Sabás Reyes Salazar
Prêtre, Martyr, Saint
1883-1927

Ce saint prêtre mexicain naquit à Cocula, dans l’archidiocèse de Guadalajara, le 5 décembre 1883, jour où l’on fête saint Sabas de Jérusalem1 et dont il reçut le nom au baptême, le jour-même de sa naissance, ce qui montre la foi profonde de ses parents, Norberto Reyes et Francisca Salazar.

Mais ces bons parents étaient extrêmement pauvres, ce qui poussa très tôt le petit Sabás à aller vendre les journaux à la criée, pour s’acheter un peu de quoi manger et se vêtir, ce qui fit qu’il eut du mal à finir l’école primaire. En conséquence, il resta avec une santé fragile et une capacité intellectuelle un peu limitée.

A l’adolescence, se sentant appelé par Dieu, il entra au séminaire de Guadalajara, où l’on jugea à l’époque qu’il n’était pas fait pour le clergé de Guadalajara. Toutefois il acheva en 1911 sa quatrième année de théologie, quand il venait d’accomplir ses vingt-huit ans. Mais le recteur du séminaire, considérant ses nobles dispositions, l’encouragea vivement à se faire admettre dans quelque diocèse où l’on manquait de prêtres.

Signalons que, parmi ses condisciples, il y avait cette année-là José Maria Robles Hurtado, futur martyr et maintenant canonisé ; José Garibi Rivera, futur archevêque de Guadalajara et bientôt premier cardinal mexicain de l’histoire, enfin Ramón González, lui aussi futur martyr en 1928.

Dans le diocèse de Tamaulipas, on remarqua tout de suite la constance et l’humilité de Sabás, de sorte qu’il reçut bientôt les ordres sacrés, et enfin le sacerdoce à Noël 1911, des mains de l’évêque de Tamaulipas. Le 6 janvier suivant, Sabás célébrait sa première messe à Guadalajara, dans l’église de Notre Dame de Belén. Puis il fut envoyé à son premier poste, à Tantoyuca, province de Veracruz.

Prêtre, le père Sabás se montra doux et plein de ferveur, spécialement envers la Très Sainte Trinité ; il invoquait fréquemment les Âmes du Purgatoire. Il se soucia beaucoup de la formation des jeunes, autant par la catéchèse que par l’enseignement des sciences, des métiers et des arts, tout spécialement de la musique.

Dans l’accomplissement de son ministère, son zèle immense le poussait à rechercher la perfection. Dans tout ce qui concernait la liturgie, il exigeait un profond respect. Quand il fallait faire quelque chose, il aimait la promptitude.

1914 vit le déchaînement de la persécution religieuse dans l’état de Tamaulipas, aussi Sabás demanda et obtint la permission de rejoindre le diocèse de Guadalajara, où il exerça le ministère sacerdotal dans les paroisses de San Cristóbal de la Barranca, Plan de Barrancas, Hostotipaquillo et Atemajac de Brizuela, dans l’état de Jalisco.

En 1919, le père Sabás fut nommé à la paroisse de Tototlán, pour collaborer avec le curé, le père Francisco Vizcarra Ruiz, d’abord comme chapelain à la fabrique de San Antonio de Gómez puis, à partir de 1921, à la cure paroissiale.

Quand fut décidée la loi qui suspendait tout culte dans les églises de la république, le curé de Tototlán se retira du village, laissant le père Sabás sur la brèche avec charge d’administrer les sacrements. Les habitants qui connurent le père Sabás à Tototlán, se rappellent qu’il hébergea chez lui les enfants orphelins. Il y était tellement attaché que, lorsqu’on lui proposa de le protéger en le faisant quitter le village, sa réponse fut aussi décidée que négative : “On m’a mis ici, c’est ici qu’on attendra ce que Dieu veut faire”.

Le 11 janvier 1927, le village fut envahi par les troupes fédérales, qui ignoraient qu’il y avait là plus de deux mille cristeros armés contre le gouvernement. Les soldats tuèrent onze personnes, hommes, femmes et enfants, profanèrent l’église en y mettant leurs chevaux et détruisant statues et images saintes, puis y mirent le feu. Les soldats partis, le père Sabás avec d’autres fidèles allèrent éteindre l’incendie. Naturellement, les villageois voulurent “se venger” en incendiant la mairie, mais le père leur fit remarquer que c’était là une façon de procéder barbare, et il réussit à les faire renoncer à leurs sombres intentions.

Mais les soldats revinrent à la charge, le 11 avril. Le père Sabás alla se réfugier chez Madame María Ontiveros, avec le jeune José Beltrán et deux enfants, Octavio Cárdenas et Salvador Botello.

A partir de ce moment-là, sentant le danger, le père se mit à prier intensément, toute la soirée et toute la nuit. Il invitait ceux qui étaient là à prier à genoux avec lui, tandis qu’il se flagellait avec des cordes.

Le 12 au matin, les soldats se présentèrent à la maison du père Sabás, mirent le feu à ses affaires, dans la pièce où il célébrait la messe. Ils menacèrent alors de pendaison la maîtresse de maison, María Mendoza, laquelle, effrayée, leur indiqua où le père se trouvait. Parvenus là, les soldats donnèrent de grands coups à la porte, et demandèrent où était le père Sabás. D’abord, Madame Mendoza refusa de le leur dire, mais le père Sabás se présenta spontanément en disant : “Je suis là, que voulez-vous ?” Alors ils lui ligotèrent fortement les bras dans le dos. Le père Sabás leur demanda encore : “Qu’est-ce que je vous dois ? pourquoi me liez-vous ? quel mal ai-je fait ?”, à quoi les soldats répondirent que ce n’était pas avec eux, mais avec le général qu’il fallait régler tout cela. Ils partirent donc avec le père Sabás et le jeune José Beltrán.2

En se rendant à l’église paroissiale, transformée en écurie et en quartier général, les soldats lui dirent : “On va aussi arrêter le curé Vizcarra, qui est le chef de toute cette révolution, et là on verra comment ça finira”.

Un voisin leur fit remarquer que le père Sabás était innocent et même avait empêché qu’on mît le feu à la mairie, ils répondirent : “On s’en fiche… Il faut tuer tous les curés, et tous ceux qui vont avec eux”.

Le chef militaire ordonna qu’on l’attachât à une colonne de l’église. La corde serrait fortement la peau, les bras étaient attachés derrière le dos, le soleil était chaud : le père demanda plusieurs fois de l’eau car il avait très soif, mais ils ne s’en soucièrent pas. Très tard, le père leur dit : “Je ne peux donc rien obtenir d’autre de vous, pas même cette faveur que vous me donniez un peu d’eau ?”, alors un soldat lui porta un peu d’eau, qu’il eut du mal de boire à cause de ses liens.

Il priait continûment ; le jeune José aussi était attaché à une autre colonne, et avait très peur. Le père dit plusieurs fois aux soldats : “Dieu sait que je ne vous dois rien ; mais si toutefois vous avez quelque doute sur moi, ne faites rien à ce garçon, car il n’a aucune faute à se reprocher”. Puis, à José : “N’aie pas peur, José, courage ! Dieu sait bien que nous n’avons rien fait de mal ; mais si quelque chose nous arrive, tu sais que là-haut nous aurons notre récompense ; prie notre Seigneur et Sauveur, bien que je sois certain qu’il ne t’arrivera rien.” Peu après, on le libéra et il resta en vie.3

Les habitants du pays demandèrent avec beaucoup d’insistance aux soldats de libérer le prêtre, en leur offrant même de l’argent comme rançon, mais sans résultat.

Le général Izaguirre avait l’ordre de capturer le curé, Francisco Vizcarra, ainsi que le vieux prêtre José Dolores Guzmán. Sur le tard, on porta le père Sabás comme un paquet devant le général, qui lui demanda : “Où est le curé Vizcarra ?”. Le père ne répondit rien. Plusieurs fois le soldat de garde donna un coup très brusque sur la corde qui attachait le père et le fit tomber à la renverse sur le pavement ; après l’avoir remis sur pied, il passait la corde aux autres soldats, pour recommencer le même outrage. Interrogatoire et torture recommencèrent aussi longtemps que les forces du martyr le consentirent.

Les soldats lui brûlèrent les pieds avec de l’essence et pour prolonger le tourment, ils lui allumèrent deux brasiers, un près de son visage, l’autre près des pieds ; entre moqueries et blasphèmes, ils lui mettaient les mains et les pieds dans les braises et dans le feu. Le père Sabás murmurait “Mon Seigneur et mon Sauveur, Reine de Guadalupe, ma mère, soulagez-moi.”

Depuis dehors on entendait les cris de douleur du père Sabás, car la pièce était sans toit : jamais il ne renia sa foi, jamais il ne s’impatientait. Cette torture brutale se prolongea jusqu’aux premières heures du matin. De temps en temps, un des soldats lui appliquait sur la peau un tison ardent en se moquant de lui : “Tu nous as dit que tu fais venir Dieu dans tes mains, qu’il descende maintenant pour te libérer des miennes”.

Sous les intempéries de la nuit comme sous le soleil du jour, le père Sabás resta ainsi attaché à la colonne, douloureusement suspendu, sans manger ni boire, et les bonnes personnes qui auraient voulu lui porter de l’eau furent chassées avec insolence, menaces et mêmes frappées.

Ce n’est que lorsqu’on mit fin à cette barbare torture, qu’on détacha le martyr, et encore, il s’écroula lourdement par terre, incapable de se redresser, tant les cordes lui avaient rompu tous les membres. Mais on l’obligea bestialement à se lever quand même et à parcourir, sur ses pieds en sang et brûlés, la distance qui séparait l’église du cimetière. C’était le Mercredi Saint 13 avril.

Arrivé au cimetière., on l’acheva par balles ; il était neuf heures du soir, on entendit bien les coups de pistolet et les voisins se mirent à prier pour le père. Peu après un soldat se présenta à la “Maison de l’Assistance”, pour reconnaître : “Monsieur, j’ai honte d’avoir tué ce curé ; il est mort injustement. Nous lui avons mis trois ou quatre balles et malgré tout il se relevait pour crier Vive le Christ Roi.” 4 Certainement, le père Sabás “cria” plus avec son âme qu’avec sa voix.

Le 14 au matin, à sept heures, deux messieurs virent le cadavre du Père Reyes, contre le mur en-dehors de l’église, déjà froid et rigide, avec quatre balles : deux dans la poitrine, une dans le bras droit et une autre dans le front. La peau, les côtes, les chevilles, portaient de profondes marques des cordes ; les mains brûlées, le crâne très enfoncé et pratiquement tous les os brisés par les coups.

Béatifié en 1992, le Père Reyes Salazar fut canonisé en 2000, avec vingt-quatre autres martyrs mexicains. Leur fête commune est le 21 mai, tandis que le Martyrologe les commémore chacun à la date de son martyre : saint Sabás Reyes Salazar, le 13 avril.


1 S Sabas (439-532), abbé près de Jérusalem, fondateur de la si fameuse laure, supérieur de tous les ermites de Palestine.
2 Les questions du père Sabás et les réactions des soldats rappellent étonnamment les moments de la passion de Jésus-Christ.
3 José, l’aîné des orphelins, héritera de la maison du père Sabás, dont une plaque y rappelle le martyre ; José avait aussi une image de Notre Dame de Guadalupe, que lui avait donnée le père Sabás et qui maintenant est en possession du fils de José, Norberto. Ce dernier n’eut guère la possibilité de connaître l’histoire de son papa, car il n’avait que cinq ans à la mort de celui-ci.
4 On remarquera le rapprochement significatif entre le mot Roi = Rey et le propre nom du prêtre, ReyeSabás

 

pour toute suggestion ou demande d'informations