Sainte Raingarde
était alliée aux plus illustres Maisons d'Auvergne et de
Bourgogne. Ses parents la marièrent
à
un des plus grands Seigneurs de sa Province nommé Maurice. Ils
vécurent ensemble dans une union très parfaite: mais les
complaisances de son mari ne purent l'empêcher de gémir souvent
sur la dépendance des lois du monde où la réduisait l'engagement
du mariage. Elle s'affligeait souvent en la présence de Dieu, de
ne lui pouvoir consacrer tout son tems, et d'être partagée entre
les soins de sa famille, et l'envie qu'elle avait de ne
s'occuper que des choses célestes. Elle sentit encore ses désirs
s'enflammer davantage après un entretien qu'elle eut avec Robert
d'Arbricelles ; et prit si bien ses mesures avec son mari, dont
elle ménagea prudemment l'humeur, qu'elle le fit consentir à lui
laisser embrasser l'état Religieux dans l’Ordre de Fontevraut.
Maurice, mari de
sainte Raingarde, à l'exemple de sa femme, résolut de se
consacrer aussi tout-à-fait au Seigneur dans un Monastère : mais
Dieu prévint son sacrifice, et il mourut avant que de l'offrir,
laissant au monde huit fils qu'il avait eu de sainte Raingarde,
et qui tous, à l'exception d'un seul, furent élevés dans l'état
ecclésiastique.
Après que la Sainte
fut dégagée des liens qui l'attachaient au siècle, elle
s'abandonna à la ferveur de son zèle dans le monastère où elle
entra. Elle n'oublia pas seulement l'éclat de sa naissance, mais
fit en sorte de le faire
oublier aux autres par les exercices d'humilité qu'elle se
prescrivit. Toutes ses compagnes admiraient sa patience et la
douceur : elle fut mise dans l'emploi de cellérière, où elle eut
bien des occasions de donner des marques de sa charité pour ses
Sœurs ; et quand elle avait satisfait aux fonctions de son
emploi, elle se retirait dans sa cellule, où elle passait
souvent des nuits en prière, et à méditer sur la mort dont elle
avait toujours la pensée présente à son esprit. Cette précaution
la rendit bien préparée quand il fallut sortir de cette vie, et
elle se soumit avec amour aux dispositions de la Providence sur
elle.
Source :
Les vies des saints pères des déserts, et des saintes
solitaires..., Volume 2, par
Joseph François Bourgoin de Villefore. |