Né près de Barcelone,
dans le château familial de Villafranca de Penades, probablement
vers 1175, Raymond de Penafort était apparenté aux comtes de
Barcelone et aux rois d'Aragon. Il étudia à l'école cathédrale de
Barcelone où, à peine âgé de vingt ans, il enseigna la rhétorique et
la logique. En 1210, il partit étudier le
droit civil et le droit
canonique à Bologne. En compagnie de Pierre Ruber, il fit la route à
pied, par Arles et Turin ; il s’arrêtèrent quelques jours à Briançon
pour constater un miracle que venait d’opérer Notre-Dame de Delbeza
qui rendit les yeux et les mains à un jeune homme mutilé par des
brigands. Après avoir été reçu docteur (1216), il resta à Bologne
où, pendant trois ans, il enseigna le droit canonique avec tant de
succès que les Bolonais lui offrirent des appointements prélevés sur
les ressources de la ville ; après avoir donné le dixième de son
salaire au clergé de sa paroisse, il distribuait le reste aux
pauvres, ne gardant pour lui que le strict nécessaire.
L'évêque de Barcelone,
Bérenguer de Palou,
qui passait par Bologne, au retour d’un pèlerinage à Rome, entendit
si fort chanter les louanges de Raymond de Penafort qu'il le
recruta pour le séminaire qu'il voulait fonder dans son diocèse, et
l'emmena avec lui (1219). A Viterbe où résidait le pape
Honorius III, ils rencontrèrent saint Dominique qui leur donna
quelques uns de ses frères. Raymond de Penafort fut nommé chanoine
de la cathédrale de Barcelone, puis prévôt du chapitre, archidiacre,
grand vicaire et official (1220) ; outre qu'il fit donner une grande
solennité à l'Ascension, il travailla fort au soin des pauvres qu'il
nommait ses créanciers.
Le Vendredi Saint 1222,
il quittait le clergé séculier pour les Dominicains, sans perdre
pour autant son influence sur l'évêque et le diocèse de Barcelone.
Voyant que ses supérieurs ne le traitaient pas comme les autres
novices, le frère Raymond de Penafort demanda qu’on lui imposât une
pénitence particulière pour les fautes commises pendant sa vie
séculière ; c’est pour répondre à sa demande que le provincial lui
ordonna d’écrire la « Summa de pænitentia », premier ouvrage
du genre, qui rassemble les cas de conscience à l'usage des
confesseurs.
Lorsque Pierre Nolasque,
ancien marchand, fonda l'Ordre de la Bienheureuse Vierge Marie de
la Merci pour la rédemption des captifs (1223),
pour le rachat des prisonniers faits par les Musulmans, c'est
Raymond de Penafort qui, dans la cathédrale de Barcelone, en
présence de l'évêque et du roi Jacques I° d'Aragon,
donna l'habit et le scapulaire aux premiers mercédaires ; il
rédigera aussi la règle de ce nouvel ordre pour laquelle il
obtiendra l'approbation du pape Grégoire IX (1235).
Quelques années plus
tard (1229), le cardinal de Sainte-Sabine, Jean d'Abbeville,
fut envoyé comme légat en Espagne pour prêcher la Croisade
contre les Maures, et mettre en application les décrets du quatrième
concile du Latran ;
il devait aussi déclarer nul le mariage de Jacques I° d’Aragon avec
Eléonore de Castille. Le légat s'adjoignit Raymond de Penafort qui
le précéda dans toutes ses visites canoniques et prit part à tous
les actes importants de la légation. Le cardinal de Sainte-Sabine en
rendant compte de sa mission au Pape (Pérouse le 25 novembre 1229),
mit en avant la coopération efficace de Raymond de Penafort qui, le
28 novembre, fut chargé par Grégoire IX
de prêcher dans les provinces d'Arles et de Narbonne la Croisade
dirigée par Jacques I° d’Aragon pour chasser les Maures de Majorque.
L'année suivante,
Grégoire IX l'appela à la cour pontificale et en fit son confesseur,
puis son chapelain ; nommé pénitencier (1230), il fit instaurer
l'Inquisition en Aragon, révisa les décrétales et en fit établir la
nouvelle collection promulguée par la bulle « Rex pacificus »
(5 septembre 1234). Après que le Pape eut accepté qu'il refusât
l'archevêché de Tarragone pourvu qu'il en désignât lui-même le
titulaire (1234), exténué de fatigue et brisé de maladie, Raymond de
Penafort quitta Rome (avril 1236) pour rentrer en Espagne où il
arriva par mer au début de l’été.
Lorsque Raymond de
Penafort débarqua au port catalan de Zossa, on le conduisit près
d’un malade appelé Barcelon du Fare ; le pauvre homme qui était à
toute extrémité, avait perdu l’usage de ses sens, et ses parents se
morfondait qu’il ne pût se confesser avant de mourir. Raymond de
Penafort pria longtemps près de l’agonisant puis lui demanda s’il
voulait se confesser, mais il n’obtint aucune réponse. Il fit alors
mettre en prière tous ceux qui se trouvaient là. Au bout d’une
longue prière collective, Raymond de Penafort reposa la question ;
cette fois, le malade parut sortir d’un profond sommeil et dit : « Mais
oui, je veux me confesser et j’en ai un vif désir. » Raymond de
Penafort fit sortir les assistants, entendit le malade qui,
l’absolution dite, rendit paisiblement l’âme.
Le 15 octobre, il
participa aux Cortès où Jacques Ier d’Aragon prépara
l’expédition contre le royaume maure de Valence. Le 5 février 1537,
Grégoire IX le chargea d’absoudre Jacques Ier d'Aragon de
l’excommunication qu’il avait encourue pour avoir quelque peu fait
malmener à Huesca l'évêque élu de Saragosse qui s’en allait se faire
sacrer à Tarragone. Il dut quitter un moment Barcelone puisqu’on le
voit exercer les fonctions de pénitencier en 1237.
Après la mort en mer du
bienheureux Jourdain de Saxe
(12 février 1237), le chapitre général de son Ordre qui se réunit à
Bologne à la Pentecôte 1238, l'élit Raymond de Penafort comme
maître général bien qu’il fût resté à Barcelone. Il résista aussi
longtemps que possible à son élection puis finit par l’accepter,
convaincu par les avis pressants de plusieurs provinciaux venus à Barcelonne, dont celui de France, Hugues de Saint-Cher.
Soucieux de conserver
la régulière observance, dès le chapitre général de Paris (1239),
Raymond de Penafort fit établir de nouvelles constitutions
(approuvées en 1240, confirmées en 1241) qui restèrent en usage
jusqu'en 1924. Il demanda à saint Thomas d'Aquin de rédiger la « Somme
contre les gentils. »
Raymond de Penafort se
démit de sa charge de maître général (1240) et retourna dans son
couvent de Barcelone d'où il partit souvent pour de nombreuses
prédications et pour conseiller le roi Jacques Ier d'Aragon. Il avait
pour Jacques Ier d’Aragon une très forte affection mais il était
parfaitement lucide sur les faiblesses du Roi qu’il n’excusait pas.
Vers la fin du règne de Jacques Ier, Raymond de Penafort accompagna
le roi dans l'île de Majorque qu’il fallait remettre en ordre. Or,
après qu’il eut débarqué, Raymond de Penafort s’aperçu que le roi
entretenait des relations coupables avec une dame de la cour ; comme,
malgré ses objurgations, Jacques I° ne se décidait pas à rompre, le
dominicain résolut de retourner à Barcelone, ce que voulut empêcher
le roi qui fit défense à tout vaisseau de l’embarquer. Aucun marin
n’ayant osé désobéir au roi, Raymond de Penafort s'avança sur les
rochers que baigne la mer, et dit au frère qui l’accompagnait : « Puisque
les hommes n’ont point de bateau à nous offrir, tu va voir
comment Dieu va nous en fabriquer un » ; ce disant, il étendit
sur l'eau son manteau, et en redressa un coin avec son bâton pour en
faire une voile ; il monta sur le manteau qui surnagea et s'avança
rapide sous les yeux stupéfaits du compagnon qui, demeuré timidement
sur le bord, le vit disparaître à l'horizon. Ce fut assez pour que
Jacques Ier cessa ses désordres.
Raymond de Penafort
fit beaucoup l’apostolat auprès des Juifs et des Musulmans ; il fut
aussi un adversaire efficace de l’hérésie en Catalogne et en
Espagne, obtenant que Jacques I° introduisît l’Inquisition en ses
Etats. Pour former les missionnaires, il fonda quelques écoles de
langues orientales comme l'école arabe de Tunis (1245) et l'école
d'hébreu de Murcie (1266).
Outre la « Summa de
pænitentia », Raymond de Penafort a laissé une œuvre écrite
considérable dont la plupart des ouvrages servirent longtemps de
référence chez les Dominicains et à l’Université de Paris. Il s’agit
moins de traités théoriques que de réponses pratiques à des
questions concrètes ; Raymond de Penafort que ses contemporains ont
appelé le « Doctor humanus », donne des jugements et des
conseils où il se montre plus soucieux du bien des pénitents que du
juste équilibre d'un traité de Droit canon ; il est toujours nuancé,
désireux de sauvegarder la bonne foi des autres, surtout des
simples, alors qu'on pourrait les juger proches des courants
hétérodoxes. Son mérite principal est de réaliser un ensemble
équilibré de divers courants de pensée quant au renouveau de la vie
chrétienne de son temps, singulièrement à propos de la formation des
ministres sacrés en matière de vie morale, de doctrine et de
prédication.
Raymond de Penafort
qui, depuis sa démission de la maîtrise générale des Dominicains,
s’était chaque jour préparé à la mort, accueillit avec joie sa
dernière maladie. Entouré des rois d'Aragon et de Castille, il
mourut à Barcelone le 6 janvier 1275, jour de l’Épiphanie, sur les
dix heures du matin. En 1279, le concile de Tarragone demanda au
pape Nicolas IV la canonisation de Raymond de Penafort pour sa « sainteté
au service de la justice », mais il ne fut béatifié que par Paul
III, en 1542, et canonisé par Clément VIII, le 29 avril 1601.
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