“Nous sommes
des serviteurs quelconques...”
Notre lecture
de l'évangile selon saint Luc continue et nous sommes
aujourd'hui au chapitre XVII. Une petite leçon sur la foi,
et une autre sur l'humilité.
Les Saints ont
eu cette foi, cette confiance absolue en la puissance de
Dieu, avec une soumission totale à Sa volonté divine. Deux
exemples entre mille :
Sainte
Scholastique avait reçu son frère saint Benoît un soir ;
l'heure passait et Benoît voulait regagner son monastère ;
mais Scholastique, sentant sa dernière heure approcher, le
prie de rester encore un peu ; lui de protester ; sans rien
dire, elle se recueille quelques instants, et voici des
cataractes d'eau qui empêchent Benoît de s'en aller.
“Puisque tu n'as pas voulu, lui explique-t-elle, je me suis
adressée à Dieu, et il m'a exaucée.” Son pressentiment
s'avéra : c'est effectivement le lendemain qu'elle mourut.
Et cet autre
miracle, bien moins connu, d'un malade gravement atteint
qui, avant d'aller à Lourdes, annonçait à tous ses amis
qu'il reviendrait guéri. Lors de la procession du
Saint-Sacrement, il ne compte que les secondes qui le
séparent de la guérison... mais le Saint-Sacrement passe
sans le guérir. Alors, plein de foi, il s'adresse à Jésus
présent dans l'Hostie : “Tu n'as pas voulu me guérir ? Je
vais le dire à ta Mère !” Le prélat qui porte le
Saint-Sacrement l'entend, s'arrête une seconde (on imagine
sa stupeur !), se retourne et bénit le malade. Qui guérit
aussitôt.
Très souvent le
prêtre s'entend répondre que la prière ne sert pas à
grand-chose, que “là-haut” on ne nous écoute guère, qu’“Il”
ne se préoccupe pas beaucoup de la misère des hommes. Ce qui
est très étonnant dans ces attitudes, c'est que souvent les
mêmes personnes qui prétendent que Dieu n'existe pas,
bientôt s'en plaignent comme “le” responsable de nos maux...
Un Dieu qui n'est là que pour endosser la responsabilité du
mal, en quelque sorte ; c'est un peu grossier.
Il semble,
après une lecture rapide, qu'on puisse déjà trouver cette
sorte de plainte dans l'oracle du prophète Habacuc (il
serait plus authentique de dire Ambakoum, un personnage aux
alentours de 600 avant Jésus-Christ). Dans le texte, cette
“plainte” continue pendant tout le premier chapitre, et au
second vient la réponse de Dieu : Il va agir, bientôt.
“Le juste vivra par sa fidélité, mais (ajoute le verset
suivant) l'homme arrogant et contempteur, le vantard, ne
mènera rien à terme”.
L'ami de
Jésus-Christ n'est pas arrogant et ne fait pas de sommations
à Dieu. Il lit l'Evangile et le médite, et cherche à changer
dans sa vie ce qui n'est pas encore tout-à-fait conforme à
l'enseignement de Jésus. Par exemple, sur la confiance dans
la prière :
“En vérité,
oui, je vous le dis : si vous demandez quelque chose au Père
en mon nom, il vous le donnera. Jusqu'à présent vous n'avez
rien demandé en mon nom, demandez et vous recevrez, pour que
votre joie soit pleine” (Jn 16:23-24).
Plus exigeant :
“Quand vous
vous mettrez à prier, pardonnez si vous avez quelque chose
contre quelqu'un, pour que votre Père qui est dans les cieux
vous pardonne vos péchés” (Ma 11:25).
“Quelqu'un
te donne-t-il une gifle sur la joue droite, tends-lui encore
l'autre... Te requiert-il pour une course d'un mille,
fais-en deux mille avec lui” (Mt 5:39.41).
Très exigeant :
“Aimez vos
ennemis, priez pour vos persécuteurs” (Mt 5:44).
“Bénissez
ceux qui vous maudissent... Faites du bien et prêtez sans
rien attendre en retour” (Lc 6:28.35).
Ce n'est pas
parce que ces textes sont difficiles à mettre en pratique,
qu'il faut les oublier et remettre à demain notre plus
grande conversion à Dieu. L'apôtre Paul qui est en prison et
écrit à son cher Timothée, s'efforce à chaque minute de
“raviver le don de Dieu”, car ce don est un esprit de
force et d'amour, non de peur. Ailleurs : “Dieu ne
permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces”
(1Co 10:13) ; et encore : “Le Seigneur sait délivrer de
l'épreuve les hommes pieux” (2Pt 2:9).
C'est cette
même foi en Dieu, cette totale soumission, qui renforcera en
nous la belle vertu de l'humilité, celle dont parle Jésus
dans l'Évangile : “Nous sommes des serviteurs
quelconques, nous n'avons fait que notre devoir”. Si le
serviteur accepte de servir d'abord son maître parce que la
hiérarchie l'y oblige, à plus forte raison devrons-nous
servir Dieu en premier lieu et nous effacer après le
service.
Jésus a porté
cette humilité à son degré absolu : vraiment, il s'est fait
“un serviteur quelconque” (et même moins que cela :
un scélérat), considérant qu'il ne faisait “que son
devoir”, en donnant sa vie pour chacun de nous, pour
toi, pour moi.
Abbé Charles
Marie de Roussy |