SYNODE DES ÉVÊQUES

AUDITION DES AUDITEURS

XII ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE
DU SYNODE DES ÉVÊQUES
5-26 OCTOBRE 2008

La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l'Église

 

Ensuite de quoi sont intervenus les Auditeurs et Auditrices suivants:

- Très Rev. P. Ab. Michel JORROT, O.S.B., Abbé de l'Abbaye Bénédictine de Clervaux (LUXEMBOURG)
- Soeur Janice SOLUK, S.A.M.I., Supérieure Générale des Servantes de la Sainte Vierge Marie Immaculée, Rome (ITALIE)
- Soeur Apollinaris SHIMURA YURIKO, C.S.M., Supériieure Générale des Soeurs de la Charité à Miyazaki (JAPON)
- Soeur Marija Ana KUSTURA, S.M.I., Supérieure Générale des servantes de l'Enfant Jésus; Président de l'Union des Supérieures Majeures d Croatie (CROATIE)
- M. Francisco José GÓMEZ ARGÜELLO WIRTZ, Co-Fondateur du Chemin Néocatéchuménal (ESPAGNE)
- M. Ponpuzhakottayil Cherian ANIYANKUNJU, Porte-Parole de l'Archidiocèse de Changanacherry des Syro-Malabars (INDE)

Nous publions, ci-dessous, le résumé de leurs interventions

- Très Rev. P. Ab. Michel JORROT, O.S.B., Abbé de l'Abbaye Bénédictine de Clervaux (LUXEMBOURG)

Très Saint-Père, Pères du Synode, Frères et Soeurs,
Immense est ma gratitude de participer à ce Synode. Je dois cela à votre prise en compte de soixante années consacrées à l'édition critique de la Vulgate élaborée par les moines bénédictins de Clervaux (entre autres), dans l'Abbaye San Girolamo, fondée par Pie XI en 1933.
À cette gratitude s'ajoute la reconnaissance de ma communauté (à votre égard) car vous avez bien voulu citer 4 fois dom Jean Leclercq (+ 1993), moine de Clervaux, dans votre discours aux Bernardins, à Paris. Le titre de son livre sur la culture et la spiritua1ité monastiques au Moyen-Âge est significatif: « L 'amour des lettres et le désir de Dieu ». Merci Saint-Père « gratia Benedictus et nomine» (St Grégoire le Grand).
L'accueil de la Parole de Dieu
«L'amour des lettres et le désir de Dieu» sont inscrits dans la Règle de St Benoit. Cela se concrétise dans la recommandation centrale faite au moines cénobites : «ne rien préférer à l'oeuvre de Dieu », c'est-à-dire : à la prière liturgique.
IL n.34 :« Nous sommes ce que nous écoutons !»
Affirmation considérable par rapport à l' attitude de l' écoute. Celui qui écoute se laisse façonner intérieurement par la pensée de Dieu. Cette disposition à écouter pourrait être considérée comme l' acceptation a priori de tout ce qui vient de Dieu, par opposition à la récrimination si présente dans l'Évangile. Permettez-moi de résumer dans les 4 lettres du mot AMEN cette acceptation a priori.4 points de réflexion
A comme Abba (IL n.9). Par cette appellation nouvelle à l'égard de Dieu, Jésus a voulu tout nous dire sur son Père et sur Lui-même. Cet Abba est celui qui veut que tous les hommes soient sauvés en faisant d'eux une seule famille de fils et de filles en son Fils unique. Ce Père agit constamment par une grâce prévenante dans le coeur de tout homme pour le disposer à l' accueil de son Verbe fait chair. L'Immaculée Conception est cette grâce la plus prévenante qui soit et la plus sanctifiante en même temps, disposant la Vierge Marie à dire Fiat. Amen.
M (2e lettre) comme Mémorial. La sacramentalité, de la Parole a été rappelée. La proc1amation rend à l'Écriture sa force de chose dite. En outre, l'Écriture est souvent rédigée sous une forme destinée à la mémorisation. C'est par la mémoire que la Parole pénètre et agit dans les personnes. Comme Marie, il faut retenir même ce que 1'on ne comprend pas et le méditer dans son coeur.
E (3e lettre) comme Explication. La Parole s'adresse à l'intelligence dans la foi. Elle doit être expliquée. Cette explication nécessaire à toute les époques se base sur le caractère de dialogue qu'est la Révélation. Cette explication de la Parole ne devrait-elle pas se faire graduellement comme LG parle d'une présentation hiérarchique des dogmes eux-mêmes ?
N (4e lettre) comme Nourriture (IL n.38 surtout). La lectio divina n'est pas réservée aux moines. Cette nourriture permet effectivement de« devenir ce que l'on écoute » d'où le radicalisme évangélique de la vie monastique. En outre, celui qui prie accomplit déjà la Parole qui est appel à la prière. Quand cette prière est chantée elle imprègne l'âme car le chant (surtout grégorien) dilate les mots de la Parole de Dieu au point de devenir un immense espace où l'écoute ne fait qu'un avec le milieu de vie.
La Lecture de Saint Paul par Ste Thérèse de l'Enfant Jésus montre à quelle point elle est devenue ce qu'elle a lu: «Au coeur de 1'Eglise je serai l'amour ». elle écrit : «Ô phare lumineux de l'amour je sais comment arriver jusqu'à toi. J'ai trouvé le secret de m'approprier ta flamme ». Amen. Merci beaucoup.

- Soeur Janice SOLUK, S.A.M.I., Supérieure Générale des Servantes de la Sainte Vierge Marie Immaculée, Rome (ITALIE)

Notre Congrégation a été fondée en Ukraine en 1892 et elle est de droit pontifical, la première Congrégation apostolique dans la tradition byzantine orientale, L’Église ukrainienne gréco-catholique.
En tant que Congrégation ukrainienne catholique, nous sommes voisins du coeur de notre peuple. Même durant le communisme, les soeurs n’ont jamais abandonné notre peuple. En tant qu’Église souterraine et en courant d’énormes risques personnels, les soeurs ont continué de catéchiser, d’encourager et de renforcer les croyants, ainsi que de faire en sorte que les prêtres rendent visite aux malades et aux mourants dans les hôpitaux.
La mentalité orientale est plus centrée sur le coeur que sur l’intellect : les cinq sens sont donc plus profondément engagés dans nos célébrations et sont centraux pour elles. La lecture de la Sainte Écriture dans l’ensemble des services est très importante.
Avant Vatican II, nous n’avions à la disposition aucune Bible en langue vernaculaire, à savoir en ukrainien. Nous n’en avions qu’en slavon ancien quand la plupart des gens ne le comprenait pas. Si quelqu’un en possédait une, elle était immédiatement placée dans un endroit spécial, embrassée et devenait l’objet d’une grande dévotion, mais elle n’était pas lue comme une nourriture quotidienne. En Ukraine, sous le communisme, les Bibles furent prises et interdites. C’est seulement à partir de 1990 que les Bibles et les livres religieux ont commencé à réapparaître, être recherchés et avoir de l’influence. Aujourd’hui, la Sainte Écriture est la plus importante règle de vie pour les soeurs.Trois traditions montrent l’importance et la valeur que les gens ont attribué à la lecture de la Bible du passé jusqu’à nos jours.
1) Les personnes s’agenouillent sous l’Évangile lorsque l’Écriture est lue. Elles embrassent ensuite le livre et reviennent à leurs places.
2) Au cour de la lecture de l’Évangile, les adultes, les familles et les enfants sont appelés à venir se placer devant afin de tenir des bougies dans leurs mains, ce qui représente un grand privilège. À la fin, tous embrassent les Écritures.
3) Les femmes locales ornent l’autel, les icones et le pupitre d’où est lu l’Évangile avec des tissus précieux richement brodés, sur lesquels repose la Bible.
En Ukraine, nos soeurs enseignent de nouveau aux enfants, aux jeunes et aux adultes comment utiliser les Écritures, les lire et les prier ainsi que rencontrer Jésus, la Parole vivante.
Nous, en tant que religieuses appartenant à une Congrégation dédiée à Marie Mère de Dieu, la prenons comme modèle. Nous essayons d’incarner la Parole de Dieu en nous-mêmes, en vue de continuer à transmettre Jésus qui vit en nous aux autres dans notre ministère, afin que le Christ puisse toujours être la lumière du monde pour tous.

- Soeur Apollinaris SHIMURA YURIKO, C.S.M., Supériieure Générale des Soeurs de la Charité à Miyazaki (JAPON)

Ma terre natale est le Japon où seulement 0,4% des 120 millions d’habitants sont catholiques. Toutefois, la Bible est au Japon également un des livres les plus lus et appréciés, même des non-chrétiens, surtout parmi les personnes de culture. Pour les plus jeunes, les Bibles en dessins animés (MANGA) ne manquent pas, et pour les amateurs de musique sacrée un grand répertoire de très bonnes compositions musicales est disponible.
Malgré toute son admiration et sa sympathie pour la culture et la morale chrétiennes, le Japon reste une “terre de mission” où “nombreux sont ceux qui n'ont jamais entendu l'Évangile et attendent d'en recevoir la première annonce” (Inst.Lab. n. 43).
Le premier devoir des religieux et des religieuses qui vivent et travaillent au Japon est celui de la Première Annonce de la Parole de Dieu. Elle se fait à travers le témoignage de vie, les différentes oeuvres de charité, parmi lesquelles le travail d’éducation se révèle particulièrement efficace. Par exemple, il est toujours émouvant de noter l’influence que les enfants de l’école maternelle ont sur leurs parents quand ils leur racontent l’histoire de Jésus qu’ils ont apprise à l’École.
La première évangélisation, cependant, exige un lent cheminement, une attente patiente et la certitude que Dieu fait grandir son Royaume en silence, à notre insu et malgré nos limites.
Après la Seconde guerre mondiale, la société japonaise a entrepris, au cours de ces soixante dernières années, une marche effrénée vers le développement économique, en subissant cependant de graves blessures, parmi lesquelles celle d’être la 10e nation au monde pour le nombre des suicides, surtout parmi les jeunes. “Si on y prête attention, on peut entendre de la part des familles, et depuis les lieux de travail, le cri de personnes qui souffrent sans cesse, parce qu’elles vivent écrasées par la structure utilitariste d’une société qui ne vise qu’au bien-être économique” (Message des évêques japonais, 2001).
Face aux défis d’une telle société, nous nous sentons, nous les religieuses, inadaptées et seules, mais nous ne pouvons pas nous boucher les oreilles aux cris de souffrance et à l’appel de Dieu pour annoncer à notre peuple l’Évangile de vie et de fraternité universelle, pour nous opposer à la violence, qui en plus de détruire les ressources de la nature, est cause de discrimination et d’élimination des personnes.
Comme le dit le Document de travail n. 43, nombreuses sont les difficultés qui font obstacle aujourd’hui à l’annonce de l’Evangile. En Asie et au Japon, pour suivre le Christ en véritables disciples, nous ressentons le besoin de nous ouvrir davantage à Son amitié à travers l’intériorisation de la Parole de Dieu.
Le 24 novembre prochain, à Nagasaki au Japon, 188 martyrs japonais seront béatifiés. L’Église du Japon aussi, comme celle d’autres nations d’Asie, a fondé sa foi dans le témoignage de tant de martyrs. En suivant leur exemple et par leur intercession, nous aussi nous réussirons à faire face aux difficultés sans nous décourager et à accomplir la mission de prophétie qui nous est confiée. Aussi, je vous demande à tous une prière particulière.

- Soeur Marija Ana KUSTURA, S.M.I., Supérieure Générale des servantes de l'Enfant Jésus; Président de l'Union des Supérieures Majeures d Croatie (CROATIE)

À partir de l’Instrumentum Laboris (III, chapitre 7), je ne ferai référence ici qu’à la vie consacrée apostolique. Trop souvent dans la vie de nos communautés et congrégations, la Parole de Dieu n’est pas suffisamment Parole de Vie qui doit se traduire par un engagement dans la vie concrète de l’Église. Bien souvent, nous pensons d’abord communautés, constitutions, congrégations, sans tenir compte des besoins concrets et des problèmes de l’Église locale. La tendance générale est un repli sur soi qui nous empêche d’entendre les besoins de l’Église. De cette situation peuvent naître des dérives sectaires qui nous empêchent de pouvoir entendre la Parole de Dieu et les différents appels du Magistère de l’Église. La Parole de Dieu devrait nous conduire à tenir compte davantage de l’enseignement du Saint-Père dans ses différentes interventions, du Magistère ainsi que des pasteurs de nos Églises locales qui pour nous, religieux et religieuses, doivent être un guide et une référence dans notre vie de consacrés. Il appartient aux Supérieurs responsables de veiller à ce que cette dimension du lien soit correctement vécue dans un esprit de charité.
En ce mois d’octobre, sainte Thérèse d’Avila peut nous introduire dans cette vie mystique de la communication avec Jésus et son enseignement à travers sa Parole et son amour envers l’Église. Et la Petite Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face nous apprend comment nous, personnes consacrées, pouvons être missionnaires en étant à son exemple, l’amour au coeur de l’Église notre Mère

- M. Francisco José GÓMEZ ARGÜELLO WIRTZ, Co-Fondateur du Chemin Néocatéchuménal (ESPAGNE)

Je suis reconnaissant au Saint-Père pour son invitation à participer à ce Synode, et surtout nous lui sommes profondément obligés pour l’approbation définitive du Statut du Chemin néocatéchuménal, qui le reconnaît comme fruit du Concile, le définit comme une modalité de réalisation diocésaine de l’initiation chrétienne et de l’éducation permanente de la foi, le dote de personnalité juridique publique, et l’offre aux Évêques comme un instrument au service de leur mission d’évangélisation.
L’annonce du kérygme: que Dieu a ressuscité de la mort Jésus et l’a constitué Kyrios, pour que l’on puisse annoncer à tous les hommes la conversion et la vie éternelle: Dieu nous l’a fait vivre et expérimenter avec grande surprise et étonnement au milieu des pauvres des baraques de Palomeras Altas à Madrid, où nous avons découvert le tripode sur lequel se base la vie chrétienne: parole de Dieu, liturgie et communauté.
Ainsi, l’un des trois piliers du Chemin est la Parole de Dieu, célébrée en petites communautés. Dans les catéchèses initiales, les néocatéchumènes écoutent la prédication du kérygme et reçoivent les clés herméneutiques nécessaires pour l’écoute de la Parole: voir en Jésus Christ le centre et l’accomplissement des Écritures, et mettre les événements de sa propre vie sous la lumière de Sa Parole. Cette initiative à l’Écriture est sigillée par une célébration de la Parole, dans laquelle les participants reçoivent la Bible des mains de l’Évêque, garant de son interprétation authentique. Ils commencent ainsi un chemin de redécouverte de la foi à la lumière de la Parole qui éclaire la propre histoire comme histoire de salut.
Le Chemin néocatéchuménal, à présent approuvé définitivement par le Saint-Siège, est ainsi un instrument offert aux pasteurs de l’Église pour la réalisation de la nouvelle évangélisation, qui ouvre un chemin d’initiation chrétienne pour les lointains dans les paroisses.

- M. Ponpuzhakottayil Cherian ANIYANKUNJU, Porte-Parole de l'Archidiocèse de Changanacherry des Syro-Malabars (INDE)

Beaucoup de Pères ont parlé d’un appétit spirituel au milieu d’une abondance de nourriture. Le problème ne vient-il pas de la manière dont nous la servons. Toutes les proclamations, qu’elles adviennent à travers le silence, les paroles ou les faits, ne produisent de fruits que dans la mesure où le prédicateur est conscient, prêt et préparé à les incarner. Nous nous adressons à des personnes qui ont leur cadre de vie, leurs sentiments, etc. Pour que le message de l’Évangile soit bien reçu, nous devrions nous efforcer de “nous abaisser” au niveau de celui qui nous écoute. Un “abaissement” authentique implique de la souffrance dans le vrai sens du terme, ainsi que de mettre de côté notre ego et de nous engager à fond pour comprendre les personnes. Notre crédibilité de serviteurs de la Parole de Dieu en ressort grandi.
L’incarnation, telle que je l’entend, signifie également “s’élever” au niveau du groupe auquel on s’adresse. Nous sous-évaluons souvent les personnes dans notre prédication. Et cela influe sur la manière dont elle est reçue. Nous devons être préparés sur les questions concernant les domaines de connaissance du thème abordé, qui sont différents mais liés entre eux. Cela est particulièrement important pour les homélies.
Le principe de l’incarnation s’applique également aux parents et aux enseignants. Le sens chrétien de l’humilité vient de là. Le Concile nous enseigne que les parents sont les premiers éducateurs dans la foi de leurs enfants (AA 11). C’est à eux que revient de faire connaître la Parole de Dieu à leurs enfants. Il faut avant tout et surtout développer le sens du respect de la Parole de Dieu. Dans l’introduction de la Constitution Dei Verbum (1), le Concile nous exhorte à nous rapprocher de la Parole de Dieu par une écoute religieuse. C’est ce qui doit être enseigné dès l’enfance, et seuls les parents peuvent le faire. Leur principal devoir est de transmettre ce sens à travers leur manière propre d’aborder la Bible. Ils doivent cuisiner la Parole de Dieu pour que leurs enfants puissent la digérer. Quand les enfants grandissent, ils développent leur attachement à la Bible. En effet, notre Seigneur demeure dans la famille à travers les Saintes Écritures et aide les époux à vivre le sacrement du mariage. Mais les parents essaient-ils de témoigner de la Parole de Dieu en famille et sur leurs lieux de travail ? À cette fin, il convient de donner une orientation adaptée aux fidèles afin que la majorité passive devienne une majorité active dans la proclamation de la Parole de Dieu.
Selon ma propre expérience de chef de famille, la liturgie des Heures est un moyen efficace pour apprendre à connaître les Écritures et un instrument simple pour prier en utilisant la Parole de Dieu. Quand un enfant ne veut pas boire son lait, sa mère le mélange souvent à d’autre choses pour le lui faire boire. L’Église, notre mère à travers la liturgie des Heures, peut faire la même chose avec la Parole de Dieu. Là aussi, il est important que soit donnée aux laïcs une formation théologique, liturgique et biblique spéciale (AA 28). En Inde, certains diocèses ont d’ailleurs pris l’initiative de créer des centres théologiques pour les laïcs.

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