N’attendons
pas cette dernière heure...
Commençons notre petite
méditation par une brève note de liturgie.
Lorsqu’une fête du Seigneur ou
une solennité quelconque tombe un dimanche de l’année, c’est
cette fête ou solennité qui est célébrée en priorité.
C’est le cas de la fête du 2
février, jour où l’on célèbre la Présentation de
Jésus-Christ au Temple.
Cette fête tomba un dimanche en
2004 ; c’est de nouveau le cas en 2014, et cela se
représentera en 2020 et 2025.
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L’origine de cette fête remonte à
la très ancienne prescription donnée par Dieu à Moïse, dans
le livre de l’Exode, et que rappelle saint Luc dans
l’évangile :
Consacre-moi tout premier-né… Homme ou animal domestique, il
m’appartient (Ex
13:2) ; Tu
céderas à Yahwé tout être sorti le premier du sein maternel (Ex
13:12).
Dieu, l’origine de la Vie, se
réserve ainsi le premier fruit du couple humain. Ce fut très
longtemps une sainte coutume, dans les familles, de destiner
au sacerdoce le premier garçon. Ce dernier restait toujours
libre d’accepter ou non, et parfois la vocation touchait
plutôt un des autres garçons de la famille, mais l’esprit de
cette offrande demeurait : la famille était heureuse de
«réserver» un des siens (et parfois plusieurs) au service de
Dieu.
Cette prescription se double
d’une autre, concernant le rite de la purification de la
mère (cf. Lv 12:2-4).
Marie, la vierge sans tache, qui
fut «toujours vierge» avant, pendant et après sa maternité,
avait-elle besoin d’être purifiée ? Certainement pas. Mais
humble et obéissante, elle ne se prévaut pas de cette grâce
extraordinaire, et se met au rang des femmes ordinaires :
elle accomplit la Loi.
*****
Le prophète Malachie, cinq
siècles avant le Christ, annonçait l’arrivée d’un Messager
pour préparer le chemin du Seigneur.
Nous avons en effet entendu
Jean-Baptiste, avant Noël. Puis nous avons revécu la
naissance du Christ.
Ce Christ vient maintenant dans
le Temple, comme le dit Malachie. Au début, ce furent les
bergers et les mages qui se rendirent auprès du Nouveau-né ;
aujourd’hui, c’est ce Nouveau-né qui vient rencontrer les
hommes dans le Temple.
Le «temple» devrait bien être
aussi le temple de notre foyer, de notre cœur : accueillons
avec disponibilité le Seigneur en lui laissant toute la
place qui Lui revient.
Ouvrons nos portes !
Donnons une place au Christ dans notre maison ! Mettons-y
son image, une icône, un crucifix, un évangile, une bible…
Que le psaume 23 soit vraiment
notre joyeuse prière d’accueil au Seigneur, le roi
de gloire.
Le Seigneur
Jésus, qui vient de Dieu, est totalement homme parmi nous,
avec
une nature de chair et de sang.
Jésus n’est pas un ange qui
aurait pris une apparence humaine ; et c’est en tant
qu’homme qui vient aider
les fils d’Abraham, qu’il
se présente au milieu de nous.
Ces mots de l’épître aux Hébreux
nous expliquent que l’enseignement du Christ n’aurait pas eu
d’efficacité pour nous si le Christ n’avait pas pris notre
condition. Sinon, ç’aurait été comme un guide de montagne
qui serait resté au bas de la montagne en laissant les
grimpeurs monter tout seuls.
Au contraire, le Christ s’est mis
devant nous, il a combattu le premier les tentations
diaboliques, donné l’exemple de l’amour et du pardon, marché
le premier au-devant de la mort, porté le premier la lourde
croix avant de mourir comme le plus indigne des hommes.
Ce qu’Il a fait comme Homme, nous
pouvons le faire à sa suite. Certains Saints firent aussi
des miracles, en signe de la présence de Dieu, mais ce ne
sont pas les miracles qui font la sainteté.
Etre saint, c’est suivre Jésus
dans la voie qu’Il nous a montrée.
Même si nous tombons quelquefois,
même si, dans notre montée sur la montagne, nous devons
momentanément nous écarter, contourner un rocher, parfois
aussi «décrocher», ce qui compte est de toujours «monter».
Nous voici donc dans le Temple de
Jérusalem, avec Syméon et Anne, et nous voyons arriver ce
jeune couple, avec leur Premier-né dans les bras de sa Mère.
Syméon «savait». On imagine sa
profonde émotion, sa joie immense en osant prendre dans ses
bras ce Bébé.
Voici donc l’origine du Nunc
dimittis, dont
il est question quand on parle de l’ultime événement de la
vie humaine.
Syméon prophétise aussi, et sa
prophétie est douloureuse, tant pour Jésus que pour Marie.
Sauver les hommes, en effet, ne peut se faire qu’en mettant
fin à l’héritage mortel d’Adam ; de la mort, on passe à la
vie. Jésus devra mourir avant de ressusciter et de nous
emmener sur la voie de la résurrection à sa suite.
Certains refuseront cet appel
– c’est ce que veut dire Syméon quand il dit qu’ Il
provoquera la chute de beaucoup. D’autres
recevront Jésus : leur cœur sera le temple qui accueillera
le Maître – ceux-là se relèveront en
reconnaissant humblement leurs péchés et en se convertissant
totalement.
A nous aussi de nous relever, en
écoutant aussi cette chère Anne, cette bonne «grand-mère»
très âgée, qui passait son temps jour
et nuit à
prier et à jeûner, dans le Temple, près de Dieu.
Ce n’est pas facile de jeûner,
mais notre corps le supporte aisément de temps à autre, et
même s’y habitue, comme on le lit dans les vies des Saints.
Il est même peut-être plus facile de jeûner que de prier, si
l’on veut faire bien ces choses. On aura l’occasion d’en
reparler lors du prochain Carême.
Le Christ qui vient dans le
Temple rencontrer ceux qui l’attendent, c’est le Soleil qui
vient illuminer les hommes.
Voilà l’origine de nos
vieilles habitudes : les crêpes, rondes et dorées comme des
soleils. Et les hommes, illuminés par ce soleil, c’est nous
avec nos cierges allumés, au cours de cette liturgie de la
Chandeleur.
L’explication se trouve dans le
chant de la Préface :
L’Esprit Saint, par la bouche de Syméon, désigne (ton Fils)
comme… la lumière des nations. Joyeux nous aussi d’aller à
la rencontre du Seigneur, nous te chantons…
Nous ne savons pas l’heure de
notre mort. N’attendons pas cette dernière heure : avec
Syméon, allons à la rencontre du Christ, pour entrer avec
Lui dans l’Éternité.
Abbé Charles Marie de Roussy |