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Le Mariage en Dieu
est une école sublime de sainteté
La première lecture et
l‘évangile d’aujourd’hui nous invitent à considérer une perfection particulière
de la vie chrétienne, celle du saint mariage selon la volonté de Dieu.
Le livre de
la Genèse, le premier des Livres inspirés de la Parole de Dieu, ne doit pas être
considéré comme un recueil de belles histoires un peu légendaires. L’apparition
de la Vie n’est pas un événement banal et le texte sacré peut être le point de
départ de beaucoup de réflexions.
La première
phrase que nous lisons reprend une expression du premier chapitre de la Genèse (Au
commencement, cf.
Gn 1,1),et une autre du deuxième chapitre
(Dieu fit la terre et le ciel, cf. Gn
2,4b), pour introduire le récit d’aujourd’hui.
Signalons
que, d’après le texte grec, Dieu ne dit pas «Je vais lui faire une aide…», mais
Faisons-lui une aide…, de la même façon qu’il avait dit plus haut :
Faisons un homme selon notre image (Gn
1:26), une similitude de formule qui met l’importance de la femme à égalité avec
celle de l’homme.
Ce pluriel
a aussi suscité des commentaires variés. Les auteurs chrétiens y ont vu une
présence du Fils de Dieu ou même de la Sainte Trinité ; on a aussi supposé que
Dieu délibérait avec les Anges…
La création
de la femme à partir du côté de l’homme a été commentée comme une anticipation
du coup de lance reçu par le Christ sur la Croix (cf. Jn 19:34) : l’eau et le
sang qui en jaillirent étaient l’expression des sacrements du baptême et de
l’eucharistie dont allait vivre l’Eglise naissante, l’Epouse du Christ.
Ces versets
de la Genèse ont été repris en Si 36:24, en Mt 19:5 et Mc 10:7-8 — l’évangile du
jour —, en 1Co 11:7-12), pour souligner tour à tour le soutien qu’apporte la
femme à l’homme et le lien sacré du mariage. On va donc y revenir plus bas.
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Quelle joie
ont les époux, unis, d’être assis devant une grande table avec leurs enfants
tout autour. Ce joli psaume 127 chante la bénédiction que Dieu envoie à ses
serviteurs fidèles.
Yahvé
envoie sa bénédiction de
Sion, parce
que c’est la montagne du Temple de Jérusalem, figure de l’Église qu’allait
fonder le Christ. Durant leur pèlerinage vers la Montagne sainte, les Juifs
expriment leur espérance en regardant le Temple, la Maison de Dieu, dont ils
s’approchent.
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Avant
d'entrer dans le thème le plus important de ce dimanche, lisons un peu lentement
cette belle épître aux Hébreux, tout empreinte d'un profond caractère
sacerdotal. Nous souvenant encore du 150e anniversaire
de la mort du saint Curé d'Ars, Jean-Marie Vianney, il ne sera pas inutile de
nous arrêter sur cette épître.
L'idée
centrale de l'épître est l'exaltation du sacerdoce de Jésus-Christ. L'auteur –
peu importe qu'il soit saint Paul ou un de ses disciples – y invite les Juifs
récemment convertis à adhérer pleinement au message sacerdotal de Jésus, unique
et vrai Prêtre de la nouvelle Alliance, sans regretter le sacerdoce de l’Ancien
Testament, qui n’était qu’une figure de celui du Nouveau Testament.
Jésus est
prêtre selon
l'ordre de Melchisédech, il ne connaît pas de génération humaine, il vient directement de Dieu qui
l'a engendré avant
même l'aurore (Ps 109).
Dans le
court extrait d'aujourd'hui, il est dit que Jésus et les hommes sont
de la même race.
L'expression est forte et mystérieuse, mais vraie : Adam, le premier homme créé,
était fils de Dieu, image et ressemblance de Dieu, homme parfait, comme l'est
Jésus, Fils de Dieu par nature, et homme parfait. Par l'incarnation, le Verbe
divin est devenu aussi parfaitement homme. La nature divine a en quelque sorte
épousé la nature humaine. Ainsi s’explique l’expression abaissé
un peu en-dessous des anges.
De notre
côté, en recevant la vie de Dieu par le baptême, nous sommes greffés sur la
nature de l'Homme Jésus-Christ, et nous participons de sa divinité.
Jésus, en
s'incarnant au milieu de nous, a accepté de vivre au milieu de l'imperfection
des hommes. Ce fut pour lui une grande humiliation, une profonde épreuve, de
«masquer» sa gloire pour vivre, manger, respirer parmi les pécheurs, les
homicides, les prostituées, les mécréants. Voulant conduire tout ce monde vers
la Perfection divine, il nous a tous aimés passionnément. Il nous a donné tout
ce qu'il avait, jusqu'à sa propre vie, en mourant sur la croix. Il a voulu être
– et il demeure notre Frère. Avec quelle action de grâce nous devons, nous aussi
comme nos ancêtres les Hébreux, remercier Dieu pour ce divin Frère qui est avec
nous tous les jours, jusqu'à la fin du siècle (Mt 28:20, principalement dans l’Eucharistie.
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Il pourra sembler étrange que
cette épître sur le Sacerdoce soit lue entre deux autres passages qui traitent
du Mariage. Mais il bien évident qu’il n’y a pas de vocations sacerdotales sans
le mariage qui les engendre.
Les
pharisiens se réfèrent donc ici à une permission donnée par Moïse au sujet du
mariage : Moïse, disent-ils, a
permis de renvoyer sa femme à condition d'établir un acte de répudiation (Dt
24:1). Remarquons bien la réponse de Jésus ; il ne dit pas «ce fut à cause de
l'endurcissement de vos ancêtres qu'il a formulé cette loi», mais bien à cause
de votre endurcissement » ! En somme, « Vous » qui me parlez, vous êtes endurcis
autant que ce peuple d'Israël dans le désert, et vous avez oublié la Loi
première de Dieu. Et Jésus leur rappelle les versets de la Genèse que nous
lisons dans la première lecture.
Ne
l'oublions pas, même si beaucoup nous disent autre chose : Dieu veut que l'homme
et la femme, unis dans le mariage, soient fidèles toute leur vie à cette union
sacrée. Ce sacrement vient de Dieu : devant Dieu s’unissent les deux êtres qui
veulent vivre ensemble, c'est devant Lui qu'ils se promettent fidélité, c'est en
Dieu que, selon l'expression de l'Église, «ils se donnent le Mariage».
Rien,
aucune difficulté, aucune maladie, aucune question, aucune menace, ne peut
rompre ce lien, parce que ce lien est sacré, divin. Dans l'Écriture, quand les
prophètes veulent montrer la gravité du péché d'Israël, ils le comparent à une
femme répudiée, qui a oublié son Époux. Seule la mort sépare les époux : le
mariage en effet les a unis pour la vie, pour cheminer ensemble, pour s'aider
mutuellement, pour engendrer la vie à leur tour et éduquer ensemble leurs
enfants ; cette mission ne s'achève qu’à la mort. Certains se remarient,
d'autres non, c'est un choix libre, où entrent en question divers problèmes
particuliers.
Un si beau
Sacrement, si noble et si sacré, est pourtant celui qui a fait et fait encore
écrire ou raconter tant de stupidités, tant d'inconvenances même ; c'est que
beaucoup n'atteignent pas, par manque de bonne volonté ou par faiblesse, ou par
ignorance aussi, la sainteté nécessaire exigée en cet état. On croit souvent que
le mariage est une situation «inférieure», une échappatoire où la vie devient
plus facile. Le Mariage en Dieu est une école sublime de sainteté, d'une
profonde exigence de perfection, où les deux époux sont au coude à coude dans
une ascension commune vers le sommet divin.
Devant une
si sublime mission, on comprend mieux la gravité de la rupture du lien
matrimonial, que ce soit dans l'adultère ou dans le divorce, ou aussi dans la
fornication, c'est-à-dire dans l'usage illicite du lien matrimonial quand le
mariage n'existe pas encore. Et c'est cela qu'il faut enseigner à nos
adolescents, qu'une société sans Dieu pousse à jouir de la vie sans aucun
respect pour la Vie, loin de la loi de Dieu.
On ne peut
pas à la fois vivre avec ses parents et vivre avec sa compagne ; mais, rappelle
Jésus, l'homme quittera son père et sa mère,
il s'attachera à sa femme, et tous deux ne feront qu'un. Une unité qui
s’exprime dans la fidélité, et dans le don de la Vie.
En même
temps, il faut que notre jeunesse comprenne qu'il est très important de
prononcer devant Dieu et devant l'Église ce Oui solennel
qui les liera pour la vie. Ils ont parfois peur de cet engagement, mais ce sera
justement là leur force pour les aider à dépasser les moments difficiles, qui ne
manqueront pas.
L'épisode
qui suit, avec les petits enfants, n'est pas étranger à l'enseignement sur
l'indissolubilité du mariage. En effet, de celui-ci découle la génération de la
vie, dont il est si souvent question dans des problématiques de bioéthique.
L'enfant doit être accueilli comme un don de Dieu, non comme un objet du caprice
humain.
Jésus a des
paroles très fondamentales vis-à-vis des enfants. Dimanche dernier, on
l'entendait menacer gravement celui qui
entraînera la chute d'un seul de ces petits. Aujourd'hui, Jésus veut que
nous accueillions le Royaume de Dieu à la manière d'un enfant, c'est-à-dire avec
la même disponibilité que montre un enfant qui écoute un enseignement, une belle
histoire, pour la première fois, confiant que celui qui lui parle ne va pas lui
raconter de mensonges. Pour l'enfant, ce qu'il entend est vrai, «puisqu'on le
lui a dit», et il faut l'appliquer immédiatement. Certes, cette docilité a
besoin de s'armer de prudence, une vertu qui s'acquiert avec l'expérience. Mais
les enfants de Dieu que nous sommes, doivent montrer cette disponibilité entière
à recevoir
le Royaume de Dieu
avec la plus grande disponibilité.
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Recevoir
le Royaume de Dieu, c’est le sens du troisième Mystère Lumineux du rosaire. Nous y demandons
la grâce de la conversion du cœur. Une conversion tellement difficile, parfois
si exigeante, mais nécessaire aussi !
La tâche
peut nous sembler dépasser nos forces, mais Dieu donne toujours sa grâce quand
on la lui demande.
N’avons-nous pas entendu un peu distraitement la Prière du jour ? Le prêtre y
demande pour nous à Dieu de nous donner plus que nous n’osons demander, et bien au-delà de (nos) mérites et de (nos) désirs.
Abbé Charles Marie de Roussy |