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Les candidats au sacerdoce
perçoivent l’Appel
L’Évangéliste Matthieu continue de
montrer l’accomplissement des prophéties par la venue de Jésus. Il cite
longuement Isaïe, que nous lisons d’ailleurs dans la première lecture. Après le
mystère lumineux du baptême de Jésus, nous avons aujourd’hui un autre de ces
mystères lumineux : l’annonce du Royaume et l’appel à la Conversion.
Se convertir, en effet, ne doit
pas évoquer une démarche difficile, pénible, car la conversion dans l’amour de
Dieu est une libération de notre moi pour nous épanouir réellement dans la
liberté des enfants de Dieu ; c’est réellement un moment de grande Lumière.
Et Jésus lance un autre appel,
très particulier celui-ci, à l’adresse de Pierre et André, de Jacques et Jean.
On s’étonnera de la promptitude avec laquelle ceux-ci quittent immédiatement
famille et travail pour suivre Jésus. Mais ce n’est certainement pas la première
fois qu’ils rencontrent Jésus, qu’ils l’ont entendu parler ; certains l’ont déjà
vu près de Jean-Baptiste. Ils ont déjà réfléchi sur ce Jésus de Nazareth, comme
les Évangiles le laissent entendre ; ils ont entendu parler de sa naissance, de
celle de Jean-Baptiste, de tout ce qui s’est passé à ce moment-là : même sans
télévision et sans internet, les nouvelles passaient très vite et très bien !
En plus, le cœur de ces pêcheurs
était tout prêt à accueillir le message du Christ, car ils étaient du nombre de
ceux qui aimaient la Vérité et attendaient avec ferveur ce Messie annoncé par
les Prophètes ; ils savaient ainsi que s’accomplissaient en ce moment les
soixante-dix semaines de Daniel. A travers tous les siècles et jusqu’à nos
jours, Dieu appelle ainsi ceux dont Il a besoin pour transmettre le Message de
l’Évangile. C’est un appel vibrant qui touche le cœur de tel ou tel, qui le
comble dans son désir de Vérité. Les candidats au sacerdoce perçoivent l’Appel
parfois tout petits, parfois déjà adultes, quelque chose de très impressionnant
se passe alors en eux : Dieu interpelle leur générosité. Certains ne répondront
pas, ou hésiteront, ou s’engageront, chacun restant maître de choisir sa voie.
L’Évangile ne dit pas que ces
apôtres aient tout quitté définitivement : nous savons bien qu’ils reprendront
les filets, puisqu’on les retrouvera dans les barques, quand Jésus calme la mer
déchaînée, quand Il multipliera les poissons, quand Il leur apparaîtra après la
résurrection. En revanche, Matthieu abandonnera totalement son “métier” (nous en
lirons son propre récit au chapitre 9, ce sera au mois de juin). C’est que Jésus
désire que ses plus proches collaborateurs sachent vivre de leur propre travail,
humblement, durement même, tandis que l’activité de Matthieu, pas malhonnête en
soi bien sûr, pouvait offrir des occasions faciles de lucre, d’amour du profit,
et Jésus préfère le dépouillement réel. C'est ainsi que nous voyons saint Paul (Ac
18:3) coopérer avec des fabricants de tentes, travaillant de ses mains “pour
n’être à la charge de personne” (2Th
3:8 ; 1Th 2:9).
Ceux qui répondent “Présent”
peuvent dire avec David ce psaume 26 : “Le
Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte ? J’ai demandé
une chose au Seigneur : habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie”.
Jésus se trouve donc en Galilée,
dans ces régions des tribus de Zabulon et Nephtali, à l’ouest de la Mer de
Kinneret (Lac de Tibériade), au bord de laquelle se trouvent beaucoup de
localités célèbres de l’Évangile : Tibériade, Magdala, Gennésareth, Capharnaüm,
plus loin Cana, Nazareth, le Mont Thabor. A ces régions Isaïe annonçait, il y a
huit siècles, qu’elles seraient couvertes de gloire, qu’elles verraient une
grande lumière, qu’elles seraient dans l’allégresse, la joie.
La victoire sur Madiane est cet
épisode des Juges (Jg 7), où Gédéon et trois cents hommes seulement semèrent la
terreur dans le camp madianite, simplement en sonnant du cor et en brisant des
cruches, au point que les assiégés, se réveillant en pleine nuit, soit
s’entretuèrent soit s’enfuirent, poursuivis puis achevés par les habitant des
tribus ralliées à Gédéon. Israël fut peu de temps en paix : quarante ans à peine
après cette victoire, on retombait dans l’idolâtrie.
C’est là aussi l’histoire de tout
homme : il s’élève parfois très haut, et retombe très bas, se relève et retombe.
Ce n’est pas cela qui importe aux yeux de Dieu ; ce qui compte, à la fin, c’est
la somme d’efforts que l’homme aura accomplis pour se rapprocher du Bien et du
Vrai, en un mot : de Dieu. C’est cet effort de chacun qui aidera peu à peu tous
les chrétiens à se réunir en un seul troupeau. Dans quelques jours, du 18 au 25
janvier nous célébrerons la Semaine de l’Unité, un temps de prière intense pour
demander à Dieu l’unité des chrétiens : anglicans, protestants, orthodoxes,
catholiques.
Quelque chose de ce problème de
divisions se reflète dans l’extrait de l’épître aux Corinthiens, que nous
continuons de lire aujourd’hui. Dans la jeune communauté de Corinthe, certains
se réclamaient plutôt de Pierre, d’autres de Paul, d’autres d’Apollos — cet
Alexandrin “éloquent, versé dans
les Écritures” (Ac 18,24), à qui
on a même attribué quelquefois l’épître aux Hébreux. Et Paul de protester,
humblement, mais fermement, disant en quelque sorte : Qui suis-je, moi ? Je ne
vous ai même pas baptisés ! Si je suis venu à vous, c’est pour vous annoncer la
Bonne Nouvelle, le Christ, et Lui seul. Un peu comme s’il disait, reprenant les
mots divins entendus lors du baptême du Christ : C’est Lui, le Fils bien-aimé,
c’est Lui que vous devez écouter d’un seul cœur, et louer d’une seule voix.
“Que tous soient Un ; comme
toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous” (Jn
17:21).
Abbé Charles Marie de
Roussy |