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L'homme trouve sa force en Dieu
Le message
d’Ézéchiel est celui du renouveau. Ézéchiel a vécu la chute
d’Israël, la prise de Jérusalem, l’exil à Babylone (les
trois déportations du 6e siècle).
Ces événements historiques sont pour lui l’occasion
d’annoncer le retour en Israël, la reconstruction du Temple
et la reprise du culte au Dieu unique.
Mais surtout,
cette reconstruction veut être un appel au renouveau
intérieur de chaque pécheur, purifié par l’eau qui coulera
abondamment du Temple, l’eau purificatrice qui jaillira du
côté du Christ, l’eau de notre baptême.
Dans sa vision,
le Prophète voit un grand cèdre, d’où sort un rameau nouveau
: le rameau que plante Dieu tout en haut de la montagne et
qui deviendra un arbre magnifique : l’Église, avec les
innombrables peuples de toutes nations qui viendront s’y
abriter.
Ce que dit le
Prophète pour l’ensemble d’Israël et pour l’Église future du
Christ, vaut aussi pour chaque Baptisé. Chacun de nous, s’il
reçoit pleinement la grâce divine, peut devenir comme un
grand arbre qui tour à tour aide, nourrit, abrite quantité
d’amis et de frères ; l’histoire de l’Église nous fournit
des centaines d’exemples de Saints qui, très souvent issus
d’une condition sociale très humble, et avec des moyens
matériels et pécuniaires parfois dérisoires, ont donné lieu
à des Œuvres, des Instituts, des courants très importants.
Saint
Jean-Marie Vianney était un petit paysan presque sans
culture ; ses jeunes confrères riaient un peu de ce grand
garçon de dix-neuf ans qui n’arrivait pas à mémoriser
quelques mots de latin : son humble sainteté lui a donné
cette sagesse pour laquelle il est devenu le Patron de tous
les Prêtres.
Saint Vincent
de Paul était un humble berger ; si humble qu’il est devenu
prêtre à dix-neuf ans, et s’est trouvé à l’origine des Sœurs
de la Charité.
Sainte
Bernadette Soubirous, savait tout juste les trois prières
du Notre Père, du Je
vous salue et du Je
crois en Dieu : c’est elle qui fut la messagère de la
Sainte Vierge à Lourdes.
Ce sont là des
exemples français, et l’on pourra en trouver de semblables
dans tous les continents.
*****
Le chant de méditation qui
suit la lecture, reproduit le début et la fin du psaume 91,
où réapparaît le cèdre du Liban. On le sait, les fameux
cèdres du Liban sont des arbres millénaires ; les
spécialistes avancent qu’il en existe actuellement deux
trimillénaires ; ils peuvent atteindre soixante mètres de
hauteur, une cinquantaine de mètres de largeur de feuillage,
sur un tronc de douze mètres de circonférence. Une plante
véritablement majestueuse qui symbolise la vitalité, la
force, la longévité.
Le Liban est un petit pays
de la superficie approximative d’un grand département
français. Il a choisi comme emblème le cèdre, pour exprimer
son désir de maintenir fidèlement la terre des ancêtres,
malgré les difficultés, malgré les guerres, malgré les
persécutions.
Annoncer dès le matin l’amour
de Dieu peut, si l’on veut, évoquer la prière du croyant à
son lever. Mais le texte original peut nous faire méditer
davantage. Saint Jérôme a compris : Annoncer
au matin ta miséricorde, en ce sens que depuis le début
(le matin) de notre vie et de notre histoire, tout vient de
Dieu, par l’effet de sa miséricorde, et non par nos mérites.
Il faut savoir reconnaître que Dieu
est riche en miséricorde (Dives in misericordia, Eph 2:4,
cf. l’encyclique de Jean-Paul II)
:
De ta miséricorde, Seigneur,
la terre est remplie (Ps
118:64) ;
Béni soit Dieu, père de
notre Seigneur Jésus-Christ, père des miséricordes (2Co
1:3).
Annoncer ta
fidélité, au long des nuits peut aussi se comprendre
comme la présence continuelle de Dieu près de nous, même (ou
surtout) dans les moments douloureux et difficiles ; quand
on se sent dans le brouillard, dans la nuit de l’erreur,
seule la présence de Dieu ne cesse jamais et se trouve
toujours là pour nous relever.
Soutenu par une telle
présence, le juste grandira
comme un palmier, comme un cèdre du Liban, car il reçoit
une force non humaine, non terrestre. C’est cette force que
ressentent ceux qui savent passer un peu de leur journée
auprès du Saint-Sacrement : on en sort tellement fortifié,
tellement consolé, tellement illuminé !
Ce psaume 91 porte le
sous-titre pour le jour du
sabbat. Ce jour-là, les Juifs suspendent l’activité. On
lit l’Écriture, on médite davantage, on laisse son esprit au
repos. Dommage que l’on ne nous fasse pas lire le verset
musical : (de jouer) sur
la lyre à dix cordes et la cithare avec un murmure de harpe. Comme
ces douces sonorités doivent être appropriées pour
accompagner la prière et la méditation ; et pourquoi
n’essaierait-on pas de les introduire plus souvent dans
notre liturgie ? David était un fin musicien : s’il jouait
auprès du roi Saül (1S 19:9), il se servait de son
instrument surtout pour la prière.
En vieillissant, l’homme
s’affaiblit physiquement, selon la loi de notre nature, mais
dans son esprit, il peut conserver une jeunesse inaltérée,
s’il vit chaque instant en présence de Dieu. Le psaume
ajoute qu’il fructifie
encore, qu’il garde sa
verdeur. Il faut bien être conscient que cette Vie ne
s’arrête jamais, quand on se remet totalement à Dieu. Pour
l’être qui est solidement attaché à cette Vie, la mort qui
interrompt son existence humaine n’est pas une fin et
l’Église chante, dans la liturgie des Défunts : La
vie change, elle n’est pas enlevée. Mieux, Thérèse de
Lisieux (maintenant Docteur de l’Église), disait en
«mourant» : Je ne meurs
pas, j’entre dans la Vie !
Voir notre vie dans cette
optique changera beaucoup de choses dans nos manières de
réagir, de penser, de parler. Au lieu de se confier à des
réalités éphémères, changeantes, versatiles, appuyons-nous
sur ce qui est la source de la Vie, de la Force. Notre
psaume s’achève sur cette proclamation qui n’est pas qu’une
figure de style : Pas de
ruse en Dieu, mon rocher ! Dans le désert, Moïse fit
jaillir du Rocher l’eau précieuse pour désaltérer le peuple
juif ; ce Rocher, par la suite, désigna Dieu Lui-même, et le
psalmiste le personnifie quand il dit : Venez,
acclamons le Rocher de notre salut (Ps 94:1) ; et le
Christ confirmera cette «solidité» en appelant Simon Pierre, et
en construisant son Église sur
cette Pierre (Mt 16:18).
*****
S’appuyer sur cette Pierre,
c’est vivre dans la Foi. Nous
cheminons dans la foi, dit l’Apôtre Paul. La semence que
nous avons reçue au baptême, durant notre enfance, durant
nos années de formation, germe peu à peu jusqu’à donner son
fruit.
Parfois les éducateurs et
les parents restent dubitatifs sur l’évolution de leurs
enfants : ont-ils réussi ? ont-ils oublié quelque chose ?
ont-ils eu tort de faire tel ou tel choix ? Dans toute la
vie de l’homme, il y a la part de l’erreur possible, mais
rassurons-nous : ce qui est fait avec intention droite, dans
le but de plaire à Dieu, reçoit toujours la bénédiction
céleste. Ce qui est semé avec amour dans le cœur du petit
enfant, donnera un jour une belle fleur.
Il y a aussi des moments où
les éducateurs voudraient voir trop tôt le “bon résultat” de
leurs efforts ; ils voudraient que les enfants grandissent
tout de suite dans la perfection, sans se tromper, sans
dévier. Cela est impossible. Chaque être avance avec ses
moments d’hésitation et d’erreur, comme l’automobiliste qui
cherche son chemin en terrain inconnu. Si nous nous
préoccupons de fournir à nos enfants une boussole de bonne
qualité, avec l’Évangile et l’Église éternelle, nul doute
qu’ils retrouveront toujours le bon chemin après quelques
erreurs. Cela se fera, un jour, plus tard, pas forcément
sous nos yeux. L’important est le regard de Dieu, pour qui mille
ans sont comme un jour (Ps 89:4). Saint Paul nous le dit
: Nous cheminons dans la
foi, nous cheminons sans voir.
Si nous semons dans la
Vérité, si notre ambition est de plaire
au Seigneur, nous ne devons pas nous laisser prendre par
le scrupule, mais continuer notre marche.
La pensée de l’Apôtre est
invariable :
La tribulation produit la
constance, la constance une vertu éprouvée, la vertu
éprouvée l’espérance (Ro
5:3) ; Aucune créature ne
pourra nous séparer de l’amour de Dieu (Ro 8:35,39).
Ce trésor, nous le portons
en des vases d’argile, pour qu’on voie bien que cette
extraordinaire puissance appartient à Dieu (2Co
4:7).
Pour Lui je souffre jusqu’à
porter des chaînes comme un malfaiteur. Mais la parole de
Dieu n’est pas enchaînée. J’endure tout pour les élus, afin
qu’eux aussi obtiennent le salut en Christ Jésus avec la
gloire éternelle (2Tm
2:9-10).
*****
Ces réflexions nous amènent
à l’évangile. Comme l’apôtre Paul, nous pourrons avec lui
renouveler notre confiance en Dieu et en l’Église, sans nous
préoccuper du comment.
La petite graine semée en
terre, patiemment entretenue et arrosée, donnera le blé dont
nous ferons le pain ; la graine de moutarde donnera les
grandes branches où les oiseaux feront leur nid.
Quelle chance avaient les
disciples, à qui le Seigneur expliquait
tout !
Mais ayons confiance, nous
aussi, en la Parole de Dieu : depuis vingt siècles, l’Église
poursuit l’œuvre du Christ et nous répète l’enseignement
qu’elle en a reçu. Le Christ a semé dans le cœur de ses
Apôtres, et malgré les événements de l’histoire, malgré les
persécutions, cette divine semence continue de fructifier
aujourd’hui.
A la mesure où nous restons
fidèles à l’Église du Christ et que nous cherchons à vivre
la Parole reçue, nous porterons à notre tour du fruit.
Sans nous en rendre compte,
nous deviendrons nous aussi à notre tour ces branches où les
oiseaux viendront faire leur nid, où nos frères humains
viendront chercher le réconfort moral et spirituel dont ils
ont besoin. Parmi les Saints et les Saintes, certains ont
prêché, d’autres ont fondé des écoles, ou des orphelinats,
ou des hôpitaux ; certains ont voyagé, d’autres ont aidé
toute leur vie leurs paroissiens… Quoi qu’ils aient fait, en
union avec leurs Supérieurs, avec les Évêques et les Papes,
ils ont prolongé et entretenu la sainte culture du Christ,
étant tous autant de branches de cet immense cèdre qu’est
l’Église et où se sont abrités les oiseaux.
*****
Dans la Prière du jour,
l’Eglise nous fait bien redire combien l’homme
est fragile, et qu’il trouve sa force en
Dieu.
A la suite des Saints et des
Saintes, si nous observons
les commandements de Dieu et de l’Église, toute notre
activité recevra la bénédiction fructifiante de la grâce divine.
Abbé Charles
Marie de Roussy |