Deux religieux dominicains
cheminaient un jour à travers la Lombardie. Dans un village, ils rencontrèrent
un petit pâtre nommé Michel Ghislieri, d'une noble famille ruinée par les
guerres civiles. La physionomie ouverte et spirituelle de l'enfant, ses
questions, ses réponses, frappèrent vivement les bons religieux, qui lui
proposèrent de l'emmener pour le faire entrer dans leur Ordre. Le pâtre, joyeux,
prit le temps d'aller demander la bénédiction de ses parents.
Ce jour-là, la Providence avait
accompli, de la manière la plus simple, un merveilleux dessein, car cet enfant
devait être l'immortel saint Pie V. Les études du jeune Michel furent
brillantes; l'élève devint lui-même, à vingt ans, un professeur distingué.
Bientôt il lui fallut courber ses
épaules sous la charge de supérieur, puis d'inquisiteur. C'est dans cette
fonction épineuse qu'il se créa, en défendant les droits de l'Église, des
ennemis implacables. Il dut aller à Rome justifier sa conduite. Ce voyage de
Rome marque dans la vie du jeune religieux.
Les Dominicains du couvent de
Sainte-Sabine, le voyant arriver avec un extérieur négligé, lui firent mauvais
accueil ; le supérieur alla même jusqu'à lui dire avec raillerie : “Que
venez-vous chercher ici, mon Père ? Venez-vous voir si le collège des cardinaux
est disposé à vous faire Pape ?” Le religieux peu charitable ne se doutait pas
qu'il prédisait l'avenir.
Le cardinal Caraffa jugea
autrement le jeune inquisiteur ; sous cet extérieur modeste, il reconnut une
grande âme destinée par Dieu à combattre vaillamment l'hérésie; et plus tard,
quand il fut devenu Pape sous le nom de Paul IV, il eut hâte de donner un évêché
à Michel Ghislieri, qui dut l'accepter malgré ses larmes. Dès lors on vit
briller en lui toutes les vertus apostoliques, surtout l'amour des pauvres et
des humbles.
Peu de temps après, l'évêque
était cardinal. Il n'accepta des exigences de sa dignité que ce qu'il ne pouvait
éviter ; son palais ressemblait à un couvent, sa vie à celle d'un moine. Jamais
plus grande violence ne lui fut faite que quand on lui imposa de force la charge
du souverain pontificat. Il prit le nom de Pie V.
Peu de Papes ont vu autour d'eux
le rayonnement de plus grands Saints et de plus grands hommes ; c'était le temps
où vivaient les saint Jean l'Aumônier, les saint Thomas de Villeneuve, les saint
Jean de Dieu, les saint Jean de la Croix, les sainte Thérèse, les saint François
de Borgia, Louis de Gonzague, Stanislas Kostka, saint Charles Borromée.
Le grand événement de son règne
fut la victoire de Lépante, dont il eut la révélation à l'heure même où elle fut
remportée.
Abbé L. Jaud
Vie des Saints pour tous les jours de
l'année, Tours, Mame, 1950.
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