La Messe est à chaque fois la Pâque qui se reproduit
À leur
sortie d’Égypte, les Hébreux furent guidés de jour par la colonne de
nuée et de nuit par la colonne de feu (cf. Ex 13:21) ; une telle
présence divine, vraiment extraordinaire, ne suffit pas pour empêcher
les enfants d’Israël de murmurer en voyant arriver les Égyptiens ; après
le passage de la Mer Rouge, ils chantèrent un solennel hymne d’action de
grâce, mais à peine au deuxième
mois de
la sortie d’Égypte, ils avaient de nouveau le murmure dans le cœur et
sur les lèvres. C’est la lecture d’aujourd’hui.
Qu’aucun
de nous n’ose reprocher aux Hébreux leur inconstance, leur facilité à se
rebeller, à récriminer,
comme dit le texte !
Dans
leurs propos incendiaires, ils vont jusqu’à regretter de ne pas être
morts en Égypte ; le texte grec ne dit pas Il
aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, mais Que
ne sommes-nous morts frappés par le Seigneur, où
le mot frappés reprend
le terme par lequel ont été désignés les fléaux qui ont accablé les
Égyptiens, comme si, dans leur colère, les Israélites en venaient à
désirer le sort des Égyptiens. Justin et Origène ont souligné cette
ingratitude.
Philon,
pour sa part (philosophe et exégète juif du 1er siècle),
observe le caractère vraiment miraculeux de la patiente bonté de Dieu,
qui offre à son peuple une nourriture gagnée sans peine et non
terrestre, souvenir du Paradis où l’homme n’avait pas à travailler pour
se nourrir, et prémices de l’Eucharistie.
L’expression chaque
jour est
plus complexe dans le texte ; il faudrait presque traduire littéralement ce
qui est du jour pour un jour.
Le même Philon interprète ainsi cette expression : les nourritures de
l’âme, qui sont célestes, sont les paroles de Dieu ; mais l’âme ne peut
recevoir en une seule fois la richesse de ces grâces ; aussi Dieu ne
dispense-t-il que la nourriture du jour pour le jour. Il interprète
aussi que la Lumière (le jour) nous est donnée uniquement «pour le
jour», c’est-à-dire pour le Bien.
Le psaume
et l’évangile vont tout-à-l’ heure compléter cette exégèse.
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Le psaume 77,
pour qui le lit dans son intégralité, est une longue méditation
didactique sur l’histoire d’Israël, les fautes de la nation et leur
châtiment. Le psaume met en relief la responsabilité d’Éphraïm, ancêtre
des Samaritains, l’élection de Juda et le choix de David.
Au milieu de
l’énumération de tant et tant de bienfaits pour lesquels le peuple
d’Israël n’a pas su se montrer reconnaissant, est évoquée cette «pluie»
céleste des cailles et de la manne.
La manne est
le pain
des Forts, c’est-à-dire
la nourriture des Anges, dont il sera question dans l’évangile.
Le psaume dit
plus bas que les Israélites avaient encore la
nourriture dans la bouche,
que la colère de Dieu fondit contre eux : aucun n’entra dans la Terre
promise, sauf Josué et Caleb, qui ne s’étaient pas révoltés. Ceux qui y
entrèrent ne furent pas même leurs fils, mais leurs petits-fils (cf. Nb
14:27sq) ; de ceux-là le psaume dit plus bas que Dieu conduit
son peuple et le fait entrer dans son domaine sacré.
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Quand nous
entendons Paul rappeler aux Éphésiens de ne plus se conduire comme
les païens qui se laissent guider par le néant de leur pensée,
on peut très facilement rattacher ce comportement de païens à celui des
Israélites ingrats qui péchèrent contre Dieu dans le désert.
Nous avons
tous à nous défaire
de (notre) conduite d’autrefois, car
nous sentons tous qu’il reste encore quelque chose du vieil homme au
fond de nous, qui cherche à tout moment à supplanter l’homme
nouveau que
nous avons reçu en Jésus-Christ.
Notre
renouvellement, notre conversion, ne seront jamais acquis ; ce serait
comme de croire qu’un champ une fois dépierré et ensemencé restera
définitivement apte à produire sans aucun travail. Ce serait le Paradis
terrestre !
Toute notre
vie est un travail champêtre, qu’il faut sans cesse reprendre pour
préparer la terre et y faire pousser le bon fruit.
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Après le
verset de l’Alléluia, qui reprend un verset du même psaume 77, nous
commençons la lecture du discours sur le Pain de Vie ; il se prolongera
sur quatre dimanches.
L’évangéliste
Jean ne parle pas de l’institution de l’Eucharistie ; quand il écrivit
son évangile, les trois autres, ainsi que l’épître de Paul aux
Corinthiens, étaient largement diffusés parmi les Chrétiens ; aussi Jean
a plutôt développé d’autres points connexes de l’amour du Christ pour
nous : son Corps eucharistique, le Lavement des pieds lors de la
Dernière Cène.
Après avoir
multiplié les pains et les poissons, Jésus invite la foule à travailler pour
une Autre nourriture que celle de la terre. On parlait plus haut du
travail de toute notre vie : Jésus nous invite à ce travail passionnant,
consistant à se préparer à recevoir la Nourriture qu’il nous donne.
La foule
s’intéresse et questionne Jésus avec avidité : Que
faut-il faire ? Cette
humble question est celle des cœurs simples, qui s’ouvrent à la parole
de Dieu ; elle rappelle celle de Marie à Nazareth : Comment
cela se fera-t-il ? (Lc
1:34). Et de même que l’Ange annonce l’Incarnation du Verbe, de même
Jésus demande à la foule de croire en Lui, en
celui que (Dieu) a envoyé.
Croire
vraiment en Jésus, le Verbe divin incarné, c’est croire à toute sa
mission et à tout son enseignement, à ses Sacrements, à l’Eucharistie en
particulier, et en l’Église.
Les
interlocuteurs de Jésus découvrent peu à peu la Vérité : ils se
souviennent de la Manne, mais que sera cette nouvelle Nourriture dont
leur parle Jésus ?
Jésus leur
fait comprendre que la Manne était un Pain venu
du Ciel. Mais
le vrai
Pain sera Celui
qui descend du Ciel et donne la Vie au monde : Jésus
passe maintenant du Pain-symbole de la Manne, au Pain Eucharistique,
qu’il est Lui-même, et enfin dit explicitement : Moi,
je suis le pain de la vie.
L’expression
latine, comme la grecque, comporte une particularité saisissante : elle
commence par le mot Ego, de
sorte qu’il faut comprendre: C’est moi (et
pas un autre)…
Jésus-Christ
s’est exprimé ainsi maintes fois, s’identifiant à la vraie Vigne (Jn
15:1), au vrai Pasteur (Jn 10:11. Mais aussi, pour rassurer ses
disciples, il leur dit simplement : C’est
moi ! (Jn
6:20).
Plus encore,
en parlant un jour aux Juifs, il leur dit ces mots : Si
vous ne croyez pas que Je Suis… (Jn
8:24), reprenant expressément le nom que Dieu se donna en parlant à
Moïse : Je
suis celui qui est (Ex
3:14), qu’on a parfois traduit : Je suis le «Je suis», l’Être par
essence, l’Être éternel. Quand Jésus utilise l’expression Je
suis, les
Juifs comprennent aussitôt que Jésus leur montre sa divinité.
Quand Jésus
parle de faim et
de soif, il
annonce encore plus précisément que l’Eucharistie comportera son Corps
et son Sang.
“Ne plus avoir
faim” ne veut pas dire qu’il suffira de communier une seule fois au
Corps de Jésus, mais qu’il ne faut aller qu’à Lui pour vraiment être
rassasié.
Au contraire,
Jésus désire que nous Le recevions très souvent dans le Sacrement
d’Amour eucharistique. Certes, l’Église ne veut pas nous obliger contre
notre volonté ; si elle nous demande expressément de recevoir
l’Eucharistie une
fois l’an, au
moment de Pâques, c’est pour que nous ne nous privions pas de
l’Eucharistie, et que le plus grand nombre la reçoive au moins
quelquefois.
Mais si nous
sommes convaincus de l’importance de cette démarche, si nous voulons
vraiment nourrir en nous la vie divine, allons le plus souvent possible
recevoir la sainte Hostie - et l’Église nous y encourage.
Beaucoup de
fidèles ne savent pas que les prêtres célèbrent chaque jour
l’Eucharistie ; nous pouvons chaque jour y participer, selon le temps
disponible. La Messe est à chaque fois la Pâque qui se reproduit : Chaque
fois que vous mangez ce pain et buvez cette coupe, vous annoncez la mort
du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne (1Co
11:26).
On ne peut pas
mettre le Christ au centre de notre vie, sans y mettre en même temps
l’Eucharistie, le Sacrement de la nouvelle créature en Jésus-Christ.
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La Prière du
jour nous rappelle la restauration de l’ordre primitif de la Création : Restaure
pour eux ta création ;
dans la Prière après la Communion nous disons avoir été renouvelés
par le Pain du ciel.
Le 4 août,
l’Église fête saint Jean Marie Vianney, patron des prêtres et des curés.
L’année
sacerdotale,
que nous fêtions il y a peu à l’occasion du 150e anniversaire
de la mort de ce grand Saint, a été l’occasion pour beaucoup d’entre
nous de renouveler notre attachement à la Vie divine eucharistique.
Soyons-y fidèles !
Abbé
Charles Marie de Roussy |