussi ce Repas
sacré, l’Eucharistie à laquelle nous sommes conviés ici-bas, et le Festin
nuptial éternel auquel notre espérance nous conduira : “J’habiterai la maison du
Seigneur pour la durée de mes jours”. Toute ma vie, certainement, et volontiers,
mais aussi pendant le “Jour du Seigneur”, ce Jour éternel, que sera le Règne
définitif du Christ dans la Gloire avec tous les Elus.
Saint Paul parle aujourd’hui d’un autre “repas” : il explique aux “Philippiens”
que nous sommes, qu’il a appris à être toujours heureux, qu’il ait ou qu’il
n’ait pas à manger ; oui, il préfère manger à sa faim, comme tout homme, mais il
reste dans l’action de grâce même s’il est dans la gêne. Se plaindre, maugréer,
critiquer, s’agiter pour ce qui ne va pas, jamais !
On le voit, peu à peu, nous arrivons vers la fin de l’année, de l’année
liturgique en particulier, où l’Eglise oriente notre pensée vers l’éternité.
Dans cette éternité, nous serons vraiment un seul Corps dans le Christ, nous qui
serons — espérons-le ! — participants de cet éternel Banquet. La Prière après la
Communion nous le fait dire expressément : “Rends-nous participants de la nature
divine, puisque tu nous as fait communier au Corps et au Sang du Christ”.
Abbé Charles Marie de Roussy |