QUI
PLURIBUS
Lettre encyclique de s. s.
PIE IX
du 9 novembre 1846
à tous les Patriarches, Primats, Archevêques et Évêques
Nous qui, depuis un nombre d'années assez considérable, Nous
livrions comme Vous, selon toute la mesure de Nos forces, à
l'accomplissement de cette charge épiscopale si pleine de travaux et
de sollicitude de tout genre ; Nous, qui Nous efforcions de diriger
et de conduire sur les monts d'Israël, aux bords des eaux vives,
dans les pâturages les plus féconds, la portion du troupeau du
Seigneur confiée à Nos soins ; Nous voici, par la mort de Grégoire
XVI, notre très illustre prédécesseur, et dont la postérité, saisie
d'admiration pour sa mémoire, lira les glorieux actes inscrits en
lettres d'or dans les fastes de l'Église ; Nous voici porté au faîte
du Suprême Pontificat, par un dessein secret de la divine
Providence, non seulement contre toute prévision et toute attente de
Notre part, mais au contraire avec l'effroi et la perturbation
extrêmes qui alors saisirent Notre âme. Si, en effet, et à toutes
les époques, le fardeau du ministère apostolique a été et doit être
toujours justement considéré comme extrêmement difficile et
périlleux, c'est bien certainement de nos jours et de notre temps,
si remplis de difficultés pour l'administration de la république
chrétienne, qu'on doit le regarder comme extrêmement redoutable.
Aussi, bien pénétré de Notre propre faiblesse, au premier et seul
aspect des imposants devoirs de l'Apostolat suprême, surtout dans la
conjoncture si difficile des circonstances présentes, Nous nous
serions abandonné entièrement aux larmes et à la plus profonde
tristesse, si Nous n'avions promptement fixé toute Notre espérance
en Dieu. notre salut, qui ne laisse jamais défaillir ceux qui
espèrent en Lui, et qui, d'ailleurs, jaloux de montrer de temps à
autre sa toute puissance, se plaît à choisir pour gouverner son
Église les instruments les plus faibles, afin que de plus en plus
tous les esprits soient amenés à reconnaître que c'est Dieu
Lui-même, par son admirable Providence, qui gouverne et défend son
Église. D'ailleurs, ce qui Nous console et soutient aussi
considérablement notre courage, Vénérables Frères, c'est que, en
travaillant au salut des âmes, Nous pouvons Vous compter comme Nos
associés et Nos coadjuteurs, Vous qui, par vocation, partagez Notre
sollicitude, et Vous efforcez, par Votre zèle et Vos soins sans
mesure, de remplir Votre saint ministère et de soutenir le bon
combat.
Assis, malgré Notre peu de mérite, sur ce siège suprême du prince
des apôtres, à peine avons Nous reçu en héritage, dans la personne
du bienheureux apôtre Pierre, cette charge si auguste et si grave,
divinement accordée par le prince éternel au souverain de tous les
pasteurs, de paître et de gouverner, non seulement les agneaux,
c'est-à-dire tout le peuple chrétien, mais aussi les brebis,
c'est-à-dire les chefs du troupeau eux-mêmes ; non, rien
certainement n'a plus vivement excité Nos voeux et Nos désirs les
plus pressants, que de Vous adresser les paroles qui Nous sont
suggérées par les plus intimes sentiments de notre affection.
C'est pourquoi, venant à peine de prendre possession du suprême
pontificat dans notre basilique de Latran, selon l'usage et
l'institution de nos prédécesseurs, sur le champ Nous Vous adressons
les présentes lettres dans le but d'exciter encore Votre piété, déjà
si éminente ; et afin que, par un surcroît de promptitude, de
vigilance et d'effort, Vous souteniez les veilles de la nuit autour
du troupeau confié à vos soins, et que, déployant la vigueur et la
fermeté épiscopales dans le combat contre le plus terrible ennemi du
genre humain, vous soyez pour la maison d'Israël cet infranchissable
rempart qu'offrent seuls les valeureux soldats de Jésus Christ.
Personne d'entre vous n'ignore, Vénérables Frères, dans notre
époque déplorable, cette guerre si terrible et si acharnée qu'à
machinée contre l'édifice de la foi catholique cette race d'hommes
qui unis entre eux par une criminelle association, ne pouvant
supporter la saine doctrine, fermant l'oreille à la vérité, ne
craignent pas d'exhumer du sein des ténèbres, où elles étaient
ensevelies, les opinions les plus monstrueuses, qu'ils entassent
d'abord de toutes leurs forces, qu'ils étalent ensuite et répandent
dans tous les esprits à la faveur de la plus funeste publicité.
Notre âme est saisie d'horreur, et Notre coeur succombe de douleur,
lorsque Nous nous rappelons seulement à la pensée toutes ces
monstruosités d'erreurs, toute la variété de ces innombrables moyens
de procurer le mal ; toutes ces embûches et ces machinations par
lesquelles ces esprits ennemis de la lumière se montrent artistes si
habiles à étouffer dans toutes les âmes le saint amour de la piété,
de la justice et de l'honnêteté ; comment ils parviennent si
promptement à corrompre les moeurs, à confondre ou à effacer les
droits divins et humains, à saper les bases de la société civile, à
les ébranler, et, s'ils pouvaient arriver jusque là, à les détruire
de fond en comble.
Car, Vous le savez bien, Vénérables Frères, ces implacables ennemis
du nom chrétien, tristement entraînés par on ne sait quelle fureur
d'impiété en délire, ont poussé l'excès de leurs opinions téméraires
à ce point d'audace, jusque là inouï, qu'ils n'ouvrent leur bouche
que pour vomir contre Dieu des blasphèmes ; qu'ouvertement et par
toutes les voix de la publicité, ils ne rougissent pas d'enseigner
que les sacrés mystères de notre religion sont des fables et des
inventions humaines, que la doctrine de l'Église catholique est
contraire au bien et aux intérêts de la société. Ils vont plus loin
encore : ils ne redoutent pas de nier le Christ et jusqu'à Dieu
Lui-même. Pour fasciner encore plus aisément les peuples, pour
tromper surtout les esprits imprévoyants et les ignorants, et les
entraîner avec eux dans les abîmes de l'erreur, ils osent se vanter
d'être les seuls en possession de la connaissance des véritables
sources de la prospérité; ils n'hésitent pas à s'arroger le nom de
philosophes, comme si la philosophie, dont l'objet est de rechercher
et d'étudier la vérité de l'ordre naturel, devait rejeter avec
dédain tout ce que le Dieu suprême et très clément, l'auteur de
toute la nature, par un effet spécial de sa bonté et de sa
miséricorde, a daigné manifester aux hommes pour leur véritable
bonheur et pour leur salut.
C'est pour cela qu'employant une manière de raisonner déplacée et
trompeuse, ils ne cessent d'exalter la force et l'excellence de la
raison humaine, de vanter sa supériorité sur la foi très sainte en
Jésus Christ, et qu'ils déclarent audacieusement que cette foi est
contraire à la raison humaine. Non, rien ne saurait être imaginé ou
supposé de plus insensé, de plus impie et de plus contraire à la
raison elle-même.
Car, bien que la foi soit au-dessus de la raison, jamais on ne
pourra découvrir qu'il y ait opposition et contradiction entre elles
deux; parce que l'une et l'autre émanent de ce Dieu très excellent
et très grand, qui est la source de la vérité éternelle. Elles se
prêtent bien plutôt un tel secours mutuel que c'est toujours à la
droite raison que la vérité de la foi emprunte sa démonstration, sa
défense et son soutien les plus sûrs ; que la foi, de son côté,
délivre la raison des erreurs qui l'assiègent, qu'elle l'illumine
merveilleusement par la connaissance des choses divines, la confirme
et la perfectionne dans cette connaissance.
Les ennemis de la révélation divine, Vénérables Frères, n'ont pas
recours à des moyens de tromperie moins funestes lorsque, par des
louanges extrêmes, ils portent jusqu'aux nues les progrès de
l'humanité. Ils voudraient, dans leur audace sacrilège, introduire
ce progrès jusque dans l'Église catholique : comme si la religion
était l'ouvrage non de Dieu, mais des hommes, une espèce d'invention
philosophique à laquelle les moyens humains peuvent surajouter un
nouveau degré de perfectionnement.
Jamais hommes si déplorablement en délire ne méritèrent mieux le
reproche que Tertullien adressait aux philosophes de son temps :
" Le christianisme que vous mettez en avant, n'est autre que celui
des stoïciens, des platoniciens et des dialecticiens ".
En effet, notre très sainte religion n'ayant pas été inventée par
la raison, mais directement manifestée aux hommes par Dieu, tout le
monde comprend aisément que cette religion, empruntant toute sa
force et sa vertu de l'autorité de la Parole de Dieu Lui-même, n'a
pu être produite et ne saurait être perfectionnée par la simple
raison. Donc, pour que la raison humaine ne se trompe ni ne s'égare
dans une affaire aussi grave et de cette importance, il faut qu'elle
s'enquière soigneusement du fait de la révélation, afin qu'il lui
soit démontré, d'une manière certaine, que Dieu a parlé, et qu'en
conséquence, selon le très sage enseignement de l'apôtre, elle lui
doit une soumission raisonnable. Mais qui donc ignore ou peut
ignorer que, lorsque Dieu parle, on lui doit une foi entière, et
qu'il n'y a rien de plus conforme à la raison elle-même, que de
donner son assentiment et de s'attacher fortement aux vérités
incontestablement révélées par Dieu, qui ne peut ni tromper ni se
tromper ?
Et combien nombreuses, combien admirables, combien splendides sont
les preuves par lesquelles la raison humaine doit être amenée à
cette conviction profonde : que la religion de Jésus Christ est
divine, et qu'elle a reçu du Dieu du ciel la racine et le principe
de tous ses dogmes, et que par conséquent il n'y a rien au monde de
plus certain que notre foi, rien de plus sûr ni de plus vénérable et
qui s'appuie sur des principes solides. C'est cette foi qui est la
maîtresse de la vie, le guide du salut, le destructeur de tous les
vices, la mère et la nourrice féconde de toutes les vertus ;
consolidée par la naissance, la vie, la mort, la résurrection, la
sagesse, les prodiges et les prophéties de son divin auteur et
consommateur, Jésus Christ; répandant de tous côtés 1' éclat de sa
doctrine surnaturelle, enrichie des trésors inépuisables et vraiment
célestes de tant de prophéties inspirées à ses prophètes, du
resplendissant éclat de ses miracles, de la constance de tant de
martyrs, de la gloire de tant de saints personnages. De plus en plus
insigne et remarquable, elle porte partout les lois salutaires de
Jésus Christ ; et de jour en jour acquérant et puisant sans cesse de
nouvelles forces dans les persécutions les plus cruelles, armée du
seul étendard de la croix, elle conquiert l'univers entier, et la
terre et la mer, depuis le levant jusqu'au couchant ; et, après
avoir renversé les trompeuses idoles, dissipé les ténèbres épaisses
de l'erreur, triomphé des ennemis de toute espèce, elle a répandu
les bienfaisants rayons de sa lumière sur tous les peuples, sur
toutes les nations et sur tous les pays, quel que fût le degré de
férocité de leurs moeurs, de leur naturel et de leur caractère
barbare, les courbant sous le joug si suave de Jésus Christ, et
annonçant à tous la paix et le bonheur.
Certes, toutes ces magnificences resplendissent assez de toute part
de l'éclat de la puissance et de la sagesse divines, pour que toute
pensée et toute intelligence puissent saisir promptement et
comprendre facilement que la foi chrétienne est l'oeuvre de Dieu.
Donc, d'après ces splendides et inattaquables démonstrations, la
raison humaine est amenée à ce point qui l'oblige à reconnaître
clairement et manifestement que Dieu est l'auteur de cette même
foi ; la raison humaine ne saurait s'avancer au-delà ; mais,
rejetant et écartant toute difficulté et tout doute, elle doit à
cette même foi une soumission sans réserve, puisqu'elle est
elle-même assurée que tout ce que la foi propose aux hommes de
croire et de pratiquer, tout cela vient de Dieu.
On voit donc manifestement dans quelle erreur profonde se roulent
ces esprits qui, abusant de la raison et regardant les oracles
divins comme des produits de l'homme, osent les soumettre à
l'arbitrage de leur interprétation particulière et téméraire.
Puisque Dieu Lui-même a établi une autorité vivante, laquelle devait
fixer et enseigner le véritable et légitime sens de sa révélation
céleste, et mettrait fin, par son jugement infaillible, à toutes les
controverses soit en matière de foi, soit en matière de moeurs, et
tout cela afin que les fidèles ne fussent pas entraînés à tout vent
dans les fausses doctrines, ni enveloppés dans les immenses filets
de la malice et des aberrations humaines. Cette autorité vivante et
infaillible n'est en vigueur que dans cette seule Église que Jésus
Christ a établie sur Pierre, le chef, le prince et le pasteur de
toute l'Église, auquel il a promis que sa foi ne serait jamais en
défaillance ; l'Église constituée de manière qu'elle a toujours à sa
tête et dans sa chaire immuable ses Pontifes légitimes, lesquels
remontent, par une succession non interrompue, jusqu'à l'apôtre
Pierre, et jouissent comme lui du même héritage de doctrine, de
dignité, d'honneur et de puissance sans rivale. Et comme là où est
Pierre, là est l'Église ; comme Pierre parle par la bouche du
Pontife romain, qu'il est toujours vivant dans ses successeurs,
qu'il exerce le même jugement, et transmet la vérité de la foi à
ceux qui la demandent, il s'ensuit que les divins enseignements
doivent être acceptés dans le même sens qu'y attache et y a toujours
attaché cette Chaire romaine, Siège du bienheureux Pierre, la mère
et la maîtresse de toutes les Églises, qui a toujours conservé
inviolable et entière la foi donnée par le Seigneur Jésus Christ;
qui l'a toujours enseignée aux fidèles, leur montrant à tous le
chemin du salut et l'incorruptible doctrine de la Vérité.
Cette Église est donc l'Église principale où l'unité sacerdotale a
pris son origine, elle est la métropole de la piété, et dans
laquelle reste toujours entière et parfaite la solidité de la
religion chrétienne ; toujours on y a vu florissant le Principat de
la Chaire apostolique vers laquelle toute l'Église, c'est-à-dire
tous les fidèles répandus sur la terre doivent nécessairement
accourir, à raison de sa principauté suréminente, Église sans
laquelle quiconque ne recueille pas, disperse.
Nous donc qui avons été placé, par un impénétrable jugement de
Dieu, sur cette Chaire de Vérité, nous venons exciter très vivement
dans le Seigneur votre piété si remarquable, Vénérables Frères, afin
que Vous renouveliez tous vos efforts, Votre sollicitude et Vos
soins, avertissant et exhortant continuellement tous les fidèles
confiés à Votre vigilance, que chacun d'eux, fermement attaché à ces
principes, ne se laisse jamais tromper ni attirer par l'erreur de
ces hommes abominables dans leurs recherches, qui ne s'appliquent,
en cette étude et dans la poursuite du progrès humain, qu'à la
destruction de la foi, qui ne veulent, dans leurs efforts impies,
que soumettre cette foi à la raison de l'homme, et ne reculent pas
devant l'audace de faire injure à Dieu Lui-même, après qu'Il a
daigné, dans sa clémence et par Sa divine religion, pourvoir au bien
et au salut des hommes.
Mais Vous connaissez encore aussi bien, Vénérables Frères, les
autres monstruosités de fraudes et d'erreurs par lesquelles les
enfants de ce siècle s'efforcent chaque jour de combattre avec
acharnement la religion catholique et la divine autorité de
l'Église, ses lois non moins vénérables ; comment ils voudraient
fouler également aux pieds les droits de la puissance sacrée et de
1' autorité civile. C'est à ce but que tendent ces criminels
complots, contre cette Église romaine, siège du bienheureux Pierre,
et dans laquelle Jésus Christ a placé l'indestructible fondement de
toute son Église. Là tendent toutes ces sociétés secrètes sorties du
fond des ténèbres pour ne faire régner partout, dans l'ordre sacré
et profane, que les ravages et la mort ; sociétés clandestines si
souvent foudroyées par l'anathème des Pontifes romains nos
prédécesseurs dans leurs Lettres apostoliques, lesquelles Nous
voulons en ce moment même confirmer et très exactement recommander à
l'observation par la plénitude de Notre puissance apostolique.
C'est encore le but que se proposent ces perfides sociétés
bibliques, lesquelles, renouvelant les artifices odieux des anciens
hérétiques, ne cessent de produire contre les règles si sages de
l'Église, et de répandre parmi les fidèles les moins instruits les
livres des saintes Écritures traduits en toute espèce de langues
vulgaires, et souvent expliquées dans un sens pervers, consacrant à
la distribution de ces milliers d'exemplaires des sommes
incalculables, les répandant partout gratuitement, afin qu'après
avoir rejeté la tradition, la doctrine des Pères et l'autorité de
l'Église catholique, chacun interprète les oracles divins selon son
jugement propre et particulier, et tombe ainsi dans l'abîme des plus
effroyables erreurs. Animé d'une juste émulation du zèle et des
saints exemples de ses prédécesseurs, Grégoire XVI, de sainte
mémoire, et dont Nous avons été constitué le successeur, malgré
l'infériorité de Notre mérite, a condamné par ses Lettres
apostoliques les mêmes sociétés secrètes que Nous entendons aussi
déclarer condamnées et flétries par Nous.
C'est encore au même but que tend cet horrible système de
l'indifférence en matière de religion, système qui répugne le plus à
la seule lumière naturelle de la raison. C'est par ce système, en
effet, que ces subtils artisans de mensonge, cherchent à enlever
toute distinction entre le vice et la vertu, entre la vérité et
l'erreur, entre l'honneur et la turpitude, et prétendent que les
hommes de tout culte et de toute religion peuvent arriver au salut
éternel : comme si jamais il pouvait y avoir accord entre la justice
et l'iniquité, entre la lumière et les ténèbres, entre Jésus Christ
et Bélial.
C'est à ce même but encore que tend cette honteuse conjuration qui
s'est formée nouvellement contre le célibat sacré des membres du
clergé, conspiration qui compte, ô douleur ! parmi ses fauteurs
quelques membres de l'ordre ecclésiastique, lesquels, oubliant
misérablement leur propre dignité, se laissent vaincre et séduire
par les honteuses illusions et les funestes attraits de la volupté ;
C'est là que tend ce mode pervers d'enseignement, spécialement celui
qui traite des sciences philosophiques, et par lequel, d'une manière
si déplorable, on trompe et l'on corrompt une imprévoyante jeunesse,
lui versant le fiel du dragon dans la coupe de Babylone ; à ce même
but tend cette exécrable doctrine destructrice même du droit naturel
et qu'on appelle le communisme, laquelle, une fois admise, ferait
bientôt disparaître entièrement les droits, les intérêts, les
propriétés et jusqu'à la société humaine ; là tendent aussi les
embûches profondément ténébreuses de ceux qui cachent la rapacité du
loup sous la peau de la brebis, s'insinuent adroitement dans les
esprits, les séduisent par les dehors d'une piété plus élevée, d'une
vertu plus sévère ; les liens qu'ils imposent sont à peine
sensibles, et c'est dans l'ombre qu'ils donnent la mort ; ils
détournent les hommes de toute pratique du culte ; quand ils ont
égorgé les brebis du Seigneur, ils en déchirent les membres.
C'est là enfin, pour ne point énumérer ici tous les maux qui Vous
sont si bien connus, c'est à ce but funeste que tend cette contagion
exécrable de petits livres et de volumes qui pleuvent de toutes
parts, enseignant la pratique du mal ; composés avec art, pleins
d'artifice et de tromperie, répandus à grands frais dans tous les
lieux de la terre, pour la perte du peuple chrétien, ils jettent
partout les semences des funestes doctrines, font pénétrer la
corruption, surtout dans les âmes des ignorants, et causent à la
religion les pertes les plus funestes. Par suite de cet effroyable
débordement d'erreurs partout répandues, et aussi par cette licence
effrénée de tout penser, de tout dire, et de tout imprimer, les
moeurs publiques sont descendues à un effroyable degré de malice ;
la très sainte religion de Jésus Christ est méprisée ; l'auguste
majesté du culte divin dédaignée ; l'autorité du saint Siège
apostolique renversée ; le pouvoir de l'Église sans cesse attaqué et
réduit aux proportions d'une humiliante servitude ; les droits de
évêques foulés aux pieds, la sainteté du mariage violée,
l'administration de l'une et de l'autre puissance universellement
ébranlée ; tels sont entre autres, Vénérables Frères, les maux qui
dévorent la société civile et religieuse, et que Nous sommes obligé
de déplorer aujourd'hui en mêlant Nos larmes avec les Vôtres.
Au milieu donc de ces grandes vicissitudes de la religion, des
événements et des temps, vivement préoccupé du salut de tout le
troupeau divinement confié à Nos soins, dans l'accomplissement de la
charge de Notre ministère apostolique, soyez assurés que Nous
n'omettrons ni tentatives, ni efforts pour assurer le bien spirituel
de la famille entière des chrétiens. Nous venons cependant exciter
aussi dans le Seigneur toute l'ardeur de Votre piété, déjà si
remarquable, toute Votre vertu et toute Votre prudence.
Comme Nous, appuyés sur le secours d'en haut, défendez avec Nous et
valeureusement, Vénérables Frères, la cause de l'Église, fermes au
poste qui Vous est confié, et soutenant la dignité qui Vous
distingue. Vous comprenez que la combat sera rude, car Vous
n'ignorez point le nombre et la profondeur des blessures qui
accablent l'Épouse Immaculée de Jésus Christ, et quelles
dévastations terribles ses ennemis acharnés lui font éprouver.
Or, Vous savez parfaitement que le premier devoir de Votre charge
est d'employer Votre force épiscopale à protéger et à défendre la
foi catholique, à veiller avec le soin le plus extrême à ce que le
troupeau qui Vous est confié demeure ferme et inébranlable dans la
foi, sans la conservation entière et inviolable de laquelle il
périrait certainement pour l'éternité. Ainsi ayez donc le soin le
plus grand de défendre et de conserver cette foi selon Votre
sollicitude pastorale, et ne cessez jamais d'en instruire tous ceux
qui Vous sont confiés, de confirmer les esprits chancelants, de
confondre les contradicteurs, de fortifier les faibles, ne
dissimulant ou ne souffrant rien qui puisse paraître, le moins du
monde, blesser la pureté de cette foi. Avec le même courage et la
même fermeté, Vous devez favoriser l'union et l'attachement de tous
les coeurs à cette Église catholique, hors de laquelle il n'y a
point de salut ; la soumission à cette Chaire de Pierre sur laquelle
repose, comme sur le plus inébranlable fondement, tout le majestueux
édifice de notre très sainte religion. Employez la même constance à
veiller à la conservation des très saintes lois de l'Église, par
lesquelles vivent et fleurissent parfaitement la vertu, la religion
et la piété.
Mais comme c'est une preuve incontestable de grande pitié que de
signaler les ténébreux repères des impies et de vaincre en eux le
démon, leur maître, Nous Vous en conjurons, employez toutes les
ressources de Votre Zèle et de Vos travaux à découvrir aux yeux du
peuple fidèle toutes les embûches, toutes les tromperies, toutes les
erreurs, toutes les fraudes et toutes les manoeuvres des impies ;
détournez avec grand soin ce même peuple de la lecture de tant de
livres empoisonnés, et enfin exhortez assidûment le peuple fidèle à
fuir, comme à l'aspect du serpent, les réunions et les sociétés
impies, afin qu'il parvienne ainsi à se préserver très soigneusement
du contact de tout ce qui est contraire à la foi, à la religion et
aux bonnes moeurs.
Pour obtenir de tels résultats, gardez Vous bien de cesser un
instant de prêcher le Saint Évangile ; car c'est une telle
instruction qui fait croître le peuple chrétien dans la science de
Dieu et dans la pratique de plus en plus parfaite de la très sainte
loi du christianisme ; par là, il sera détourné du mal et marchera
dans les voies du Seigneur.
Et puisque Vous savez que Vous remplissez la charge de Jésus
Christ, lequel se déclara doux et humble de coeur, qui vint sur la
terre, non pour appeler les justes, mais les pécheurs, nous laissant
son exemple, afin que nous imitions sa vie et marchions sur ses
pas ; ne négligez jamais, toutes les fois que Vous découvrirez
quelques délinquants dans la voie des préceptes du Seigneur, et
lorsque Vous les verrez s'éloigner du sentier de la justice et de la
vérité, ne négligez jamais d'employer auprès d'eux les
avertissements de la tendresse et de la mansuétude d'un père ; et,
afin de les corriger, reprenez les par de salutaires conseils ; dans
vos instances, comme dans vos reproches, employez toujours les
officieuses ressources de la bonté, de la patience et de la
doctrine ; car il est démontré que, pour corriger et réformer les
hommes, la bonté a souvent plus de puissance que la sévérité,
l'exhortation l'emporte sur la menace, et la charité va plus loin
que la puissance.
Joignez encore tous Vos efforts, Vénérables Frères, pour obtenir un
autre résultat important, savoir, que les fidèles aiment la charité,
fassent régner la paix entre eux et pratiquent avec soin tout ce qui
sert à l'entretien de cette charité et de cette paix. Par là, il n'y
aura plus de dissensions, d'inimitiés ni de rivalités, mais tous se
chériront dans une mutuelle tendresse ; ils seront parfaitement
unanimes dans le même sentiment et la même vérité, la même parole,
le même goût en Jésus Christ Notre Seigneur.
Appliquez Vous à inculquer au peuple chrétien le devoir de la
soumission et de l'obéissance vis-à-vis des princes et des
gouvernements ; enseignez lui, selon le précepte de l'Apôtre, que
toute puissance vient de Dieu ; que ceux-là résistent à l'ordre
divin et méritent d'être condamnés, qui résistent à la puissance, et
que ce précepte d'obéissance vis-à-vis du pouvoir ne peut jamais
être violé sans mériter de châtiment, excepté toutefois lorsqu'il
exige quelque chose de contraire aux lois de Dieu et de l'Église.
Cependant, comme rien n'est plus propre à disposer continuellement
les âmes à la pratique de la piété et au culte de Dieu, que la vie
et les actes exemplaires de ceux qui se sont consacrés au ministère
divin, et que tels sont les prêtres, tels sont ordinairement les
peuples, Vous comprenez dans Votre éminente sagesse, Vénérables
Frères, que Vous devez employer tous Vos soins à ce que chaque
membre de Votre clergé brille par la gravité des moeurs, par la
sainteté et l'intégrité de la vie, et par la doctrine ; et à ce que
les prescriptions des saints canons et de la discipline
ecclésiastique soient exactement gardées, et que là où la discipline
a succombé, on lui rende son antique splendeur.
À cet effet, ainsi que Vous le savez très bien, Vous devez éviter
avec le plus grand soin d'imposer les mains à aucun aspirant, avec
trop de précipitation, et contre l'avis de l'Apôtre ; mais Vous
n'admettrez à l'initiation des ordres sacrés, et Vous n'élèverez à
la puissance redoutable de consacrer les saints mystères, que les
lévites auparavant éprouvés et examinés scrupuleusement, que ceux
qui se distingueront par l'ornement de toutes les vertus, et qui
auront mérité la juste louange d'une sagesse intacte ; de telle
sorte qu'ils puissent être d'utiles ouvriers, et la gloire de
l'Église, dans chacun de Vos diocèses, et enfin ceux qui,
s'éloignant soigneusement de tout ce qui est contraire à la vie
cléricale, s'adonnant plutôt à 1' étude, à la prédication, et à la
connaissance approfondie de la doctrine, sont, en effet, le parfait
exemple des fidèles, dans leur parole, dans leur conduite, dans la
charité, dans la foi, dans la chasteté ; de telle sorte qu'à leur
approche tous éprouvent le sentiment d'une vénération méritée ; que
par eux, de plus en plus, le peuple chrétien se forme, s'excite et
s'enflamme à l'amour de notre divine religion. Car il est mille fois
préférable, selon l'avis si parfaitement sage de Benoît XIV, l'un de
Nos prédécesseurs d'immortelle mémoire, qu'il y ait un nombre
restreint de prêtres, pourvu qu'ils se montrent excellents, capables
et utiles, plutôt que d'en avoir un grand nombre, incapables de
toute manière de procurer l'édification du corps de Jésus Christ,
qui est l'Église. Vous n'ignorez pas non plus qu'il faut examiner
avec le plus grand soin quelles sont spécialement les moeurs et la
science de ceux à qui sont confiées la charge et la conduite des
âmes, afin que, ministres fidèles et dispensateurs des diverses
formes de la grâce de Dieu, dans l'administration des sacrements
auprès du peuple qui leur est confié, ils sachent le nourrir et
l'encourager par la prédication de la parole divine et le soutien
continuel du bon exemple ; qu'ils sachent le former à tous les
enseignements et à toutes les pratiques de la religion, et le
maintenir dans le chemin du salut. Vous savez parfaitement que c'est
à l'ignorance des pasteurs ou à la négligence des devoirs de leur
charge qu'il faut attribuer perpétuellement le relâchement des
moeurs parmi les fidèles, la violation de la discipline chrétienne,
l'abandon, puis la destruction totale des pratiques et du culte
religieux, enfin le débordement de tous les vices et des corruptions
qui pénètrent alors facilement dans l'Église. Voulez-Vous que la
parole de Dieu, qui est toujours vivante et efficace et plus
pénétrante qu'un glaive à deux tranchants, établie pour le salut des
âmes, ne s'en retourne pas inutile et impuissante par la faute de
ses ministres ; ne cessez jamais, Vénérables Frères, d'inculquer
dans l'âme des prédicateurs cette parole divine, et de leur
recommander la méditation spirituelle, profonde, des devoirs de
cette auguste et si grave fonction ; dites leur qu'ils ne doivent
point employer dans le ministère évangélique cet apparat et cet
artifice que l'habileté mondaine enseigne pour persuader sa fausse
sagesse, non plus que ces vaines pompes et ces charmes ambitieux qui
caractérisent l'éloquence profane, mais qu'ils s'exercent plutôt et
très religieusement dans la démonstration de l'esprit et de la vertu
de Dieu. Traitant ainsi convenablement la parole de vérité, ne se
prêchant pas eux-mêmes, mais Jésus Christ crucifié, qu'ils annoncent
aux peuples simplement et clairement les dogmes de notre sainte
religion selon la doctrine de l'Église catholique, d'après
l'enseignement des Pères, et en une élocution toujours grave et
majestueuse ; qu'ils expliquent exactement les devoirs particuliers
et spéciaux de chacun ; qu'ils inspirent à tous l'horreur du vice et
une vive ardeur pour la piété afin que les fidèles, salutairement
imbus et nourris de la parole divine, fuyant tous les vices,
pratiquant toutes les vertus, et évitant ainsi les peines
éternelles, puissent arriver à la gloire du ciel.
Selon les devoirs de Votre charge pastorale, et d'après les
inspirations de Votre prudence, avertissez sans cesse tous les
ecclésiastiques placés sous Vos ordres, excitez les à réfléchir
sérieusement à l'auguste ministère qu'ils ont reçu de Dieu ; que
tous soient exacts à remplir avec la plus grande diligence la part
de fonction qui leur est échue ; que, pénétrés des sentiments les
plus intimes d'une véritable piété, ils ne cessent leurs prières et
leurs supplications au Seigneur; que, dans cet esprit, ils
accomplissent le précepte ecclésiastique de la récitation des heures
canoniales, afin de pouvoir obtenir pour eux-mêmes les divins
secours si nécessaires pour s'acquitter des devoirs si graves de
leur charge, et rendre le Seigneur toujours apaisé et favorable à
tout le peuple chrétien.
Toutefois, Vénérables Frères, que Votre sagesse ne l'oublie pas, on
ne peut obtenir d'excellents ministres de l'Église qu'en les formant
dans les meilleurs instituts cléricaux ; le reste de leur vie
sacerdotale se ressent ainsi de la forte impulsion dans la voie du
bien qu'ils ont reçue dans ces pieux asiles. Continuez donc à porter
toute l'énergie de Votre Zèle vers cette exacte préparation des
jeunes clercs ; que par Vos soins on leur inspire, même dés l'âge le
plus tendre, le goût de la piété et d'une vertu solide ; qu'ils
soient initiés sous Vos yeux à l'étude des lettres, à la pratique
d'une forte discipline, mais principalement à la connaissance des
sciences sacrées. C'est pour cela que rien ne doit Vous être plus à
coeur, ni Vous paraître plus digne de tous Vos soins et de toute
Votre industrie que d'accomplir l'ordre des Pères du saint Concile
de Trente, s'il n'est déjà exécuté, en instituant des séminaires
pour les clercs ; que d'augmenter, s'il le faut, le nombre de ces
institutions pieuses, d'y placer des maîtres et des directeurs
excellents et capables, de veiller sans repos, et avec une ardeur
toujours ferme, à ce que dans ces saints asiles les jeunes clercs
soient constamment formés dans la crainte du Seigneur, à l'étude, et
surtout dans la science sacrée, toujours conformément à
l'enseignement catholique, sans le moindre contact avec l'erreur, de
quelque espèce que ce soit, selon les traditions ecclésiastiques et
les écrits des Pères ; qu'ils y soient exercés très soigneusement
aux cérémonies et aux rites sacrés, afin que plus tard Vous trouviez
en eux des coopérateurs pieux et capables, doués de l'esprit
ecclésiastique, sagement fortifiés par la science, et qu'ils
puissent dans l'avenir travailler avec fruit le champ de Jésus
Christ et combattre vaillamment les combats du Seigneur.
Or, comme Vous êtes Vous-mêmes très convaincus que, pour conserver
et maintenir la dignité et la sainte pureté de tout le sacerdoce
ecclésiastique, rien n'est plus efficace que l'institution des pieux
exercices spirituels ; d'après les impulsions de Votre zèle et de
Votre charité épiscopale, ne cessez point d'exhorter, d'engager, de
presser même très vivement tous Vos prêtres à s'adonner à la
pratique d'une oeuvre aussi salutaire ; que fréquemment, tous ceux
qui sont engagés dans la sainte milice sachent choisir une solitude
favorable à 1' accomplissement de ces saints exercices ; que là,
séparés absolument de toute espèce de préoccupation extérieure,
uniquement absorbés par la redoutable considération des vérités
éternelles, et par la profonde méditation des choses divines, ils
puissent ainsi s'épurer des taches qu'auront pu laisser sur leur âme
sacerdotale la poussière et le contact des affaires du monde, se
renouveler dans l'esprit ecclésiastique, et que, se dépouillant
entièrement du vieil homme et de tous ses actes, ils se revêtent de
l'éclatante pureté de l'homme nouveau qui fut créé dans la sainteté
et la justice. Ne Vous plaignez point si Nous avons si longuement
insisté sur cette nécessité de l'institution et de la discipline
cléricale.
Car Vous ne pouvez ignorer qu'il y a à notre époque un grand nombre
d'esprits qui, fatigués à la vue de l'innombrable variété, de
l'inconsistance et du mouvement désordonné de l'erreur, éprouvent
intérieurement la nécessité de croire à notre sainte religion, et
qui seront enfin, par le secours de la grâce divine, amenés d'autant
plus facilement à embrasser la pratique de la doctrine et des
prescriptions de cette religion divine, qu'ils verront le clergé
briller au-dessus des autres par plus de piété, de pureté, de
sagesse et de vertu.
Enfin, Frères bien aimés, Nous ne pouvons douter que Vous-mêmes ne
soyez animés d'une ardente charité envers Dieu et pour tous les
hommes, enflammés de l'amour le plus vif pour tous les intérêts de
l'Église, munis de vertus presqu'angéliques, armés et fortifiés du
courage et de la prudence si nécessaires à l'épiscopat, pénétrés par
le même désir de la volonté divine, marchant d'un pas constant sur
les traces des pas des apôtres, et imitant, comme il sied à des
pontifes, l'exemplaire divin des pasteurs, le Seigneur Jésus Christ,
dont Vous représentez la personne ; devenus, par le zèle et par les
sentiments les plus unanimes, les types spirituels du troupeau
fidèle ; par l'éclat resplendissant de la sainteté de Votre vie,
illuminant à la fois le clergé et le peuple et ayant acquis des
entrailles de miséricorde, Vous sachiez toujours, compatissant aux
misères de l'ignorance et de l'erreur, à l'exemple du Pasteur de
l'Évangile, courir avec tendresse après les brebis perdues ; malgré
leurs égarements, les chercher longtemps jusqu'à ce que Vous les
rencontriez et, paternellement émus quand Vous les avez retrouvées,
les placer affectueusement sur Vos épaules et les rapporter au
bercail. N'omettez jamais ni soins, ni réflexions, ni travaux de
tout genre pour arriver à l'exact et religieux accomplissement de
tous les devoirs de Votre charge pastorale ; et après avoir défendu
des attaques, des embûches et de la fureur des loups ravisseurs
toutes les brebis si chères au coeur de Jésus Christ, puisqu'Il les
a rachetées au prix inestimable de son sang divin ; après les avoir
gardées dans les saints pâturages, soigneusement éloignées de la
contagion, Vous puissiez, et par Vos paroles, et par Vos actions, et
par Vos exemples, les ramener toutes ensemble au port du salut
éternel.
Travaillez donc courageusement, Vénérables Frères, à procurer la
plus grande gloire de Dieu ; et, par un déploiement extraordinaire
de sollicitude et de vigilance, comme par un même effort, faites en
sorte d'arriver à ce qu'après l'entière destruction des erreurs et
l'extirpation absolue des vices, la foi, la piété, la vertu
acquièrent de jour en jour, et par toute la terre, un admirable
accroissement ; que tous les fidèles, repoussant avec dédain les
oeuvres de ténèbres, marchent dignement comme des fils de la lumière
céleste sous les yeux de Dieu, auquel leurs actions sont toujours
agréables ; et, dans les angoisses, les difficultés et les périls
extrêmes, qui sont inséparables, aujourd'hui principalement, de 1'
accomplissement de Vos si graves fonctions du ministère épiscopal,
gardez Vous bien de jamais succomber à la craintive ; mais plutôt
fortifiez Vous dans le Seigneur, et fiez Vous à la puissance de
Celui qui, nous considérant du haut du ciel, engagés dans la lutte
que nous soutenons pour son nom sacré, encourage ceux qui
s'enrôlent, soutient les combattants et couronne les vainqueurs.
Mais comme rien ne saurait être pour Nous plus agréable, plus doux
à Notre coeur, plus désirable pour le bien de l'Église, que de Vous
aider tous, ô Vous que Nous chérissons tendrement dans les
entrailles de Jésus Christ, et que Nous désirons environner de Notre
amour, de Nos conseils, que de pouvoir travailler de concert à la
défense et à la propagation de la gloire de Dieu et de la foi
catholique, et que même Nous sommes prêt, pour le salut des âmes, à
donner s'il le faut, Notre propre vie, ô Nos Frères, venez, Nous
Vous en prions et supplions, approchez Vous avec grand coeur et en
toute confiance de cette Chaire du bienheureux prince des Apôtres,
de ce centre de l'unité catholique, ce sommet suprême de
l'Épiscopat, d'où découle toute l'autorité de ce nom ; accourez donc
auprès de Nous toutes les fois que Vous éprouverez la nécessité
d'avoir recours à l'aide, au soutien et à la force que renferme pour
Vous l'autorité de ce Siège apostolique.
Or, Nous aimons à espérer que Nos très chers fils en Jésus Christ,
les princes, guidés par leurs sentiments de piété et de religion,
auront toujours présente à leur mémoire cette vérité : que
l'autorité suprême ne leur a pas seulement été donnée pour le
gouvernement des affaires du monde, mais principalement pour la
défense de l'Église ; et Nous-même, qu'en donnant tous Nos soins à
la cause de l'Église, Nous travaillons paisiblement au bonheur de
leur règne, à leur propre conservation et à l'exercice de leurs
droits ; Nous aimons à espérer, disons Nous, que tous les princes
sauront favoriser, par l'appui de leur autorité et le secours de
leur puissance, des voeux, des desseins et des dispositions ardentes
au bien de tous, et que Nous avons en commun avec eux. Qu'ils
défendent donc et protègent la liberté et l'entière plénitude de vie
de cette Église catholique, afin que l'empire de Jésus Christ soit
défendu par leur puissante main.
Pour que tous ces projets arrivent à des résultats heureux et
prospères, recourons avec confiance, Vénérables Frères, au trône de
la grâce; et tous ensemble, par un concert unanime et persévérant de
ferventes prières, avec toute l'humilité dont notre coeur sera
capable, supplions le Père des miséricordes et le Dieu de toute
consolation, afin que, par les mérites de Son Fils unique, Il daigne
répandre sur notre faiblesse, l'ineffable abondance de toutes les
faveurs célestes ; que par la vertu de sa toute puissance, il
repousse Lui-même ceux qui s'opposent à Nous ; qu'Il répande et
augmente partout la foi, la piété, la dévotion, la paix ; par où la
sainte Église, après avoir été délivrée des adversités et de toutes
les erreurs qui l'assiègent, puisse jouir enfin du calme désirable
et nécessaire, et qu'il n'y ait plus désormais qu'un seul bercail et
un seul pasteur. Mais, pour que le Seigneur très clément incline
plus efficacement son oreille divine vers nos prières, et accueille
plus favorablement nos voeux, ayons toujours auprès de Lui, comme
intercession et intermédiaire puissante, la très sainte et très
immaculée Mère de Dieu, qui est toujours notre plus douce Mère,
notre médiatrice, notre avocate, notre espérance et notre confiance
la plus parfaite et dont le patronage maternel est ce qu'il y a
auprès de Dieu de plus fort et de plus efficace.
Invoquons aussi le prince des Apôtres, auquel Jésus Christ lui-même
a confié les clés du royaume des cieux, qu'il a constitué lui-même
la pierre fondamentale de l'Église, contre laquelle les portes de
l'enfer ne pourront jamais prévaloir. Invoquons saint Paul, le
compagnon de son apostolat ; tous les saints du ciel, qui possèdent
déjà la palme et la couronne, afin que tous nous aident à obtenir,
pour l'universalité du peuple chrétien, l'abondance si désirable de
la divine miséricorde.
Enfin, Vénérables Frères, comme gage de tous les dons célestes et
surtout comme un témoignage de Notre ardente charité pour Vous,
recevez Notre bénédiction apostolique que Nous Vous accordons du
fond intime de Notre âme, ainsi qu'à tous les membres du clergé et à
tous les fidèles laïques confiés à Vos soins.
Donné à Rome, près Sainte Marie Majeure, le 9 novembre de l'année
1846 et l'an premier de Notre pontificat. |