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JÉSUS N'AIME PAS LE BRUIT
Tandis que beaucoup d'entre nous passent leurs vacances au
bord de la mer, nous lisons ces dimanches-ci des épisodes “maritimes” :
Jésus monte en barque pour enseigner, il passe de l'autre
côté du lac, il y a une tempête pendant la traversée, puis
nous verrons Jésus dans la région de Tyr, au bord de la mer,
justement.
Dimanche dernier, Jésus a multiplié les pains et les
poissons et, dit l'Évangéliste Matthieu, Jésus “oblige
ses disciples à monter dans la barque et à le précéder sur
l'autre rive” : au moment du miracle, Il leur disait de “donner
eux-mêmes à manger à la foule” et ce sont eux qui ont
distribué la nourriture aux milliers de présents. Cette
fois-ci, Jésus les “force” à embarquer, et c'est Lui
qui se charge de prendre congé des foules.
Sans aucun doute, les disciples ont été pris dans l'euphorie
populaire, et éprouvaient une sorte de satisfaction
instinctive : leur Maître avait fait un miracle inouï, leur
Maître était vraiment très puissant ; ils diraient
aujourd'hui : Il est super… Mais pour Jésus ce n'est pas là “le
but de l'opération” : Jésus ne veut pas de “pub” ;
souvenons-nous de la parabole de la bonne semence, qu'Il
commentait Lui-même : “La semence sur un sol pierreux,
c'est l'homme qui entend la Parole et la reçoit aussitôt
avec joie ; mais il n'a pas de racines, il est l'homme d'un
moment…”(Mt 13, 20-21, cf. 15e dimanche). Ce
que Jésus attend de chacun, c'est un mouvement de conversion
intérieure : il intervient donc pour ramener l'événement à
sa juste dimension et prend congé des foules en leur
demandant d'être heureux non pas pour avoir mangé à leur
faim — même si cela a son importance —, mais bien plutôt
pour avoir reçu de Dieu une grâce toute spéciale, celle de
la présence de Jésus parmi eux, pour leur apporter le
Message de la Bonne Nouvelle, la Vérité.
Lui-même est à l'écart : Jésus n'aime pas le bruit, il ne
fait pas de bruit, il n'est ni un ouragan, ni un tremblement
de terre, ni un incendie destructeur (voir la première
lecture, d'Isaïe). Seul, retiré, Il prie. Jésus a besoin de
prier ? Dieu doit prier ? De par Son essence divine, Dieu
n'a pas besoin de prier, de se louer lui-même. Mais Jésus
est parfaitement Homme aussi, et cet Homme parfait doit
adresser à Dieu une prière parfaite, une louange parfaite,
une action de grâce parfaite, une offrande parfaite. Nos
amis, les religieux et les religieuses contemplatifs,
adressent à Dieu des prières et des chants pour tous les
hommes, pour tous ceux qui ne peuvent ou ne savent pas le
faire. Jésus prie pour les disciples, qui en ont bien
besoin.
En effet, quelle est leur réaction dans la barque, au
lendemain du miracle des pains ? Ils prennent Jésus pour un
fantôme (un fantôme qui leur dit : “n'ayez pas peur”…) ;
Pierre lui dit : “Si c'est bien toi…”, et de prendre
peur des vagues, alors qu'il marche déjà sur l'eau agitée ;
et, enfin, tous reconnaissent : “Vraiment, tu es le Fils
de Dieu”(donc, ils en doutaient encore un peu
auparavant, même après le miracle). Tous ces petits détails
montrent que ces hommes, même choisis par Jésus, ont encore
des faiblesses, des doutes, des imperfections, et qu'ils
doivent aller plus loin sur le chemin de la conversion vraie
et totale.
La conversion : il ne s'agit pas seulement de croire ou de
ne pas croire ; après cette première conversion, il y a la
deuxième conversion, le perfectionnement, ce mouvement de
l'âme qui tend totalement vers Dieu, vers la Vérité, et qui
brûle par derrière tout ce qui n'appartient pas à Dieu. Un
saint ermite suisse du XVe siècle, saint Nicolas de Flüe
priait ainsi :
— “O mon Seigneur et mon Dieu, enlève de moi tout ce qui
me détourne de toi.
— O mon Seigneur et mon Dieu, donne-moi tout ce qui me
pousse vers toi.
— O mon Seigneur et mon Dieu, enlève-moi à moi-même et
donne-moi tout entier à toi.”
Comme saint Paul désire que tous les Juifs se
convertissent à Jésus-Christ… Lui qui est Juif de naissance,
qui a compris que Jésus est la Vérité, que ne ferait-il pas
pour amener à Jésus tout ce Peuple choisi par Dieu… Il
accepterait même d'être “maudit et séparé de Christ” :
c'est vraiment se donner entièrement… Quelle fierté il a
d'appartenir à ce peuple qui a reçu l'adoption, la gloire,
les alliances, la Loi, le culte, les promesses de Dieu, les
patriarches… et le Christ… Mais comme il en regrette
l'aveuglement aussi. Comment ne pas être triste, lui, saint
Paul, à la pensée que tant d'autres, Juifs comme lui, ne
reçoivent pas le message de Jésus… Nous y reviendrons
dimanche prochain.
Le psaume 84 synthétise toute cette pensée en rappelant le
don que Dieu fait aux hommes dans l'incarnation de
Jésus-Christ (ce même psaume est lu peu avant Noël certaines
années) :
“Ce qu'Il dit, c'est la paix (= Jésus) pour son peuple (=
les Juifs, puis les enfants de l'Eglise).
Son salut (= le Sauveur) est proche de ceux qui le
craignent,
et la gloire (= divine et incarnée) habitera notre terre.
Amour (= le pardon miséricordieux du Père) et Vérité (Dieu
incarné) se rencontrent,
Justice (divine et éternelle) et Paix (de la Trinité divine)
s'embrassent,
la Vérité (Jésus) germera de la terre (= du sein de la
Vierge)
et du ciel se penchera la Justice (du Père)…
Notre terre donnera son fruit (le Verbe divin incarné),
La Justice (divine) marchera devant Lui (Jésus qui est la
Voie)”.
Pour ceux qui cherchent, qui hésitent, et pour nous qui
sommes faibles, redisons donc la prière du jour : “Fais
grandir en nos cœurs l'esprit filial, afin que nous soyons
capables d'entrer dans l'héritage promis”.
Abbé Charles Marie de Roussy |