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Sur les traces du Maître... (...) selon le dessein que Dieu a
eu en me créant.
Après avoir
lu les passages de l'Ecclésiaste et de l'Evangile, on pourrait bien être tenté
de penser : Alors, à quoi bon ? Pourquoi tant se fatiguer, pourquoi accumuler
tant de soucis ? Et finalement : pourquoi vivre ? quel sens a ma vie ?
Vue sous cet
angle-là, notre existence paraît être sans importance : naître, souffrir,
disparaître, dans un mouvement perpétuellement répété au fil des générations,
pour arriver à un XXIe siècle où les hommes continuent de se déchirer comme s'il
n'avait pas encore été possible d'apprendre à vivre fraternellement, après des
millénaires…
Mais lisons
bien les paroles du Seigneur. Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour
lui-même, ce qui sous-entend qu'on peut amasser avec une intention
différente. Notre homme pourrait distribuer l'excédent de sa récolte à un autre
qui n'avait pas autant récolté : en cette période estivale de récoltes (du moins
dans nos régions européennes), il y aurait peut-être là une leçon à écouter.
Cependant,
loin d'être une leçon d'économie sociale, l'appel de Jésus-Christ sous-entend
bien autre chose. Reprenant l'évangile de dimanche dernier, et si toutes nos
actions sont orientées vers le Royaume de Dieu, toute notre vie prend un autre
sens, parce que chaque petite chose de ma vie, si infime soit-elle, faite avec
amour, sert à construire ce Royaume divin auquel Jésus nous appelle. A cela se
rattache aussi cette phrase de Jésus, que chacun de nos cheveux est compté (Luc
12:7).
Même si nous
devons laisser un jour ce monde, nous y devons travailler de toutes nos forces,
parce que notre place est un maillon indispensable dans l'immense chaîne humaine
; chacune de nos âmes a été voulue par l'amour du Seigneur ; il ne faut pas qu'à
cause de ma défection, la chaîne se rompe.
Nous ne
savons pas quand Dieu nous appellera, mais notre ouvrage doit être porté à la
plus grande perfection possible, comme si de cet ouvrage dépendait la beauté du
monde futur de la Résurrection. De sorte que, au moment voulu, nous pourrons
humblement reconnaître : Mission accomplie !
La vie de
Notre Seigneur, humainement parlant, est un échec, lamentable : après tant de
succès, de miracles, d'acclamations, finir sur une croix avec des bandits, sous
les huées des badauds. Mais en prenant notre humanité, en la mortifiant et en la
ressuscitant, Il l'a portée à la gloire divine ; c'est là sa victoire.
Sur les
traces du Maître, ma mission est de devenir Nouvel Homme, selon le dessein que
Dieu a eu en me créant.
Il serait
hypocrite de prétendre qu'il soit facile de se détacher : du tabac, de la
télévision, de mes diplômes, de mes distinctions, de ma collection, de mes
petits défauts, de la mode, de l'ambition… Bien sûr que c'est difficile ; Jésus
le reconnaît le premier : ce sont les violents qui s'emparent du Royaume
(Mt,11:12), car il faut savoir se faire violence pour arriver à dire "non". Mais
quelle libération ensuite ! En faisant mourir sur la croix ce qui est terrestre
(éphémère, vain, historique), je m'identifie au Nouvel Homme, à Jésus-Christ.
Voilà ma liberté.
Si tel est
le sens de ma vie, si je suis appelé à une telle gloire, avec saint Paul je vais
mettre à profit le reste de ma vie pour faire mourir ce qui appartient encore
à la terre, pour me débarrasser des agissements de l'homme ancien.
Détail
important, au passage : Paul ne nous conseille pas de débarrasser "les autres"
de leurs attachements terrestres ! Je ne vais pas être le juge de mon voisin,
mon combat concerne mon moi personnel, d'abord, et c'est suffisant.
Voilà donc
pourquoi Paul nous dit qu'il n'y a plus ni grec ni juif, ni israélite ni
païen, ni barbare, ni sauvage, ni esclave ni homme libre. Ces différences
appartiennent à la terre, à l'histoire qui passe, à la vanité. Paul le dit
encore d'une autre façon aux Corinthiens : Les choses visibles n'ont qu'un
temps, les invisibles sont éternelles (2Co,4:18).
Ce qui doit
rester, c'est d'être avec Christ, mort et ressuscité.
Abbé Charles Marie de Roussy |