INTRODUCTION
"À l'ange de l'Église qui est à
Smyrne, écris: "Ainsi parle le Premier et le Dernier, celui qui
fut mort, mais qui est revenu à la vie : Sois fidèle jusqu'à la
mort et je te donnerai la couronne de vie'!... "Celui qui a des
oreilles, qu'il entende ce que l'Esprit dit aux Églises" (Ap
2, 8.10-11).
Nous sommes réunis en la XIIème Assemblée Générale Ordinaire du
Synode des Évêques pour écouter ce que l'Esprit dit aux Églises
aujourd'hui à propos de "la Parole de Dieu dans la vie et la
mission de l'Église". Nous partageons la conviction des Pères de
l'Église, exprimée par saint Césaire d'Arles, que "la lumière de
l'âme et sa nourriture éternelle ne sont pas autre chose que la
Parole de Dieu, sans laquelle l''âme ne peut jouir de la vue ni
même de la vie : notre corps meurt, faute d'absorber des
aliments; de la même façon, notre âme périt, faute de recevoir
la Parole de Dieu".[1]
Le but du Synode est éminemment pastoral et missionnaire. Il
consiste à écouter ensemble la Parole de Dieu afin de discerner
comment l'Esprit et l'Église aspirent à répondre au don du Verbe
incarné par l'amour des Saintes Écritures et l'annonce du Règne
de Dieu à toute l'humanité. Faisons nôtre la prière de saint
Paul qui nous plonge au cœur du mystère de la Révélation:
C'est pourquoi je fléchis les genoux devant le Père, de qui
toute famille tient son nom, au ciel et sur la terre ; qu'Il
daigne, selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance,
par son Esprit, pour que se fortifie en vous l'homme intérieur,
qu'il fasse habiter le Christ en vos cœurs par la foi; enracinés
et fondés dans l'amour, vous aurez ainsi la force de comprendre,
avec tous les saints, ce qu'est la largeur, la longueur, la
hauteur, la profondeur... et de connaître l'amour du Christ qui
surpasse toute connaissance, afin que vous soyez comblés jusqu'à
recevoir toute la plénitude de Dieu. À celui qui peut, par sa
puissance qui agit en nous, faire au-delà, infiniment au-delà de
ce que nous pouvons demander et imaginer, à lui la gloire dans
l'Église et en Jésus Christ, pour toutes les générations, aux
siècles des siècles. Amen (Ep
3, 14-21).
Le Synode proposera des orientations pastorales pour "renforcer
la pratique de la rencontre avec la Parole de Dieu comme source
de vie",[2] en faisant le point sur la réception du Concile
Vatican II concernant la Parole de Dieu dans son rapport au
renouveau ecclésiologique, à l'œcuménisme et au dialogue avec
les nations et les religions.
Par-delà les discussions théoriques, nous sommes invités à
épouser l'attitude du Concile: "Quand il écoute religieusement
et proclame hardiment la Parole de Dieu, le saint Concile obéit
aux paroles de saint Jean: 'Nous vous annonçons la vie
éternelle, qui était auprès du Père et qui nous est apparue: ce
que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons, afin que
vous soyez vous aussi en communion avec nous, et que notre
communion soit avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ' (1
Jn 1, 2-3)" (DV 1).
Grâce à la vision trinitaire et christocentrique du Concile
Vatican II, l'Église a renouvelé la conscience de son propre
mystère et de sa mission. La Constitution dogmatique
Lumen Gentium et la Constitution pastorale
Gaudium et Spes développent une ecclésiologie de communion
qui s'appuie sur une conception renouvelée de la Révélation. En
effet, la Constitution dogmatique
Dei Verbum a marqué un véritable tournant dans la manière de
traiter de la Révélation divine. Au lieu de privilégier comme
auparavant la dimension noétique des vérités à croire, les Pères
conciliaires ont mis l'accent sur la dimension dynamique et
dialogale[3] de la Révélation comme autocommunication
personnelle de Dieu. Ils ont ainsi posé les bases pour une
rencontre et un dialogue plus vivant entre Dieu qui appelle et
son peuple qui répond.
Ce tournant a été largement salué comme un fait décisif par les
théologiens, les exégètes et les pasteurs[4]. Cependant, on
reconnaît assez généralement que la Constitution
Dei Verbum a été insuffisamment reçue et que le tournant
qu'elle a inauguré n'a pas encore donné tous les fruits désirés
et attendus dans la vie et la mission de l'Église[5]. Compte
tenu des progrès accomplis, il faut se demander pourquoi le
modèle de la communication personnelle[6] n'a pas pénétré
davantage la conscience de l'Église, sa prière, ses pratiques
pastorales de même que les méthodes théologiques et exégétiques.
Le Synode doit proposer des solutions concrètes pour combler les
lacunes et remédier à l'ignorance des Écritures qui ajoute aux
difficultés actuelles de l'évangélisation.
Reconnaissons en effet que la vie de foi et l'élan missionnaire
des chrétiens sont profondément affectés par divers phénomènes
socioculturels tels que la sécularisation, le pluralisme
religieux, la mondialisation et l'explosion des moyens de
communication, avec les conséquences multiples de ces
phénomènes, notamment l'écart grandissant entre riches et
pauvres, le foisonnement des sectes ésotériques, les menaces à
la paix, sans oublier les assauts actuels contre la vie humaine
et la famille[7].
À ces phénomènes socioculturels, ajoutons les difficultés
internes de l'Église touchant la transmission de la foi dans la
famille, les déficiences de la formation catéchistique, les
tensions entre le Magistère ecclésial et la théologie
universitaire, la crise interne de l'exégèse et son rapport à la
théologie, et d'une façon plus générale "un certain fossé entre
les experts et les pasteurs et entre les experts et les gens
simples des communautés chrétiennes" (IL
7a).
Le Synode doit faire face au grand défi de la transmission de la
foi en la Parole de Dieu aujourd'hui. Dans un monde pluraliste,
marqué par le relativisme et l'ésotérisme[8], la notion même de
Révélation pose question[9] et appelle des clarifications.
Convocatio, communio, missio. Autour de ces trois mots clés
qui traduisent la triple dimension, dynamique, personnelle et
dialogale, de la Révélation chrétienne, nous exposerons la
structure thématique de l'Instrumentum
Laboris. La Parole de Dieu convoque, elle fait communier au
dessein de Dieu par l'obéissance de la foi et elle envoie le
peuple élu vers les nations. Cette Parole d'Alliance culmine en
Marie qui accueille dans la foi le Verbe incarné, le
Désiré des nations. Nous reprendrons les trois dimensions de
la Parole d'Alliance telles que l'Esprit Saint les a incarnées
dans l'histoire du salut, les Saintes Écritures et la Tradition
ecclésiale.
Demandons à l'Esprit Saint d'amplifier ce désir de redécouvrir
la Parole de Dieu, toujours actuelle et jamais dépassée. Cette
Parole a la puissance de "remettre au monde", de rajeunir
l'Église et de susciter une nouvelle espérance en vue de la
mission. Benoît XVI nous a rappelé que cette grande espérance
repose sur la certitude que "Dieu
est Amour"[10] et que, «dans
le Christ, Dieu s'est manifesté»[11] pour le salut de tous.
I. CONVOCATIO: IDENTITÉ DE LA PAROLE DE DIEU
A. DIEU PARLE
"In principio erat Verbum, et
Verbum erat apud Deum, et Deus erat Verbum" (Jn
1, 1s). D'entrée de jeu, il nous faut partir du mystère de Dieu
tel qu'il nous est révélé dans la Sainte Écriture. Le Dieu de la
Révélation est un Dieu qui parle, un Dieu qui est en lui-même
Parole et qui se donne à connaître à l'humanité de multiples
manières (He
1, 1). Grâce à la Bible, l'humanité se sait interpellée par Dieu
; l'Esprit lui donne d'écouter et d'accueillir la Parole de
Dieu, devenant ainsi l'Ecclesia, la communauté rassemblée par la
Parole. Cette communauté croyante reçoit son identité et sa
mission de la Parole de Dieu qui la fonde, la nourrit et
l'engage au service du Règne de Dieu[12].
Clarifions au départ les multiples significations de la Parole
de Dieu. Le prologue de Jean offre la perspective la plus haute
et la plus englobante pour apporter ces clarifications. Par le
terme Logos, l'évangéliste désigne une réalité transcendante qui
était auprès de Dieu et qui est Dieu lui-même. Ce Logos est
"auprès de Dieu et tourné vers Dieu" ( ) (Jn
1, 1) dans le principe, c'est-à-dire avant toutes choses, en
Dieu même ( ). La fin du prologue précise la nature divine
personnelle du Logos par ces mots : "Personne n'a jamais vu Dieu
; le Fils unique, qui est dans et tourné vers le sein du Père,
nous l'a dévoilé" (Jn
1, 18).
Dans ses lettres aux Colossiens et aux Éphésiens, saint Paul
exprime d'une façon à peu près équivalente le mystère du Christ,
Parole de Dieu : "Il est l'image du Dieu invisible, Premier-né
de toute créature, car en lui tout a été créé dans les cieux et
sur la terre, les êtres visibles comme les invisibles... Tout a
été créé par lui et pour lui" (Col
1, 15-16). Dans son dessein de salut, Dieu a voulu "réunir
l'univers entier sous un seul chef, le Christ, ce qui est dans
les cieux et ce qui est sur la terre. En lui aussi, nous avons
reçu notre part : suivant le projet de celui qui mène tout au
gré de sa volonté, nous avons été prédestinés pour être, à la
louange de sa gloire, ceux qui ont d'avance espéré dans le
Chris" (Ep
1, 10-12).
B. LE VERBE DE L'ALLIANCE NOUVELLE ET ÉTERNELLE, JÉSUS-CHRIST
La Parole de Dieu signifie donc
premièrement Dieu lui-même qui parle, qui exprime en lui-même un
Verbe divin appartenant à son mystère intime. Ce Verbe divin
donne origine à toutes choses, car "rien de ce qui fut ne fut
sans lui" (Jn
1, 3). Il parle de multiples langages, notamment celui de la
création matérielle, de la vie et de l'être humain. "En lui
était la Vie, et la Vie était la lumière des hommes" (Jn
1, 4). Il parle en outre d'une façon particulière et même
dramatique dans l'histoire des hommes, notamment par l'élection
d'un peuple, par la loi de Moïse et les prophètes.
Enfin, après avoir parlé de multiples façons (cf.
He 1, 1), il récapitule et couronne tout d'une façon unique,
parfaite et définitive en Jésus Christ. "Et Verbum caro factum
est et habitavit in nobis" (Jn
1, 14). Le mystère du Verbe divin incarné occupe le centre du
prologue et de tout le Nouveau Testament. "C'est pourquoi Jésus
Christ - qui le voit voit aussi le Père
(Jn 14, 9)
-, par toute sa présence, par tout ce qu'il montre de lui-même,
par ses paroles, par ses œuvres, par ses signes, par ses
miracles, mais surtout par sa mort et sa glorieuse résurrection
d'entre les morts, enfin par l'envoi qu'il fait de l'Esprit de
vérité, donne à la Révélation son dernier achèvement et la
confirme par le témoignage divin: Jésus Christ, c'est
Dieu-avec-nous...» (DV 4).
La Parole de Dieu dont témoigne l'Écriture revêt par conséquent
différentes formes et recèle différents niveaux de
signification. Elle désigne Dieu lui-même qui parle, son Verbe
divin, son Verbe créateur et sauveur, et finalement son Verbe
incarné en Jésus Christ, "médiateur et plénitude de la
Révélation" (DV 2). Pour Luc, la Parole de Dieu s'identifie même
à l'enseignement oral de Jésus (Lc
5, 1-3), voire au message pascal, le kérygme, qui, par la
prédication des apôtres, "croît et se multiplie" à l'instar d'un
organisme vivant (Ac
12, 24). Cette Parole de Dieu une et multiple, dynamique et
eschatologique, personnelle et filiale, habite et vivifie
l'Église par la foi; elle est consignée dans les Saintes
Écritures comme un témoignage historique et littéraire, comme un
dépôt sacré destiné à toute l'humanité. D'où cette nouvelle et
décisive modalité de la Parole de Dieu, le texte sacré, la forme
écrite qu'a retenue le peuple d'Israël comme témoignage de la
première Alliance. D'où aussi les Écritures du Nouveau Testament
que l'Église a reçues à son tour de l'Esprit Saint et de la
Tradition apostolique, Écritures qu'elle considère comme
normatives et définitives pour sa vie et sa mission.
Bref, la Parole de Dieu écrite ou transmise est une parole
dialogale et même trinitaire. Elle s'offre à l'homme en Jésus
Christ pour l'introduire dans la communion trinitaire et y
trouver sa pleine identité. Selon le prologue johannique, ce
Verbe personnel de Dieu interpelle l'humanité et pose
immédiatement la question de son accueil: "Il est venu chez les
siens et les siens ne l'ont pas accueilli"; mais "à ceux qui
croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de
Dieu" (Jn
1, 12).
Dieu parle et, de ce fait, l'homme est constitué comme un être
interpellé. Cette dimension anthropologique de la Révélation est
exprimée laconiquement dans la Constitution
Dei Verbum 2: "Par le Christ, Verbe fait chair, les hommes
ont, dans le Saint-Esprit, accès auprès du Père et deviennent
participants de la nature divine". Sur ce thème anthropologique,
les Pères de l'Église ont déployé la doctrine traditionnelle de
l'Imago
Dei. Saint Irénée de Lyon, par exemple, commentant saint
Paul, parle du Fils et de l'Esprit comme des "mains du Père" qui
façonnent l'homme à "l'image et à la ressemblance de Dieu"[13].
Il importe d'avoir à l'esprit cette dimension anthropologique de
la Révélation, car elle joue un rôle très important aujourd'hui
dans l'herméneutique des textes bibliques. Le Concile Vatican II
a redéfini l'identité dialogale de l'homme à partir de la Parole
de Dieu dans le Christ. "En réalité, le mystère de l'homme ne
s'éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné. Adam,
en effet, le premier homme, était la figure de Celui qui devait
venir, le Christ Seigneur. Nouvel Adam, le Christ, dans la
Révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste
pleinement l'homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa
vocation" (GS 22 § 1). Il apparaît ainsi, dans cette lumière
christologique, qu'en accueillant cette vocation sublime par la
foi et l'amour l'homme accède à sa pleine identité personnelle
dans l'Église, mystère de communion,"«peuple rassemblé dans
l'unité du Père, du Fils et de l'Esprit Saint"»[14]. Sur le plan
pastoral, ne devrait-on pas vérifier si cette théoanthropologie
dialogale et filiale fondée sur le Christ occupe la place qui
lui revient dans la Liturgie, la catéchèse et l'enseignement
théologique? "Car dans les Livres saints, rappelle la DV, le
Père qui est aux cieux s'avance de façon très aimante à la
rencontre de ses fils, engage conversation avec eux; une si
grande force, une si grande puissance se trouve dans la Parole
de Dieu, qu'elle se présente comme le soutien et la vigueur de
l'Église, et, pour les fils de l'Église, comme la solidité de la
foi, la nourriture de l'âme, la source pure et intarissable de
la vie spirituelle" (DV 21).
La vocation divine de l'homme, avons-nous dit, s'éclaire dans le
mystère du Verbe incarné, nouvel Adam. Cette vocation lui
confère son dynamisme transcendantal sous le mode d'un désir
profond de Dieu, inscrit dans son être même. L'homme est un être
de désir qui aspire à l'infini, mais il est aussi un être de
service qui obéit à la Parole de Dieu: "Je suis la servante du
Seigneur" (Lc
1, 38). Toute l'anthropologie se joue dans ce passage du désir
au service qui fait de l'homme un être ecclésial, une
anima ecclesiastica.
C. L'ÉPOUSE DU VERBE INCARNÉ
1. La Fille de Sion et l'Ecclesia
"Dans la communion de toute l'Église, nous voulons nommer en premier lieu la bienheureuse Marie toujours Vierge, Mère de notre Dieu et Seigneur, Jésus-Christ" (Canon romain).
Une femme, Marie, accomplit
parfaitement la vocation divine de l'humanité par son "oui" à la
Parole d'Alliance et à sa mission. Par sa maternité divine et sa
maternité spirituelle, Marie apparaît comme le modèle et la
forme permanente de l'Église, comme la première Église.
Arrêtons-nous à la figure charnière de Marie entre l'ancienne et
le nouvelle Alliance qui accomplit le passage de la foi d'Israël
à la foi de l'Église. Contemplons le récit de l'Annonciation qui
est l'origine et le modèle insurpassable de l'auto-communication
de Dieu et de l'expérience de foi de l'Église. Il nous servira
de paradigme pour comprendre l'identité dialogale de la Parole
de Dieu dans l'Église.
Du côté de Dieu qui parle apparaît en toute clarté la dimension
trinitaire de la Révélation. L'ange de l'Annonciation parle au
nom de Dieu le Père, qui prend l'initiative de s'adresser à sa
créature pour lui signifier sa vocation et sa mission. Il s'agit
d'un événement de grâce dont le contenu est communiqué malgré la
frayeur et l'étonnement de sa créature: "Tu concevras et tu
enfanteras un fils auquel tu donneras le nom de Jésus. Il sera
appelé Fils du Très-Haut". Dans le dialogue vivant qui s'ensuit,
Marie interroge: "Comment cela sera-t-il puisque je ne connais
pas d'homme?" L'ange lui répond : "L'Esprit Saint viendra sur
toi, c'est pourquoi l'être saint qui naîtra sera appelé Fils de
Dieu" (Lc
1, 35).
Outre cette dimension trinitaire du récit de l'événement, le
dialogue de Marie avec l'ange nous instruit en même temps sur la
réaction vitale de l'interpellée, sa frayeur, sa perplexité et
sa demande d'explication. Dieu respecte la liberté de sa
créature ; c'est pourquoi il ajoute le signe de la fécondité
d'Élisabeth qui permet à Marie de donner son assentiment d'une
façon qui est à la fois surnaturelle et pleinement humaine. "Je
suis la servante du Seigneur, qu'il m'advienne selon ta parole"(Lc
1, 38). Épouse du Dieu vivant, Marie devient mère du Fils par la
grâce de l'Esprit.
Dès que Marie donne son assentiment inconditionnel à l'annonce
de l'ange, la vie trinitaire entre dans son âme, son cœur et son
sein, inaugurant le mystère de l'Église. Car l'Église du Nouveau
Testament commence à exister là où la Parole incarnée est
accueillie, chérie et servie en toute disponibilité à l'Esprit
Saint. Cette vie de communion à la Parole dans l'Esprit commence
avec
l'annonce de l'ange et s'étend à toute l'existence de Marie.
Cette vie inclut toutes les étapes de la croissance et de la
mission du Verbe incarné, en particulier la scène eschatologique
de la croix où Marie reçoit de Jésus lui-même
l'annonce de la plénitude de sa maternité spirituelle:
"Femme, voici ton fils" (Jn
19, 26). En toutes ces étapes, par "son OUI initial et
permanent"[15], Marie communie à la vie de Dieu qui se donne et
elle collabore entièrement à son dessein de salut sur toute
l'humanité. Elle est la nouvelle Ève chantée par saint Irénée,
qui participe comme épouse de l'Agneau à la fécondité
universelle du Verbe incarné.
La scène de l'Annonciation et la vie de Marie illustrent et
récapitulent la structure d'Alliance de la Parole de Dieu et
l'attitude responsoriale de la foi. Elles font ressortir la
nature personnelle et trinitaire de la foi qui consiste en un
don de la personne à Dieu qui se donne en se révélant [16].
"Cette attitude, c'est l'attitude des saints. Elle est celle
même de l'Église qui ne cesse de se convertir à son Seigneur en
réponse à la voix qu'il lui adresse"[17]. C'est pourquoi
l'attention à la figure de Marie comme modèle et même
archétype[18] de la foi de l'Église nous semble capitale pour
opérer concrètement un changement de paradigme dans le rapport à
la Parole de Dieu. Ce changement de paradigme n'obéit pas à la
philosophie du jour, mais à la redécouverte du lieu originel de
la Parole, le dialogue vital du Dieu-Trine avec l'Église son
Épouse, qui s'accomplit dans la sainte Liturgie.
"Effectivement, pour l'accomplissement de cette grande œuvre par
laquelle Dieu est parfaitement glorifié et les hommes
sanctifiés, le Christ s'associe toujours l'Église, son Épouse
bien-aimée, qui l'invoque comme son Seigneur et qui passe par
lui pour rendre son culte au Père éternel".[19]
2. Tradition, Écriture Et Magistère
Parler de la Liturgie comme
dialogue vital de l'Église avec Dieu, c'est parler de la
tradition en son acception première, c'est-à-dire de la
transmission vivante du mystère de la nouvelle Alliance. La
Tradition est constituée par la prédication apostolique, elle
précède les Écritures, les élabore et les accompagne toujours.
La Parole de Dieu prêchée engendre la foi qui s'exprime à son
sommet par le baptême et l'Eucharistie. C'est là en effet que
Dieu, dans le Christ, offre sa vie aux hommes "pour
les inviter à entrer en communion avec lui et les recevoir en
cette communion" (DV 2). C'est là aussi que l'Église, au nom
de toute l'humanité, répond au Dieu de l'Alliance en s'offrant
elle-même avec le Christ pour sa gloire et pour le salut du
monde.
Dans la tradition vivante de l'Église, la Parole de Dieu occupe
la première place: c'est le Christ vivant. La Parole écrite en
porte témoignage. L'Écriture, en effet, est une attestation
historique et une référence canonique indispensable pour la
prière, la vie et la doctrine de l'Église. Cependant, l'Écriture
n'est pas toute la Parole, elle ne s'identifie pas totalement
avec elle, d'où l'importance de la distinction entre la Parole
et le Livre, tout comme entre la lettre et l'Esprit. Saint Paul
affirme avec force que nous sommes les ministres "d'une Alliance
nouvelle, non de la lettre, mais de l'Esprit; car la lettre tue,
mais l'Esprit donne la vie" (2
Co 3, 6). Il est clair que la lettre de l'Écriture joue un
rôle primordial et normatif dans l'Église, mais "le
christianisme n'est pas à proprement parler une ‹ religion du
livre › : il est la religion de la Parole mais non pas
uniquement ni principalement de la Parole sous sa forme écrite.
Il est la religion du Verbe et 'non d'un verbe écrit et muet,
mais d'un Verbe incarné et vivant'"[20]. Cette religion de
la Parole demeure toutefois inséparable du Verbe écrit,
entretenant avec lui un rapport complexe mais essentiel.
L'unité de la Tradition vivante et de la Sainte Écriture repose
sur l'assistance du Saint-Esprit à ceux qui exercent le
ministère pastoral. "Mais
la charge d'interpréter authentiquement la Parole de Dieu écrite
ou transmise a été confiée au seul Magistère vivant de l'Église,
dont l'autorité s'exerce au nom de Jésus-Christ. Ce Magistère
n'est pas au-dessus de la Parole de Dieu; il la sert,
n'enseignant que ce qui a été transmis, puisque, en vertu de
l'ordre divin et de l'assistance du Saint-Esprit, il écoute
pieusement la parole, la garde religieusement, l'explique
fidèlement, et puise dans cet unique dépôt de la foi tout ce
qu'il nous propose à croire comme étant divinement révélé" (DV
10).
L'assistance que donne le Saint-Esprit au Magistère (cf.
2 Tm 1, 14) complète l'action qu'il exerce dans la création
et l'histoire du salut. En effet, l'Esprit Saint est à l'œuvre
dans l'histoire, suscitant des "actions" et des "paroles" qui
ont interprété les événements et qui ont été consignées par
écrit dans les Livres saints (DV I, 2). L'exégèse
historico-critique nous a rendus plus conscients des médiations
humaines complexes qui intervinrent dans l'élaboration des
textes sacrés, mais il n'en reste pas moins que l'Esprit Saint a
guidé toute l'histoire du salut, il a inspiré son interprétation
verbale et écrite et il a façonné sa culmination dans le Christ
et l'Église. Saint Paul décrit poétiquement "la Parole de Dieu"
comme "le glaive de l'Esprit" (Ep
6, 17). Il excelle à mettre en valeur le rôle de l'Esprit dans
le dessein de Dieu, en particulier dans la synthèse magistrale
de l'Épître aux Éphésiens (cf. 1,13 ; 2,22 ; 3,5). Notons
toutefois que l'action de l'Esprit Saint n'oppose pas la
dimension dialogale et la dimension doctrinale, comme le
Magistère de l'Église s'efforce de le rappeler, tout en mettant
l'accent dans la
DV sur la dimension personnelle-dialogale à partir de l'autocommunication
de Dieu dans le Christ.
"Il est donc évident que la Tradition sacrée, la Sainte Écriture
et le Magistère de l'Église sont entre eux, selon le très sage
dessein de Dieu, tellement liés et associés qu'aucun d'eux n'a
de consistance sans les autres, et que tous contribuent en même
temps de façon efficace au salut des âmes, chacun à sa manière,
sous l'action du seul Saint-Esprit"» (DV 10).
Malgré cet équilibre délicat qui a beaucoup d'implications
œcuméniques, des tensions demeurent et la réflexion est à
poursuivre sur ces questions fondamentales qui déterminent la
manière de lire les Écritures, de les interpréter et d'en faire
un usage fructueux pour la vie et la mission de l'Église.
Convocatio: Dieu convoque ses créatures à l'existence par sa
Parole. Il convoque l'homme au dialogue en son Fils et il
convoque l'Église à partager sa vie divine dans l'Esprit. Nous
avons voulu conclure cette partie sur l'identité de la Parole de
Dieu par une section sur l'Église, Épouse du Verbe incarné.
Malgré la complexité des rapports entre Écriture, Tradition et
Magistère, l'Esprit Saint assure néanmoins l'unité de
l'ensemble, surtout si l'on garde bien présente la dynamique
responsoriale et même nuptiale du rapport d'Alliance. En situant
les fonctions ecclésiales de l'Écriture, de la Tradition et du
Magistère à l'intérieur d'une ecclésiologie mariale, nous
invitons à un changement de paradigme où l'accent passe de la
dimension noétique à la dimension personnelle de la Révélation.
La figure archétypique de Marie permet de faire ressortir la
dimension dynamique de la Parole et la nature personnelle de la
foi comme don de soi, tout en invitant l'Église à demeurer sous
la Parole et disponible à toute action de l'Esprit Saint.
II. COMMUNIO: LA PAROLE DE DIEU DANS LA VIE DE L'ÉGLISE
Dans cette seconde partie, nous traitons de la Parole de Dieu dans la vie de l'Église en commençant par le dialogue de l'Église avec Dieu dans la sainte Liturgie qui est le berceau de la Parole, son Sitz im Leben[21]. Ensuite, nous traitons de la Lectio divina et de l'interprétation ecclésiale de la Sainte Écriture en mettant l'accent sur la recherche du sens spirituel, invitant ainsi à renouer avec l'exégèse des Pères de l'Église.
A. LE DIALOGUE DE L'ÉGLISE AVEC DIEU QUI PARLE
1. La Sainte Liturgie
La Liturgie est considérée comme
l'exercice de la fonction sacerdotale de Jésus Christ, exercice
dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps
mystique de Jésus Christ, c'est-à-dire par le Chef et par ses
membres (cf. SC 7). C'est pourquoi la Constitution
Sacrosanctum concilium insiste sur les différentes modalités
de la présence du Christ dans la Liturgie. "Il
est là présent dans le sacrifice de la messe, et dans la
personne du ministre, ‹le même offrant maintenant par le
ministère des prêtres, qui s'offrit alors lui-même sur la croix
› et, au plus haut point, sous les espèces eucharistiques".
Le Christ "est là présent dans sa parole, car c'est lui qui
parle tandis qu'on lit dans l'Église les Saintes Écritures"» (SC
7).
"C'est
lui qui parle tandis qu'on lit dans l'Église les Saintes
Écritures". On ne saurait trop insister sur les implications
pastorales de cette affirmation conciliaire solennelle. Elle
nous rappelle que le sujet premier de la sainte Liturgie est le
Christ lui-même s'adressant à son Peuple et s'offrant à son Père
en sacrifice d'amour pour le salut du monde. Même si dans
l'accomplissement des rites liturgiques, l'Église semble avoir
le premier rôle, en fait elle joue toujours un rôle subordonné,
au service de la Parole et de Celui qui parle. L'ecclésiocentrisme
est étranger à la réforme du Concile. Quand la Parole est
proclamée, c'est le Christ qui parle au nom de son Père, et
l'Esprit Saint nous fait accueillir sa Parole et communier à sa
vie. L'assemblée liturgique existe en autant qu'elle est centrée
sur la Parole et non sur elle-même. Autrement, elle dégénère en
un quelconque groupe social.
Par cette insistance, l'Église nous enseigne que la Parole de
Dieu, c'est d'abord Dieu qui parle. Déjà dans la Première
Alliance, Dieu parle à son peuple par Moïse qui lui rapporte
ensuite la réponse du peuple aux paroles de Yahvé: "tout ce que
Yahvé a dit, nous le ferons" (Ex
19, 8)[22] Dieu parle moins pour nous instruire que pour se
communiquer lui-même et "nous introduire dans sa communion" (DV
2). L'Esprit Saint réalise cette communion en rassemblant la
communauté autour de la Parole et en actualisant le mystère
pascal du Christ où il se livre lui-même en communion. Car,
selon les Écritures, la mission du Verbe incarné culmine dans la
communication de l'Esprit divin[23]. Dans cette lumière
trinitaire et pneumatologique, il apparaît plus clairement que
la sainte Liturgie est le dialogue vivant entre Dieu qui parle
et la communauté qui écoute et répond par la louange, l'action
de grâce et l'engagement dans la vie et la mission. Comment
cultiver chez les fidèles la conscience que la Liturgie est
l'exercice de la fonction sacerdotale de Jésus Christ à laquelle
l'Église est associée comme Épouse bien-aimée? Quelles
conséquences devrait avoir la redécouverte de ce lieu originel
de la Parole sur l'herméneutique biblique, sur la célébration
eucharistique et tout particulièrement sur la place et la
fonction de la Liturgie de la Parole, incluant l'homélie?
a) Parole et Eucharistie
L'Église a toujours témoigné son respect à l'égard des
Écritures, tout comme à l'égard du Corps du Seigneur lui-même,
puisque, surtout dans la Sainte Liturgie, elle ne cesse, de la
table de la Parole de Dieu comme de celle du Corps du Christ, de
prendre le pain de vie et de le présenter aux fidèles. (DV
21)
En comparant la Liturgie de la
Parole et l'Eucharistie à deux "tables", la DV voulait souligner
à juste titre l'importance de la Parole. Cette expression
reprend une donnée traditionnelle qu'on trouve fortement
exprimée chez Origène, par exemple, quand il exhorte au respect
de la Parole comme à celui du corps du Christ: "Que si,
lorsqu'il s'agit de son corps, vous apportez à juste titre tant
de précautions, pourquoi voudriez-vous que la négligence de la
Parole de Dieu mérite un moindre châtiment que celle de son
corps?"»[24]
Si l'on tient à conserver la métaphore des deux tables, ne
devrions-nous pas nuancer la manière de les vénérer ?[25] Ne
devrions-nous pas aussi souligner surtout leur unité car elles
servent le même "Pain de vie" (Jn
6, 35-58) aux fidèles? Que ce soit sous la forme de la Parole à
croire ou de la Chair à manger, la Parole proclamée et la Parole
prononcée sur les oblats participent à un même événement
sacramentel. La Liturgie de la Parole porte en elle-même une
force spirituelle qui est toutefois décuplée par son lien
intrinsèque avec l'actualisation du mystère pascal: la Parole de
Dieu qui se fait Chair sacramentelle par la puissance de
l'Esprit. Ce mystère sacramentel s'accomplit par des paroles,
comme le rappelle le Concile de Trente[26], et aussi par
l'action de l'Esprit Saint qui repose sur le ministre ordonné et
qui est explicitement invoqué dans l'épiclèse.
L'Esprit confère à la Parole proclamée dans la Liturgie une
vertu performative, c'est-à-dire "vivante et efficace" (Hé
4, 12). Cela signifie que la Parole liturgique, comme
l'Évangile, "n'est pas uniquement une communication d'éléments
que l'on peut connaître, mais une communication qui produit des
faits et qui change la vie"»[27]. Cette vertu performative de la
Parole liturgique dépend du fait que Celui qui parle ne veut pas
d'abord
instruire par sa Parole, mais
se communiquer lui-même. Celui qui écoute et répond n'adhère
pas seulement à des vérités abstraites ; il s'engage
personnellement avec toute sa vie, manifestant ainsi son
identité de membre du Corps du Christ. L'Esprit Saint est la clé
de cette communication vitale. C'est lui qui façonne le Corps
sacramentel et ecclésial du Christ, comme il a façonné en Marie
son Corps de chair et, selon le mot d'Origène, le "Corps de
l'Écriture"[28]. Ainsi, avec le Fils et l'Esprit, "le
Père qui est aux cieux s'avance de façon très aimante à la
rencontre de ses fils [et] engage conversation avec eux" (DV
21). Comment devrait-on former des disciples et des ministres
qui soient capables de mettre en valeur la dimension trinitaire
et responsoriale de la Liturgie? Ces incidences pastorales
n'engagent pas seulement une réforme des études, mais aussi une
revalorisation de la contemplation des Écritures.
b) L'homélie
Malgré la restauration dont l'homélie fut l'objet au Concile,
nous expérimentons encore l'insatisfaction de beaucoup de
fidèles face au ministère de la prédication. Cette
insatisfaction explique en partie le départ de beaucoup de
catholiques vers d'autres groupes religieux. Pour remédier aux
lacunes de la prédication, nous savons qu'il ne suffit pas de
donner la priorité à la Parole de Dieu, car il faut aussi
qu'elle soit correctement interprétée dans le contexte
mystagogique de la Liturgie. Il ne suffit pas non plus de
recourir à l'exégèse ni d'utiliser de nouveaux moyens
pédagogiques ou technologiques; il ne suffit même plus que la
vie personnelle du ministre soit en profonde harmonie avec la
Parole annoncée. Tout cela est très important, mais peut
demeurer extrinsèque à l'accomplissement du mystère pascal du
Christ. Comment aider les homélistes à mettre la vie et la
Parole en relation avec cet événement eschatologique qui fait
irruption au cœur de l'assemblée? L'homélie doit atteindre la
profondeur spirituelle, c'est-à-dire christologique de la Sainte
Écriture[29]. Comment éviter la tendance au moralisme et
cultiver l'appel à la décision de foi ?
L'Instrumentum
laboris a mis en exergue le passage de
Luc 4, 21, qui parle de la "première homélie" de Jésus dans
la synagogue de Nazareth: "Alors il commença à leur dire:
‹Aujourd'hui, cette écriture est accomplie pour vous qui
l'entendez›". L'Évangile de Luc introduit cette séquence d'une
façon solennelle, en faisant comme un résumé de la prédication
et du destin de Jésus. Dans un certain sens, la scène dans la
synagogue de Nazareth fut un symbole de sa vie. Les gens se sont
émerveillés du message de grâce qui sortait de sa bouche, mais à
la fin, ils étaient prêts à le jeter dans le précipice. Le début
de sa prédication fut le prologue du mystère pascal.
"Aujourd'hui, cette écriture est accomplie pour vous qui
l'entendez" (Lc
4, 21). Entre l'aujourd'hui du Ressuscité et l'aujourd'hui de
l'assemblée, il y a la médiation de l'Écriture portée par
l'Esprit sur les lèvres de l'homéliste. "Tous étaient
émerveillés des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche" (Lc
4, 22). Illuminé par l'Esprit Saint, le texte expliqué de façon
simple et familière sert de médiation pour la rencontre entre le
Christ et la communauté. L'accomplissement de l'Écriture
survient ainsi dans la foi de la communauté qui accueille le
Christ comme Parole de Dieu. L'aujourd'hui qui intéresse le
prédicateur est l'aujourd'hui de la foi, la décision de foi de
s'abandonner au Christ et de lui obéir jusque dans les exigences
morales de l'Évangile.
Le prêtre en tant que ministre de la Parole complète ce qui
manque à la prédication de Jésus pour son corps qui est
l'Église. Il partage les souffrances de la préparation, les
difficultés de la communication, mais surtout la joie d'être
instrument de l'Esprit Saint au service d'un avènement très
radical : "l'accueil de l'homme à l'offrande d'amour de Dieu qui
se présente à lui dans le Christ".[30]
c) L'Office divin
Dieu continue de parler avec son peuple par son Fils, dans
l'Esprit, "non
seulement par la célébration de l'Eucharistie, mais aussi par
d'autres moyens et surtout par l'accomplissement de l'Office
divin" (SC 83). Le Christ Jésus "a introduit dans notre exil
terrestre cette hymne qui se chante éternellement dans les
demeures célestes. Il s'adjoint toute la communauté des hommes
et se l'associe dans ce divin cantique de louange". "Ainsi¸
écrit saint Augustin, notre Seigneur Jésus Christ, unique
Sauveur de son Corps mystique, prie pour nous, prie en nous, et
reçoit nos prières. Il prie pour nous comme notre prêtre, il
prie en nous comme notre chef, il reçoit nos prières comme notre
Dieu. Reconnaissons donc, et que nous parlons en lui, et qu'il
parle en nous"[31].
L'Office divin fait partie de l'exercice de la fonction
sacerdotale de Jésus Christ, à laquelle l'Église est intimement
associée comme Épouse du Verbe incarné. La restauration de
l'Office divin, réalisée par le Concile, a produit de grands
fruits dans l'Église grâce au développement d'une pratique
beaucoup plus répandue en des formes simplifiées qui permettent
un contact fréquent et priant avec la Parole de Dieu. Cette
pratique monastique et conventuelle, assaisonnée aussi de
lectures patristiques, demeure un élément constitutif de la
tradition ecclésiale et représente par conséquent une référence
importante pour l'interprétation de l'Écriture dans l'Église.
Cette pratique ecclésiale incarne la finalité spirituelle des
Saintes Écritures et met en valeur la prière insurpassable des
psaumes. "Certes,
toute la Sainte Écriture, de l'Ancien comme du Nouveau
Testament, est inspirée par Dieu et utile pour l'enseignement,
ainsi qu'il est écrit néanmoins le livre des Psaumes, écrit
saint Athanase, comme un paradis contenant tous les fruits des
autres livres, propose ses chants et ajoute ses propres fruits
aux autres dans la psalmodie"
[32]. Celui qui chante les psaumes est comme devant un "miroir"
où il peut retrouver ses propres sentiments, comme Augustin qui
confesse qu'ainsi "la
vérité s'infiltrait dans mon cœur que la ferveur transportait,
mes larmes coulaient et cela me faisait du bien"[33].
Le Synode devrait rappeler à quel point la pratique fervente de
l'Office divin, selon la règle propre de chaque communauté,
demeure un précieux ferment de vie communautaire et de joie[34].
Elle incarne la
Sequela Christi,
l'union de l'Épouse à l'Époux dans la louange d'amour et
d'intercession pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
2. Lectio divina
La tradition de
l'Église véhicule aussi la pratique de la
Lectio divina comme une contemplation savoureuse de la
Sainte Écriture, à la manière de Marie qui méditait dans son
cœur tous les mystères de Jésus. "Marie recherchait le sens
spirituel des Écritures et elle le trouvait en le rapportant (symballousa)
aux paroles, à la vie de Jésus et aux événements qu'elle
découvrait progressivement dans son histoire personnelle". En
cela, "Marie devient un symbole pour nous, pour la foi des gens
simples et pour celle des docteurs de l'Église qui étudient,
évaluent et définissent la façon de professer l'Évangile »[35].
"Je voudrais surtout évoquer et recommander l'antique tradition
de la Lectio divina"»,
écrit le pape Benoît XVI. "La
lecture assidue de l'Écriture sainte, accompagnée par la prière,
réalise le dialogue intime dans lequel, en lisant, on écoute
Dieu qui parle et, en priant, on lui répond, avec une ouverture
du cœur confiante (cf.
DV 25).
Cette pratique, si elle est promue de façon efficace, apportera
à l'Église, j'en suis convaincu, un nouveau printemps spirituel"[36].
Pour que les pratiques de la
Lectio divina soient vécues avec plus de fruit, le texte de
la
DV 23 nous place dans la juste lumière en évoquant l'Église,
Épouse du Verbe incarné, qui est animée et instruite par le
Saint-Esprit. Cette ecclésiologie nuptiale introduit d'elle-même
le climat d'amour et de réciprocité qui favorise la
contemplation de l'Écriture. Cette indication précieuse nous
aide à prendre conscience des présupposés ecclésiologiques qui
jouent un rôle plus important qu'il ne paraît dans le dialogue
avec Dieu à même le texte sacré. Dans la mesure où l'Église,
dans ses membres, se perçoit comme une épouse bien-aimée, objet
d'un amour d'élection, il devient tout naturel de se tourner
amoureusement vers la Sainte Écriture comme vers la source sans
cesse jaillissante de l'amour divin[37].
"Dans
cette perspective, il faut prendre en considération, comprendre
correctement et récupérer l'exégèse extraordinaire des Pères
ainsi que la grande intuition médiévale des ‹quatre sens des
Écritures›, qui n'ont aucunement perdu leur intérêt"[38]. La
pratique de la
Lectio divina produira des fruits pour autant qu'elle
baignera dans une atmosphère de confiance à l'égard des
Écritures, ce qui suppose une exégèse du texte "dans
le même Esprit qui l'a fait écrire" (DV 12). Dans ce
contexte, on ne saurait trop encourager "l'étude
des saints Pères de l'Orient et de l'Occident, et des saintes
Liturgies" (DV 23).
Bref, la
Lectio divina peut beaucoup apporter au dialogue de l'Église
avec Dieu, à la formation des disciples et des communautés
chrétiennes, et même au rapprochement des Églises et communautés
ecclésiales par la "lecture
spirituelle commune de la Parole de Dieu[39]".
Il est souhaitable que le Synode encourage la recherche de
stratégies nouvelles, simples et attrayantes, adaptées à
l'ensemble du peuple chrétien ou à des catégories particulières
de fidèles, pour développer le goût et la pratique d'une lecture
continue, tant communautaire que personnelle, de la Parole de
Dieu.
B. L'interprétation ecclésiale de
la Parole de Dieu
1. Éléments de problématique
L'interprétation des
Écritures dans l'Église a donné lieu, depuis les origines
apostoliques, à des conflits et à des tensions récurrentes. Des
schismes et des séparations ont rajouté d'autres obstacles.
Parallèlement à ces événements malheureux, l'exégèse et la
théologie se sont éloignées non seulement l'une de l'autre, mais
aussi de l'interprétation spirituelle de l'Écriture qui était
courante à l'âge patristique[40]. Le modèle contemplatif de la
théologie monastique et patristique a cédé la place à un modèle
spéculatif et souvent polémique sous l'influence des erreurs à
combattre et des découvertes historiques, philosophiques et
scientifiques. Ajoutons encore le tournant anthropocentrique de
la pensée moderne, qui a écarté la métaphysique de l'être au
profit d'une épistémologie immanentiste. Prisonnier de
l'enceinte enchantée du
cogito (Ricœur), l'homme est fasciné par ses propres
prouesses spéculatives (Hegel), mais il perd le sens de
l'émerveillement devant le mystère de l'être et de la
Révélation[41].
Dans ce contexte de séparation et de conflit entre la foi et la
raison, on assiste à la remise en question de l'unité de
l'Écriture et à une fragmentation excessive des interprétations.
Dorénavant, le rapport interne de l'exégèse à la foi ne fait
plus l'unanimité et des tensions augmentent entre exégètes,
pasteurs et théologiens[42]. On complète certes de plus en plus
l'exégèse historico-critique par d'autres méthodes, dont
certaines renouent avec la tradition et l'histoire de
l'exégèse[43]. Mais d'une façon générale, après plusieurs
décennies de concentration sur les médiations humaines de
l'Écriture, ne faut-il pas retrouver la profondeur divine du
texte inspiré sans perdre les acquis précieux des nouvelles
méthodologies ?
On ne saurait trop insister sur ce point car la crise de
l'exégèse et de l'herméneutique théologique affecte profondément
la vie spirituelle du Peuple de Dieu et sa confiance dans les
Écritures. Elle affecte aussi la communion ecclésiale, à cause
du climat de tension souvent malsain entre la théologie
universitaire et le Magistère ecclésial. Face à cette situation
délicate, et sans entrer dans les débats d'écoles, le Synode
doit donner une orientation pour assainir les rapports et
favoriser l'intégration des acquis des sciences bibliques et
herméneutiques dans l'interprétation ecclésiale des Saintes
Écritures[44].
Les dialogues en ce sens, promus par la Congrégation de la
doctrine de la foi, devraient être intensifiés, afin
d'approfondir de façon multidisciplinaire et respectueuse des
compétences les points en litige et de préparer ainsi le
jugement de l'Église qui doit s'acquitter "de
l'ordre et du ministère divin de garder et d'interpréter la
Parole de Dieu" (DV 12). La Commission biblique pontificale
et la Commission théologique internationale jouent un rôle
important et hautement apprécié en ce sens. Le Synode pourrait
reconnaître la précieuse contribution de ces organismes et
encourager des sessions conjointes[45] afin d'intensifier le
dialogue entre pasteurs, théologiens et exégètes. Il pourrait
aussi suggérer des rencontres régionales du même genre qui
aideraient à cultiver un climat sain de communion et de service
de la Parole de Dieu. Le Synode pourrait proposer en outre qu'on
prenne comme axe d'intégration de cette recherche d'unité le
sens spirituel de l'Écriture[46].
2. Le sens spirituel de l'Écriture
"Le
théologien averti reconnaît sans ambages, écrit le Père de
Lubac,
que l'existence d'un double sens littéral et spirituel est une
donnée inaliénable de la tradition. Elle fait partie du
patrimoine chrétien. Il [le sens spirituel] est, redisons-le
avec les Pères, le Nouveau Testament lui-même, avec toute sa
fécondité, se révélant à nous ' comme accomplissement et
transfiguration de l'Ancien'"[47]. Selon saint Thomas
d'Aquin, le sens spirituel suppose le sens littéral et s'y
appuie[48]. Cependant, toute interprétation symbolique ou
spirituelle doit conserver une homogénéité avec le sens
littéral. Car, "admettre
des sens hétérogènes équivaudrait à couper le message biblique
de sa racine, qui est la Parole de Dieu communiquée
historiquement, et à ouvrir la porte à un subjectivisme
incontrôlable"[49].
Cette crainte du subjectivisme et le manque de réflexion
contemporaine sur l'inspiration scripturaire expliquent la
lenteur de l'exégèse catholique contemporaine à s'intéresser
réellement au sens spirituel de l'Écriture[50]. Cependant, une
évolution significative se dessine en ce sens: "En
règle générale, écrit la CBP, on peut définir le sens
spirituel, compris selon la foi chrétienne, comme le sens
exprimé par les textes bibliques, lorsqu'on les lit sous
l'influence de l'Esprit Saint dans le contexte du mystère pascal
du Christ et de la vie nouvelle qui en résulte"[51]. Cette
définition rejoint bien l'orientation de la
DV 12, demandant d'interpréter les textes bibliques dans le
même Esprit qui les a fait écrire.
En effet, c'est l'Esprit qui a préparé les événements de
l'Ancien et du Nouveau Testaments selon une progression allant
de la promesse à l'accomplissement ; c'est par l'Esprit qu'ont
été interprétés ces événements par des paroles prophétiques et
des relectures symboliques ou sapientielles, afin de conduire le
Peuple de Dieu, par purifications et approfondissements
successifs, à la rencontre de Jésus Christ, plénitude de la
Révélation. Au fond, le sens spirituel de l'Écriture, "le
sens véritable reste celui de l'Esprit Saint"[52]. "Quant
à moi, écrit saint Bernard,
ainsi que le Seigneur me l'a enseigné, je chercherai dans les
profonds recès de la parole sacrée son Esprit et son sens vivant
; telle est ma part, puisque je crois en Jésus Christ. Comment
n'essaierais-je pas de tirer de la lettre morte et insipide un
aliment spirituel savoureux et salutaire, comme on sépare le
grain de la balle, la noix de sa coquille ou comme on extrait la
moelle d'un os ? Je n'ai point affaire de cette lettre qui a le
goût de chair et qui donne la mort à qui l'avale. Mais ce qui
est caché sous son enveloppe vient du Saint-Esprit"[53].
La pratique de l'exégèse spirituelle de l'Écriture requiert ici
encore un approfondissement pneumatologique. Il ne suffit pas
seulement de lire "sous l'influence de l'Esprit Saint", il faut
chercher à percevoir dans la lettre l'Esprit qui y est contenu.
Ainsi, le Saint-Esprit n'est pas simplement un agent extrinsèque
de la production de la Sainte Écriture ; il est celui qui, dans
la Bible, s'exprime de concert avec la Parole du Père qu'est
Jésus-Christ. Dans le prolongement de cette recherche, il serait
opportun que le Synode s'interroge sur la pertinence d'une
encyclique éventuelle sur l'interprétation de l'Écriture dans
l'Église.
3. L'exégèse et la théologie
L'exégèse et la
théologie s'occupent du même objet, la Parole de Dieu, mais dans
des perspectives différentes et complémentaires. L'exégète
étudie la "lettre"de l'Écriture "avec
le même Esprit qui l'a fait écrire[54], pour découvrir
correctement le sens des textes sacrés" (DV 12). Il est
attentif à la genèse historique des textes, à leur genre
littéraire, à leur structuration, mais aussi au rapport entre
les différents livres de la Bible et entre l'un et l'autre
Testament. Le Synode devrait saluer le regain d'intérêt pour
l'approche canonique de l'Écriture et les efforts pour proposer
des synthèses de théologie biblique comme d'intéressants pas en
avant dans le sens d'une intelligence globale de l'Écriture. Le
théologien, lui aussi, s'efforce d'interpréter la "lettre" en
fonction de "l'unité
de l'Écriture tout entière, compte tenu de la tradition vivante
de l'Église tout entière" (DV 12), des langages
philosophiques et autres qui marquent la culture de son époque,
et en respectant autant que possible les sensibilités
particulières de ses contemporains.
Exégètes et théologiens savent que "les
Saintes Écritures contiennent la Parole de Dieu et, parce
qu'elles sont inspirées, elles sont réellement la Parole de
Dieu; aussi l'étude des Saintes Lettres doit-elle être comme
l'âme de la sainte théologie" (DV 24). Cette Parole de Dieu
est toujours et simultanément la Parole de la foi, le témoignage
d'un peuple et de ses auteurs inspirés. En conséquence, les
méthodes exégétiques et théologiques doivent refléter
l'interdépendance de la « lettre », de l'Esprit et de la foi
dans le travail d'interprétation. Le rapport d'Alliance entre
Dieu et son peuple habite le texte lui-même et commande une
interprétation qui soit non seulement noétique, mais dynamique
et dialogale. Bref, ou bien les exégètes et les théologiens
interprètent rigoureusement la Bible dans la foi et l'écoute de
l'Esprit, ou bien ils s'en tiennent aux caractéristiques
superficielles du texte s'ils se limitent à des considérations
historiques, linguistiques ou littéraires.
Parmi les tâches urgentes de la recherche, il importe
d'approfondir l'épistémologie théologique à l'aide des Pères de
l'Église et des saints. Par leur attitude personnelle et
méthodique de foi contemplative, ceux-ci s'ouvrent à la
profondeur du texte, c'est-à-dire à la présence de Dieu qui
parle maintenant par celui-ci et interpelle l'auditeur. D'où
leur témoignage d'une "science de l'amour [55]" qui demeure la
voie d'accès par excellence à la connaissance de Dieu. "
La justesse inspirée avec laquelle les saints les moins
spéculatifs insistent sur certains aspects de la vie chrétienne
peut avoir des effets imprévisibles sur la théologie vivante de
l'Église. Pensez à la règle de saint Benoît au testament de
saint François d'Assise, aux Exercices de saint Ignace"
[56]. Même si les saints en question ne sont pas des théologiens
de profession, les accents propres de leur vie servent de "canons"et
de règles d'interprétation de la Révélation car "ce
sont ceux qui aiment qui en savent le plus long sur Dieu. C'est
eux que le théologien doit écouter"[57]. Sainte Thérèse de
l'Enfant Jésus savait que sa voie d'enfance spirituelle était un
exemple à imiter et saint Paul, dans la Bible chrétienne, se
donne lui-même en exemple.
"Pour
une éthique anthropologique close, la franchise avec laquelle
saint Paul démontre en lui-même la sainteté chrétienne - afin de
démontrer la vérité dogmatique - et présente l'analyse de sa
propre existence devant l'Église tout entière et devant le monde
aura toujours quelque chose de choquant. Mais elle n'est que le
reflet exact et docile, sur le plan ecclésial, de
l'extraordinaire affirmation du Christ, celle d'être lui-même
dans son existence vivante la vérité de Dieu"[58]. "La
manière dont saint François comprend l'Écriture se distingue sur
des points essentiels de celle de ses biographes. Ceux-ci sont
familiers avec les méthodes scientifiques d'alors et s'engagent
dans une exégèse symbolique où aucune limite n'est imposée à
l'imagination. Il en est tout autrement chez François : il n'a
aucune idée des principes herméneutiques acceptés de son temps.
Son exégèse est réaliste, concrète, son imagination est liée à
la lettre de l'Écriture"[59]. Bref, les saints contemplent
avec les yeux de l'Esprit les profondeurs de Dieu qui émergent
de la Sainte Écriture[60]. "Les
saints sont à l'Évangile ce qu'est une partition chantée par
rapport à une partition notée", écrit saint François de
Sales[61].
III. MISSIO : LA PAROLE DE DIEU DANS LA MISSION DE L'ÉGLISE
Nous avons placé la Parole de Dieu dans la vie de l'Église sous
le signe de la
Communio, car la Parole accueillie dans la foi nous
introduit dans la communion trinitaire. L'expérience de cette
communion entraîne une conversion toujours plus profonde à
l'Amour et une participation au dynamisme missionnaire et
eschatologique de la Parole de Dieu. Animé par l'Esprit de la
Pentecôte, ce Synode veut faire écho à ce dynamisme.
"La
Parole de Dieu croissait et se multipliait", nous disent les
Actes des Apôtres (Ac
12, 24). Elle faisait des adeptes parmi les Juifs et les païens,
comme en témoigne Pierre lui-même devant la communauté de
Jérusalem en parlant de l'effusion de l'Esprit Saint sur les
païens. C'est ainsi que "par
la puissance du Seigneur, la parole se répandait et se montrait
pleine de force" (Ac
19, 20), accroissant l'Église et lui communiquant la paix du
Royaume (cf.
Ac 9, 31).
A. Annoncer l'Évangile du Règne de
Dieu
1. L'Église, servante de la Parole
L'Église "
a une vive conscience que la parole du Sauveur - 'Je dois
annoncer la bonne nouvelle du Royaume de Dieu' - s'applique en
toute vérité à elle. Elle ajoute volontiers avec saint Paul:
'Pour
moi, évangéliser ce n'est pas un titre de gloire, c'est une
obligation. Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Évangile !'"
(1
Co 9, 16). Le cœur de la mission de l'Église est
d'évangéliser. Évangéliser signifie : "prêcher
et enseigner, être le canal du don de la grâce, réconcilier les
pécheurs avec Dieu, perpétuer le sacrifice du Christ dans la
sainte messe, qui est le mémorial de sa mort et de sa
résurrection glorieuse" (EN 14). "Évangéliser,
pour l'Église, c'est porter la Bonne Nouvelle dans tous les
milieux de l'humanité et, par son impact, transformer du dedans,
rendre neuve l'humanité elle-même : 'Voici que je fais l'univers
nouveau ! ' (Ap
21, 5)"(EN 18).
Dans l'accomplissement de sa mission évangélisatrice, l'Église
accueille et sert la Parole de Dieu. Par la prophétie, la
Liturgie et la diaconie, elle témoigne du dynamisme personnel de
la Parole incarnée. Évêques, prêtres, diacres, laïcs et
personnes consacrées, tous demeurent sous la Parole et agissent
de concert avec elle, selon le charisme qu'ils ont reçu de
l'Esprit. Collaborant ainsi avec la Parole de Dieu, l'Église
participe à la mission de l'Esprit qui rassemble les "enfants de
Dieu dispersés" (Jn
11, 52) "sous un seul Chef, le Christ" (Ép
1, 10).
2. Le Jésus historique des Évangiles
Comme aux temps apostoliques, l'Église annonce le Règne de
Dieu, c'est-à-dire Jésus, le Christ, tel que présenté dans les
Évangiles. Or cette tâche a été hypothéquée par l'influence des
courants d'exégèse qui ont creusé un fossé entre le "Jésus de
l'histoire" et le "Christ de la foi". Ces courants exégétiques
ont mis en question la valeur historique des Évangiles, minant
ainsi la crédibilité du texte. "Une
telle situation est dramatique pour la foi, déclare Benoît
XVI,
car le vrai point d'appui dont tout dépend - l'amitié intime
avec Jésus - demeure incertain"[62]. Il est vrai que depuis
quelques décennies, la recherche biblique a rétabli la valeur
historique des Évangiles[63] et a même réaffirmé leur caractère
biographique[64]. Ces résultats ne sont pas encore largement
connus et n'ont pas corrigé l'impact négatif de l'exégèse
rationaliste sur la vie spirituelle et le témoignage
missionnaire des chrétiens.
Dans ce contexte, la publication du livre
Jésus de Nazareth par le pape Benoît XVI représente un
événement majeur qui libère l'accès à la figure authentique de
Jésus. Il montre que l'identité divine de Jésus, historiquement
attestée par les Évangiles, émerge des textes eux-mêmes et du
témoignage cohérent et crédible du Nouveau Testament. Tout en
valorisant les résultats positifs de l'exégèse
historico-critique, le pape souligne ses limites méthodologiques
et souhaite le développement de " l'exégèse canonique" pour
compléter l'interprétation théologique. L'attitude libératrice
de Benoît XVI consiste à "faire confiance aux Évangiles", en
présentant le " Jésus des Évangiles comme un Jésus réel", comme
un "Jésus historique" au sens propre du terme[65].
Ce livre «
n'est en aucune manière un acte du Magistère »[66] , mais il
n'en demeure pas moins un phare qui protège des écueils et des
naufrages. Son témoignage rapproche la théologie et l'exégèse
par l'union harmonieuse de la compétence scientifique et du
témoignage personnel d'une autorité ecclésiale. Il va sans dire
qu'une telle œuvre aide à dissiper la confusion semée par
certains phénomènes médiatiques [67] et à relancer le dialogue
de l'Église avec la culture contemporaine. Le Synode pourrait
reconnaître en ce livre un lieu important pour la refondation
d'une culture contemplative des Évangiles.
B. Incarner le témoignage du
Dieu-Amour
1. La primauté de
l'amour
Quand l'Esprit parle à l'Église aujourd'hui en lui remémorant
les Écritures, il la convoque à un nouveau témoignage d'amour et
d'unité afin de rehausser la crédibilité de l'Évangile face à un
monde qui est plus sensible aux témoins qu'aux docteurs. "C'est
à ce signe que l'on vous reconnaîtra comme mes disciples : à
l'amour que vous aurez les uns pour les autres" (Jn
13, 35). Ce signe de l'amour mutuel prolonge le témoignage de
Dieu, car il incarne l'amour même de Jésus qui a dit :
"Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés" (Jn
13, 34). Ce "comme" signifie : aimez-vous du même amour dont je
vous aime. Toute la prière sacerdotale de Jésus, synthèse de son
offrande pascale, vise à associer l'humanité au témoignage
d'unité de la Trinité : "Et
moi, je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, pour qu'ils
soient un comme nous sommes un, moi en eux comme toi en moi,
pour qu'ils parviennent à l'unité parfaite et qu'ainsi le monde
puisse connaître que c'est toi qui m'as envoyé et que tu les as
aimés comme tu m'as aimé"(Jn
17, 22-23). Grégoire de Nysse identifie la Gloire à l'Esprit
[68], qui prie aussi avec le Christ pour que ses disciples
soient consacrés dans la vérité, c'est-à-dire consumés dans
l'unité. Cette prière solennelle montre bien que la fidélité au
commandement de l'amour engage non seulement le salut du
croyant, mais aussi et surtout la crédibilité de la Trinité dans
le monde. "Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et
que je suis en toi, qu'ils soient en nous eux aussi, afin que le
monde croie que tu m'as envoyé" (Jn
17, 21).
Le témoignage de la Parole de Dieu exige par conséquent des
disciples missionnaires [69] qui soient d'authentiques témoins
de la primauté de l'amour sur la science. Saint Paul l'affirme
sans ambages dans l'hymne à l'amour de la première Épître aux
Corinthiens (1
Co 13, 1-13) de même que dans son exhortation aux
Philippiens : "Ayez un même amour, un même cœur ; recherchez
l'unité" (Ph
2, 2) à l'exemple du Christ en sa kénose. "Ce ne sont pas des
manuels arides, même s'ils sont pleins de vérités indubitables,
qui peuvent exprimer pour le monde la vérité de l'Évangile et la
rendre plausible, c'est l'existence des saints qui ont été
saisis par le Saint-Esprit du Christ. Le Christ n'a pas prévu
d'autre apologétique (Jn
13, 35)" [70].
2. Le témoignage œcuménique
Depuis l'entrée
officielle de l'Église catholique dans le mouvement œcuménique,
les papes ont fait de la cause de l'unité chrétienne une
priorité. Par ailleurs, le rapprochement œcuménique a permis aux
Églises et aux communautés ecclésiales de s'interroger ensemble
sur leur propre fidélité à la Parole de Dieu. Bien que les
rencontres et dialogues œcuméniques aient produit des fruits de
fraternité, de réconciliation et d'entraide, la situation
présente est caractérisée par un certain malaise qui appelle une
conversion plus profonde à "l'œcuménisme spirituel"[71] . "Cette
conversion du cœur et cette sainteté de vie, unies aux prières
publiques et privées pour l'unité des chrétiens, doivent être
regardées comme l'âme de tout l'œcuménisme » (UR 8).
Cette orientation du Concile garde toute son actualité comme y
exhorte le saint Père : "Écouter
ensemble la Parole de Dieu, pratiquer la Lectio divina de la
Bible, c'est-à-dire la lecture liée à la prière, se laisser
surprendre par la nouveauté qui ne vieillit jamais et qui ne
s'épuise jamais, de la Parole de Dieu, surmonter notre surdité
face aux paroles qui ne s'accordent pas avec nos préjugés et nos
opinions, écouter et étudier dans la communion des croyants de
tous les temps : tout cela constitue un chemin à parcourir pour
atteindre l'unité dans la foi, comme réponse à l'écoute de la
Parole"[72].
Parmi les nombreux témoignages œcuméniques de notre époque,
citons à titre d'exemple, le mouvement des
Focolari fondé par Chiara Lubich, dont la spiritualité de
l'unité met l'accent sur "l'amour mutuel" et l'obéissance à la
"Parole de vie". La pédagogie de ce mouvement met justement en
priorité l'élément dynamique de l'amour par rapport à l'élément
noétique de la Parole. Cette priorité réclame de tous les
partenaires œcuméniques une conversion toujours plus profonde au
dessein d'amour du Dieu trinitaire, que l'Esprit Saint s'efforce
de porter à son achèvement avec des "gémissements inexprimables"
(Rm
8, 26).
Il est significatif que ce mouvement catholique et œcuménique -
ne devrait-on pas seulement dire "catholique", c'est-à-dire
œcuménique ? - porte le nom canonique de "l'Œuvre de Marie". On
y voit heureusement et harmonieusement confluer - comme
d'ailleurs en d'autres mouvements[73] le mouvement biblique, le
mouvement œcuménique et le mouvement marial, grâce à une
pratique résolue de la Parole de Dieu, incarnée et partagée.[74]
Ce témoignage rappelle que l'unité des chrétiens et son impact
missionnaire ne sont pas d'abord "notre œuvre", mais celle de
l'Esprit et de Marie[75].
C. Dialoguer avec les nations et
les religions
1. Au service de l'homme
L'activité missionnaire
de l'Église s'enracine, nous l'avons dit, dans la mission du
Christ et de l'Esprit qui révèle et répand la communion
trinitaire dans toutes les cultures du monde. La portée
salvifique universelle du mystère pascal du Christ appelle
l'annonce de la Bonne Nouvelle à toutes les nations et aussi à
toutes les religions. La Parole de Dieu invite tout homme au
dialogue avec Dieu qui veut sauver tous les hommes en Jésus
Christ, l'unique médiateur (1
Tm 2,5 ;
He 8,6 ; 9,5 ; 12,24). L'activité missionnaire de l'Église
témoigne de son amour pour le Christ total qui inclut toute
culture. Dans ses efforts d'évangélisation des cultures, cette
activité vise l'unité de l'humanité en Jésus Christ, mais dans
le respect et l'intégration de toutes les valeurs humaines[76].
"Au reste, frères, tout ce qu'il y a de vrai, tout ce qui est
noble, juste, pur, digne d'être aimé, d'être honoré, ce qui
s'appelle vertu, ce qui mérite l'éloge, tout cela, portez-le à
votre actif" (Ph
4,8).
Dans son dialogue liturgique avec Dieu, l'Église intercède pour
tous les humains et surtout pour les plus pauvres. Sa passion
pour la Parole de Dieu l'entraîne sur les pas de Jésus pauvre,
chaste et obéissant, afin d'apporter l'espérance, la
réconciliation et la paix dans toutes les situations
d'injustice, d'oppression et de guerre. Comme chez le "bon
Samaritain", ce souci de l'homme quel qu'il soit exprime la
compassion de l'Église pour toute souffrance humaine et sa
disponibilité pour secourir les pauvres et les affligés.
Consciente de la présence de Jésus à ses côtés, comme sur le
chemin d'Emmaüs, elle interprète l'Écriture comme lui "en
partant de Moïse et de tous les prophètes" et en expliquant à
tout homme le mystère de Jésus sauveur : "Ne fallait-il pas que
le Christ souffrît cela et qu'il entrât dans sa gloire ?" (Lc
24, 26).
Cette exégèse de Jésus, reprise sans cesse par l'Église,
authentifie l'interprétation christologique du Premier
Testament, que les Pères, après Origène et Irénée, ont largement
développée. De nos jours, compte tenu de l'histoire tragique des
relations entre Israël et l'Église, nous sommes invités non
seulement à réparer l'injustice commise à l'égard des Juifs,
mais aussi à "
un nouveau respect pour l'interprétation juive de l'Ancien
Testament"[77]. Un dialogue respectueux et constructif avec
le judaïsme peut d'ailleurs servir à approfondir, de part et
d'autre, l'interprétation de la Sainte Écriture[78] .
2. Le dialogue interreligieux
Parmi les partenaires
des différents dialogues de l'Église avec les nations, le peuple
juif occupe une place singulière comme héritier de la première
Alliance, dont nous partageons les Saintes Écritures. Cet
héritage commun nous invite à l'espérance, "car les dons et
l'appel de Dieu sont irrévocables" (Rm
11, 29), comme en témoigne passionnément saint Paul dans
l'épître aux Romains: "Oui,
je souhaiterais être anathème, être moi-même séparé du Christ
pour mes frères, ceux de ma race selon la chair, eux qui sont
les Israélites, à qui appartiennent l'adoption, la gloire, les
alliances, la loi, le culte, les promesses et les pères, eux
enfin de qui, selon la chair, est issu le Christ qui est
au-dessus de tout, Dieu béni éternellement. Amen" (Rm
9, 1-5) ; "
Frères, je veux vous faire connaître le plan secret de Dieu,
afin que vous ne vous preniez pas pour des sages : une partie du
peuple d'Israël restera incapable de comprendre jusqu'à ce que
l'ensemble des autres peuples soit parvenu au salut. Et c'est
ainsi que tout Israël sera sauvé, comme le déclare l'Écriture"
(Rm
11, 25-26).
Viennent ensuite les fidèles de foi musulmane, enracinés eux
aussi dans la tradition biblique, confesseurs du Dieu unique.
Face à la sécularisation et au libéralisme, ils sont des alliés
dans la défense de la vie humaine et dans l'affirmation de
l'importance sociale de la religion. Le dialogue avec eux est
plus important que jamais dans les circonstances actuelles afin
de "promouvoir
ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs
morales, la paix et la liberté" (NA 3). Le témoignage des
martyrs de Tibhirine en Algérie en 1996 élève ce dialogue à un
niveau peut-être jamais atteint dans l'histoire, quant au
service de l'homme et de la réconciliation des peuples. Les
initiatives audacieuses du pape Benoît XVI plaident pour la
poursuite persévérante du dialogue avec l'islam.
Viennent enfin les humains "de toute tribu, langue, peuple et
nation" (cf.
Ap 5, 9), qui sont sous les cieux, car l'Agneau immolé a
versé son sang pour tous. La Parole de Dieu est spécialement
destinée à ceux qui ne l'ont jamais entendue car, dans le cœur
de Dieu et la conscience missionnaire de l'Église, les derniers
ont la grâce d'être les premiers.[79]
Dans un monde en voie de globalisation, avec les nouveaux moyens
de communication, le champ de la mission est ouvert à de
nouvelles initiatives d'évangélisation dans un esprit
d'authentique inculturation. Nous sommes à l'ère de l'Internet
et les possibilités d'accès à la Sainte Écriture se sont
démultipliées[80]. Le Synode doit écouter, discerner et
encourager les projets de transmission et de transposition des
Saintes Écritures dans tous ces nouveaux langages qui attendent
de servir la Parole de Dieu.
Conclusion
"Quel
est le vainqueur du monde, sinon celui qui croit que Jésus est
le Fils de Dieu? Et c'est l'Esprit qui rend témoignage, parce
que l'Esprit est la vérité. Ils sont trois à rendre témoignage:
l'Esprit, l'eau et le sang, et ces trois convergent dans
l'unique témoignage : si nous recevons le témoignage des hommes,
le témoignage de Dieu est plus grand" (1
Jn 5, 5-9).
Jésus vient toujours, dans l'Église, "rendre
témoignage à la Vérité" et communiquer à ceux qui croient en
son nom la connaissance du Père qu'il possède en plénitude. Ce
message de Jean précise le premier but et le souci premier du
Synode : écouter et accueillir à neuf Dieu qui parle et demander
la grâce d'une foi renouvelée en son Verbe incarné. Conscient du
renouveau ecclésiologique lié à la conception dynamique et
dialogale de la Révélation, nous avons suggéré des pistes
d'approfondissement de la Parole de Dieu à partir de la foi de
Marie telle qu'elle se prolonge dans la vie de l'Église, la
Liturgie, la prédication, la
Lectio divina, l'exégèse et la théologie.
L'application de ce paradigme marial suppose un
approfondissement pneumatologique de la tradition ecclésiale et
de l'exégèse scripturaire qui rendent compte de la vertu
performative de la Parole de Dieu tout en la distinguant
soigneusement de la présence eucharistique. Plus qu'une
bibliothèque pour érudits, la Bible est un temple où l'Épouse du
Cantique écoute les aveux du Bien-aimé et célèbre ses baisers
(cf.
Ct 1,1). "Qui
est instruit par le Saint-Esprit comprend tout, écrit saint
Silouane,
son âme se sent comme au Ciel, car l'Esprit Saint lui-même est
au Ciel et sur la terre, dans la sainte Écriture et dans les
âmes de tous ceux qui aiment Dieu".[81]
Cette perspective plus dynamique que noétique appelle une
théologie plus contemplative, enracinée dans la Liturgie, les
Pères et la vie des saints, une exégèse pratiquée dans la foi
conformément à son objet, et aussi une philosophie de l'être et
de l'amour.
Elle ouvre à une lecture spirituelle plus fructueuse de la
Bible, à une interprétation ecclésiale de l'Écriture et à une
revitalisation du dialogue missionnaire de l'Église sous toutes
ses formes. La fréquentation plus assidue des Écritures ravivera
la conscience missionnaire de l'Église et son amour de l'homme,
image de Dieu en mal de ressemblance divine.
Saint Césaire d'Arles exhortait fréquemment ses diocésains à ne
jamais négliger ce qu'il qualifiait de «
nourriture de l'âme pour l'éternité" : "Je
vous prie, frères bien-aimés, de vous appliquer à consacrer à la
lecture des textes sacrés autant d'heures que vous le pourrez".[82]
Fréquemment, en fin de journée, il aimait demander à ses
prêtres, à propos de la méditation de la Parole de Dieu : "Qu'avez-vous
mangé, aujourd'hui?" Puissions-nous avoir la même
disponibilité, le même goût pour la Parole de Dieu, et nous
poser à notre tour la même question: "Qu'avons-nous
mangé, aujourd'hui ?".
Notes
[1] S. CÉSAIRE D'ARLES,
sermon VI.
[2]
Instrumentum laboris, 4.
[3] L'adjectif "dialogal" est un néologisme. Il est utilisé ici
pour exprimer la dimension personnelle et responsoriale de la
foi comme dialogue avec Dieu. Il correspond dans une certaine
mesure à la distinction entre «théologique» et «théologal», le
premier exprimant l'aspect noétique et le second, l'aspect
personnel.
[4] Voir J. Ratzinger,
Commentaire de Dei Verbum in
LThK, 1967; A. Grillmeier in
LThK Vat. II, vol. 2, Freiburg i. Br., 1967 ; H. de Lubac,
La Révélation divine, Paris, Cerf, 1983, 190 p. ; A. Vanhoye,
"La
réception dans l'Église de la constitution Dei Verbum.
Du Concile Vatican II à nos jours", in
Esprit et Vie, n° 107, juin 2004, 1re quinzaine, p. 3-13; H.
Hoping: "Theologischer
Kommentar zur Dogmatischen Konstitution über die göttliche
Offenbarung. Dei Verbum", in P. Hünermann, B. J. Hilberath (Hrsg),
Herders theologischer Kommentar zum Zweiten Vatikanischen Konzil.
Freiburg-Basel-Wien:
Herder, 2005; 695-831; C. Théobald, "La
Révélation. Quarante ans après Dei Verbum", dans
Revue théologique de Louvain 36 (2005), p. 145-165.
[5]
Instrumentum laboris, 6.
[6] M. Seckler, "Der
Begriff der Offenbarung", in
Handbuch der Fundamentaltheologie, Ed. W. Kern et.al.,
vol.2, Freiburg i. Br., 1985, p. 64-67.
[7]
Ibid.
[8] J. Rigal, "Le
phénomène gnostique", in
Esprit et Vie, no 192, avril 2008 - 2e quinzaine, p. 1-10.
[9] P. Bordeyne et L. Villemin (dir.),
L'herméneutique théologique de Vatican II, Paris, Cerf
(coll. "Cogitatio Fidei"), 2006, 268 p.
[10] Benoît XVI, Lettre encyclique
Deus caritas est.
[11] Benoît XVI, Lettre encyclique
Spe salvi, no 9.
[12]
Jn 19, 25-27;
Jn 20, 21-22;
1 P 2, 9-10.
[13] S. Irénée de Lyon,
Traité contre les hérésies, I, 3.
[14] S. Cyprien,
De Orat. Dom. 23: PL 4, 553.
[15]
Instrumentum laboris, 25.
[16] "Nous
ne croyons pas en des formules, mais dans les réalités qu'elles
expriment et que la foi nous permet de ' toucher'. 'L'acte (de
foi) du croyant ne s'arrête pas à l'énoncé, mais à la réalité
(énoncée)' (S. Thomas d'Aquin, S. th. 2-2, 1, 2, ad 2)" (CEC
170). L'objet formel de la foi, c'est la Personne qui énonce et
qui se donne dans son énoncé suprême, Jésus Christ, que le
Saint-Esprit nous habilite à confesser. La foi est
essentiellement trinitaire, elle est un acte de don personnel en
réponse au don Tri-Personnel de Dieu. On sent dans le texte de
Dei Verbum un équilibre encore à trouver entre l'aspect
personnel ou dynamique et l'aspect noétique de la foi.
[17] H. de Lubac,
L'Écriture dans la tradition, Aubier, 1966, p. 100.
[18] C'est-à-dire que la vie de foi de Marie est plus qu'un
exemple pour l'Église, elle est mère, c'est-à-dire source
permanente de vie pour l'Église.
[19] Voir Conc. de Trente, sess. XXII, 17 sept. 1562, Decr.
De Ss. Eucharist., c. 1. "il
voulut laisser à l'Église, son Épouse bien-aimée, un sacrifice
qui soit visible";
Lumen Gentium 4;
Dei Verbum 8, 23;
Sacrosanctum Concilium, 7. Voir aussi :
Ep 5, 21-32;
Ap 22, 17;
Jn 2;
Jn 19, 25-27).
[20] H. de Lubac,
L'Écriture dans la tradition, Aubier, 1966, p. 246 ;
l'auteur réfère à saint Bernard,
Sup. Missus est, h. 4, n. 11,
faisant parler Marie
: "Nec fiat mihi verbum scriptum et mutum, sed incarnatum et
vivum" (PL,
183, 86 B).
[21] Sur l'expression, voir W. Rordorf, "La
confession de foi et son "Sitz im Leben" dans l'Église
ancienne" in
Novum Testamentum, Vol. 9, Fasc. 3 (Jul., 1967), pp.
225-238; A. Vanhoye, "La
réception dans l'Église de la constitution dogmatique Dei Verbum.
Du Concile Vatican II à aujourd'hui",
Esprit et Vie, n° 107, juin 2004, p. 9.
[22] Déjà cette dimension responsoriale se trouve exprimée avec
emphase dans la description du rite fondateur de l'alliance
sinaïtique (Ex
24, 3.7) et même dans la narration de la phase préparatoire (Ex
19, 8).
[23]
Jn 19, 30 ;
Jn 20, 22 ;
Ac 2, 1-13 ;
Rm 8, 15-17;
Ga 4, 6.
[24] Origène,
Homélies sur l'Exode, 13, 3.
[25] L'histoire de la rédaction de ce passage montre qu'une
nuance a été apportée dans la version finale : on a utilisé
l'expression
sicut et au lieu de
velut pour éviter de forcer la comparaison dans le sens
d'une vénération identique. Voir H. Hoping,
op. cit., 2005; p. 791.
[26] "Le
Corps se trouve sous l'espèce du pain, et le Sang sous l'espèce
du vin par la vertu des paroles". Denz. 1640.
[27] Benoît XVI,
Spe salvi, 2.
[28] Origène,
Traité des principes, IV, 2.8.
; cf. Benoît XVI,
Sacramentum caritatis, 12-13.
[29] Voir
Lumière de la Parole, Culture et Vérité, 1990, le
commentaire des lectures dominicales des années A, B et C par H.
U. v. Bathasar, qui fait ressortir l'unité des trois lectures du
point de vue théologique. Ce commentaire publié en plusieurs
langues répond à un besoin souvent exprimé par les homélistes.
L'original en allemand
Licht des Wortes. Skizzen zu allen Sonntagslesungen a été
publié chez Paulinus Verlag, Trier, 1987.
[30] J. Ratzinger,
Dogma e predicazione,
Op. cit., p. 50; cf. Benoît XVI,
Sacramentum caritatis, 46.
[31] S. Augustin,
Commentaire du psaume 85.
[32] S. Pie X, Constitution apostolique
Divino afflatu, 1911, Liturgie des Heures, vol. 3, p. 1254.
[33] Ibid.
[34] Mentionnons au passage l'heureux renouvellement biblique de
plusieurs pratiques et dévotions qui sont aussi des lieux
importants de méditation de la Sainte Écriture : l'adoration
eucharistique en dehors de la messe, le Saint Rosaire, le chemin
de la croix, etc.
[35]
Instrumentum laboris, 25.
[36] Benoît XVI, "Ad
Conventum Internationalem La Sacra Scrittura nella vita della
Chiesa" (16.09.2005) :
AAS 97 (2005) 957. Voir aussi C.M. Martini, "La
place centrale de la Parole de Dieu dans la vie de l'Église -
L'animation biblique de toute la pastorale" in
Catholic Biblical Federation, no 76/77, 2005, p.33.
[37] Cf. H. U. v. Balthasar,
Sponsa Verbi.
Skizzen zur Theologie II, Johannes Verlag, 1961 ;
La Dramatique divine. II. Les personnes du drame. 2. Les
personnes dans le Christ, p. 209-367 ; H. Rahner, "Die
Gott Geburt. Die Lehre der Kirchenväter von der Geburt Christi
Aus dem Herzen der Kirche und der Gläubigen", dans
Symbole der Kirche (O. Müller, Salzburg, 1964, 13-87) ; L.
A. Schökel,
Símbolos matrimoniales en la Biblia, Estella, Verbo Divino,
1997.
[38]
Instrumentum laboris, 22.
[39] W. Kasper, "Dei
Verbum Audiens et Proclamans" in
Catholic Biblical Federation, no 76/77, 2005, p.11. Voir
aussi Groupe des Dombes,
Pour la conversion des Églises, Paris, 1991.
[40] H. U. v. Balthasar,
Retour au Centre, Desclée de Brouwer, 1998, p. 25-57
[41] H. U. v. Balthasar,
Theologik 1. Wahrheit der Welt, Johannes Verlag, 1985, p.
11-23 ;
Phénoménologie de la Vérité. La Vérité du monde, Beauchesne,
1952.
[42] Voir à ce propos I. de la Potterie,
L'exégèse chrétienne aujourd'hui, Fayard, 2000, 220 p.,
particulièrement J. Ratzinger, "
L'interprétation de la Bible en conflit. Problèmes des
fondements et de l'orientation de l'exégèse contemporaine",
pp. 65-109.
[43] Commission biblique pontificale,
Interprétation de la Bible dans l'Église, 1.
[44] J. Ratzinger, "
L'interprétation de la Bible en conflit", in
L'exégèse chrétienne aujourd'hui, Fayard, p. 65-109 ;I. De
la Potterie, « L'exégèse biblique, science de la foi », in
ibid., p. 111-160.
[45]
L'interpretazione della Bibbia nella Chiesa. Atti del Simposio
promosso della Congregazione per la Dottrina della Fede,
Settembre 1999, Libreria Editrice Vaticana, 2001.
[46] W. Kasper,
op. cit., p. 11. "La
lecture spirituelle de l'Écriture et l'exégèse scripturaire sont
réponses au malaise œcuménique et exégétique"
[47] H. de Lubac,
L'Écriture dans la tradition, Aubier, 1966, p. 201. Pour
l'étude d'ensemble de la contribution magistrale du père de
Lubac,
cf. R.Voderholzer,
Die Einheit Der Schrift Und Ihr Geistiger Sinn, Johannes,
1998, 564 p.
[48] S.
Thomas d'Aquin,
S. th. I, q. 1, a. 10, ad 1.
[49] Commission biblique pontificale,
Interprétation de la Bible dans l'Église, 2.B.1.
[50] A. Vanhoye,
op cit. p. 3-13.
[51] Commission biblique pontificale,
op. cit., 2.B.2.
[52] H. U. v. Balthasar, "Le
sens spirituel de l'Écriture" in
L'exégèse chrétienne aujourd'hui,
op. cit., p. 184.
[53] S. Bernard de Clairvaux,
Sermons sur le Cantique des Cantiques, 73, 2.
[54] Benoît XV, Encycl.
Spiritus Paraclitus, 15 sept. 1920, E. B., 469; S. Jérôme,
Sur l'épître aux Galates, 5, 19-21,
PL 26, 417 A.
[55] S. Thérèse de Lisieux,
Manuscrits autobiographiques, B 1r°-v°; F.-M. Léthel,
Connaître l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance,
Carmel, 1989, 593p (La théologie des saints comme science de
l'amour, p. 3-7).
[56] H. U. v. Balthasar, "Actualité
de Lisieux", conférence à Notre-Dame de Paris, in
Thérèse de Lisieux, Conférence du centenaire 1873-1973,
numéro spécial des Nouvelles de l'Institut catholique, p. 112.
[57] H. U. v. Balthasar, "L'amour
seul est digne de foi", Aubier, 1966, p. 11.
[58] H. U. v. Balthasar, "La
Gloire et la Croix", t. 1, Aubier, 1961, p. 194.
[59] A. Rotzetter, "Mystique
et observation littérale de l'Évangile chez François d'Assise",
in
Concilium 169, 1981, p. 86.
[60] Cf. M. Ouellet, "Adrienne
von Speyr et le samedi saint de la théologie" in
Hans Urs von Balthasar - Stiftung Adrienne von Speyr und ihre
spirituelle Theologie, Johannes, 2002, 145 p., p. 31-56.
[61] S. François de Sales,
Lettre CCXXIX [6 Octobre 1604]:
Œuvres XII, Annecy, Dom Henry Benedict Mackey, o.s.b.,
1892-1932, p. 299-325.
[62] J. Ratzinger - Benoît XVI,
Jésus de Nazareth, Flammarion, 2007, p. 8.
[63] A. Schweitzer,
Storia della ricerca sulla vita di Gesù, Paideia, 1986 ; J.
Jeremias,
Il problema del Gesù storico, Paideia, 1973.
[64] R. Burridge,
What are the Gospels? A Comparaison with Greco-Roman Biography.
Cambridge, University press 1992.
[65] J. Ratzinger- Benoît XVI,
Op. cit., p.17.
[66]
Ibid. p. 19.
[67] Cf.
D. Brown,
Da Vinci Code, Jean-Claude Lattès, 2004, 574 p.
[68] S. Grégoire de Nysse,
15e homélie sur le Cantique des cantiques
[69] CELAM, "Disciples
et missionnaires de Jésus-Christ, pour qu'en Lui nos peuples
aient la vie en plénitude" (Document d'Aparecida), Ve
Conférence générale à Aparecida (Brésil) du 13 au 31 mai 2007.
[70] H. U. v. Balthasar, "La
Gloire et la Croix",
op. cit., p. 418.
[71] UR et UUS ; voir aussi W. Kasper,
Manuel d'œcuménisme spirituel, Nouvelle Cité, 2007, 96 p.
[72] Benoît XVI, Allocution
Il mondo attende la testimonianza comune dei cristiani
(25.01.2007):
L'Osservatore Romano, E.H.L.F. 5 (30.01.2007) p. 3.
[73] Notamment les communautés et mouvements Sant'Egidio, Taizé,
etc.
[74] C. Lubich,
Pensée et spiritualité, Nouvelle Cité, 2003, 510 p.
[75] M. Ouellet,
Marie et l'avenir de l'œcuménisme, Communio XXVIII, 1-
Janvier-Février 2003, pp. 113-125 ; D.-I Ciobotea; B. Sesboue ;
J.-N. Peres ;
"Marie: L'oecuménisme à l'épreuve",
L'actualité Religieuse dans le Monde, 1987, n°46, pp. 17-24.
[76]
AG 11 ;
EN 20 ;
RM 3.
[77] Commission Biblique Pontificale,
Le peuple juif et ses Saintes Écritures dans la Bible chrétienne,
2001 : J. Ratzinger, Préface, p. 12.
[78] Ibid., nos 9, 11, 21-22,85-86.
[79]
AG 10.
[80] À titre d'exemple, la
Biblia Clerus de la Congrégation pour le Clergé fournit des
outils de consultation fort précieux qui sont redevables entre
autres à la
Bible chrétienne écrite par Dom Claude-Jean Nesmy et par
Mère Élisabeth de Solms, Bénédictins de La Pierre qui Vire et
Solesmes, publiée aux Éditions Anne Sigier.
[81] S. Silouane du Mont Athos,
Écrits spirituels, Spiritualité orientale no 5, Abbaye de
Bellefontaine, 1976/1994, p. 30.
[82] S. Césaire d'Arles,
Sermons VIII, 1; (Cf.
SC 175, p. 349-351).