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Saint Joseph dans l’Ancien Testament

1  Les figures de Saint Joseph dans l’Ancien Testament

Grâce à sa mission auprès de Jésus, Enfant puis Adolescent, Saint Joseph nous fait découvrir le Père, que Jésus nous révélera pleinement plus tard. La Bible nous dévoile parfois l’amour infini de Dieu pour son peuple, même pécheur, mais, si elle laisse entendre qu’Il l’aime encore plus qu’une mère n’aime son enfant, elle reste très discrète sur la paternité de Dieu.

Certains auteurs ont vu, dans le patriarche Noé accueillant, à la fin du déluge, la colombe et son rameau d’olivier, l’image de Joseph, gardien de Marie, la colombe mystique qui nous donne le salut en enfantant Jésus. D’autres ont cité Éliézer, [1] le serviteur de la famille d’Isaac, chargé de veiller sur la fiancée de son maître ; ou encore Moïse, confident des desseins secrets de Dieu. Pour rester avec Moïse, on peut ajouter ici que les chérubins qui protégeaient l’Arche d’Alliance ont parfois été considérés comme le symbole de Marie et de Joseph dans l’attitude d’adoration où ils se tenaient à Bethléem autour du berceau de Jésus, la véritable hostie de propitiation. Quant à Saint Bernard, il considère Joseph, fils de David, comme un autre David.

Les personnages évoqués ci-dessus n’ont cependant donné lieu qu’à peu de commentaires dans le cadre du sujet qui nous intéresse. Par contre, nous nous attarderons davantage sur les quatre personnages bibliques qui nous apparaissent vraiment comme des figures anticipées de Saint Joseph.

Dès la Genèse, l’histoire de Joseph ben Jacob, qui sauvera l’Égypte puis les peuples voisins, donc sa famille, d’une terrible famine, nous montre comment Dieu “sauve” ceux qui seront les aïeux de Jésus. Plus tard, deux livres, — le premier historique : le Livre de Samuel, puis une histoire édifiante : le Livre de Tobie —, nous feront pressentir la sollicitude de Dieu vis-à-vis de ceux qu’Il s’est choisis dès leur plus tendre enfance. Enfin, nous mentionnerons, dans une autre histoire édifiante, dont l’historicité totale n’est pas prouvée, l’action de Mardochée, le protecteur de celle qui devint la Reine Esther, et dont les conseils judicieux conduisirent cette dernière à entreprendre l’action qui sauva son peuple. Nous examinerons successivement la mission de Joseph ben Jacob, puis celle d’Héli auprès de Samuel et celle de l’ange Raphaël auprès du jeune Tobie, et enfin celle de Mardochée auprès de la Reine Esther.

Avertissement

On trouve dans de nombreux documents d’Église, des textes qui cherchent à établir des parallèles entre la vie et la mission de Saint Joseph et celle du patriarche Joseph, fils de Jacob.  Mais on ne trouve que très rarement  l’esquisse d’un rapprochement possible entre Saint Joseph et le prêtre Héli, gardien, protecteur et éducateur du jeune Samuel, rapprochement qui paraît cependant assez logique. De même on ne suggère pas le  rapprochement entre Saint Joseph et l’Ange Raphaël, gardien du jeune Tobie.

Par ailleurs c’est seulement dans les écrits de Marie d’Agreda, la grande mystique du XVIIe siècle qu’il est fait mention du parallélisme entre Mardochée et Saint Joseph.

Dans ce chapitre, seront mis en valeur les éléments de la vie de Joseph fils de Jacob, ainsi que de celle du prêtre Héli, éléments qui sont comme des préfigurations de la mission de Saint Joseph. Puis nous contemplerons longuement la protection qui entoura le jeune Tobie jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge adulte et ait trouvé la femme que Dieu lui avait réservée. Enfin nous méditerons le comportement exemplaire de Mardochée, tuteur de la jeune Esther destinée à devenir la Reine Esther.

Comment le patriarche Joseph préfigure Saint Joseph

L’encyclique “Quamquam pluries” de Léon XIII, indique que “le Joseph des temps anciens, fils du patriarche Jacob, fut la figure du nôtre, et, par son éclat, témoigna de la grandeur du futur gardien de la divine famille.” Outre la similitude de nom : Joseph, qui signifie ” progressant, ou avançant”, il existe entre les deux Joseph des similitudes évidentes.

Le premier Joseph obtint d’abord la faveur de son maître dont il fit croître les biens ; puis grâce à sa situation dans le Royaume d’Égypte, il sut, par sa sagesse, en un temps de disette, pourvoir aux besoins des égyptiens et des pays voisins, de telle sorte que le roi d’Égypte décréta qu’on l’appellerait “sauveur du monde... C’est ainsi que dans cet ancien patriarche il est permis de reconnaître la figure du nouveau. De même que le premier fit réussir et prospérer les intérêts domestiques de son maître, de même le second, destiné à être le gardien de la religion chrétienne, doit être regardé comme le protecteur et le défenseur de l’Église, qui est vraiment la maison du Seigneur et le royaume de Dieu sur la terre.” [2] 

De son côté Saint Bernardin de Sienne, dans un de ses sermons sur Saint Joseph, ne craint pas de dire: “Saint Joseph a l’avantage sur le patriarche qu’il ne fournit pas seulement le pain de la vie corporelle aux Égyptiens, mais à tous les élus il a assuré le pain du Ciel qui donne la vie céleste, nourrissant avec le plus grand soin Jésus-Christ, le pain de nos âmes.” [3] Le patriarche Joseph a sauvé son peuple en lui donnant du pain matériel. Saint Joseph a participé au salut du peuple de Dieu en nourrissant Celui qui nous donnera le Pain du Ciel.

On pourrait aller encore plus loin dans la similitude entre Joseph, le Patriarche, et Joseph, le père légal de Jésus. La genèse (Gn. 37, 9 11) raconte comment, dans un songe, le jeune Joseph avait vu le soleil et la lune se prosterner devant lui. Ce songe ne serait-il pas comme un symbole de l’autorité de Joseph envers Jésus et Marie? Saint Grégoire, en effet, ne craint pas d’affirmer : “Pourquoi, je vous prie, Joseph n’aurait-il pas eu une intelligence très éclairée, lui qui vivait entre le Soleil et la Lune?

Comment le prêtre Héli préfigure Saint Joseph

La Bible nous raconte comment Anne, la femme stérile d’Elqana, de la tribu d’Éphraïm, conçut son fils Samuel, son fils premier-né, celui que le Seigneur lui donna, en réponse à sa prière confiante, et qui, bientôt, lui ôtera la honte de sa stérilité. Dans sa peine, Anne avait longuement prié Yahvé et fait ce vœu : “Yahvé des armées, regarde avec bonté la peine de ta servante, souviens-toi de moi, n’oublie pas ta servante. Si tu donnes à ta servante un petit garçon, je le consacrerai à Yahvé pour le restant  de ses  jours  et le rasoir ne passera pas sur sa tête.”    (1 Samuel 1- 11)

Anne enfanta un fils et, fidèle à son vœu, dès que l’enfant fut sevré, elle monta avec lui à la maison de Yahvé, à Silo, et le confia au prêtre Héli en disant : “... c’est moi la femme qui se tenait ici près de toi pour prier Yahvé. C’est pour cet enfant que j’ai prié et Yahvé m’a donné ce que je demandais. A mon tour je le cède à Yahvé pour le restant de ses jours : il sera donné à Yahvé.” C’est ainsi que Samuel fut confié au prêtre Héli, et qu’il resta au service de Yahvé. “Chaque année Anne montait avec son mari pour le sacrifice annuel. Héli bénit Elqana et sa femme... Et Yahvé se souvint d’elle: elle conçut et enfanta trois autres fils et deux filles.”

Le jeune Samuel grandissait sous le regard de Yahvé, mais sous la garde d’Héli. Les fils d’Héli, “des moins que rien” se conduisirent mal aux yeux de Yahvé qui les rejeta et choisit Samuel pour être son prêtre.”Le jeune Samuel servait Yahvé sous le regard d’Héli. En ce temps-là la parole de Yahvé était chose rare et les visions peu fréquentes.”

Samuel ne connaissait donc pas encore Yahvé. Héli était alors presque aveugle et Samuel couchait dans le sanctuaire de Yahvé, là où se trouvait l’Arche de Dieu. Ce jour-là, la lampe de Dieu n’était pas encore éteinte quand Yahvé appela : “Samuel ! Samuel ! Samuel répondit : “Me voici “ et courut vers Héli et lui dit : “me voici puisque tu m’as appelé.” Mais Héli, qui n’avait pas appelé renvoya Samuel se coucher. Yahvé appela de nouveau, et la même scène se renouvela. Au troisième appel Héli comprit que c’était Yahvé qui appelait Samuel et il dit à l’enfant : “Va te coucher; si on t’appelle, tu répondras: parle, Yahvé, car ton serviteur écoute.” (1Samuel, 3- 9) Yahvé entra et se tint là. Il appela de nouveau Samuel qui répondit : “Parle, Seigneur car ton serviteur écoute.”

Samuel grandit. Yahvé était avec lui et ses paroles ne manquaient jamais de se réaliser. Tout Israël sut que Samuel était le prophète de Yahvé.

La similitude entre Héli et Saint Joseph, au moins pour une certaine période de leur  vie, est évidente : à chacun d’eux furent confiées la garde et l’éducation d’un enfant qui devait juger et sauver le Peuple de Dieu. C’est Samuel qui oindra Saül, le premier roi d’Israël. C’est encore lui qui, après que Yahvé eût rejeté Saül lequel s’était mal conduit, oindra David, roi et messie, David de qui descendra Jésus, le Messie tant attendu. Ben Sirac le sage confirmera la mission de Samuel : “Samuel fut aimé de son Seigneur ; comme prophète du Seigneur il établit la royauté et donna l’onction sainte aux chefs de son peuple.” [4]

On pourrait encore poursuivre la similitude: à la descendance d’Héli fut retirée la garde de l’Arche, ses fils s’étaient mal conduits. Et ce sera Samuel qui après la mort d’Héli assurera cette fonction et conduira le peuple. De même, plus tard, le Temple sera détruit, et c’est Jésus, Temple de Dieu, qui sera le chef de l’Église. Ainsi, comme Héli prépara Samuel à sa mission, une mission qui cependant dépassait de beaucoup tout ce qu’Héli avait pu imaginer, de même, ce fut Saint Joseph qui eut la grande mission de préparer Jésus à son oeuvre immense: la Rédemption du monde, œuvre dont Saint Joseph ne pouvait imaginer ni la grandeur, ni la sublimité.

La mission de l’Ange Raphaël
préfiguration de la mission de Saint Joseph

Le Livre de Tobie fait partie des livres deutérocanoniques. C’est une histoire édifiante, un roman à but pédagogique destiné à l’éducation morale et religieuse du Peuple juif. Comme le Livre de Job, le Livre de Tobie pose le problème de la souffrance du juste. Mais il révèle aussi la sollicitude de Dieu, soit envers ceux à qui Il confiera une mission particulière, soit envers des jeunes ayant besoin d’être particulièrement guidés. Nous découvrirons dans le livre de Tobie, deux préfigurations de Saint Joseph à qui sera confiée l’exceptionnelle mission d’être le gardien et l’éducateur du Fils de Dieu, Jésus Enfant et Adolescent.

Le vieux Tobit [5] est le type même du juif fidèle qui, malgré sa fidélité subira de nombreuses tribulations et sera emmené à Ninive, en déportation. L’histoire de sa cécité qui dura quatre ans est bien connue. Découragé par toutes ses épreuves dont il ne comprend pas la raison et les récriminations de sa femme, il adresse une longue et douloureuse prière au Seigneur et demande la mort...

En même temps, loin de là, la jeune Sara, fille de Ragouel, le frère de Tobit, était dans la plus extrême des peines: les sept maris qui lui avaient été donnés étaient tous morts avant de l’avoir connue. Elle aussi priait instamment le Seigneur de faire cesser cette malédiction.

“Leurs prières, à l’un et à l’autre parvinrent en même temps au Dieu de gloire et Raphaël fut envoyé pour les guérir tous les deux.” (Tobie 3, 16-17)

Le vieux Tobit avait un fils, Tobie qui ne devait épouser qu’une femme de sa parenté... et Tobit décida d’envoyer Tobie, dans sa parenté lointaine pour y trouver sa femme.

Ici apparaît, dans ce texte, la première figure de notre Saint Joseph: le vieux Tobit qui avait constamment donné à son fils l’exemple de l’homme fidèle à la Loi de Yahvé, même au péril de sa vie, et qui, au moment de se séparer, même momentanément de son fils, multiplie les conseils de fidélité, enseigne et transmet sa sagesse. Le vieux Tobit fut pour Tobie, un pédagogue modèle et avisé. Il avait compris qu’obéir à Dieu vaut mieux que toutes les richesses : “Ne t’inquiète pas mon fils, de nous voir devenus pauvres: tu possèdes une grande richesse si tu crains Dieu, si tu évites tout péché, et si tu fais ce qui est agréable à Dieu.” (Tobie 4, 21)

En homme avisé, le vieux Tobit veut un compagnon sûr pour son fils désemparé à l’idée d’aller seul dans un pays inconnu et peut-être hostile. L’Ange Raphaël se présente sous la forme d’un serviteur. Accepté comme guide pour Tobie, l’Ange sera pour nous une  autre figure de Saint Joseph. Auprès de ce guide judicieux, le jeune Tobie complètera sa formation. Il saura, en jeune obéissant, recueillir de sages compétences de médecine, (Tobie 6, 3-7) il priera pour que le démon qui tenait Sara liée soit chassé, (Tobie 8,1-3) mais surtout il comprendra que Sara est la femme que Dieu lui a réservée, et que pour construire leur famille, solide et bâtie sur la confiance mutuelle, la maîtrise de soi et un temps de prière préalable est indispensable. “Ainsi se marient les enfants de Dieu.” (Tobie 8, 1-8) De retour auprès de son père, Tobie fit ce que l’ange lui dit de faire, et le vieux Tobit recouvra la vue. L’Ange put alors révéler qui il était et toute la maisonnée rendit gloire à Dieu.

En résumé, le Livre de Tobie a bien mis en évidence deux facettes de ce que sera Saint Joseph pour Jésus :

– Tobie est enseigné par son père Tobit, (ce qui est normal) comme plus tard l’Enfant Jésus sera enseigné par son père légal: Joseph le Charpentier.

– L’Archange Raphaël, l’envoyé de Dieu, enseigne le jeune Tobie, mais il est aussi son serviteur. Jésus est soumis à Joseph qu’il assiste et sert dans son travail. Dans les deux cas c’est le supérieur : l’Ange ou Jésus, qui sert et assiste son inférieur, Tobie ou Joseph, en lui étant soumis.

La similitude entre la mission de Mardochée,
protecteur d’Esther et celle de Saint Joseph, protecteur de Marie

Nous nous référons d’abord au tome 2 de la “Cité Mystique de Dieu”, oeuvre de Marie d’Agreda, écrite au XVIIe siècle, traduite de l’Espagnol par Thomas CROSET, religieux Récolet, éditée en 1857, et reproduite intégralement en offset par les Éditions Téqui en 1970.

Au numéro 66 du tome 2 de l’édition de 1857, Marie d’Agreda écrit des paroles révélées par Marie elle-même, à propos des combats victorieux qu’elle (Marie) eut à mener contre le Dragon : “Le combat dura jusqu’à ce qu’elle, (Marie) l’eût privé de son pouvoir tyrannique: et comme le très fidèle Mardochée fut honoré en la place de l’orgueilleux Aman, (Esth VI, 10) ainsi le très chaste et très fidèle Joseph, qui prenait soin de ce qui regardait notre divine Esther (Marie) et qui lui inspirait continuellement de prier pour la liberté de son peuple (car c’était l’occupation ordinaire de cet incomparable Saint (Joseph) et de sa très pure épouse (Marie) fut élevé par son moyen à une si grande sainteté et à une si dignité si excellente, que le suprême Roi lui donna l’anneau de son sceau (Esth VIII, 2) afin qu’il commandât par cette marque d’honneur le même Dieu humanisé, qui lui était soumis, comme l’Évangile le dit.” (Luc II, 51)

Ce texte, qui paraît d’abord assez ambigu, tant il mêle les deux figures: celle de Mardochée et celle de Joseph, nous conduit tout naturellement à nous pencher plus longuement sur le Livre d’Esther, tel qu’il est raconté dans la Bible. [6]

L’histoire se passe durant la captivité du peuple hébreu en Chaldée, au temps du roi Assuérus. La reine Vasthi, disgraciée dut être remplacée par une autre femme d’une grande beauté. “Or, il y avait à Suse, la capitale, un juif nommé Mardochée, de la tribu de Benjamin. Il était le tuteur d’Esther, fille de son oncle, orpheline, et Mardochée l’avait adoptée pour fille.”

Sur les conseils de Mardochée, Esther, qui n’avait dévoilé ni sa race, ni sa famille, fut choisie pour devenir reine à la place de Vasthi. Par ailleurs, Mardochée ayant rendu un insigne service au roi Assuérus, ce dernier demanda à Aman, le deuxième personnage du royaume, d’honorer publiquement et superbement celui qui lui avait sauvé la vie. Aman, qui connaissait la race de Madochée conçut contre lui une haine inexpiable et jura d’exterminer la totalité de la nation juive.

On connaît la suite de l’histoire. Ayant appris la menace qui pesait sur les Hébreux, Mardochée insista auprès d’Esther pour qu’elle intervienne auprès du roi, en faveur de son peuple, disant : “Qui sait si ce n’est point pour une circonstance comme celle-ci que tu es  parvenue à la royauté ?” Esther sauva son peuple, et Mardochée prit la place d’Aman auprès du roi Assuérus. “Il était en grande considération parmi les juifs et il était aimé de la multitude de ses frères. Il recherchait le bien de son peuple et parlait pour le bonheur de toute sa race.”

On voit bien, à travers ce récit, comment Mardochée, d’abord protecteur de la vierge Esther, devint, grâce à elle, le sauveur de son peuple. La similitude entre Mardochée, figure de Saint Joseph, et Joseph peut aller encore plus loin, quand on relit les chapitres 10 et 11 du Livre d’Esther, chapitres moins connus, manquant dans le texte hébreu, et rapportés par Saint Jérôme. Ces chapitres racontent un songe étonnant advenu à Mardochée, grand personnage attaché à la cour du roi, la seconde année du règne d’Assuérus.

Voici la vision de Mardochée, qui faisait partie du nombre des captifs déportés par le roi de Babylone : “Des clameurs soudaines, du fracas, des tonnerres, un tremblement du sol, l’effroi par toute la terre. Puis soudain s’avancèrent deux grands dragons prêts à foncer l’un contre l’autre. Au cri qu’ils jetèrent, les nations s’émurent pour combattre contre la nation des justes. Ce fut un jour d’obscurité et de ténèbres: tribulation, angoisse, détresse et épouvante sur toute la terre. Le peuple entier des justes plein de terreur, craignant tous les malheurs, se crut sur le point de périr, et cria vers Dieu. Pendant qu’ils poussaient des clameurs, voici qu’une petite source prit les proportions d’un grand fleuve, une masse d’eau. La lumière parut, avec le soleil; ceux qui étaient dans  l’humiliation furent exaltés et dévorèrent les nobles.” [7]

Mardochée conserva ce songe dans son esprit, cherchant à en connaître la signification. Saint Jérôme indique qu’il a trouvé ce qui suit dans la Vulgate, écrit en caractères grecs.

Mardochée dit : ”C’est de Dieu qu’est venu tout cela. Je me souviens d’un songe que j’ai eu à ce sujet . Rien n’en a été omis: la petite source devenue fleuve, la lumière, le soleil, la masse d’eau. Le fleuve, c’est Esther que le roi a prise pour femme et qu’il a créée reine. Aman et moi, voilà les deux serpents. Les peuples, ce sont ceux qui se sont assemblés pour détruire le nom des juifs. Ma nation, c’est Israël qui a invoqué le Seigneur et qui a été sauvé; car le Seigneur a sauvé son peuple et nous a délivré de tous les maux. Dieu a fait des prodiges et des merveilles comme il n’en a pas été opéré parmi les nations. Alors le Seigneur a eu souvenance des siens et a fait justice à son héritage.” [8]

Autres figures de Saint Joseph dans l’Ancien Testament

D’une manière plus succincte, on peut citer d’autres personnages, déjà mentionnés plus haut, qui, par certains aspects de leur vie, peuvent être regardés comme présentant certaines facettes préfigurant Saint Joseph.

Ainsi d’Abraham dont il est dit : “Abraham est le père illustre d’une multitude de nations ; (comme Joseph, père légal de Jésus, peut être considéré comme le Père de la multitude des chrétiens) personne n’a jamais égalé sa gloire. Il a observé la Loi du Très-Haut qui l’a fait entrer dans son Alliance. (l’Ancienne Alliance)

Cette Alliance fut inscrite dans sa chair; il resta fidèle au jour de l’épreuve.” [9] D’Abraham toujours, “dont la parfaite obéissance et la foi ne connurent jamais de défaillance, et qui engendra une nombreuse postérité en vertu de la promesse, postérité n’égalant pas pourtant celle de Saint Joseph, père adoptif du Christ, et par lui de tous les chrétiens.” [10]

Ou encore d’Éliezer chargé de protéger la fiancée de son maître Isaac.

Ou bien de Moïse, à cause de sa douceur, de sa fidélité, de son commerce intime avec Dieu, de Moïse “que Dieu fit entrer dans son mystère. Moïse, cet homme fidèle et doux, qu’il avait choisi entre tous. Il lui fit entendre sa voix et l’introduisit dans la nuée obscure. Il lui parla face à face et lui donna les commandements, cette Loi révélée, loi de vie, pour qu’il enseigne à Jacob, l’alliance, à Israël, ses décrets.” [11]

On pourrait aussi citer David, en raison de son humilité et de sa justice, mais surtout par le fait qu’il fut le père de Salomon, nom qui signifie “Pacifique” et lui-même image du Christ, Prince de la Paix.

Enfin, si l’on considère que tout l’Ancien Testament est annonciateur du Christ, on peut mentionner Noé accueillant la colombe qui annonce la fin du déluge, en rapportant dans son bec un rameau d’olivier. “Noé fut trouvé juste, parfait: il fut l’instrument de la réconciliation au temps de la colère ; grâce à lui un reste fut épargné sur la terre lorsque vint le déluge. “ [12]

Certains auteurs ont aussi voulu voir Marie et Joseph figurés par les deux chérubins qui couvraient de leurs ailes le propitiatoire d’or où reposait la majesté de Dieu, ou reconnaître une figure de Joseph dans le voile qui fermait le Saint des Saints où l’on conservait l’Arche d’Alliance, figure de Marie.


[1] Exode (24, 1-66).

[2] Lettre encyclique “Quamquam pluries  

[3] Cité par Daniel FOUCHER, dans son livre “Notre père, Joseph le charpentier “ - Éditions de MONTLIGEON

[4] Le Siriacide (46, 13)

[5] Afin de différencier le père et le fils, certaines éditions de la Bible orthographient différemment les noms de Tobit (le père) et celui de Tobie (le fils). C’est ce qui a été fait ici.

[6] Le Livre d’Esther

[7] Esther (11, 2-12)

[8] Esther (10, 4-12)

[9] Le Siracide (44, 19-20)

[10]  “Les saints, Saint Joseph”  du Cardinal Dubois -Édité chez Lecoffre, 1927

[11] Le Siracide (45, 4-5)

[12] Le Siracide (44, 17-18)
 

   

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