Dimanche des Rameaux
— B —

Évangile pour la bénédiction des rameaux

 

Évangile de Jésus-Christ, selon saint Marc   (Mc. 11, 1-10)

Jésus et ses disciples approchent de Jérusalem, de Bethphagé et de Béthanie, près du mont des Oliviers. Jésus envoie deux de ses disciples :

« Allez au village qui est en face de vous. Dès l'entrée, vous y trouverez un petit âne attaché, que personne n'a encore monté. Détachez-le et amenez-le.

Si l'on vous demande : 'Que faites-vous là ?' répondez : 'Le Seigneur en a besoin : il vous le renverra aussitôt.' »

Ils partent, trouvent un petit âne attaché près d'une porte, dehors, dans la rue, et ils le détachent.

Des gens qui se trouvaient là leur demandaient: «Qu'avez-vous à détacher cet ânon?»

Ils répondirent ce que Jésus leur avait dit, et on les laissa faire.

Ils amènent le petit âne à Jésus, le couvrent de leurs manteaux, et Jésus s'assoit dessus.

Alors, beaucoup de gens étendirent sur le chemin leurs manteaux, d'autres, des feuillages coupés dans la campagne.

Ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient criaient : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !

Béni le Règne qui vient, celui de notre père David. Hosanna au plus haut des cieux ! »

 

Lecture du livre d'Isaïe (L, 4-7)

Dieu mon Seigneur m'a donné le langage d'un homme qui se laisse instruire, pour que je sache à mon tour réconforter celui qui n'en peut plus. La Parole me réveille chaque matin, chaque matin elle me réveille pour que j'écoute comme celui qui se laisse instruire. Le Seigneur Dieu m'a ouvert l'oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J'ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe. Je n'ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats. Le Seigneur Dieu vient à mon secours : c'est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c'est pourquoi j'ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.

 

Psaume 21

Tous ceux qui me voient me bafouent,
ils ricanent et hochent la tête :
 Il comptait sur le Seigneur : qu'il le délivre !
Qu'il le sauve, puisqu'il est son ami ! ”

Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m'entoure ;
ils me percent les mains et les pieds :
je peux compter tous mes os.

Ils partagent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.
Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin :
ô ma force, viens vite à mon aide !

Mais tu m'as répondu !
Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée.
Vous qui le craignez, louez le Seigneur.

 

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens (II 6-11)

Le Christ Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être traité à l'égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s'est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix. C'est pourquoi Dieu l'a élevé au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu'au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l'abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : Jésus-Christ est le Seigneur, pour la gloire de Dieu le Père.

 

La Passion de Jésus-Christ
selon Saint Marc (XIV 1 - XV 47).

Légende: +. = Jésus ; L. = Lecteur ; D. = Disciples et amis ; F. = Foule ; A. = Autres personnages.

L. La fête de la Pâque et des pains sans levain allait avoir lieu dans deux jours. Les chefs des prêtres et les scribes cherchaient le moyen d'arrêter Jésus par ruse, pour le faire mourir. Car ils se disaient :

A. « Pas en pleine fête, pour éviter une émeute dans le peuple. »

L. Jésus se trouvait à Béthanie, chez Simon le lépreux. Pendant qu'il était à table, une femme entra, avec un flacon d'albâtre contenant un parfum très pur et de grande valeur. Brisant le flacon, elle le lui versa sur la tête. Or, quelques uns s'indignaient :

A. « À quoi bon gaspiller ce parfum ? On aurait pu le vendre pour plus de trois cents pièces d'argent et en faire don aux pauvres. »

L. Et ils la critiquaient. Mais Jésus leur dit :

+. « Laissez-la ! Pourquoi la tourmenter ? C'est une action charitable qu'elle a faite envers moi. Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, et, quand vous voudrez, vous pourrez les secourir ; mais moi, vous ne m'aurez pas toujours. Elle a fait tout ce qu'elle pouvait faire. D'avance, elle a parfumé mon corps pour mon ensevelissement. Amen, je vous le dis : partout où la Bonne Nouvelle sera proclamée dans le monde entier, on racontera, en souvenir d'elle, ce qu'elle vient de faire. »

L. Judas Iscariote, l'un des Douze, alla trouver les chefs des prêtres pour leur livrer Jésus. À cette nouvelle, ils se réjouirent et promirent de lui donner de l'argent. Dès lors Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer.

Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l'on immolait l'agneau pascal, les disciples de Jésus lui demandèrent :

D. « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour ton repas pascal ? »

L. Il envoya deux disciples :

+. « Allez à la ville ; vous y rencontrerez un homme portant une cruche d'eau. Suivez-le. Et là où il entrera, dites au propriétaire : “ Le maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ? ”. Il vous montrera, à l'étage, une grande pièce toute prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. »

L. Les disciples partirent, allèrent en ville ; tout se passa comme Jésus le leur avait dit ; et ils préparèrent la Pâque.

Le soir venu, Jésus vint avec les Douze. Pendant qu'ils étaient à table et mangeaient, Jésus leur déclara :

+. « Amen, je vous le dis : l'un de vous, qui mange avec moi, va me livrer. »

L. Ils devinrent tout tristes, et ils lui demandaient l'un après l'autre :

D. « Serait-ce moi ? »

L. Il leur répondit :

+. « C'est l'un des Douze, qui se sert au même plat que moi. Le Fils de l'homme s'en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui qui le livre. Il vaudrait mieux pour lui qu'il ne fût pas né. »

L. Pendant le repas, Jésus prit du pain, prononça la bénédiction, le rompit, et le leur donna, en disant :

+. « Prenez, ceci est mon corps. »

L. Puis, prenant une coupe et rendant grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit :

+. « Ceci est mon sang, le sang de l'Alliance, répandu pour la multitude. Amen je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu'à ce jour où je boirai un vin nouveau dans le royaume de Dieu. »

L. Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers. Jésus leur dit :

+. « Vous allez tous être exposés à tomber, car il est écrit : Je frapperai le berger et les brebis seront dispersées. Mais, après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée. »

L. Pierre lui dit alors :

D. « Même si tous viennent à tomber, moi, je ne tomberai pas. »

L. Jésus lui répondit :

+. « Amen, je te le dis : toi, aujourd'hui, cette nuit même, avant que le coq chante deux fois, tu m'auras renié trois fois. »

L. Mais lui reprenait de plus belle :

D. « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. »

L. Et tous disaient de même.

Ils parvinrent à un domaine appelé Gethsémani. Jésus dit à ses disciples :

+. « Restez ici ; moi, je vais prier. »

L. Puis il emmena avec lui Pierre, Jacques et Jean, et commença à ressentir frayeur et angoisse. Il leur dit :

+. « Mon âme est triste à mourir. Demeurez ici et veillez. »

L. S'écartant un peu, il tombait à terre et priait pour que, s'il était possible, cette heure s'éloignât de lui. Il disait :

+. « Abba... Père, tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! »

L. Puis il revint et trouva les disciples endormis. Il dit à Pierre :

+. « Simon, tu dors ! Tu n'as pas eu la force de veiller une heure ? Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation : l'esprit est ardent, mais la chair est faible. »

L. Il retourna prier, en répétant les mêmes paroles. Quand il revint près des disciples, il les trouva endormis, car leurs yeux étaient alourdis. Et ils ne savaient que lui dire. Une troisième fois, il revint et leur dit :

+. « Désormais, vous pouvez dormir et vous reposer. C'est fait ; l'heure est venue : voici que le Fils de l'homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous ! Allons ! Le voici tout proche, celui qui me livre. »

L. Jésus parlait encore quand Judas, l'un des Douze, arriva avec une bande armée d'épées et de bâtons, envoyée par les chefs des prêtres, les scribes et les anciens. Or, le traître leur avait donné un signe convenu :

D. « Celui que j'embrasserai, c'est lui : arrêtez-le et emmenez-le sous bonne garde. » L. À peine arrivé, Judas, s'approchant de Jésus, lui dit :

D. « Rabbi ! »

L. Et il l'embrassa. Les autres lui mirent la main dessus et l'arrêtèrent.

Un de ceux qui étaient là tira son épée, frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l'oreille. Alors Jésus leur déclara :

+. « Suis-je donc un bandit pour que vous soyez venus m'arrêter avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, j'étais parmi vous dans le Temple, où j'enseignais ; et vous ne m'avez pas arrêté. Mais il faut que les Écritures s'accomplissent. »

L. Les disciples l'abandonnèrent et s'enfuirent tous. Or, un jeune homme suivait Jésus ; il n'avait pour vêtement qu'un drap. On le saisit. Mais lui, lâchant le drap, se sauva tout nu.

Ils emmenèrent Jésus chez le grand prêtre, et tous les chefs des prêtres, les anciens et les scribes se rassemblèrent. Pierre avait suivi Jésus de loin, jusqu'à l'intérieur du palais du grand prêtre, et là, assis parmi les gardes, il se chauffait près du feu.

Les chefs des prêtres et tout le grand conseil cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire condamner à mort, et ils n'en trouvaient pas. De fait, plusieurs portaient de faux témoignages contre Jésus, et ces témoignages ne concordaient même pas.

Quelques uns se levaient pour porter contre lui ce faux témoignage :

A. « Nous l'avons entendu dire : Je détruirai ce temple fait de main d'homme, et en trois jours j'en rebâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d'homme. »

L. Et même sur ce point, ils n'étaient pas d'accord. Alors le grand prêtre se leva devant l'assemblée et interrogea Jésus :

A. « Tu ne réponds rien à ce que ces gens déposent contre toi ? »

L. Mais lui gardait le silence, et il ne répondait rien. Le grand prêtre l'interroge de nouveau :

A. « Es-tu le Messie, le fils du Dieu béni ? »

L. Jésus lui dit :

+. « Je le suis, et vous verrez le Fils de l'homme siéger à la droite du Tout-Puissant, et venir parmi les nuées du ciel. »

L. Alors, le grand prêtre déchira ses vêtements et dit :

A. « Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous avez entendu le blasphème. Quel est votre avis ? »

L. Tous prononcèrent qu'il méritait la mort. Quelques-uns se mirent à cracher sur lui, couvrirent son visage d'un voile, et le rouèrent de coups, en disant :

F. « Fais le prophète ! »

L. Et les gardes lui donnèrent des gifles.

Comme Pierre était en bas, dans la cour, arriva une servante du grand prêtre. Elle le vit qui se chauffait, le dévisagea et lui dit :

A. « Toi aussi, tu étais avec Jésus de Nazareth. »

L. Pierre le nia :

D. « Je ne sais pas, je ne comprends pas ce que tu veux dire. »

L. Puis il sortit dans le vestibule. La servante, l'ayant vu, recommença à dire à ceux qui se trouvaient là :

A. « En voilà un qui est des leurs ! »

L. De nouveau, Pierre le niait. Un moment après, ceux qui étaient là lui disaient :

F. « Sûrement tu en es ! D'ailleurs, tu es Galiléen. »

L. Alors, il se mit à jurer en appelant sur lui la malédiction :

D. « Je ne connais pas l'homme dont vous parlez. »

L. Et aussitôt, un coq chanta pour la seconde fois. Alors Pierre se souvint de la parole de Jésus : “ Avant que le coq chante deux fois, tu m'auras renié trois fois ”. Et il se mit à pleurer.

Dès le matin, les chefs des prêtres convoquèrent les anciens et les scribes, et tout le grand conseil. Puis ils enchaînèrent Jésus et l'emmenèrent pour le livrer à Pilate. Celui-ci l'interrogea :

A. « Es-tu le roi des Juifs ? »

L. Jésus répondit :

+. « C'est toi qui le dis. »

L. Les chefs des prêtres multipliaient contre lui les accusations. Pilate lui demandait à nouveau :

A. « Tu ne réponds rien ? Vois toutes les accusations qu'ils portent contre toi. »

L. Mais Jésus ne répondit plus rien, si bien que Pilate s'en étonnait.

À chaque fête de la Pâque, il relâchait un prisonnier, celui que la foule demandait. Or, il y avait en prison un dénommé Barabbas, arrêté avec des émeutiers pour avoir tué un homme lors de l'émeute. La foule monta donc, et se mit à demander à Pilate la grâce qu'il accordait d'habitude. Pilate leur répondit :

A. « Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? »

L. (Il se rendait bien compte que c'était par jalousie que les chefs des prêtres l'avaient livré). Ces derniers excitèrent la foule à demander plutôt la grâce de Barabbas. Et comme Pilate reprenait :

A. « Que ferai-je donc de celui que vous appelez le roi des Juifs ? »

L. Ils crièrent de nouveau :

F. « Crucifie-le ! »

L. Pilate leur disait :

A. « Qu'a-t-il donc fait de mal ? »

L. Mais ils crièrent encore plus fort :

F. « Crucifie-le ! »

L. Pilate, voulant contenter la foule, relâcha Barabbas et, après avoir fait flageller Jésus, il le leur livra pour qu'il fût crucifié.

Les soldats l'emmenèrent à l'intérieur du Prétoire, c'est-à-dire dans le palais du gouverneur. Ils appelèrent toute la garde, ils lui mirent un manteau rouge, et lui posèrent sur la tête une couronne d'épines qu'ils avaient tressée. Puis ils se mirent à lui faire des révérences :

F. « Salut, roi des Juifs. »

L. Ils lui frappaient la tête avec un roseau, crachaient sur lui, et s'agenouillaient pour lui rendre hommage. Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui ôtèrent le manteau rouge, et lui remirent ses vêtements.

Puis ils l'emmenèrent pour le crucifier, et ils réquisitionnèrent, pour porter la croix, un passant, Simon de Cyrène, le père d'Alexandre et de Rufus, qui revenait des champs. Et ils amenèrent Jésus à l'endroit appelé Golgotha, c'est-à-dire Lieu-du-Crâne ou Calvaire. Ils lui offraient du vin aromatisé de myrrhe ; mais il n'en prit pas.

Alors ils le crucifièrent, puis se partagèrent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de chacun. Il était neuf heures lorsqu'on le crucifia. L'inscription indiquant le motif de sa condamnation portait ces mots : “ Le roi des Juifs ”. Avec lui, on crucifia deux bandits, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche.

Les passants l'injuriaient en hochant la tête :

F. « Hé ! toi qui détruis le Temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi même, descends de la croix ! »

L. De même, les chefs des prêtres se moquaient de lui avec les scribes, en disant entre eux :

A. « Il en a sauvé d'autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Que le Messie, le roi d'Israël, descende maintenant de la croix ; alors nous verrons et nous croirons. »

L. Même ceux qui étaient crucifiés avec lui l'insultaient.

Quand arriva l'heure de midi, il y eut des ténèbres sur toute la terre jusque vers trois heures. Et à trois heures, Jésus cria d'une voix forte :

+. « Éloï, Éloï, lama sabactani ? »

L. Ce qui veut dire :

+. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? »

L. Quelques-uns de ceux qui étaient là disaient en l'entendant :

F. « Voilà qu'il appelle le prophète Élie ! »

L. L'un d'eux courut tremper une éponge dans une boisson vinaigrée, il la mit au bout d'un roseau, et il lui donnait à boire, en disant :

A. « Attendez ! Nous verrons bien si Élie vient le descendre de là ! »

L. Mais Jésus, poussant un grand cri, expira.

L. Le rideau du Temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu'en bas. Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, s'écria :

A. « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu. »

L. Il y avait aussi des femmes, qui regardaient de loin, et parmi elles, Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques le petit et de José, et Salomé, qui suivaient Jésus et le servaient quand il était en Galilée, et encore beaucoup d'autres, qui étaient montées avec lui à Jérusalem.

Déjà le soir était venu ; or, comme c'était la veille du sabbat, le jour où il fallait tout préparer, Joseph d'Arimathie intervint. C'était un homme influent, membre du Conseil, et il attendait lui aussi le royaume de Dieu. Il eut le courage d'aller chez Pilate pour demander le corps de Jésus. Pilate, s'étonnant qu'il fût déjà mort, fit appeler le centurion, pour savoir depuis combien de temps Jésus était mort. Sur le rapport du centurion, il permit à Joseph de prendre le corps. Joseph acheta donc un linceul, il descendit Jésus de la croix, l'enveloppa dans le linceul et le déposa dans un sépulcre qui était creusé dans le roc. Puis il roula une pierre contre l'entrée du tombeau. Or, Marie-Madeleine et Marie, mère de José, regardaient l'endroit où on l'avait mis.

 

Des trois sortes de gens qui rendent hommage à Jésus-Christ

1. Ce n'est pas sans raison que l'Église, qui est animée en même temps de l'esprit de son époux et de Dieu, a, par un rapprochement aussi nouveau qu'étonnant, placé aujourd'hui la lecture de la passion de notre Seigneur avec la procession des rameaux; car si la procession a ses chants de triomphe, la passion a ses gémissements et ses larmes. Or, puisque nous nous devons également aux sages et aux insensés, voyons quel fruit les uns et les autres peuvent recueillir de cette coïncidence. Et d'abord qu'enseigne-t-elle aux gens du monde, car ce n'est point l'esprit mais l'animal qui vient au premier rang (Cor. XV, 46) ? Que l'âme mondaine remarque donc et se pénètre bien de ceci, c'est que la joie finit toujours par laisser la place à la tristesse. Voilà pourquoi celui qui, pour le reste, a voulu commencer par agir avant d'enseigner (Ac. I, 1), etc., prêcher d'exemples, avant de le faire de bouche, a montré clairement à tous les yeux, dans sa personne, lorsqu'il se fut fait chair, ce qu'il avait longtemps d'avance annoncé par son Prophète en ces termes : “Toute chair n'est que de l'herbe et toute sa gloire est semblable à l'éclat de la fleur des champs” (Is. XI, 6). Si donc il a voulu entrer en triomphe à Jérusalem, c'est parce qu'il savait que le jour des ignominies de la passion approchait pour lui. Quel homme, maintenant, osera faire quelque fond sur la gloire temporelle si inconstante, quand il verra, pour celui même qui n'a point fait le péché, pour le créateur des temps, et l'artisan de l'univers, de si profondes humiliations succéder à de si grands honneurs; le Christ succes-sivement mis à l'épreuve des outrages et des mauvais tourments, et finalement placé au rang des scélérats, dans la même ville, et dans le même temps où il avait reçu des honneurs divins, et par le même peuple qui l'avait accompagné en chantant les louanges? Telle est la fin de toute joie qui passe, tel est le fruit de la gloire temporelle. Aussi le Prophète demande-t-il dans une prière pleine de prudence, que sa gloire chante les louanges du Seigneur sans qu'il ait ensuite à ressentir les poignantes atteintes des revers (Ps. XXIX, 13). C'est-à-dire, qu'il ait son cortège de gloire sans connaître ensuite les humiliations de la passion.

2. Mais à vous, mes bien-aimés, je veux parler de choses spirituelles comme à des hommes spirituels eux-mêmes, et montrer, dans la procession, la gloire de la céleste patrie, et, dans la passion, la voie qui y conduit. En effet, dans la procession vous vous êtes représenté en esprit, dans quels transports de joie et d'allégresse, nous nous sentirons un jour enlevés dans les airs au-devant de Jésus-Christ; vous avez senti votre cœur enflammé du désir de voir le jour où le Christ Notre-Seigneur et votre chef sera reçu avec tous ses membres, dans la céleste Jérusalem, triomphant et victorieux, aux applaudissements, non plus de ses compatriotes de la terre, mais des troupes angéliques et des peuples des deux Testaments qui s'écrieront ensemble : “Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur” (Mt. XXI, 9) : Vous vous êtes, dis-je, représenté dans la procession le but de notre voyage, je veux vous montrer maintenant dans la passion, la honte qui conduit à ce terme. En effet la voie de la vie se trouve dans les tribulations présentes, c'est là qu'est la voie de la gloire et de la patrie, la voie qui conduit au royaume, selon ce que dit le bon larron du haut de la croix, quand il s'écrie : “Seigneur, souvenez-vous de moi quand vous serez arrivé dans votre royaume” (Lc. XXIII, 42). Il voyait sur la route de son empire celui qu'il priait de se souvenir de lui quand il y serait arrivé, et il y arriva lui-même en effet; mais vous voulez savoir combien courte est la voie qui y mène, rappelez-vous qu'il mérita d'y entrer le même jour avec le Seigneur. Ce qui rend facile à supporter les épreuves de la passion, c'est la gloire du triomphe, car il n'y a plus rien de difficile pour celui que l'amour inspire.

3. Ne vous étonnez point si je dis que la procession de ce jour est une image du ciel, puisque c'est le seul même Dieu qui est reçu dans l'une et dans l'autre, bien que d'une manière bien différente pour les uns et pour les autres. En effet, dans le cortège de la terre, c'est monté sur un animal sans raison que le Christ s'avance, dans celui du ciel, au contraire, il doit encore se trouver une bête de somme, mais celle-là sera une bête raisonnable, car il est dit : “Vous sauverez Seigneur les bêtes et les hommes” (Ps. XXXV, 7), ce qui se rapporte parfaitement à cette autre parole du même prophète : “Je me suis trouvé devant vous comme une bête de somme”, or, voyez à ce qui suit, s'il ne parlait point d'un cortège, “vous m'avez tenu de la main droite, continue-t-il, vous m'avez conduit au gré de votre volonté, et vous m'avez comblé de gloire en me recevant” (Ps. LXXII, 23). Bien plus, le petit ânon lui-même ne fera point non plus défaut dans ce cortège, car n'en déplaise à l'hérésie qui veut éloigner les petits enfants en les excluant du baptême, celui qui s'est fait tout petit enfant et qui a commencé par appeler à lui d'abord une troupe d'enfants, je veux parler des saints Innocents, n'exclues point aujourd'hui les enfants de la grâce, car il n'y a rien d'inconvenant pour sa bonté ni de difficile pour sa majesté, à suppléer en eux, par la grâce, au défaut de la nature. Dans ce cortège ce ne sont plus des branches d'arbres ni de pauvres vêtements que le flot populaire étendra sous ses pieds, mais les saints animaux de l'Écriture abaisseront leurs ailes, les vingt-quatre vieillards déposeront leurs couronnes au pied du trône de l'Agneau, et toutes les puissances angéliques lui rapporteront et lui rendront tout ce qu'elles ont de gloire et d'éclat.

4. Mais puisque j'en suis venu à vous parler de la monture du Christ, des vêtements de la foule, et des branches d'arbres jetées sous ses pas, il faut remarquer que, dans cette marche triomphale, le Sauveur reçut trois sortes d'hommages, il reçoit le- premier de sa monture, le second de ceux qui étendent leurs vêtements le long de la route, et le troisième de ceux qui coupent des branches d'arbres pour les jeter à ses pieds. Est-ce que le reste des assistants ne contribue point à l'éclat du triomphe, en offrant ce qu'ils ont à leur disposition et ne rendent pas avec bonheur hommage à Notre-Seigneur? N'y a-t-il que la bête de somme qui se plie à son service? Répondrai-je à cette question pour vous donner une consolation, où bien garderai-je le silence de peur de vous exposer à des sentiments d'orgueil? N'êtes-vous point la monture sur laquelle le Sauveur s'avance, vous qui, selon le précepte de l'Apôtre, glorifiez et portez Dieu dans votre corps (I Cor. VI, 20) ? Les hommes du monde ne mettent, en effet, au service du Seigneur, que les biens de la fortune, non pas leur propre corps; seulement ce qui touche le corps et les biens qui lui sont nécessaires, voilà ce qu'ils offrent à Dieu, quand ils font l'aumône. Quant à nos prélats ils ne font eux aussi que couper des branches aux barres, lorsque, par exemple, ils nous prêchent la foi et l'obéissance d'Abraham, la chasteté de Joseph, la douceur de Moïse, et les vertus des autres saints. Ils puisent, il est vrai, à pleines mains, dans de riches trésors, mais il leur a été dit de donner pour rien ce qu'ils ont reçu gratis. Cependant, si chacun d'eux est fidèle dans son ministère, il se trouve dans le cortège du Sauveur, et entre, avec lui, dans la sainte cité. Le Prophète avait prévu qu'il y en aurait trois de sauvés, c'est Noé d'abord qui a coupé des branches d'arbres pour la construction de l'arche, puis Daniel qui est devenu, par la vile nourriture dont il se contenta et le travail de la pénitence, comme la monture qui porte le Sauveur, et enfin ce saint homme Job qui fait usage des biens de ce monde et recouvre les membres glacés des pauvres de la toison de ses brebis. Mais dans ce cortège; quel est celui qui approche le plus de Jésus ? De ces trois sortes de gens, quels sont ceux qui sont le plus près du salut? C'est, je pense, ce qu'il ne vous est pas bien difficile de décider.

Saint Bernard : Œuvres complètes : Premier Sermon pour le Dimanche des Rameaux.

Traduction Nouvelle par M. l'Abbé Charpentier, docteur en théologie
Paris, Librairie de Louis Vivès, Éditeur,
9, rue Delambre, 9
1865

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