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Joseph modèle pour aujourd'hui

Nous n’avons pas encore découvert Joseph dans toute sa profondeur. Nous n’invoquons Saint Joseph que pour les choses temporelles. Ce n’est pas mal, mais c’est le méconnaître et oublier que Saint Joseph est universellement reconnu comme”le modèle des travailleurs, et le modèle de l’époux chrétien et de l’ami fidèle. Mais il est aussi, dans sa foi, son espérance et son amour, le modèle du contemplatif, et pas seulement du moine ou du religieux dont toute la vie, séparée du monde, est consacrée à la prière... Saint Joseph, fidèle à travers tout, fidèle dans son intelligence et dans son coeur, ayant éminemment vécu la vie filiale en Dieu, est vraiment le modèle de tout chrétien dans son désir de vivre dès ici-bas, la vie éternelle à laquelle il est appelé.”  [1]

Joseph, modèle de tous les chrétiens

Saint Léonard de Port-Maurice (1676-1751) écrivait déjà: “Séculiers, vous pouvez aussi compter Saint Joseph dans vos rangs; il a vécu vierge, il est vrai, mais marié et hors du temple, quoique sa maison fût un sanctuaire. Les grands et les nobles doivent être dévôts envers Saint Joseph puisqu’il était issu du sang royal le plus illustre. Et vous, hommes du peuple, artisans, pauvres et indigents, vous devez avoir confiance en Saint Joseph qui vécut comme vous dans un atelier, gagna sa vie du travail de ses mains et à la sueur de son front...

Tous, en un mot, vivants et morts, doivent espérer en Saint Joseph qui vécut et mourut avec celui qui est la Vie... Tous les chrétiens appartiennent à Saint Joseph...

Réjouissez-vous pieux serviteurs de Saint Joseph, car le Paradis est près de vous: l’échelle qui y conduit n’a que trois degrés, Jésus, Marie et Joseph. Voici comment on monte et l’on descend par cette échelle: en montant, nos suppliques sont d’abord remises entre les mains de Joseph, Joseph les présente à Marie, et Marie les donne à Jésus. En descendant, les rescrits émanent de Jésus qui les concède à Marie, et Marie les remet à Joseph. Jésus fait tout pour Marie parce qu’il est son fils, Marie obtient tout en qualité de mère, et Joseph peut tout en qualité de juste, d’époux et de père.  [2] 

Plus proche de nous, Michel Gasnier note que nos aïeux avaient remarqué, qu’en français, toutes les lettres qui constituent le nom de Joseph désignaient ses principales vertus:

        J  comme Justice

        O comme Obéissance

        S  comme Silence

        E  comme Expérience

        P  comme Prudence

        H comme Humilité

Joseph le silencieux

Dans toutes les situations où Dieu l’a établi, Saint Joseph est resté silencieux et calme. On a dit que sa leçon et son message, c’était précisément son silence. Joseph, c’est l’homme du silence, le protecteur du secret messianique. Pendant des siècles, Saint Joseph restera le père silencieux. Il est maintenant le père qui nous est spécialement donné, à nous qui vivons dans un monde de bruit, et qui avons perdu la notion de paternité, pour que nous en fassions notre modèle.

En hébreu, il n’y a qu’un seul mot pour exprimer les termes AGIR (action) et PARLER (parole). Saint Joseph, le grand silencieux, nous aurait, en fait, parlé par ses actions? Saint Joseph se laisserait connaître par ses actes? Son silence serait-il son éloquence?

Les Évangiles ne nous rapportent aucune parole de Saint Joseph, mais un grand nombre d’actes, les uns assez bien décrits, les autres simplement suggérés, mais tous très éloquents.  Une unique parole de Joseph nous est signalée: “Jésus” lorsque Joseph accomplit la mission confiée par l’Ange: “Tu lui donneras le nom de Jésus.”

“Les récits évangéliques, en nous rapportant de Joseph cette unique parole, le Très Saint Nom de Jésus, qu’il prononça par mandat du Père des Cieux, et précisément comme vicaire du Père auprès du Fils Incarné, nous présentent Joseph en une étonnante ressemblance avec la première Personne de la Sainte Trinité dont il est le vicaire. Il m’a toujours semblé qu’il n’était pas possible de présenter Joseph plus clairement comme ombre du père, première personne de la Sainte Trinité, sur notre terre, de le présenter plus clairement comme vicaire du Père Éternel auprès du Fils Incarné, que précisément en taisant de lui toute parole humaine hors le Nom Sacré de Jésus, le nom terrestre du Verbe de Dieu.”  [3] 

Ainsi, selon le Chanoine D.J. Lallement, Joseph ressemble au Père. Et cette ressemblance, Joseph l’a vécue par sa vie de contemplation silencieuse, pleine de charité envers Dieu, pleine de son amour paternel du Fils unique. La contemplation de Joseph est tout entière tournée vers l’intimité de Dieu en son Fils, vers le mystère de Dieu. De plus, “Joseph est le seul homme qui ait pu contempler le Fils de Dieu avec un coeur éminemment patriarchal, avec ce coeur de père qui était réservé à l’époux de la Vierge Mère, avec un coeur auquel le Père Éternel a donné cette ressemblance à sa Paternité.”  [4] 

Saint Joseph nous enseigne par son silence plein de contemplation aimante et nous invite, comme le Père Éternel, à écouter son Fils bien-aimé. Car le silence est la condition, l’atmosphère de la vie contemplative. C’est le silence de Joseph qui “nous invite à écouter le Christ... Ainsi le silence du coeur paternel de Joseph, ce silence signifié par ses actes, nous invite au même silence attentif que la voix du Père Éternel qui nous dit: écoutez-Le, Lui, le Christ, écoutez-Le, Lui, le Fils bien-aimé du Père, mon Fils bien-aimé.”  [5] 

La foi de Saint Joseph

La grande épreuve pour la foi, c’est de constater le triomphe des méchants. Joseph a souvent dû reprendre à son compte les cris des opprimés et des affligés qui jaillissent des psaumes et souffrir de l’injustice des puissants. Mais, face à l’intervention de Dieu, Joseph croit, sans hésitation, et obéit sans objection, ni résistance. Quand l’Ange le réveille après le départ  des mages, Joseph croit et obéit, immédiatement. Marie se hâte et, pleinement abandonnée à la volonté de Dieu, elle prépare l’Enfant... “Dieu n’avait pas dû choisir au hasard son père et sa mère, mais il les avait sélectionnés avec le plus grand soin. La grâce n’est pas aveugle. Elle calcule les risques de nos libertés après l’expérimentation d’un long apprentissage. Joseph et Marie avaient dû auparavant se montrer fidèles en de petites choses et de nombreux détails pour se voir confier une si grande responsabilité.” [6]

Plus tard, douloureusement, quand Joseph et Marie retrouveront Jésus au Temple ils apprendront qu’ils ne suffisent plus à leur Enfant... Dès lors, Joseph rentrera dans l’ombre, s’effacera.“Il devra faire le deuil de sa propre paternité pour mettre en lumière la seule et unique paternité de Dieu sur ce petit Enfant devenu trop grand pour lui... Lui aussi médite, comme Marie et avec elle, sur cet évènement qui vient de se passer, sur cette parole qui leur a été adressée, car tout est signe et tout devient grâce, occasion de croissance dans la fidélité. Plus il s’abaisse dans l’humilité et plus il s’élève dans la communion avec Dieu.” [7] Car Jésus, devenu fils de la Loi ne peut plus connaître d’autre Loi que son Père, car sa véritable identité c’est Fils de Dieu. Cela, Joseph doit le vivre dans la foi.

Saint Joseph modèle d’obéissance

François Varillon, dans “Le Message de Jésus”  écrit, parlant de l’obéissance de Jésus, et par voie de conséquence, de celle de Jésus à Nazareth: “Je constate une chose absolument extraordinaire: c’est que l’ordre de l’autorité est absolument inverse de l’ordre des valeurs... C’est le plus grand des trois qui obéit aux deux autres et c’est le plus petit des trois qui commande aux deux autres. Autrement dit, Joseph est le patron, le chef de famille. J’ai une dévotion immense envers ce pauvre Joseph. C’est lui qui prenait les décisions. C’est à lui que Marie obéissait. Et Jésus aussi.”  Tout semble marcher à l’envers à Nazareth.”Marie, qui est plus grande que Joseph obéit à Joseph; moins grande que Jésus, elle commande à Jésus. C’est de là qu’il faut partir si l’on veut comprendre l’obéissance religieuse, l’obéissance chrétienne, qui n’a rien à voir avec l’État ou l’obéissance au Code de la route.”  [8]

Dieu le Père envoie son Fils dans la nature humaine, dans le monde, pour obéir, et d’abord pour obéir à Saint Joseph, son père aux yeux du monde. Cela pouvait se faire parce que Joseph avait, préalablement, renoncé à prendre une initiative quelconque dans la Sainte Famille notamment dans l’ordre de la génération. Joseph avait préalablement renoncé à toute paternité humaine totale. La grande figure de Joseph obéissant est Abraham s’apprêtant à sacrifier son fils Isaac, et le recouvrant immédiatement grâce à son obéissance. [9] 

Joseph, modèle pour notre vie quotidienne

Ce qui doit nous émerveiller, de la part de Dieu, ce sont les trente ans de la vie cachée de Jésus: son enfance, son adolescence et probablement une grande partie de sa vie de jeune adulte, en compagnie de Saint Joseph, chef de famille.  “Comment ne pas nous réconcilier avec ce que nous sommes, si nous contemplons le Fils du Créateur obéissant, soumis, à l’aise dans sa peau... heureux de son sort et l’assumant pleinement.”  [10] 

Avec André Doze [11] contemplons la Sainte Famille. C’est par Marie que descendent les promesses de Dieu, et là où est Marie, conçue immaculée, tout est pur: “Cette absence de tout péché, loin de l’éloigner de la race humaine, en fait, au contraire, la créature la plus proche de nos coeurs puisque seul le péché éloigne les hommes les uns des autres. Mais n’est-ce pas par Joseph que ces promesses commencent à se réaliser? N’appartient-il pas à cette humanité à la fois misérable et sublime qui est la nôtre, misérable dans sa réalité profonde, et sublime dans la mesure où elle s’ouvre à l’Esprit?

La conversion, — l’arrachement au monde faux du mal et du mensonge — est la spécialité de Joseph, celui qui nous fait mourir à la folie du péché... En fait, c’est à un nouvel art de penser que l’homme est convié par ce singulier maître: il ne parle pas, comme s’il ne pensait pas, mais il fait exactement tout ce qu’il doit faire. La pensée n’est plus un maître, comme elle l’est presque toujours; ici elle est un humble serviteur d’un dessein qui la dépasse. Scandale pour l’orgueilleux! Merveille pour le coeur humble!”

Mais, attention! “ne rentrent dans l’intimité de la Sainte Famille que ceux que Joseph autorise: les bergers, les mages, Siméon, Anne... Devenir fils de Joseph, c’est imiter ce que fait le Père...”  Et, chez Joseph “le démon nous craint. Ailleurs, il nous trompe...” En contemplant l’humble demeure de Joseph, et la stupéfiante humilité du Fils de Dieu qui accepte librement, à partir de douze ans, sur une parole mystérieuse de sa mère, de descendre à Nazareth, on peut  mieux concevoir le rôle que Saint Joseph a pu y vivre. Et c’est encore par Joseph, et pendant dix-huit ans, que “Jésus va apprendre auprès du Patron de la Bonne Mort, à quitter un monde d’innocence et de beauté, un monde d’amour et de liberté, le monde de son enfance, un monde comme il n’en avait jamais existé auparavant, un monde où les anges étaient tout à fait à l’aise... Et c’est par Joseph, si nous voulons, que Marie peut nous faire passer de ce monde mélangé, inextricable, dégradé et si souvent dégradant, à un monde infiniment plus simple, plus intelligent, plus communiquant, plus vivant, plus heureux où nous faisons une expérience difficile à décrire.” 

Et, dira plus tard André Doze, “il me semble que Joseph est, parmi les hommes, comme le modèle inséparable de son épouse, de ceux qui essaient de dire oui à Dieu par tout leur être et que toute réponse à l’amitié divine se situe dans la sienne.” [12] 

Joseph, modèle des couples et des familles

Joseph, modèle pour les époux

Un amour spirituel, authentique, renouvelé chaque jour, construit à l’image du couple Marie-Joseph, pourra affronter toutes les tempêtes: rien ne pourra le détruire. L’émoi des corps, passager, peut disparaître. L’amour  bâti sur l’amour-charité,  à l’exemple de Marie et de Joseph ne passera pas.

Durant les épreuves traversées par sa Sainte Famille, Joseph n’a jamais baissé les bras, mais il a toujours répondu immédiatement et fidèlement aux attentes de Dieu et aux ordres qu’il en recevait. Il a été constant dans les épreuves comme dans la joie, égal à lui-même, patient, sans jamais faire subir à son épouse les conséquences des difficultés qu’il rencontrait, ni jamais l’accuser d’être la cause de ses problèmes, ne désespérant jamais de rien, ne craignant que Dieu en qui il a mis sa confiance, et ne s’irritant jamais. Quel modèle pour les couples qui ne savent plus se supporter et qui s’entre-déchirent! Quelle force aussi, et quel courage!

Le Père Lejeune (1592-1672) fut un missionnaire oratorien devenu subitement aveugle, au cours d’un sermon, à l’âge de trente cinq ans. Il consacra une partie de ses prédications et de ses travaux au mariage chrétien et à la famille. Quand on a dépassé le style un peu vieillot de ses écrits, on découvre que sa pensée et ses conseils sont d’une étonnante actualité.

“Marie a aimé Joseph, non pas par cérémonie ou en apparence, mais en effet et en vérité... Les devoirs qu’une femme chrétienne doit à son mari: honneur, amour et obéissance, Marie les a rendus très parfaitement à Saint Joseph. Elle l’a honoré au dernier point, elle lui a donné la plus glorieuse épithète, le plus excellent éloge et le titre le plus honorable qu’on puisse jamais lui donner... quand elle l’appelle le Père de Jésus: ‘Voici que ton père et moi nous te cherchions tout affligés.’

Marie accompagne Joseph à Bethléem alors qu’elle n’était pas obligée, elle, d’obéir à l’édit d’Auguste  qui commandait aux seuls hommes d’aller se faire enregistrer dans leur ville natale...”

Quand son mari lui commande quelque chose, elle lui obéit, sans s’arrêter au fait que seuls des songes conseillaient Joseph. Le père Lejeune s’extasie devant la soumission, l’obéissance de Marie. Mais il s’arrête aussi longuement devant les mérites de Joseph, cause d’une telle soumission: “Pensez donc quelle beauté d’esprit, quelle humilité, pureté et chasteté, quelle charité, prudence et sagesse, devait avoir le mari qui a été donné aux prières et aux mérites incomparables de la plus sainte de toutes les saintes! Étant mariée elle l’a honoré comme son chef, son supérieur et son seigneur. Celle que les anges honoraient... devant laquelle Saint Gabriel avait fléchi les genoux...l’Épouse bien-aimée du Père Éternel, l’auguste Sanctuaire du Saint-Esprit a honoré Joseph, elle s’est abaissée devant lui, elle lui a rendu de très grands services... Marie a servi et honoré Joseph en toute humilité, tant il était grand, éminent et digne de respect.”

Joseph et Marie s’aimaient et se chérissaient sincèrement “d’un amour cordial, pur, désintéressé, très chaste, mais très ardent; car le lien de leur amour c’était Jésus; Joseph aimait Marie, non seulement parce qu’elle était très sainte, mais parce qu’elle était Mère de Jésus. Jésus aimait Marie, épouse de son nourricier, et Jésus aimait Saint Joseph époux de sa Sainte Mère. Marie aimait Jésus nourrisson de son époux; et Saint Joseph aimait Jésus, enfant de son épouse.

Que de belles choses Joseph a apprises par la bouche et par l’exemple de Jésus et de Marie, en un si long espace de temps; le matin, le soir, jour et nuit, en Égypte et en Nazareth, aux champs et à la ville, en voyage, pendant le repas et en toute autre rencontre! Quand il eût été le plus imparfait de tous les hommes, il se fût sanctifié en une si sainte compagnie, en une école si divine, par ses secours si extraordinaires.”

Voici que le Père Lejeune dévoile un coin de son coeur: “Je vous dirai ingénument que j’ai souvent eu dévotion de prier ce Saint de me donner sa bénédiction avec la petite main de Jésus; car, quand il l’a sur soi, il en fait tout ce que bon lui semble...” Et encore:“Saint Joseph a pouvoir de nous assister en toute rencontre, en tous nos besoins et nécessités. Honorons donc ses grands mérites, ses excellentes vertus, ses éminentes qualités de père de Jésus, époux de Marie, les caresses qu’il a faites à Jésus et celles que Jésus lui a faites.”  [13] 

La Famille de Joseph,
modèle des familles d’aujourd’hui

Selon Éphraïm, fondateur de la communauté des Béatitudes, Dieu suscite la Sainte Famille, foyer inaccessible d’amour, “d’une perfection totalement éloignée de la réalité humaine..” Et dans la Sainte Famille Dieu propose à notre admiration un “modèle renouvelé de la relation père-Fils”, Joseph-père étant“l’icône parfaite de la paternité divine.”

Monsieur Olier (1608-1657), contemplant la Sainte Famille, nous invite à Nazareth car “c’était là un ciel, un paradis sur la terre, c’étaient des délices sans fin dans un lieu de douleur; c’était une gloire commencée déjà dans la vileté, (sic) l’abjection et la petitesse de leur vie... Jésus, je ne m’étonne pas si vous demeurez trente ans entiers dans cette maison sans quitter Joseph. Je ne m’étonne pas si vous êtes inséparable de sa personne. Sa maison seule vous est un paradis et sa maison est pour vous le sein de votre Père dont vous êtes inséparable et dans lequel vous prenez vos délices éternelles. Hors de cette maison, vous ne trouvez que des objets funestes.”

Les familles qui veulent être chrétiennes doivent regarder Joseph et le prendre comme modèle, car c’est en Joseph qu’aboutit la vocation de la famille humaine. En Joseph, toutes les familles de la terre seront bénies. (Genèse XXII, 18) Les familles   recevront de lui des secours très particuliers pour réaliser la noblesse de leur vocation. C’est en fréquentant assidûment Saint Joseph que la communauté de base du genre humain se renouvellera et acquerra la stabilité et la sainteté conjugales, points de départ de tout bonheur familial.

Créé par Dieu, à son image et ressemblance, l’homme est fait pour vivre la vie divine, selon certaines modalités correspondant à sa nature. Et ce qu’il faut bien retenir, c’est que la vie familiale propre à la nature humaine, est appelée à ressembler à la vie de la Sainte Trinité. “La famille est appelée à une ressemblance avec Dieu le Père engendrant son Fils, dans le plan humain, et à une représentation des rapports entre Dieu et sa création, dans les rapports entre l’homme et la femme.” [14]  Ce plan divin, Dieu l’a fait aboutir en Joseph. Chef de la Sainte Famille, Saint Joseph est prince sur tous les pères transmettant la nature humaine et l’offrant à la vie divine. “Le Seigneur a voulu que Joseph fût associé au Donateur de la vie divine Lui-même. Dans son foyer, Joseph recevrait un enfant,...et cet enfant-là ne serait pas seulement un être humain livré à la vie divine, mais une Personne divine, le Fils éternel même de Dieu... Dans la famille de Joseph naît le Fils éternel de Dieu fait chair... ” [15] Dans la Sainte Famille de Joseph, la famille humaine est associée à la vie de la Très Sainte Trinité, et par conséquent, au plan divin, et à la vie de prière que cela suppose pour une famille, donc à la joie de Dieu.

Nous n’insisterons pas ici sur la célébration familiale du Shabbat dans la Sainte Famille. Peut-être faudrait-il inciter nos familles chrétiennes à redécouvrir la véritable signification du dimanche, Jour du Seigneur, et à le sanctifier par l’Eucharistie et une joie profonde née de la prière familiale retrouvée.

Saint Joseph, si on le “consultait”, si on le contemplait un jour de Shabbat, pourrait nous apprendre bien des choses... En effet, dit Éphraïm, “si nous avons perdu le dimanche, c’est peut-être parce que nous n’avons pas gardé le Shabbat, parce que la signification du Shabbat est pratiquement éteinte... Joseph, le plus beau des pères et le meilleur père qui soit sur la terre, savait bien réjouir son âme de ce plaisir  (le plaisir de la joie du Shabbat), et faire partager cette jouissance du Shabbat autour de lui. Joseph communiquait au jeune Enfant Jésus la saveur de ce plaisir, le taam, le goût d’une plénitude d’ivresse distillée par le Shabbat.” [16]

Enfin il n’est pas inutile de dire ici comment le plan divin sur la famille s’accomplit  parfaitement bien en Joseph, et comment, par son intermédiaire, Dieu révèle sa Miséricorde. Toute famille, en effet, devrait être une école de miséricorde, et son modèle c’est, incontestablement, Saint Joseph: “Joseph est le père que le Père Tout-Puissant s’est associé pour nous donner son Fils comme Sauveur, et manifester par là sa suprême Miséricorde... la Miséricorde est le sommet des attributs de Dieu, que nous concevons dans ses rapports avec le monde qu’Il a créé et qu’Il conserve. La Miséricorde, c’est la toute-puissance, mais la toute-puissance qui triomphe de tous les obstacles... c’est la toute-puissance capable de relever du péché... la Miséricorde, c’est l’amour vainqueur du refus... C’est l’amour vainqueur de ce qui s’oppose le plus à l’amour,... au refus formel de l’amour, au mépris de l’amour.

Et c’est très précisément comme Sauveur du péché, c’est précisément comme don de l’amour miséricordieux que le Père Tout Puissant voulait donner son Fils au monde... Et c’est pour cette manifestation de sa miséricorde tout spécialement que le Père Tout Puissant s’est associé Joseph... Et Joseph, au sommet de la providence paternelle humaine, ordonnée à l’Incarnation rédemptrice, est le chef de famille le plus élevé.” [17] 

La famille est la société du pain quotidien, celle qui assure à l’enfant les besoins les plus quotidiens, et puis, quand l’enfant est devenu adulte et peut se suffire à lui-même, la famille le laisse aller, sans toutefois lui retirer son amour. “Joseph a agi à l’égard du Christ Jésus très précisément comme chef de famille, c’est-à-dire qu’il fait bénéficier le Christ de tout l’exercice de son dévouement pendant le temps où Jésus est plus indigent, plus fragile. Et ensuite, non seulement il le laisse aller, mais parce qu’en Joseph les lois de la Providence se réalisent de la manière la plus claire, il disparaît purement et simplement...

C’est seulement le mystère de la Rédemption qui nous donne l’intelligence complète de la vocation de Saint Joseph... parce que c’est en Joseph qu’aboutit la vocation de l’humanité, de la famille humaine, et que cette vocation de l’humanité est connexe, intimement, à la Rédemption.

On peut aller plus loin encore dans le mystère. Joseph nous représente le Père Éternel conduisant son Fils à la Croix. Joseph prépare et nourrit Jésus pour en faire l’agneau du Sacrifice suprême. “Comme nourricier Joseph n’a fait que cela pendant toute sa vie: préparer l’Hostie, l’Hostie qu’il savait devoir être immolée de la manière la plus douloureuse, dans le supplice le plus atroce qui se puisse pour le corps humain, dans les douleurs les plus extrêmes du support du mal universel.” La protection qu’il exerce auprès de Jésus “a pour fin de le conduire, au travers de toutes les humiliations qu’il faudra supporter, jusqu’à l’oblation entière, la plus ignominieuse comme la plus douloureuse, du Calvaire.” [18] 

Joseph, modèle des pères

Saint Joseph est incontestablement le modèle accompli de toute paternité humaine.

Jean-Jacques Olier (1608-1657) écrit:“Si Dieu le Père a pris ce Saint pour être l’idée et le caractère de ses perfections; s’il a rendu visible en lui ce qui était caché en son essence de toute éternité, s’il l’a choisi pour en faire l’image de sa sainteté, quelle idée doit-on se former de Saint Joseph? Dieu lui donne avec abondance son esprit de Père; il exprime sensiblement en lui toutes ses perfections divines, sa sagesse, sa prudence, son amour, sa miséricorde; il en fait le caractère de toutes ses beautés. Enfin, comme Dieu le Père est invisible en sa personne, et même incompréhensible dans son être et dans ses productions, de là vient que, s’étant choisi ce Saint pour qu’il fût son image en terre, il l’a rendu comme invisible et caché à nos esprits et, à mon sens, hors d’état d’être compris par les hommes.”  [19]  

Éphraïm[20] estime que Joseph, parfois qualifié d’ombre du Père parce qu’il est véritablement l’ombre du Père, peut être considéré non seulement comme le père de tous les pères humains, mais aussi de tous les pères spirituels, et père de la paternité spirituelle elle-même. A l’image du Père, Saint Joseph est silencieux, d’un courage héroïque, qui n’agit qu’en se donnant.

Comme le Père est créateur, Dieu choisit Joseph, un artisan qui crée, pour être, en quelque sorte, son coopérateur dans le mystère de l’Incarnation.

“Dieu a voulu introduire le Charpentier de Nazareth dans le courant infini de tendresse et d’engendrement afin de le faire participer à sa propre paternité... Joseph est père sur parole comme mari et sur ordre de Dieu... C’est dans et par le consentement à l’Enfant que Dieu lui donne et que Marie a déjà conçu, que Joseph se montre le modèle de tous les pères du monde.”  [21] 

Et, comme l’avait écrit également Saint Jean Damascène, “Dieu donna à Saint Joseph envers Jésus l’amour, la vigilance et l’autorité d’un père afin qu’il remplît bien sa mission, l’affection d‘un père afin que Joseph gardât Jésus avec la plus grande tendresse, la sollicitude d’un père, afin que Joseph environnât Jésus de tous les soins possibles, enfin l’autorité d’un père afin que le Saint Patriarche eût l’assurance d’être obéi en tout ce qu’il ordonnerait touchant la personne du Sauveur.”

En donnant son nom à Jésus, il en fait vraiment son enfant. Répondant à un appel de Dieu, Joseph fait de la paternité une vocation, c’est-à-dire une responsabilité à faire vivre l’Enfant, à le nourrir, à le faire grandir, à l’éduquer dans les domaines qui lui permettront de devenir un homme, y compris et surtout, dans la foi. Parce qu’il a cru, comme Abraham, Joseph est devenu le grand-père d’une multitude de petits enfants, fils de Dieu.

“Joseph nous enseignera que le Fils éternel de Dieu le Père existe depuis toujours, qu’Il est présent obscurément à tout esprit humain, qu’Il s’est fait chair grâce au “oui” de Marie, son épouse, qu’Il est devenu spirituellement son Enfant bien-aimé lorsque Dieu lui a demandé de l’accueillir dans sa maison, dans son foyer et dans son coeur... Désormais chacun de nous est destiné à rejoindre ce consentement distinct et unifié de Marie et de Joseph, à devenir source, père et mère de Jésus, comme eux et avec eux, en attendant de devenir ce Fleuve d’eau vive qui fait jaillir l’Esprit.”  [22] 

Michel Gasnier méditant sur la réflexion de Marie retrouvant Jésus au Temple: “...Ton père et moi nous te cherchions pleins d’angoisse”  estime que la Vierge, profondément éclairée sur le mystère de l’Incarnation, croit vraiment que Joseph peut-être dit: père de Jésus. La paternité de Joseph a été réelle même si pour lui, il ne fut que son père virginal. “N’est-ce pas Joseph, en effet, qui, en respectant la virginité de Marie, avait comme préparé les voies à l”Esprit-Saint et rendu possible cette fécondité miraculeuse?”  Jésus mangera le pain gagné par le travail de Joseph. “C’est par cette nourriture achetée au prix de durs labeurs que Jésus va remplir ses veines du sang généreux qu’il versera jusqu’à la dernière goutte et qui coulera jusqu’à la consommation des siècles sur nos autels, au sacrifice de la Messe... Joseph aussi a eu sa part active dans la production de la Rédemption.“  [23] 

Ayant eu pour Jésus un vrai coeur paternel, ayant exercé sur lui les droits de père, Saint Joseph est ainsi devenu pour nous, le modèle des pères.  Et cela d’autant plus que, ainsi que l’ont dit de nombreux théologiens, on peut vraiment considérer Saint Joseph comme l’Ombre du Père,  modèle de tous les pères.

Un père devrait d’abord être un éducateur: c’est son rôle éminent et irremplaçable, car il est, en coopération avec la maman, son épouse, le représentant de Dieu auprès de ses enfants. Saint Joseph fut certainement le meilleur des pères que l’on puisse imaginer. Il n’était pas le père naturel de Jésus, mais“il a mis l’Enfant Jésus au monde de l’histoire d’Israël, au monde de la pratique de la Torah, au monde des coutumes juives, de la liturgie, de l’éthique, d’un comportement singulier qui est ce particularisme hébraïque à visée universelle... Joseph, pédagogue inspiré, gardien de la Torah, sentinelle veillant sur la mémoire d’Israël, devient père parce qu’il est aussi et d’abord, un homme de prière, un liturge, un prêtre officiant dans sa maison. Ses actes liturgiques accomplis avec amour et ferveur, fondent et rehaussent en quelque sorte sa fonction paternelle.”  [24] 

Joseph est l’icône du Père

“Joseph est le gardien du mystère de l’Incarnation, le gardien de la femme et de l’enfant. Joseph nous est donné comme notre protecteur à un moment où la femme et l’enfant sont devenus sans défense dans un monde hostile qui ne leur donne pas le droit d’exister. Nous tuons les enfants dans le sein de leur mère, et la femme doit renier ses valeurs féminines pour être acceptée. Accueillir Joseph nous permet de laisser tomber nos défenses, de quitter notre armure et de nous accueillir tel que nous sommes sans crainte d’être rejetés.

Joseph est le gardien des vierges et le gardien des épouses permettant aux unes et aux autres de laisser s’épanouir la grâce de la femme, car toute femme a besoin d’avoir connu la paternité à travers le regard d’un père pour pouvoir devenir une épouse, un vis-à-vis, et éviter d’entrer dans une relation de dépendance où elle se perd, ou dans la révolte pour se défendre de la domination et du mépris de l’homme.

Mais Joseph ne se contente pas de nous accueillir tels que nous sommes, il nous fait grandir, il nous fortifie, il nous communique la force intérieure pour vivre ce que nous avons à vivre. Comme un père il se tient debout à nos côtés pour que nous ne fuyions pas devant l’obstacle, que nous ne reculions pas devant la souffrance, mais que nous assumions la réalité... Joseph est le juste qui nous ajuste.”  [25] 

Joseph, modèle pour les consacrés

Certains hommes ou femmes, répondant à un appel pressant de Dieu, ont choisi de consacrer leur virginité “pour que Dieu seul règne dans leur coeur, leur âme et leur corps, sans partage...” [26]  Grains de blé qui acceptent de mourir, ils porteront beaucoup de fruits, comme Joseph qui, acceptant de garder sa virginité pour protéger celle de Marie, permit à la Rédemption de s’accomplir.

La première vocation d’un religieux, c’est de s’adonner aux choses de Dieu, à l’étude, à la prière, et à la contemplation. Saint Joseph est leur modèle incontesté car il sûr que son esprit s’éleva souvent aux plus hautes contemplations.  Dieu n’ayant pu confier l’éducation de son Fils à un ignorant, beaucoup de saints et de théologiens ont affirmé que Joseph était un homme d’un esprit élevé, de grande intelligence et qui, ayant vécu de longues années avec la Sagesse Incarnée, avait reçu le don de science à un degré éminent. C’est pourquoi il fut si humble, car c’est la Sagesse du Saint-Esprit qui rend humble.

Sans crainte de se tromper, on peut affirmer avec Isidore de Isolani: “Je crois que personne, au temps de Joseph,... soit parmi les juifs, soit parmi les philosophes, ne s’est adonné plus que lui à l’étude des choses divines, incité et soutenu à cela par les entretiens continuels qu’il avait avec le Christ et avec sa céleste Mère.” Un tel programme ne devrait-il pas être celui de toutes les âmes sacerdotales et religieuses?

Sain Pierre Julien Eymard (1811-1868) contemple Saint Joseph comme le parfait supérieur de tous les religieux. “Saint Joseph, chef de la Sainte Famille, reçoit tous les ordres d’En-Haut et il est chargé de leur exécution. Ce n’est pas à Jésus ni à Marie que s’adressent les messages célestes, mais à Joseph , et c’est lui qui doit répéter les ordres, les communiquer à sa divine Famille et se faire obéir de Jésus et de Marie.”

Saint Joseph conçut-il de l’orgueil devant un tel pouvoir? “Oh! non! Quand Dieu donne beaucoup de grâces, il écrase sous le poids de sa gloire, et ce n’est qu’une raison de s’humilier davantage.

Et dans l’élévation de Saint Joseph, nous trouvons une belle leçon. Il était le chef, le supérieur de la première communauté religieuse. Bethléem, Nazareth, furent les premiers couvents. Jésus, Marie et Joseph étaient le type du premier Ordre religieux consacré à la gloire de Dieu. Or, chose étonnante, le supérieur de cette sainte maison est le moindre de tous, en grâces, en sainteté, en mérites. Comparé à Jésus, le Fils de Dieu, la splendeur du Père, Saint Joseph disparaît dans son néant. Mis à côté de Marie, il n’est qu’une faible étoile qui s’éclipse devant ce soleil de grâces et de sainteté. Et cependant c’est lui, lui le moindre sous tous les rapports, qui a l’autorité et qui commande.

Quelle intime souffrance, quel effort Saint Joseph devait faire à son humilité, quand il avait à commander à Jésus ou à Marie, à son Roi, à sa Reine!... C’est une bonne leçon que doivent bien retenir tous ceux qui sont élevés au-dessus des autres, pour se tenir dans l’humilité qui leur convient: Dieu manifeste par là sa puissance et sa miséricorde.

Et que ceux qui obéissent regardent moins dans le supérieur ses qualités personnelles que sa mission: il ne s’agit pas de ce qu’il est par lui-même, mais  par Notre Seigneur qui parle en lui. Ne vous occupez pas de sa sainteté personnelle, mais voyez un peu plus loin en lui Notre Seigneur Jésus-Christ.”

Pour Saint Léonard de Port-Maurice (1676-1751) Saint Joseph,  époux de Marie et père adoptif de Jésus, est le modèle des religieux et des gens mariés:“Dieu a voulu que les personnes de tout état, de toute condition, eussent quelque chose de commun avec Saint Joseph, afin que tous eussent recours à lui comme à leur avocat particulier et à un intercesseur universel: attendu que dans la maison de Jésus et de Marie les autres saints supplient et Joseph ordonne, les autres prient et Joseph commande, et en commandant il obtient ce qu’il veut.

Aussi les religieux de tous les ordres doivent-ils avoir une grande dévotion envers Saint Joseph, et le reconnaître pour leur fondateur, puisque d’après l’opinion de plusieurs, il est le premier qui ait fait les saints voeux. Ecclésiastiques, vous trouvez en tête de votre hiérarchie Saint Joseph, le premier qui ait administré le patrimoine de Jésus-Christ: vous lui devez donc une dévotion spéciale.

Saint Joseph doit être le tabernacle universel de l’Église: c’est pourquoi l’âme unie intérieurement à Jésus-Christ, et qui entre dans ses voies, ses sentiments, ses inclinations et ses dispositions, cette âme, tant qu’elle sera sur la terre, sera remplie d’amour, de respect, de tendresse pour Saint Joseph à l’imitation de Jésus-Christ vivant sur la terre. Car telles étaient les inclinations et les dispositions de Jésus-Christ. Il allait aimer avec tendresse Dieu le Père dans Saint Joseph, et l’adorer sous cette image vivante où il habitait réellement. C’est à nous à suivre cette conduite et aller ainsi chercher notre Père dans ce Saint. C’est en lui que nous devons aller voir, contempler, adorer toutes les perfections divines, dont l’assemblage nous rendra parfaits comme notre Père Céleste est parfait. Nous apprenons par ce Saint qu’on peut ressembler à Dieu le Père et être parfait sur la terre comme il l’est dans le Ciel. Et parce qu’en Dieu le Père Saint Joseph est source de tout bien et de toute miséricorde, On dit de ce Saint qu’on ne lui demande rien qu’on ne l’obtienne.”  [27] 

La vie religieuse d’un juif pieux prend toute sa journée, depuis le moment où il se lève, jusqu’au soir, où avant de s’endormir, il récite une dernière prière. A ce titre il peut déjà être considéré comme le modèle des religieux. Mais je pense qu’on peut aller encore plus loin et citer le prophète Osée (Os 2, 21-22) en appliquant aux religieux ce qui était d’abord destiné au Peuple Hébreu:“Tu seras ma fiancée pour toujours; ce seront des fiançailles de justice et de droiture, dans la tendresse et la miséricorde. Je te fiancerai à moi dans la fidélité, et tu sauras qui est Yahvé.”

Les religieux ne se contentent pas de prier, tous s’adonnent, selon leur vocations propres, à des oeuvres de miséricorde. En cela ils ne font qu’imiter ce que faisait déjà la Sainte Famille en Égypte. Avec toutes les réserves et la prudence que les visions et révélations privées imposent, écoutons Marie d’Agreda nous rapporter ce qu’elle a vu. Il y a beaucoup d’enseignements à en tirer.

La Sainte Famille arrive à Héliopolis. Attirés par ces étrangers nouvellement arrivés, les gens du pays allèrent parler à“notre grande Reine et au glorieux Saint Joseph. La divine Mère ... répondit à tous avec beaucoup de prudence, de sagesse et de douceur par des paroles qui touchaient profondément les coeurs... Elle parlait à chacun selon la portée de son esprit, et se servait des moyens les plus convenables pour que tous reçussent et pénétrassent la doctrine de la vie éternelle... Et afin qu’on reçût plus facilement cette doctrine... elle consolait les affligés, soulageait les misérables et secourait les pauvres... Elle exerça les offices d’infirmière... jusqu’à ce que Saint Joseph commençât à guérir les malades... Il avait une grâce spéciale de sainteté pour exercer ce ministère, instruire et guérir les hommes... On leur offrait de riches présents... mais les saints époux n’en acceptèrent aucun: ils se nourrissaient toujours de leur travail. Quand ils étaient obligés de recevoir quelque cadeau, ils le distribuaient incontinent aux pauvres...”  [28] 

D.J. Lallement pense que l’âme de Saint Joseph a su, dans un humble silence, s’unir au mystère de Dieu à lui révélé, et recevoir la plénitude du don de Dieu.“Il n’est pas de désert qui soit plus apte à cacher la Mère du Christ et son Enfant divin que le très humble,” le très silencieux et le très obéissant Joseph dont l’âme contemplative connaît la distance infinie entre elle et le mystère divin, et sait que “dans la possession de Dieu toute initiative appartient au Seigneur Lui-même, et que les efforts naturels qui résulteraient d’une curiosité de sa part seraient une activité troublant l’expérience du pur Amour divin.[29] 

Chez Saint Joseph l’acte d’humilité se termine par un acte d’obéissance: obéissance à l’Ange lorsqu’il prit chez lui, Marie, son épouse; obéissance aux lois humaines lorsqu’il partit de Nazareth pour se rendre à Bethléem, suite à un édit de l’Empereur romain; obéissance à la Loi de Moïse quand il offrit Jésus au Temple; obéissance lors de la fuite en Égypte, etc. “Une telle obéissance est, de sa nature, contemplative: il faut des âmes dépouillées de tout le créé, il faut des âmes attentives à Dieu pour une si pure et si parfaite obéissance. Mais cette obéissance, qui vient déjà du silence contemplatif, est condition essentielle, avec l’humilité, de la croissance de la contemplation, dans l’union au mystère divin.”

Enfin, il faut ajouter que “le travail si humble, si pauvre de Joseph fut la condition de la pureté de sa vie contemplative au milieu du monde, le cloître qui le cacha et le sépara de toute finalité humaine, pour le réserver à Dieu seul, le cloître de la pureté de sa prière rédemptrice.”  

En effet, qu’est-ce qu’un cloître? C’est ce qui cache aux yeux du monde. “C’est son travail d’humble artisan du bois qui a vraiment permis à Joseph de passer inaperçu au milieu de ce monde; c’est cela qui lui a permis de garder Marie dans le silence, de la protéger de l’indiscrétion; c’est cela qui lui a permis de cacher Jésus aux persécureurs... Le cloître, c’est aussi ce qui sépare des finalités humaines temporelles pour se réserver à Dieu seul... Et précisément, le travail très pauvre de Saint Joseph l’a séparé  des finalités humaines.” [30] 

Pour André Doze, il faut “s’habituer à passer de la vie mentale, correspondant à  notre conscience claire, ce que nous sentons, évoquons mentalement, imaginons, ressentons dans notre corps ou notre psychisme, à la vie spirituelle où, apparemment, tout s’abolit. Ce passage n’est pas facile... Joseph, quand on le devine grâce à Marie, me paraît le maître de ce délicat passage... Il m’enseigne l’art de ne pas penser à la manière humaine... Joseph nous apprend l’art suprême de mourir à notre vie mentale, pour nous permettre de renaître à une manière de voir qui s’apparente à celle de Marie, et ne ressemble que de loin à ce que nous pouvions connaître avant.”

Saint Joseph modèle des diacres

Le Père Marie-Dominique présente Saint Joseph comme le modèle des diacres, “modèle de tous ceux qui, dans l’Église, exercent une autorité temporelle directement et tout entière au service du sacerdoce du Christ, par la médiation de Marie.“  [31] Le Père Marie-Dominique compare le diaconat de Joseph à celui d’Étienne. Mais son diaconat est supérieur à celui d’Étienne, car Joseph le reçoit directement du Père, par la médiation de l’Ange. Joseph est “l’archétype des diacres: il a exercé sa fonction de serviteur dans le silence de la contemplation, alors qu’Étienne, venant après lui, l’a exercée dans la proclamation de la parole...” et on pourrait ajouter, du martyre.

“Chez Joseph, tout se fonde sur le silence de la contemplation qui, dans l’Église, se prolonge dans la vie monastique. Cela nous permet de comprendre le lien si particulier qui existe entre Joseph et la vie monastique.” [32] 

Saint Joseph modèle des travailleurs

Le 1er mai, l’Église fête Saint Joseph, Patron des travailleurs. Jésus est le modèle des travailleurs parce qu’il travaillait uniquement pour accomlir la volonté de Dieu. Parce que le travail est saint, parce qu’il est un moyen de sanctification. Peu importe que le travail soit manuel ou intellectuel. Ce qui compte, c’est de le faire pour glorifier Dieu et L’aimer davantage. C’est de travailler en vue de la nourriture qui demeure pour la vie éternelle, et pas seulement pour se procurer des nourritures périssables. “Si Saint Joseph est le Patron des travailleurs, c’est parce qu’il a su dépasser, non seulement le souci d’efficacité et le besoin de dominer, mais  la joie que donne le travail bien fait, pour l’offrir à Dieu.”  [33] 

Saint Joseph nous apprend aussi à éviter la tentation de la gloire humaine “Saint Joseph est là pour nous empêcher de nous laisser prendre par cette tentation de la gloire humaine et par toute forme de messianisme temporel. Il nous empêche de nous laisser griser par le succès et la réputation qu’on nous fait.”

Pourtant Saint Joseph ne perdait pas son temps; il ne travaillait pas en dilettante. “il avait le sérieux propre aux vrais travailleurs. Mais le sérieux du travailleur, ce n’est pas la mauvaise humeur. Au contraire, plus on est sérieux dans son travail, plus on est de bonne humeur; travailler sérieusement chasse tous les miasmes qu’on traîne avec soi.”

Si l’Église a choisi Joseph comme Patron des travailleurs, c’est pour nous rappeler la dignité du travail humain. “Saint Joseph nous montre quel est le travail que Dieu aime: humble, caché, fervent, et un travail de pauvre. Il travaille uniquement pour la gloire de Dieu, dans la gratuité la plus grande qui soit.

Saint Joseph, l’Esprit-Saint,
et les hommes d’aujourd’hui
[34]

“C’est par une femme humble, appelée Marie, que l’Esprit-Saint descend, et par un homme non moins humble, Joseph, fils de David, ombre du Très-Haut, qu’il peut demeurer... Pour que la liberté demeure en nous, il faut que l’Esprit qui en est l’indispensable condition demeure, lui aussi. Or l’Esprit ne demeure que chez Joseph, celui qui garde la porte, et qui ne demande qu’à l’ouvrir à ceux qui écoutent la voix du Berger... les vrais adorateurs ne peuvent se former que là où le Fils s’est formé, avec les parents que le Fils a reçus du Père et auxquels il a voulu se soumettre si longtemps... C’est en Galilée que l’Église doit se rendre pour “voir” Jésus et s’ouvrir avec lui et comme lui au lent travail de l’Esprit.

C’est à Nazareth que le Septième jour  (de la création), perdu par la folie des hommes égarés par le Jaloux, insurpassable menteur, nous est rendu par l’amour sans limite du Bien-Aimé. L’humble maison de la Sainte Famille chez qui se cachait la Sainte Trinité et qui devait ressembler à une sorte de grotte, est, en réalité, la montagne de Sion et la ville du Dieu vivant.

Saint Joseph
Protecteur et modèle de l’Église universelle

Le pape Jean-Paul II, dans son exhortation apostolique du 15 août 1989, Redemptoris Custos,  rappelle le patronage, sur l’Église,  de Saint Joseph,  gardien du Rédempteur, et il prophétise un renouveau d’actualité de l’action de Saint Joseph comme gardien du Corps mystique qu’est l’Église. De plus en plus Saint deviendra, à l’image du Père, le père silencieux qui, après avoir protégé et nourri du “pain de la terre Celui qui est le Pain du Ciel “, protégera l’Église de notre temps.

Saint Ambroise avait déjà écrit, en son temps:

“L’Église est le Corps mystique du Christ; elle est une dilatation dans l’espace et dans le temps de la maison de Nazareth.“  Et saint Ambroise qui appelle aussi Marie ‘le type de l’Église’, “voit en Saint Joseph, époux de la Sainte Vierge et gardien de sa virginité le type de l’épiscopat qui est, à sa ressemblance, époux temporaire de l’Église et gardien de la précieuse virginité de celle-ci.”

Saint Ambroise établit un parallélisme: “Dans une sphère éminente, Marie et Joseph; dans une sphère dépendante, l’Église et l’épiscopat. Joseph représente éminemment l’épiscopat et celui en qui l’épiscopat se résume: le pape. De même que l’Église est soumise aux influences de Marie...ainsi l’épiscopat et le pape qui en exprime l’unité, reçoivent les influences de Saint Joseph. Le pape et les évêques, dans leur sollicitude au sujet de l’Église et des églises, doivent s’inspirer de la tendresse et du dévouement de ce grand Saint vis-à-vis de Marie sa virginale épouse... Saint Joseph garde l’Église, avec un soin jaloux, contre les influences délétères du monde au milieu duquel elle vit, mais duquel elle n’est pas. Joseph la défend contre toutes les attaques des démons et des hommes pervers qui sont leurs instruments. Il l’alimente de secours extérieurs et surtout intérieurs, lui procurant les plus précieuses infusions de la grâce divine, maintenant en elle la tranquillité et la paix, en dépit des assauts furieux qui lui sont continuellement livrés. Enfin Saint Joseph amplifie l’Église.”

De nos jours la faim de Dieu se fait cruellement sentir dans notre monde, et la nuit recouvre la terre. Les vocations sacerdotales et religieuses se font rares, et l’amour se refroidit dans le monde des hommes. Mais c’est la nuit qu’il faut croire à la Lumière, et Saint Joseph ne serait-il pas la lumière que le Seigneur nous réservait pour ces temps sombres que notre Église vit aujourd’hui? Saint Joseph a gouverné la Sainte Famille, image de l’Église, avec une autorité toute paternelle. Saint Joseph a été établi par nos papes Patron de l’Église universelle. Il faut croire, de toutes nos forces, qu’il sera de plus en plus le protecteur, non seulement de l’Église dans son ensemble, mais de chaque chrétien en particulier.

Joseph sera de plus en plus le protecteur
et le père des chrétiens

        Joseph, pauvre entre tous les pauvres, mais riche de l’Amour de Dieu le Père, sera le protecteur de ceux qui ont perdu Dieu et qui sont comme des naufragés... Joseph, le plus pauvre parmi les hommes, mais immensément riche de l’Amour de Dieu, saura redonner l’amour désintéressé et vivant  à notre monde trop riche de biens inutiles,  malsains ou mortifères.

        Joseph craignait Dieu car L’aimant immensément, il ne pouvait que redouter d’être séparé de Lui par le péché, ce péché qui mutile l’homme en coupant le cordon ombilical, lien vital entre Dieu et l’humanité.

        Sur le cœur de Joseph, Jésus s’appuyait en toute confiance. Pendant des années les coeurs de Jésus et de Joseph ont battu à l’unisson... Jésus, doux et humble de Coeur ne pouvait que rendre doux et humble le coeur de Joseph. Joseph, au coeur doux et humble, apprend à l’Église que Jésus lui confie, la douceur de l’Amour de Dieu, germe de la bonté, de la douceur, de la charité.

        Joseph, homme juste et pieux, lui dont la vie fut une continuelle prière, une constante adoration, une perpétuelle action de grâce, une parfaite contemplation des perfections divines, Joseph apprend aux membres de l’Église qui lui est confiée à être des priants, des adorants, des justes, redevenus heureux dans la redécouverte de Dieu-Trinité car Dieu-Amour. A redevenir les hommes créés à l’image de Dieu, pour aimer Dieu et Le servir dans la paix, la joie et le bonheur retrouvés.

        Joseph, à l’école de Jésus a connu le secret des écritures. A l’école de Jésus il apprit la valeur de la souffrance dont la valeur est telle qu’elle fut choisie par le Fils de Dieu, notre Rédempteur et le sien. Cette douleur de Dieu, Joseph la connaissait bien, car Jésus la lui révéla: “ce paisible et silencieux déchirement du Coeur du Père qui offre son Fils et l’angoisse du terrible pressentiment de la Passion. Dans le regard très pur de l’Enfant-Jésus, Joseph voit la Croix et sait qu’elle est inéluctable. Souffrance de l’impuissance à intervenir humainement, souffrance d’une qualité rare, celle de la paternité, celle de la participation à la Rédemption du monde...”  [35] 

Joseph, modèle des martyrs

Ainsi, ayant connu de nombreuses souffrances humaines, ayant été incompris au milieu des siens, ayant pressenti la Passion de Jésus, son fils bien-aimé, Joseph, qui avait été choisi et préparé par Dieu pour une très haute mission, peut aussi être considéré comme le modèle des martyrs. Car Dieu est toujours du côté des faibles, des petits, des persécutés. Écoutons les paroles d’un sage juif, que nous rapporte Frère Éphraïm: “... partout Dieu cherche le persécuté. On peut savoir qu’il en est ainsi car:

        Abel fut persécuté par Caïn, et Dieu choisit Abel,

        Noé fut persécuté par sa génération, et Dieu choisit Noé,

        Abraham fut persécuté par Nemrod, et Dieu choisit Abraham,

        Isaac fut persécuté par les philistins, et Dieu choisit Isaac,

        Jacob fut persécuté par Esaü, et Dieu choisit Jacob,

        Joseph fut persécuté par ses frères, et Dieu choisit Joseph,

        Moïse fut persécuté par pharaon, et Dieu choisit Moïse,

        David fut persécuté par Saül, et Dieu choisit David,

        Saül fut persécuté par les philistins, et Dieu choisit Saül,

        Israël est persécuté par les nations, et Dieu choisit Israël.

Si l’on se fie aux récits de certains mystiques qui décrivent le jeune Saint Joseph tellement incompris de sa famille, ses parents et ses frères, incompris à cause de sa gentillesse et de son humilité, on pourrait achever cette litanie en disant:

        Jeune, Joseph fut persécuté par ses parents et par ses frères, et Dieu choisit Joseph,

        Jeune père, Joseph fut persécuté par les puissants de ce monde, Hérode et ses soldats, Joseph dut fuir, car Dieu avait choisi Joseph!...


[1] Père Marie-Dominique PHILIPPE ”Le mystère de Joseph”  Éditions Saint Paul (1997)

[2]  Cité par Mrg Villepelet dans “Les plus beaux textes sur Saint Joseph”

[3] “Mystère de la paternité de Saint Joseph”  de D.J. Lallement - Éditions Téqui

[4] “Mystère de la paternité de Saint Joseph”  de D.J. Lallement - Éditions Téqui

[5] “Mystère de la paternité de Saint Joseph”  de D.J. Lallement - Éditions Téqui

[6]  “Notre père, Joseph le charpentier” Daniel Foucher - Éditions de MONTLIGEON

[7]  “Notre père, Joseph le charpentier” Daniel Foucher - Éditions de MONTLIGEON

[8]  Cité par Daniel Foucher

[9] “Mystère de la paternité de Saint Joseph”  de D.J. Lallement - Éditions Téqui

[10] Daniel FOUCHER “Notre père, Joseph le charpentier”  - Éditions de Montligeon

[11] André DOZE ”Ombre du Père“-  Éditions des Béatitudes

[12] André DOZE ”Joseph, Gardien du Shabbat“-  Éditions des Béatitudes

[13] Cité par Mgr Villepelet

[14] “Mystère de la paternité de Saint Joseph”  de D.J. Lallement - Éditions Téqui

[15] “Mystère de la paternité de Saint Joseph”  de D.J. Lallement - Éditions Téqui

[16] “Joseph, un père pour le nouveau millénaire”  d’Éphraïm - Éditions des Béatitudes

[17]“Mystère de la paternité de Saint Joseph”  de D.J. Lallement - Éditions Téqui

[18] D.J. Lallement”Mystère de la paternité de Saint Joseph”  - Éditions Téqui

[19] Cité par Éphraïm

[20] Éphraïm “Joseph, un père pour le nouveau millénaire”  - Éditions des Béatitudes

[21]“Notre père, Joseph le Charpentier” Daniel FOUCHER - Éditions de MONTLIGEON

[22]“Notre père, Joseph le Charpentier” Daniel FOUCHER - Éditions de MONTLIGEON

[23]“Les silences de Saint Joseph”  Michel GASNIER - Éditions du LAURIER 1958

[24] Éphraïm “Joseph, un père pour le nouveau millénaire” Éditions des Béatitudes

[25] Jo Croissant ”Le Corps, Temple de la Beauté” - Editions des Béatitudes

[26] Daniel Foucher“Notre père, Joseph le charpentier”  - Éditions de MONTLIGEON

[27] Cité par Mrg Villepelet dans “Les plus beaux  textes sur Saint Joseph”

[28] Marie d’Agreda “La cité mystique de Dieu”  Tome II - Paragraphes 664 à 669 - Éditions TÉQUI

[29] D.J. Lallement“Mystère de la paternité de Saint Joseph”  - Éditions TÉQUI

[30] D.J. Lallement”Mystère de la paternité de Saint Joseph”  - Éditions Téqui

[31]Père Marie-Dominique “Le mystère de  Joseph”    - Éditions Saint Paul

[32] Père Marie-Dominique “Le mystère de Joseph”    - Éditions Saint Paul

[33] Père Marie-Dominique “Le mystère de Joseph”    - Éditions Saint Paul

[34] André Doze, ”Joseph, Gardien du Shabbat” -  Éditions des Béatitudes

[35] Cité par Éphraïm “Joseph, un père pour le nouveau millénaire”   Éditions des Béatitudes

   

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