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D’abord la guérison spirituelle, la conversion intérieure…
Comme nous l’avons lu il y
a deux dimanches, saint Marc raconte dans son premier chapitre l’appel
de Simon-Pierre : aujourd’hui, suite du même chapitre, Jésus guérit la
belle-mère de celui-ci. Quelques observations peuvent déjà s’imposer
ici.
D’abord, que cette
guérison n’est pas le fruit d’une faveur spéciale de Jésus envers cette
femme, à cause de Simon-Pierre : il faut se rappeler que Marc fut le
disciple de Pierre, jusqu’à Rome, et qu’il a certainement retenu mieux
que d’autres tout ce qui touchait à son maître. En plus dès le début de
son Evangile, il souligne que Pierre était marié, pour mettre encore
plus en lumière que le Christ l’a appelé “tel
qu’il était” pour le
conduire au célibat, dans le don total de sa personne à Dieu.
Ensuite, on pourra
remarquer l’attitude très humble de cette femme ; contrairement aux
démons de dimanche dernier
qui parlent à tort et à travers, cette femme à peine guérie s’empresse
de rendre ses services à Jésus et aux disciples. Sa joie et sa
reconnaissance s’expriment par cette humble disponibilité envers
Jésus-Christ.
Après cette guérison, on
lit que Jésus guérit “toutes
sortes de malades” et
chassa“beaucoup d’esprits mauvais” ;
pas tous. Certainement Jésus voyait avec quelles dispositions de cœur
ces malades s’approchaient de Lui. C’est dans ce même esprit que les
malades sont accompagnés, par exemple, dans leur pèlerinage à Lourdes :
ce qui est primordial pour chacun est d’abord la guérison spirituelle,
la conversion intérieure, à laquelle quelquefois Dieu ajoute la guérison
physique, visible extérieurement, pour montrer davantage Sa puissance.
Prudentes, l’Eglise et la Science ne se hâtent jamais de proclamer telle
ou telle guérison miraculeuse, de la même manière que Jésus évite le
“tapage médiatique” et préfère même, comme aujourd’hui, quitter les
lieux et se retirer.
Certes, l’Evangéliste dit
qu’ “Il parcourut toute la
Galilée”, une région d’environ 60 sur 30 km. Si Jésus fit ce voyage
apostolique à pied, s’arrêtant dans chaque ville où il y avait une
synagogue, il dut parler et se fatiguer beaucoup, mais là ne fut pas son
premier souci ; d’abord, dit l’Evangéliste, “bien
avant l’aube… il sortit et alla dans un endroit désert, et là il priait”.
Prier ! Se mettre devant Dieu, parler avec Lui, de Fils à Père, de Père
à Fils : combien important est ce moment sacré que nous oublions trop
facilement “par manque de
temps”. Trop souvent, nous croyons bien faire de nous donner
éperdument aux actions, aux mouvements, aux réunions, aux coups de
téléphone, aux courriers électroniques, et peut-être de regretter qu’il
ne reste que la portion congrue de notre temps à prier Dieu, alors que
toute notre action n’est absolument rien sans une intense prière, une
vie intérieure de méditation soutenue et incessante.
Jésus prie. Ici, ce n’est
pas Dieu qui parle avec Lui-même ; c’est la nature humaine que Jésus a
prise de nous, qui a besoin de s’élever dans la prière vers son
Créateur. Jésus s’est fait l’un de nous, et Il nous a montré ce que
chacun de nous doit faire pour Le suivre.
Comme Jésus, l’Apôtre Paul
est allé porter la Bonne Nouvelle, il s’est fait “tout à tous”. Ses
expressions montrent tout son enthousiasme pour évangéliser “le
plus grand nombre possible”, “en
sauver à tout prix quelques-uns” :
on voit dans cette épître aux Corinthiens à la fois la disponibilité
totale de s. Paul pour servir Dieu, et sa tristesse que tous ne
reçoivent pas la grâce divine.
Comme la belle-mère de s.
Pierre, qui se met au service de Jésus, saint Paul se fait tout humble
devant sa mission de servir la Vérité : “Je
n’ai pas à m’en glorifier” ; ce terme d’ “orgueil” de notre
traduction officielle est tout de même hors de propos ; l’Apôtre ne
parle pas d’orgueil, de ce vice qui est à la base de presque tous les
péchés de l’homme. Certes, nous pouvons tous être tentés par l’orgueil,
même dans nos bonnes actions, mais saint Paul ne parle pas de cela ici.
Il veut tout simplement dire que son apostolat n’est pas pour lui un
motif de gloire, comme s’il faisait quelque chose d’extraordinaire, mais
il le considère comme une obligation, un devoir : “Malheur
à moi, si je ne vais pas évangéliser”, clame-t-il. Le pape Paul VI
reprit à son compte cette “menace”, dans son homélie à Manille (29
novembre 1970), et c’est dans cette même direction que va
la Nouvelle Evangélisation préconisée par le pape Jean-Paul II : nous
avons chacun le devoir de porter l’Annonce à nos frères ; non pas
quelque nouvel évangile, mais une annonce efficace de l’Evangile pérenne
du Christ, adaptée à notre temps.
Devant les difficultés de
toutes sortes qui se dressent contre nous, la tentation peut être forte
de se décourager. Dans la première lecture, nous entendons le pauvre
Job, affligé de toutes parts, qui expose à Dieu sa peine ; il est tenté
même de se révolter ; ensuite, Dieu le reprendra et Job se “convertira”,
il demandera pardon à Dieu et en recevra une copieuse récompense, par
une nouvelle multiplication de ses troupeaux et surtout par la paix
intérieure qui l’inondera et dans laquelle il s’éteindra, chargé de
jours et de mérites.
Quel enseignement retirer
de ces lectures ? Ne mettre qu’en Dieu notre espérance, n’attendre que
de Lui notre force, et ne mettre qu’à Son service toutes nos activités,
en un mot, pour reprendre la prière finale : “Vivre
tellement unis dans le Christ que nous portions du fruit pour le salut
du monde” ; le texte
latin ajoute le mot “gaudentes” — en nous réjouissant. Amen !
Abbé Charles Marie de Roussy |