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Dieu ne cesse de nous réconforter
En ce beau mois d’août estival, les lectures du dimanche continuent sur deux
fronts : l’Épître aux Romains et l’Évangile de saint Matthieu.
Précédemment, saint Paul nous a enseigné comment Dieu nous prédestine à la
sainteté en Lui. Oui, quel bonheur d’habiter en Dieu, de vivre en Lui, d’avoir
en Lui toute notre joie, toute notre espérance.
Mais, objectera-t-on certainement, comment rester “en Dieu” quand les événements
deviennent contraires ? Quand on parle de guerres, d’attentats et d’assassinats,
de détournements de fonds, de maladies et de famines ? Quand nous devons
acquérir toujours plus cher ce qui nous est nécessaire ? Quand nous devons
passer notre temps en démarches longues et pénibles ?
Saint Paul n’entre pas dans la discussion. Lui qui est passé par mille
tribulations, qui a été chassé, passé à tabac, menacé, exilé, arrêté, lui qui
pourrait vraiment se plaindre de ce que sa vie n’était pas de tout repos, il
“balaie” d’un geste —, d’un mot, toutes ces “petites choses” : Rien ne pourra
nous séparer de l’amour de Dieu.
L’Apôtre dit plus : non seulement on ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu,
mais même dans ces multiples difficultés de la vie, c’est nous qui sommes
vainqueurs. C’est le langage de la Croix : mort sur la Croix, Jésus est vivant.
Vaincu par les hommes, c’est Lui le vainqueur par son humilité et sa douceur.
Au risque de répéter des choses déjà dites, nous ne devrons jamais cesser de
chanter la Victoire du Ressuscité sur le mal. Notre quotidien est tellement
futile. Ce qu’on lit aujourd’hui “à la une” dans le journal sera effacé demain
par autre chose ; une catastrophe d’hier sera vite oubliée au profit d’un
soi-disant exploit sportif.
Saint François d’Assise expliquait à son fidèle compagnon, frère Léon, ce qu’il
pensait être la joie parfaite. Suppose, lui disait-il, que nous rentrons
exténués de notre voyage, tout mouillés et crottés, et que nous arrivions enfin
à la porte de notre monastère. Il est tard, le portier somnole déjà et, dans la
nuit, ne nous reconnaît pas. Et comme il a le droit d’être un homme et de céder
quelque peu à ses petits défauts, le voilà qui s’énerve, nous traite de bandits,
nous insulte, commence à nous frapper et nous poursuivre à coups de balais ;
dans la nuit, nous nous retrouvons les quatre fers en l’air dans la boue du
chemin : voilà, cher Léon, notre joie parfaite !
Qu’on ne dise pas que saint François était un Saint, ignorant des choses du
monde ! François d’Assise était un homme bien comme nous, vif, nerveux, et toute
sa jeunesse s’était passée avec des compagnons avec lesquels, aujourd’hui, il
aurait passé bien des heures en discothèque, à chanter et à gesticuler. Touché
par l’appel de Dieu, il avait renoncé à tout cela, à tout le riche héritage de
son père, à toute aisance, à toute propriété privée. C’était là toute sa joie,
même s’il lui arrivait encore quelque fois de céder à quelque mouvement
d’humeur.
Plus près de nous, un certain Bartolo Longo fut un italien aussi athée convaincu
qu’adonné au spiritisme ; la grâce de Dieu en fit le grand propagateur de la
dévotion à Notre-Dame du Rosaire, à Pompei (mort en 1926, béatifié en 1980, il
est fêté au 5 octobre).
J’ai pris l’exemple de ce Saint à cause de son activité avec le spiritisme : il
semblerait que saint Paul aujourd’hui, fasse allusion aux situations ou plutôt à
ceux qui détournent les hommes de Dieu par leurs paroles faussement inspirées :
astres, cieux, abîmes, esprits, puissances, présent, avenir… Combien en effet
sont détournés de la Vérité en croyant la trouver dans les cartes, dans les
boules de cristal, les pendules ou dans le marc de café… Non, rien ne doit nous
séparer de l’amour de Dieu, en Jésus-Christ.
De Jésus-Christ nous recevons la Vie. Certes, nous travaillons beaucoup pour
gagner notre pain, mais en dernière analyse, c’est de Dieu que nous recevons “la
vie, le mouvement et l’être” (Cf.
Ac 17:28). Le miracle de la multiplication des pains et des poissons, lu
aujourd’hui, nous montre la touchante attention de Jésus pour toute cette foule
de “cinq mille hommes environ”,
donc combien de bouches à nourrir ? Dix-mille, quinze mille ? Jésus multiplie
les cinq pains et les deux poissons que tenaient ses disciples, les chargeant de
les distribuer à la foule : image de l’Eglise naissante qui bientôt distribuera
l’Eucharistie.
On a commenté ces chiffres de l’Évangile : les cinq pains symboliseraient les
cinq livres de la Torah juive, la Loi ancienne, et les deux poissons seraient
les deux Testaments ; la présence divine de Jésus multiplie les fruits de
l’antique Loi ; quant aux douze paniers pleins restants, ils montreraient
qu’après Jésus, ce seraient aux douze Apôtres à transmettre à leur tour la
Nourriture céleste.
Le prophète Isaïe, il y a très longtemps, invitait déjà les Juifs à demander à
Dieu la “vraie” Nourriture : la Vérité, la Confiance en Dieu, la Foi en sa
gr‚ce, ces saintes dispositions intérieures qui changent toute notre vie.
Nous le redisons dans le chant du psaume 144 : “Les
yeux sur toi, tous, ils espèrent : tu leur donnes la nourriture au temps voulu ;
tu ouvres ta main : tu rassasies avec bonté tout ce qui vit”. C’est ainsi
que Dieu “ne cesse de nous
réconforter” (prière finale).
Abbé Charles Marie de Roussy |