Rien n’est plus
constructif que d’aimer
Le texte de la première
lecture, tirée du livre de la Sagesse, annonce clairement
quelle fut la conduite des prêtres juifs devant
l’enseignement de Jésus.
Un de leurs
reproches était d’abandonner
nos traditions. Or
l’Évangile – la Bonne Parole du Christ –, n’a jamais aboli un
seul iota (Mt
5:18) de la Loi de Moïse : Jésus a porté cette Loi à sa
perfection, dans l’Amour, dans le don de soi.
Ainsi dans
le Discours sur la Montagne, Il
a été dit aux ancêtres : Tu ne tueras point… Eh bien ! moi
je vous dis : Quiconque se fâche contre son frère en
répondra au tribunal, etc.
(Mt 5:21sq).
Les grands-prêtres ont
raillé le Christ en croix avec les termes mêmes que nous
lisons aujourd’hui (Mt 27:42-43). Eux qui connaissaient si
bien l’Ecriture, n’avaient pas honte de l’accomplir en
insultant Jésus.
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Le psaume
53, dit l’Écriture, a été composé par David, harmonisé par
le maître de chant pour les instruments à cordes. Il fut
inspiré après l’épisode raconté en 1S 24, quand David
épargna la vie de Saül ; ce dernier, poursuivant David avec
ses hommes, vint s’abriter dans une grotte, sans remarquer
que David y était déjà au fond. David eut la magnanimité de
laisser partir Saül et de l’interpeller de loin, pour
ne pas porter la main sur l’Oint du Seigneur. Saül,
au moins ce jour-là, lui en sut gré.
David exprime des sentiments
qui pourraient bien convenir aussi à Jésus-Christ durant sa
vie et particulièrement durant sa passion.
Notre texte
parle d’étrangers, ce
qui est une variante ; la Bible dit : des orgueilleux,
un terme
qui pourrait très bien désigner les accusateurs du Christ.
Dans la
bouche de David, les deux versets qui ne sont pas lus ici,
peuvent trouver une explication. David dit en effet : Que
retombe le mal sur mes tyrans, Yahvé, par ta vérité
détruis-les ! - Mes ennemis me sont donnés en spectacle. David,
qui ne connaît pas encore l’enseignement du Christ, et bien
qu’il ait fait preuve de magnanimité envers Saül, a tout de
même des mots de vengeance et de mépris envers ses ennemis.
Mais il
demeure profondément humble devant Dieu et Le remercie de
l’avoir protégé, attribuant à Dieu sa victoire, la victoire
du Juste sur l’injuste : Je
rendrai grâce à ton nom !
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Il faudrait
envoyer le texte de saint Jacques à nos diplomates et chefs
d’états : D’où
viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous
?
Mais il serait très
hypocrite pour nous de ne penser qu’aux dirigeants, comme si
chacun de nous n’avait jamais de sentiments de jalousie, de
rivalité, de convoitise.
Jacques
insiste même : Vous
n’obtenez rien parce que vous ne priez pas.
Cette réflexion est faite
pour ceux qui prétendent que «la prière ne sert pas à
grand-chose» : c’est que précisément ils n’essaient pas même
de prier Dieu quelques instants.
Le saint
Curé d’Ars (Jean-Marie Vianney), parlant de ses “folies de
jeunesse”, confiait un jour à un Confrère : Lorsque
j’étais seul, pouvant me livrer à mon aise à mon attrait, il
m’arrivait de ne pas manger pendant des journées entières.
J’obtenais alors du bon Dieu tout ce que je voulais pour moi
comme pour les autres.
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L’évangile va maintenant
compléter la première lecture et le psaume.
Dans l’évangile de dimanche
dernier (Ma 8:31) Jésus-Christ a déjà fait part à ses
Apôtres de sa prochaine passion et a sévèrement “remis en
place” Pierre, qui s’en scandalisait.
Aujourd’hui, nous lisons une
deuxième annonce de cette douloureuse passion. Le temps est
passé et Jésus parle au présent : le Fils de l’homme EST
livré aux mains des hommes. La trahison est en route. Jésus
marche vers la mort.
Les Apôtres
ont peur
de l’interroger,
sans doute parce qu’ils se souviennent du vif reproche que
Jésus a fait à Pierre la première fois !
Comme nous
autres bien souvent, les Apôtres sont trop aveuglés par
leurs concepts humains ; ils pensent que le messianisme de
Jésus va triompher d’une façon sociale, politique ; ils
attendent Que
retombe le mal sur les tyrans, les
Romains, oubliant les prophéties qui annoncent les
souffrances du Serviteur de Yahvé.
Dans la
suite de l’évangile, Jésus va leur parler du Serviteur, car
les Apôtres avaient eu une conversation dont ils n’étaient
pas très fiers, au point qu’ils n’osaient pas en parler à
Jésus. Qui
est le plus grand ? Plus
tard, après l’Ascension, l’apôtre Jacques écrira son épître,
et les propos que nous avons lus plus haut : D’où
viennent les guerres ? -
De la jalousie ! Mais pour l’instant, les Apôtres ont besoin
d’élever leur jugement.
Jésus n’était pas sourd ! Et
surtout il savait lire dans les cœurs et connaissait bien ce
que s’étaient dit entre eux les Apôtres. Jésus, qui est
Dieu, va leur rappeler que c’est bien Lui, le plus grand,
mais pas (seulement) parce qu’il est Dieu : surtout parce
que, en tant qu’homme, il se mettra à la dernière place, il
servira, il s’abaissera sous les crachats et les moqueries.
Voilà le Plus Grand.
Se faire petit, et
accueillir un enfant simplement, pour l’amour du Christ,
sans le regarder de haut, sans s’estimer plus grand que lui,
voilà l’enseignement divin que nous rappelle le Christ ;
soigner un malade pour l’amour du Christ, sans se croire
supérieur parce qu’on le soulage, mais parce que c’est un
frère et qu’en lui on soulage le Christ souffrant.
On pourra objecter que les
enfants ont de ces caprices, qui les rendent très agressifs
et même méchants. Mais Jésus ne parle pas de cette
enfance-là ; les enfants que Jésus aime sont tous ceux qui,
même à l’âge adulte, savent être bons amis, sincères,
généreux, sans malice dans le cœur, droits dans leurs
intentions, qui ne cherchent pas querelle ni vengeance, ceux
dont Il parle dans les Béatitudes (Mt 5:3-11).
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Cette
générosité totale, c’est l’amour de Dieu et l’amour du
prochain, comme l’exprime bien la Prière du jour : Tu
as voulu que toute la loi consiste à t’aimer et à aimer son
prochain, qui
d’ailleurs reprend le passage bien connu de l’évangile où un
scribe demande à Jésus quel est le
plus grand commandement (Ma
12:28-34 ; épisode similaire en Mt 22:36-40).
La loi de l’Amour ! Rien
n’est plus constructif que d’aimer, de pardonner, de
conserver le sourire, d’accepter toute contrariété avec
douceur et grandeur d’âme.
C’est ainsi qu’on apaisera
les conflits. Tel fut Jésus, le Serviteur.
Abbé Charles
Marie de Roussy |