Savoir porter sa croix
Rappelons-nous l'enseignement que
Jésus nous donnait dimanche dernier : Qui s'élève, sera abaissé ; qui
s'abaisse sera élevé. L'humilité est une vertu à mille facettes.
Le livre de la Sagesse nous invite
aujourd'hui à une humilité particulière : reconnaître que Dieu est bien
au-dessus, bien au-delà de nos découvertes, de nos progrès techniques.
L'homme essaie de prévoir le temps
météorologique, une tempête, une éruption volcanique ; il envoie des engins
infiniment complexes sur la Lune, sur Mars et va explorer des zones immensément
lointaines, il découvre des centaines, des milliers de galaxies… Il SAIT !
Eh bien, non ; il ne sait rien.
Ce qu'il sait ne lui donne toujours
pas la réponse ultime : pourquoi ? comment ? quel dessein divin a précédé cela ?
Où est Dieu ? Qui est Dieu ? Le verrons-nous ?
Un embryon de réponse à ces
questions fondamentales, nous ne les concevrons qu'avec la lumière intérieure de
l'Esprit de Dieu, qui habite en nous, et si nous voulons bien l'écouter.
Le même Esprit de Dieu fait écrire
à l'apôtre Paul des lignes sublimes au sujet d'un jeune esclave. Onésime était
esclave chez Philémon, à Colosses. Il s'est enfui, a rejoint Paul qui est
prisonnier à Rome, où Paul le baptisera. Dans la bouche de Paul, ce néophyte n'a
plus que le nom d'esclave : maintenant, il est son enfant, une partie de
lui-même. Et il demande à Philémon de le recevoir désormais comme un
frère bien-aimé, et de l'accueillir comme il aurait accueilli Paul lui-même.
Dans une société où les maîtres
avaient droit de vie et de mort sur leurs esclaves, surtout fugitifs, les lignes
de Paul nous montrent quelle condescendance remplit son cœur d'apôtre pour les
petites gens, à l'image du Maître qui, de condition divine, s'humilia comme
un esclave, se faisant semblable aux hommes (Ph 2:7).
L'exemple et l'enseignement du
Sauveur iront plus loin, car Jésus portera lui-même sa croix, sur laquelle il
acceptera d'être cloué, comme le plus vulgaire des derniers brigands. Et là,
Jésus nous invite à ne pas nous contenter de le regarder porter sa croix ; nous
devons porter la croix pour marcher derrière Jésus. Comment donc ? quelle
croix ?
― Notre vie, nos souffrances, nos
contradictions, nos peines, nos difficultés, prenons-les avec humilité, sans
révolte, sans haine, sans colère, comme le Christ l'a fait durant sa vie et sa
passion.
Jamais il n'est sorti de la bouche
du Sauveur un “ras-le-bol” de protestation, jamais un reproche à Pierre qui le
trahissait, jamais une plainte envers ceux qui l'ont frappé, jamais une réponse
dure à ceux qui se moquaient de lui.
Pour en arriver à cette douceur,
Jésus a renoncé à toutes ses prérogatives : sa condition divine, sa puissance,
son autorité. Sa "richesse" pour entrer dans la gloire du Père, c'est son
humilité. On comprend ainsi l'apparente digression du passage évangélique
d'aujourd'hui : d'un côté Jésus demande qu'on renonce à tout pour Le suivre, de
l'autre Il recommande de bien prévoir tout ce qu'il faut pour construire la
maison ou pour partir en guerre. Pour gagner le Royaume, il faut s' “enrichir”
de la Croix en s'appauvrissant de la terre.
Jean-Baptiste disait : Il faut
qu'il grandisse, et que je diminue.
Jésus, certainement, adresse son
invitation à tous, car "de grandes foules faisaient route" avec Lui. Mais il dit
quelque chose spécialement pour ceux qui seront prêtres, car pour venir à Lui,
il faut Le préférer "à son père, sa mère, à sa femme, ses enfants", etc.
Jésus le répétera plus tard, répondant à Pierre (Lc 18:29). Ceux qui le voudront
bien, trouveront ici un argument de plus sur l'exigence du célibat sacerdotal.
L'humilité ! le saint Curé d'Ars,
Jean-Marie Vianney, la décrivait ainsi : “L'humilité est aux vertus ce que la
chaîne est aux chapelets : enlevez la chaîne et tous les grains s'échappent ;
ôtez l'humilité, et toutes les vertus disparaissent.”
Cœur sacré de Jésus, rends nos
cœurs semblables au Tien !
Abbé Charles Marie de Roussy |