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Comme notre corps, notre âme a besoin de nourriture
Jésus commence sa vie publique ; il se manifeste. Après son baptême par
Jean, après les Noces de Cana et son premier miracle, Le voici près de
Nazareth, à la synagogue de Capharnaüm. Les foules vont entendre les
premiers enseignements de l’annonce du Royaume — ce troisième mystère
Lumineux de notre Rosaire. Petit à petit, on va comprendre que ce Jésus
de Nazareth est le Prophète annoncé par Dieu à Moïse (la première
lecture d’aujourd’hui).
Jésus commande aux esprits mauvais qui tourmentent ce pauvre homme
possédé. Encore aujourd’hui, il y a des prêtres qui ont la mission
d’utiliser ce pouvoir de commander aux esprits mauvais, “au nom de
Jésus-Christ”. Dans la péricope de ce jour, on voit que ces esprits
disent quelque chose de vrai (“Tu es le Saint de Dieu”) et que Jésus
leur intime de se taire. C’est qu’il ne suffit pas de dire des choses
vraies pour être dans la Vérité : Jésus attend de nous la conversion
réelle et profonde. Les esprits mauvais ne font que crier, sans se
convertir, et Jésus ne veut pas de ce genre de tapage médiatique.
Ces éléments se retrouvent dans le “cri du cœur” du psaume 94 : “Crions
de joie pour le Seigneur… Prosternez-vous… Il est notre Dieu… Ne fermez
pas votre cœur…” Le
psalmiste se sent empli d’un zèle pour Dieu et invite toute la
communauté. C’est ce psaume que chantent ou lisent ceux qui participent
à la Louange officielle de l’Eglise (ce qu’on appelle l’Office divin) ;
chaque matin les prêtres, les diacres et les moines du monde entier ont
cette sainte obligation d’être unis dans une prière commune qui commence
par ce psaume 94. Que chacun de nous aussi s’unisse à cette prière, à
cette adoration : Prosternons-nous, adorons le Seigneur qui nous a
faits, n’endurcissons pas notre cœur et écoutons Sa Parole.
Sans lien direct avec ce qui précède, nous continuons de lire des
extraits de la première Epitre aux Corinthiens. Après l’enseignement
concernant l’adultère et la fornication, l’Apôtre Paul expose
aujourd’hui l’excellence de l’état célibataire, dans l’esprit de
consécration totale à Dieu. Pour un Juif, ne pas être marié était une
situation rarissime et même exceptionnelle dans l’Ancien Testament, car
il fallait absolument perpétuer la race juive des croyants. Jésus a
réellement innové, en instituant une génération nouvelle, par le
Sacerdoce nouveau : il donné naissance à la nouvelle génération de ceux “qui
ne sont pas nés du sang ni de la volonté de la chair, ni de la volonté
de l’homme, mais de Dieu” (Jn.
1,13).
Jésus ne s’est pas marié ; les Apôtres mariés ont vécu dans le célibat
après leur appel, et beaucoup de saints évêques après eux ; s. Paul ne
s’est pas marié ; sans cesse l’Eglise a rappelé cette sainte exigence de
la consécration totale des diacres et des prêtres, ainsi que des
moniales (les “veuves” dont il est question par exemple dans 1Tim 5).
Nos journalistes ne manquent jamais une occasion de parler, à leur
façon, de cet argument en présentant certaines demi-vérités qu’ils
complètent de faux arguments, maniant à l’envi l’ironie ou le mépris
envers tous ceux qui, dans l’Eglise, rappellent cette sainte tradition
du célibat sacerdotal et de la consécration des religieux et des
religieuses. On pourrait dire d’eux en vérité qu’“ils ne savent pas
ce qu’ils font” (Lc
23:34). Il faudrait d’abord interroger des prêtres, des religieuses :
tous, à l’unisson, affirmeront qu’ils ont été heureux de se consacrer
totalement à Dieu dans le célibat.
Le célibat n’est pas une “obligation” imposée, une condition sine qua
non, un joug insupportable. C’est un état particulier où Dieu seul
appelle, en donnant à Ses candidats une grâce spéciale pour vivre ainsi.
Si beaucoup de jeunes n’entendent pas cet appel aujourd’hui, c’est que
leurs oreilles bourdonnent des bruits d’un monde athée qui n’aime pas
Dieu. Mais quand l’appel se fait un peu plus pressant, un peu plus
clair, ils l’entendent très bien et savent y répondre généreusement.
Ce n’est pas le célibat qui détourne les jeunes du sacerdoce. Dans les
autres religions aussi se fait sentir le problème religieux : les
temples protestants, les synagogues israélites, les églises orthodoxes,
ne sont pas plus remplies que nos lieux de culte catholiques, et leurs
ministres ne sont pas plus nombreux que les nôtres bien qu’ils puissent
être mariés. La crise de la foi et des vocations est universelle, et
liée au matérialisme ambiant, un matérialisme qui, bien sûr, ne conduit
pas à Dieu.
Revenons — pour conclure — sur un petit détail de l’évangile du jour ;
où il est dit que Jésus se rend à la synagogue “le jour du sabbat”. Ce
jour saint, où la communauté se réunissait pour entendre la Parole de
Dieu, était le Jour du Seigneur, où l’on ne travaillait pas. Depuis la
Résurrection de Jésus, ce Jour du Seigneur est désormais le dimanche, où
toute la communauté des baptisés est appelée à se réunir à l’église pour
entendre la Parole de Dieu et se nourrir de l’Eucharistie. Aujourd’hui,
dans notre monde “occidental”, trop peu de baptisés se retrouvent le
dimanche pour cette célébration hebdomadaire. Espérons que peu à peu nos
églises paroissiales se rempliront à nouveau, comme en certaines régions
d’Afrique, de l’Asie du sud-est, ou d’Amérique. Comme notre corps, notre
âme a besoin de nourriture, et cette nourriture — Parole de Dieu et
Eucharistie — nous est donnée à la Messe.
Abbé Charles Marie de Roussy |