Nostis
et Nobiscum
LETTRE ENCYCLIQUE
DE N. S. P. LE PAPE PIE IX
AUX
ARCHEVÊQUES ET ÉVÊQUES D'ITALIE
Vénérables Frères, salut et Bénédiction
Apostolique.
Vous savez et vous voyez comme Nous,
Vénérables Frères, par quelle perversité ont prévalu en ces derniers
temps certains hommes perdus, ennemis de toute vérité, de toute
justice, de toute honnêteté, qui, soit par fraude et par des
artifices de toute espèce, soit ouvertement, et jetant, comme une
mer en furie son écume, la lie de leurs confusions, s'efforcent de
répandre de toutes parts, parmi les peuples fidèles de l'Italie, la
licence effrénée de la pensée, de la parole, de tout acte audacieux
et impie, pour ruiner dans l'Italie même la religion catholique, et,
si cela pouvait jamais être, pour la renverser jusque dans ses
fondements. Tout le plan de leur dessein diabolique s'est révélé en
divers lieux, mais surtout dans la Ville bien-aimée, siège de notre
Pontificat suprême, où, après Nous avoir contraint de la quitter,
ils ont pu se livrer plus librement pendant quelques mois à toutes
leurs fureurs. Là, dans un affreux et sacrilège mélange des choses
divines et des choses humaines, leur rage monta à ce point que,
méprisant l'autorité de l'illustre clergé de Rome et des prélats
qui, par notre ordre, demeuraient intrépides à sa tête, ils ne les
laissèrent pas même continuer en paix l'œuvre sacrée du saint
ministère, et que, sans pitié pour de pauvres malades en proie aux
angoisses de la mort, ils éloignaient d'eux tous les secours de la
religion et les contraignaient de rendre le dernier soupir entre les
bras des prostituées.
Bien que depuis lors la ville de Rome et
les autres provinces du domaine pontifical aient été, grâce à la
miséricorde de Dieu, rendues, par les armes des nations catholiques,
à notre gouvernement temporel ; bien que les guerres et les
désordres qui en sont la suite aient également cessé dans les autres
contrées de l'Italie, ces ennemis infâmes de Dieu et des hommes
n'ont pas cessé et ne cessent pas leur travail de destruction ; ils
ne peuvent plus employer la force ouverte, mais ils ont recours à
d'autres moyens, les uns cachés sous des apparences frauduleuses,
les autres visibles à tous les yeux. Au milieu de si grandes
difficultés, portant la charge suprême de tout le troupeau du
Seigneur, et rempli de la plus vive affliction à la vue des périls
auxquels sont particulièrement exposées les Églises de l'Italie,
c'est pour notre infirmité, au sein des douleurs, une grande
consolation, Vénérables Frères, que le zèle pastoral dont, au plus
fort même de la tempête qui vient de passer, vous Nous avez donné
tant de preuves, et qui se manifeste chaque jour encore par des
témoignages de plus en plus éclatants. Cependant la gravité des
circonstances Nous presse d'exciter plus vivement encore, de notre
parole et de nos exhortations, selon le devoir de notre charge
apostolique, Votre Fraternité, appelée au partage de nos
sollicitudes, à combattre avec Nous et dans l'unité les combats du
Seigneur, à préparer et à prendre d'un seul cœur toutes les mesures
par lesquelles, avec la bénédiction de Dieu, sera réparé le mal déjà
fait en Italie à notre religion très sainte, et seront prévenus et
repoussés les périls dont un avenir prochain la menace.
Entre les fraudes sans nombre que les
susdits ennemis de l'Église ont coutume de mettre en œuvre pour
rendre odieuse aux Italiens la foi catholique, l'une des plus
perfides est cette opinion, qu'ils ne rougissent pas d'affirmer et
de répandre partout à grand bruit, que la religion catholique est un
obstacle à la gloire, à la grandeur, à la prospérité de la nation
italienne, et que, par conséquent, pour rendre à l'Italie la
splendeur des anciens temps, c'est-à-dire des temps païens, il faut
mettre à la place de la religion catholique, insinuer, propager,
constituer les enseignements des protestants, et leurs
conventicules. On ne sait ce qui en de telles affirmations est le
plus détestable, la perfidie de l'impiété furieuse ou l'impudence du
mensonge éhonté.
Le bien spirituel par lequel, soustraits
à la puissance des ténèbres, nous sommes transportés dans la lumière
de Dieu, par lequel la grâce nous justifiant, nous sommes faits les
héritiers du Christ dans l'espérance de la vie éternelle, ce bien
des âmes, émanant de la sainteté de la religion catholique, est
certes d'un tel prix qu'auprès de ce bien toute gloire et tout
bonheur de ce monde doivent être regardés comme un pur néant : " Que
sert à un homme de gagner l'univers entier, s'il vient à perdre son
âme ? et qu'est-ce que l'homme donnera en échange de son âme ? "
Mais bien loin que la profession de la vraie foi ait causé à la race
italienne, les dommages temporels dont on parle, c'est à la religion
catholique qu'elle doit de n'être pas tombée, à la chute de l'empire
romain, dans la même ruine que les peuples de l'Assyrie, de la
Chaldée, de la Médie, de la Perse, de la Macédoine. Aucun homme
instruit n'ignore en effet que non seulement la très sainte religion
du Christ a arraché l'Italie des ténèbres de tant et de si grandes
erreurs qui la couvraient tout entière, mais encore qu'au milieu des
ruines de l'antique empire et des invasions des Barbares ravageant
toute l'Europe, elle l'a élevée dans la gloire et la grandeur
au-dessus de toutes les nations du monde, de sorte que, par un
bienfait singulier de Dieu, possédant dans son sein la Chaire sacrée
de Pierre, l'Italie a eu par la religion divine un empire plus
solide et plus étendu que son antique domination terrestre.
Ce privilège singulier de posséder le
Siège Apostolique, et de voir par cela même la religion catholique
jeter dans les peuples de l'Italie de plus fortes racines, a été
pour elle la source d'autres bienfaits insignes et sans nombre ; car
la très sainte religion du Christ, maîtresse de la véritable
sagesse, protectrice vengeresse de l'humanité, mère féconde de
toutes les vertus, détourna l'âme des Italiens de cette soif funeste
de gloire qui avait entraîné leurs ancêtres à faire perpétuellement
la guerre, à tenir les peuples étrangers dans l'oppression, à
réduire, selon le droit de la guerre alors en vigueur, une immense
quantité d'hommes à la plus dure servitude ; et en même temps
illuminant les Italiens des clartés de la vérité catholique, elle
les porta par une impulsion puissante à la pratique de la justice,
de la miséricorde, aux œuvres les plus éclatantes de piété envers
Dieu et de bienfaisance envers les hommes. De là, dans les
principales villes de l'Italie, tant de saintes basiliques et autres
monuments des âges chrétiens, lesquels n'ont pas été l'œuvre
douloureuse d'une multitude réduite en esclavage, mais qui ont été
librement élevés par le zèle d'une charité vivifiante ; à quoi il
faut ajouter les pieuses institutions de tout genre consacrées, soit
aux exercices de la vie religieuse, soit à l'éducation de la
jeunesse, aux lettres, aux arts, à la sainte culture des sciences,
soit enfin au soulagement des malades et des indigents. Telle est
donc cette religion divine, qui embrasse sous tant de titres divers
le salut, la gloire et le bonheur de l'Italie, cette religion que
l'on voudrait faire rejeter par les peuples de l'Italie. Nous ne
pouvons retenir nos larmes, Vénérables Frères, en voyant qu'il se
trouve, à cette heure, quelques Italiens assez pervers, assez livrés
à de misérables illusions pour ne pas craindre d'applaudir aux
doctrines dépravées des impies, et de conspirer avec eux la perte de
l'Italie.
Mais vous n'ignorez pas, Vénérables
Frères, que les principaux auteurs de cette détestable machination
ont pour but de pousser les peuples, agités par tout vent de
perverses doctrines, au bouleversement de tout ordre dans les choses
humaines, et de les livrer aux criminels systèmes du nouveau
Socialisme et du Communisme. Or, ces hommes savent et
voient, par la longue expérience de beaucoup de siècles, qu'ils ne
doivent espérer aucun assentiment de l'Église catholique, qui, dans
la garde du dépôt de la Révélation divine, ne souffre jamais qu'il
soit rien retranché aux vérités proposées de la foi ni qu'il y soit
rien ajouté. Aussi ont-ils formé le dessein d'attirer les peuples
italiens aux opinions et aux conventicules des protestants, dans
lesquels, répètent-ils sans cesse afin de les séduire, on ne doit
voir autre chose qu'une forme différente de la même vraie religion
chrétienne, où l'on peut plaire à Dieu aussi bien que dans l'Église
catholique. En attendant, ils savent très bien que rien ne peut être
plus utile à leur cause impie que le premier principe des opinions
protestantes, le principe de la libre interprétation des saintes
Écritures par le jugement particulier de chacun. Ils ont la
confiance qu'il leur deviendra plus facile, après avoir abusé
d'abord de l'interprétation en mauvais sens des Lettres sacrées pour
répandre leurs erreurs, comme au nom de Dieu, de pousser ensuite les
hommes, enflés de l'orgueilleuse licence de juger des choses
divines, à révoquer eu doute même les principes communs du juste et
de l'injuste.
Puisse l'Italie,
Vénérables Frères, puisse l'Italie, où les autres nations ont
coutume de puiser les eaux pures de la saine doctrine, parce que le
Siège apostolique a été établi à Rome, ne pas devenir pour elles
désormais une pierre d'achoppement et de scandale ! puisse cette
portion chérie de la vigne du Seigneur ne pas être livrée en proie
aux bêtes ! puissent les peuples italiens, ayant bu la démence à la
coupe empoisonnée de Babylone, ne jamais prendre des armes
parricides contre l'Église Mère ! Quant à Nous et quant à vous, que
Dieu dans son jugement secret a réservés pour ces temps de si grand
danger, gardons-nous de craindre les ruses et les attaques de ces
hommes qui conspirent contre la foi de l'Italie, comme si nous
avions à les vaincre par nos propres forces, lorsque le Christ est
notre conseil et notre force, le
Christ, sans qui nous ne pouvons rien, mais par qui nous pouvons
tout (Ex. S. Leone Magno, Epist. ad Rusticum Narbonensem). Agissez
donc, Vénérables Frères, veillez avec plus d'attention encore sur le
troupeau qui vous est confié, et faites tous vos efforts pour le
défendre des embûches et des attaques des loups ravisseurs.
Communiquez-vous mutuellement vos desseins, continuez, comme vous
avez déjà commencé, d'avoir des réunions entre vous, afin qu'après
avoir découvert, par une commune investigation, l'origine de nos
maux, et, selon la diversité des lieux, les sources principales des
dangers, vous puissiez y trouver, sous l'autorité et la conduite du
Saint-Siège, les remèdes les plus prompts, et qu'ainsi, d'un accord
unanime avec Nous, vous appliquiez, avec l'aide de Dieu et avec
toute la vigueur du zèle pastoral, vos soins et vos travaux à rendre
vains tous les efforts, tous les artifices, toutes les embûches et
toutes les machinations des ennemis de l'Église.
Pour y parvenir, il faut
prendre une peine continuelle, de peur que le peuple, trop peu
instruit de la doctrine chrétienne et de la loi du Seigneur, hébété
par la longue licence des vices, ne distingue qu'à peine les
embûches qu'on lui tend et la méchanceté des erreurs qu'on lui
propose. Nous demandons avec instance de votre sollicitude
pastorale, Vénérables Frères, de ne jamais cesser d'appliquer tous
vos soins à ce que les fidèles qui vous sont confiés soient
instruits, suivant l'intelligence de chacun, des très saints dogmes
et des préceptes de notre religion, et qu'ils soient en même temps
avertis et excités par tous les moyens à y conformer leur vie et
leurs mœurs. Enflammez pour cette fin le zèle des ecclésiastiques,
surtout de ceux qui ont charge d'âmes, afin que, méditant
profondément sur le ministère qu'ils ont reçu dans le Seigneur et
ayant devant les yeux les prescriptions du Concile de Trente (Sess.
V, cap. 2 Sess. XXIV, cap. 4 et 7 de Ref.), ils se livrent avec la
plus grande activité, selon que l'exige la nécessité des temps, à
l'instruction du peuple, et s'appliquent à graver dans tous les
cœurs les paroles sacrées, les avis de salut, leur faisant connaître
dans des discours brefs et simples, les vices qu'ils doivent fuir
pour éviter la peine éternelle, les vertus qu'ils doivent rechercher
pour obtenir la gloire céleste.
Il faut veiller
spécialement à ce que les fidèles eux-mêmes aient profondément gravé
dans l'esprit le dogme de notre très sainte religion sur la
nécessité de la foi catholique pour obtenir le salut (Hoc dogma a
Christo acceptum, et inculcatum a Patribus atque a Conciliis,
habetur etiam in formulis Professionis Fidei, tum in ea scilicet quæ
apud Latinos, tum in ea quæ apud Græcos, tum in alia quæ apud
ceteros Orientales catholicos in usu est). Pour cette fin, il sera
souverainement utile que, dans les prières publiques, les fidèles,
unis au clergé, rendent de temps en temps de particulières actions
de grâces à Dieu pour l'inestimable bienfait de la religion
catholique, qu'ils tiennent tous de sa bonté infinie, et qu'ils
demandent humblement au Père des miséricordes, de daigner protéger
et conserver intacte dans nos contrées la profession de cette même
religion.
Cependant vous aurez
spécialement soin d'administrer à tous les fidèles, dans le temps
convenable, le sacrement de Confirmation, qui, par un souverain
bienfait de Dieu, donne la force d'une grâce particulière pour
confesser avec constance la foi catholique, même dans les plus
graves périls. Vous n'ignorez pas non plus qu'il est utile, pour la
même fin, que les fidèles, purifiés des souillures de leurs péchés
expiés par une sincère détestation et par le sacrement de Pénitence,
reçoivent fréquemment avec dévotion la très sainte Eucharistie, qui
est la nourriture spirituelle des âmes, l'antidote qui nous délivre
des fautes quotidiennes et nous préserve des péchés mortels, le
symbole de ce seul corps dont le Christ est la tête, et auquel il a
voulu que nous fussions attachés par le lien si fort de la foi, de
l'espérance et de la charité, afin que nous soyons tous ce seul
corps, et qu'il n'y ait pas de schismes parmi nous (Ex Trid. Sess.
XIII. Dec de SS.
Euchar.
Sacramento, cap. 2).
Nous ne doutons pas que les curés, leurs
vicaires et les autres prêtres qui dans certains jours, et surtout
au temps du jeûne, se livrent au ministère de la prédication, ne
s'empressent de vous prêter leur concours en toutes ces choses.
Cependant, il faut de temps en temps appuyer leurs soins par les
secours extraordinaires des exercices spirituels et des saintes
missions, qui, lorsqu'elles sont confiées à des hommes capables,
sont, avec la bénédiction de Dieu, très utiles pour réchauffer la
piété des bons, exciter à une salutaire pénitence les pécheurs et
les hommes dépravés par une longue habitude des vices, faire croître
le peuple fidèle dans la science de Dieu, lui faire produire toute
sorte de biens, et, le munissant des secours abondants de la grâce
céleste, lui inspirer une invincible horreur pour les doctrines
perverses des ennemis de l'Église.
Du reste, en toutes ces
choses, vos soins et ceux des prêtres vos coopérateurs tendront
particulièrement à faire concevoir aux fidèles la plus grande
horreur pour ces crimes qui se commettent au grand scandale du
prochain. Car vous savez combien, en divers lieux, a grandi le
nombre de ceux qui osent publiquement blasphémer les saints du ciel
et même le très saint nom de Dieu, ou qui sont connus comme vivant
dans le concubinage et y joignant parfois l'inceste, ou qui, les
jours fériés, se livrent à des œuvres serviles, leurs boutiques
ouvertes, ou qui, en présence de plusieurs, méprisent les préceptes
du jeûne et de l'abstinence, ou qui ne rougissent pas de commettre
de la même manière d'autres crimes divers. Qu'à la voix de votre
zèle le peuple fidèle se représente et considère sérieusement
l'énorme gravité des péchés de cette espèce, et les peines
très-sévères dont seront punis leurs auteurs, tant pour la
criminalité propre de chaque faute que pour le danger spirituel
qu'ils ont fait courir à leurs frères par la contagion de leur
mauvais exemple. Car il est écrit : Malheur au monde à cause de
ses scandales... Malheur à celui par qui le scandale arrive !
(Matthæi, XVIII, 7)
Parmi les divers genres
de pièges par lesquels les plus subtils ennemis de l'Église et de la
société humaine s'efforcent de prendre les peuples, un des
principaux est assurément celui qu'ils avaient préparé déjà depuis
longtemps dans leurs criminels desseins, et qu'ils ont trouvé dans
l'usage dépravé du nouvel art de la librairie. Ils s'y donnent tout
entiers, de sorte qu'ils ne passent pas un jour sans multiplier,
sans jeter dans les populations des libelles impies, des journaux,
des feuilles détachées, pleins de mensonges, de calomnies, de
séductions. Bien plus, usant du secours des Sociétés Bibliques, qui,
depuis longtemps déjà, ont été condamnées par le Saint-Siège (Extant
ea super re, præter alia præcedentia decreta, Encyclicæ litteræ
Gregorii XVI, datæ postridie Nonas maii MDCCCXLIV, quæ incipiunt :
Inter præcipuas machinationes, cujus sanctiones Nos quoque
inculcavimus in Encyc.
Ep. data 9
novemb. 1846.),
ils ne rougissent pas de répandre de saintes Bibles, traduites sans
qu'on ait pris soin de se conformer aux règles de l'Église (Vid.
Reg. 4 ex iis quæ a Patribus in Conc. Trid. delectis conscriptæ et a
Pio IV approbatæ fuerunt in Const.
Dominici
gregis,
24 mart. 1564, et additionem eidem factam a Congr.
Indicis, auctoritate
Ben. XIV, 17 jun. 1757 (quæ omnia præmitti solent Indici libr.
prohib.)), en langue vulgaire, profondément altérées et rendues en
un mauvais sens avec une audace inouïe, et, sous un faux prétexte de
religion, d'en recommander la lecture au peuple fidèle. Vous
comprenez parfaitement dans votre sagesse, Vénérables Frères, avec
quelle vigilance et quelle sollicitude vous devez travailler pour
que les fidèles fuient avec horreur cette lecture empoisonnée et se
souviennent, pour ce qui est nommément des divines Écritures,
qu'aucun homme, appuyé sur sa propre prudence, ne peut s'arroger le
droit et avoir la présomption de les interpréter autrement que ne
les a interprétées et que ne les interprète la sainte Église notre
Mère à qui seule Notre-Seigneur le Christ a confié le dépôt de la
Foi, le jugement sur le vrai sens et l'interprétation des Livres
divins (Vid. Tridentini sess. IV in Decret. de Editione et usu
sacrorum Librorum).
Il sera très utile, Vénérables Frères,
pour arrêter la contagion des mauvais livres, que des livres de même
grosseur, écrits par des hommes de science distinguée et saine, et
préalablement approuvés par vous, soient publiés pour l'édification
de la Foi et la salutaire éducation du peuple. Vous aurez soin que
ces mêmes livres, et d'autres livres de doctrine également pure,
composés par d'autres hommes, selon que le demanderont les lieux et
les personnes, soient répandus parmi les fidèles.
Tous ceux qui coopèrent
avec vous dans la défense de la Foi auront spécialement en vue de
faire pénétrer, d'affermir, de graver profondément dans l'esprit de
vos fidèles la piété, la vénération et le respect envers ce Siège
suprême de Pierre, sentiments par lesquels vous vous distinguez
éminemment, Vénérables Frères. Que les peuples fidèles se
souviennent qu'ici vit et préside, en la personne de ses
successeurs, Pierre, le Prince des apôtres (Ex actis Ephesini
Concilii, Act. III, et S. Petri Chrysologi Epist. ad Eutychen.),
dont la dignité n'est pas séparée de son héritier indigne (Leo M.
Serm. in anniv. Assumpt. suæ). Qu'ils se souviennent que
Jésus-Christ Notre-Seigneur a placé sur cette Chaire de Pierre
l'inexpugnable fondement de son Église (Matth. XVI, 18), et qu'à
Pierre il a donné les clefs du royaume des Cieux (Ibid. v. 19), et
que pour cela il a prié, afin que la foi de Pierre ne faillît
jamais, et ordonné à Pierre de confirmer ses frères dans cette foi
(Lucæ, XXVII, 31, 32) ; de sorte que le successeur de Pierre, le
Pontife Romain, tenant la Primauté dans tout l'univers, est le vrai
Vicaire de Jésus-Christ, le Chef de toute l'Église, le Père et le
Docteur de tous les chrétiens (Ex Concilio œcumenico Florentino in
Def.
Seu Decr. Unionis).
C'est dans le maintien de cette union
commune des peuples, dans l'obéissance au Pontife Romain, que se
trouve le moyen le plus court et le plus direct pour les conserver
dans la profession de la vérité catholique. En effet, on ne peut se
révolter contre la foi catholique sans rejeter en même temps
l'autorité de l'Église romaine, en qui réside le magistère
irréformable de la Foi, fondé par le divin Rédempteur, et en qui
conséquemment a toujours été conservée la tradition qui vient des
Apôtres. De là vient que les hérétiques anciens et les protestants
modernes, si divisés dans le reste de leurs opinions, se sont
toujours entendus pour attaquer l'autorité du Siège Apostolique,
qu'ils n'ont pu, en aucun temps, par aucun artifice, par aucune
machination, amener à tolérer même une seule de leurs erreurs.
Aussi, les ennemis actuels de Dieu et de la société humaine
n'omettent rien pour arracher les peuples italiens à notre
obéissance et à l'obéissance du Saint-Siège persuadés qu'alors il
leur sera possible de parvenir à souiller l'Italie de l'impiété de
leur doctrine et de la peste de leurs nouveaux systèmes.
Quant à cette doctrine de dépravation et
à ces systèmes, tout le monde sait déjà qu'ils ont pour but
principal de répandre dans le peuple, en abusant des mots de liberté
et d'égalité, les pernicieuses inventions du Communisme et du
Socialisme. Il est constant que les chefs soit du
Communisme, soit du Socialisme, bien qu'agissant par des
méthodes et des moyens différents, ont pour but commun de tenir en
agitation continuelle et d'habituer peu à peu à des actes plus
criminels encore les ouvriers et les hommes de condition inférieure,
trompés par leur langage artificieux et séduits par la promesse d'un
éclat de vie plus heureuse. Ils comptent se servir ensuite de leur
secours pour attaquer le pouvoir de toute autorité supérieure, pour
piller, dilapider, envahir les propriétés de l'Église d'abord, et
ensuite celles de tous les autres particuliers ; pour violer enfin
tous les droits divins et humains, amener la destruction du culte de
Dieu et le bouleversement de tout ordre dans les sociétés civiles.
Dans un si grand danger pour l'Italie, il est de votre devoir,
Vénérables Frères, de déployer toutes les forces du zèle pastoral
pour faire comprendre au peuple fidèle que, s'il se laisse entraîner
à ces opinions et à ces systèmes pervers, ils le conduiront à son
malheur temporel et à sa perte éternelle.
Que les fidèles confiés
à vos soins soient donc avertis qu'il est essentiel à la nature même
de la société humaine que tous obéissent à l'autorité légitimement
constituée dans cette société ; et que rien ne peut être changé dans
les préceptes du Seigneur, qui sont énoncés dans les Lettres sacrées
sur ce sujet. Car il est écrit : " Soyez soumis pour l'amour de Dieu
à toutes sortes de personnes, soit au roi comme au souverain, soit
aux gouverneurs comme à des hommes envoyés par lui pour punir les
méchants et récompenser les bons : car la volonté de Dieu est que
par votre bonne vie vous fermiez la bouche aux hommes ignorants et
insensés ; libres, non pour vous servir de votre liberté comme d'un
voile de malice, mais pour agir en serviteurs de Dieu. "
(S. Petri, Epist. I, c. II, 13, seq.)
Et encore : " Que toute
âme soit soumise aux puissances supérieures, car il n'y a point de
puissance qui ne soit de Dieu, et toutes les puissances qui sont de
Dieu sont dans l'ordre. Celui donc qui résiste aux puissances
résiste à l'ordre de Dieu, et ceux qui résistent attirent sur eux la
condamnation. "
(S. Pauli Epist. ad Romanos, XIII, I, seq.)
Qu'ils sachent encore
que dans la condition des choses humaines il est naturel et
invariable que, même entre ceux qui ne sont point dans une autorité
plus élevée, les uns l'emportent sur les autres, soit par diverses
qualités de l'esprit ou du corps, soit par les richesses ou d'autres
biens extérieurs de cette sorte : et que jamais, sous aucun prétexte
de liberté et d'égalité, il ne peut être licite d'envahir les biens
ou les droits d'autrui, ou de les violer d'une façon quelconque. A
ce sujet, les commandements divins, qui sont gravés çà et là dans
les Livres saints, sont fort clairs et nous défendent formellement
non seulement de nous emparer du bien d'autrui, mais même de le
désirer. (Exodii, XX, 15, 17. - Deuteronomii V, 19, 21.)
Que les pauvres, que les
malheureux se rappellent surtout combien ils doivent à la religion
catholique, qui garde vivante et intacte et qui prêche hautement la
doctrine de Jésus-Christ, lequel a déclaré qu'il regarderait comme
fait à sa personne le bien fait aux pauvres et aux malheureux.
(Matthæi, XVIII, 15 ; XXV, 40, 45) Et il a annoncé d'avance à tous
le compte particulier qu'il demandera, au jour du jugement, sur les
œuvres de miséricorde, soit pour récompenser de la vie éternelle les
fidèles qui auront accompli ces œuvres, soit pour punir de la peine
du feu éternel ceux qui les auront négligées. (Matthæi XXV, 34,
seq.)
De cet avertissement du
Christ Notre-Seigneur et des avis très sévères qu'il a donnés
touchant l'usage des richesses et leurs dangers (Matthæi XIX 23,
seq. - Lucæ VI, 4 ; XVIII, 22, seq. - Epist. Jacobi V, 1, seq.),
avis conservés inviolablement dans l'Église catholique, il est
résulté que la condition des pauvres et des malheureux est de
beaucoup plus douce chez les nations catholiques que chez toutes les
autres. Et les pauvres obtiendraient dans nos contrées des secours
encore plus abondants si, au milieu des récentes commotions des
affaires publiques, de nombreux établissements fondés par la piété
de nos ancêtres pour les soulager n'avaient été détruits ou pillés.
Au reste, que nos pauvres se souviennent, d'après l'enseignement de
Jésus-Christ lui-même, qu'ils ne doivent point s'attrister de leur
condition ; puisqu'en effet, dans la pauvreté, le chemin du salut
leur est préparé plus facile, pourvu toutefois qu'ils supportent
patiemment leur indigence, et qu'ils soient pauvres non seulement
matériellement, mais encore en esprit. Car il dit : " Bienheureux
les pauvres d'esprit, car le royaume des cieux est à eux. "
(Matthæi, V, 3)
Que le peuple fidèle
tout entier sache que les anciens rois des nations païennes et les
chefs de leurs républiques ont abusé de leur pouvoir beaucoup plus
gravement et beaucoup plus souvent, et que par là il reconnaisse
qu'il est redevable aux bienfaits de notre très sainte religion si
les princes des temps chrétiens, redoutant, à la voix de cette
religion, le " jugement très sévère qui sera rendu sur ceux qui
commandent, " et le supplice éternel destiné aux pécheurs, supplice
dans lequel " les puissants seront puissamment torturés, "
(Sapientiæ, VI, 6, 7) ont usé à l'égard des peuples, leurs sujets,
d'un commandement plus clément et plus juste.
Enfin, que les fidèles
confiés à vos soins et aux nôtres reconnaissent que la vraie et
parfaite liberté et égalité des hommes ont été mises sous la garde
de la loi chrétienne, puisque le Dieu tout-puissant, qui a fait le
" petit et le grand, " et qui " a un soin égal de tous, "
(Sapientiæ, VI, 8) ne soustraira au jugement la personne de qui que
ce soit (Ibidem.), et n'aura égard à aucune grandeur : il a fixé le
jour où " il jugera l'univers dans sa justice " (Actorum, XVII, 31)
en Jésus-Christ, son Fils unique, " qui doit venir dans la gloire de
son Père avec ses anges, et qui rendra alors à chacun selon ses
œuvres. " (Matthæi, XVI, 27)
Si les fidèles, méprisant les avis
paternels de leurs pasteurs et les préceptes de la loi chrétienne
que Nous venons de rappeler, se laissent tromper par les promoteurs
des machinations du jour, s'ils consentent à conspirer avec eux dans
les systèmes pervers du " Socialisme " et du " Communisme, " qu'ils
sachent, et qu'ils considèrent sérieusement qu'ils amassent pour
eux-mêmes auprès du divin Juge des trésors de vengeance au jour de
la colère, et qu'en attendant il ne sortira de cette conspiration
aucun avantage temporel pour le peuple, mais bien plutôt un
accroissement de misères et de calamités. Car il n'est pas donné aux
hommes d'établir de nouvelles sociétés et des communautés opposées à
la condition naturelle des choses humaines ; et c'est pourquoi le
résultat de pareilles conspirations, si elles s'étendaient en
Italie, serait celui-ci : l'état actuel des choses publiques serait
ébranlé et renversé de fond en comble par les luttes de citoyens
contre citoyens, par des usurpations, par des meurtres ; puis
quelques hommes, enrichis des dépouilles du grand nombre,
saisiraient le souverain pouvoir au milieu de la ruine commune.
Pour détourner le peuple
fidèle des embûches des impies, pour le maintenir dans la profession
de la religion catholique et l'exciter aux œuvres de la vraie vertu,
l'exemple et la vie de ceux qui se sont voués au sacré ministère a,
vous le savez, une grande puissance. Mais, oh douleur ! il s'est
trouvé en Italie des ecclésiastiques, en petit nombre il est vrai,
qui ont passé dans les rangs des ennemis de l'Église et ne les ont
pas peu aidés à tromper les fidèles. Pour vous, Vénérables Frères,
la chute de ces hommes a été un nouvel aiguillon qui vous a excités
à veiller, avec un zèle de plus en plus actif, à maintenir la
discipline du clergé. Et ici, voulant, selon notre devoir, prendre
des mesures préservatrices pour l'avenir, Nous ne pouvons Nous
empêcher de vous recommander de nouveau un point sur lequel Nous
avons déjà insisté dans Notre première Lettre Encyclique aux Évêques
de tout l'univers (Novembris 1846), et Nous vous rappelons de
n'imposer jamais légèrement les mains à personne (1 ad Timoth., V,
22.) et d'apporter le soin le plus attentif dans le choix de la
milice ecclésiastique. Il faut une longue recherche, une minutieuse
investigation au sujet surtout de ceux qui désirent entrer dans les
ordres sacrés ; il faut vous assurer qu'ils se recommandent par la
science, par la gravité des mœurs et par le zèle du culte divin, de
façon à étonner l'espoir certain que, semblables à des lampes
ardentes dans la Maison du Seigneur, ils pourront par leur conduite
et par leurs œuvres procurer à votre troupeau l'édification et
l'utilité spirituelles.
L'Église de Dieu retire des monastères,
lorsqu'ils sont bien conduits, une immense utilité et une grande
gloire, et le clergé régulier vous porte à vous-mêmes, dans votre
travail pour le salut des âmes, un secours précieux ; c'est pourquoi
Nous vous demandons, Vénérables Frères, d'abord d'assurer, de Notre
part, aux familles religieuses de chacun de vos diocèses, qu'au
milieu de tant de douleurs Nous avons particulièrement ressenti les
maux que plusieurs d'entre elles ont eu à souffrir dans ces derniers
temps, et que la courageuse patience, la constance dans l'amour de
la vertu et de leur Religion dont un grand nombre de religieux ont
donné l'exemple, a été pour Nous une source de consolations d'autant
plus vives qu'on en a vu d'autres, oubliant la sainteté de leur
profession, au grand scandale des gens de bien, et remplissant
d'amertume Notre cœur et le cœur de leurs frères, prévariquer
honteusement. En second lieu, vous aurez soin d'exhorter en Notre
nom les chefs de ces familles religieuses et, quand cela sera
nécessaire, les supérieurs qui en sont les modérateurs, à ne rien
négliger des devoirs de leur charge pour rendre la discipline
régulière, là où elle s'est maintenue, de plus en plus vigoureuse et
florissante, et pour la rétablir dans toute son intégrité et toute
sa force là où elle aurait reçu quelque atteinte. Ces supérieurs
rappelleront sans cesse, et par les avertissements, et par les
représentations, et par les reproches aux religieux de leurs maisons
qu'ils doivent sérieusement considérer par quels vœux ils se sont
liés envers Dieu, s'appliquer à tenir ce qu'ils lui ont promis,
garder inviolablement les règles de leur institut, et, portant dans
leur corps la mortification de Jésus, s'abstenir de tout ce qui est
incompatible avec leur vocation, se donner tout entiers aux œuvres
qui entretiennent la charité envers Dieu et le prochain, et l'amour
de la vertu parfaite. Que sur toutes choses les modérateurs de ces
Ordres veillent à ce que l'entrée n'en soit ouverte à aucune
personne qu'après un examen approfondi et scrupuleux de sa vie, de
ses mœurs et de son caractère, et que personne n'y puisse être admis
à la profession religieuse qu'après avoir donné, dans un noviciat
fait selon les règles, des preuves d'une véritable vocation, de
telle sorte qu'on puisse à bon droit présumer que le novice
n'embrasse la vie religieuse que pour vivre uniquement en Dieu et
travailler, selon la règle de son institut, à son salut et au salut
du prochain. Sur ce point, Nous voulons et entendons que l'on
observe tout ce qui a été statué et prescrit, pour le bien des
familles religieuses, dans les décrets publiés le 25 janvier de
l'année dernière par Notre congrégation sur l'état de réguliers,
décrets revêtus de la sanction de Notre autorité apostolique.
Après vous avoir ainsi parlé du Clergé
régulier, Nous tenons à recommander à votre fraternité l'instruction
et l'éducation des clercs mineurs ; car l'Église ne peut guère
espérer trouver de dignes ministres que parmi ceux qui, dès leur
jeunesse et leur premier âge, ont été, suivant les règles
prescrites, formés à ce ministère sacré. Continuez donc, Vénérables
Frères, à user de toutes vos ressources, à faire tous vos efforts
pour que les recrues de la milice sacrée soient autant que possible
reçues dans les séminaires ecclésiastiques dès leurs plus jeunes
ans, et pour que, rangées autour du Tabernacle du Seigneur, elles
grandissent et croissent comme une plantation nouvelle dans
l'innocence de la vie, la religion, la modestie, l'esprit
ecclésiastique, apprenant en même temps, de maîtres choisis, dont la
doctrine soit pleinement exempte de tout péril d'erreur, les
lettres, les sciences élémentaires et les hautes sciences, mais
surtout les lettres et les sciences sacrées.
Mais comme vous ne pourrez que
difficilement compléter l'instruction de tous les clercs mineurs
dans les séminaires ; comme d'ailleurs les jeunes gens de l'ordre
laïque doivent assurément être aussi l'objet de votre sollicitude
pastorale, veillez également, Vénérables Frères, sur toutes les
autres écoles publiques et privées, et, autant qu'il est en vous,
mettez vos soins, employez votre influence, faites vos efforts pour
que dans ces écoles les études soient en tout conformes à la règle
de la doctrine catholique, et pour que la jeunesse qui s'y trouve
réunie, instruite dans les lettres, les arts et les sciences, n'ait
que des maîtres irréprochables sous le rapport de la religion et des
mœurs, qui, lui enseignant aussi la véritable vertu, la mettent en
mesure de reconnaître les pièges tendus par les impies, d'éviter
leurs funestes erreurs, et de servir utilement et avec éclat la
société chrétienne et la société civile.
C'est pourquoi vous
revendiquerez la principale autorité, une autorité pleinement libre
sur les professeurs des disciplines sacrées, et sur toutes les
choses qui sont de la Religion ou qui y touchent de près. Veillez à
ce qu'en rien ni pour rien, mais surtout en ce qui touche les choses
de la Religion, on n'emploie dans les écoles que des livres exempts
de tout soupçon d'erreur. Avertissez ceux qui ont charge d'âmes,
d'être vos coopérateurs vigilants en tout ce qui concerne les écoles
des enfants et du premier âge. Que les écoles ne soient confiées
qu'à des maîtres et à des maîtresses d'une honnêteté éprouvée, et
que pour enseigner les éléments de la foi chrétienne aux petits
garçons et aux petites filles on ne se serve que de livres approuvés
par le Saint-Siège. Sur ce point Nous ne pouvons douter que les
Curés ne soient les premiers à donner l'exemple, et que, pressés par
vos incessantes exhortations, ils ne s'appliquent chaque jour
davantage à instruire les enfants des éléments de la doctrine
chrétienne, se souvenant que c'est là un des devoirs les plus graves
de la charge qui leur est confiée (Tridentinum, Sess.
XXIV, c. 4. -
Bened. XIV,
Const. Etsi minime, 7 febr. 1742.). Vous devrez de même leur
rappeler que dans leurs instructions soit aux enfants, soit au
peuple, ils ne doivent jamais perdre de vue le Catéchisme romain
publié, conformément au décret du Concile de Trente, par l'ordre de
saint Pie V, notre prédécesseur d'immortelle mémoire, et recommandé
à tous les pasteurs des âmes par d'autres Souverains Pontifes,
notamment par Clément XIII, comme " un secours on ne peut plus
propre à repousser les fraudes des opinions perverses, à propager et
à établir d'une manière solide la véritable et saine doctrine. " (In
Encyclica Litteris ea de re ad omnes Episcopos datis 14 junii 1761.)
Vous ne vous étonnerez pas, Vénérables
frères, si nous vous parlons un peu longuement sur ce sujet. Votre
prudence, assurément, a reconnu qu'en ces temps périlleux nous
devons, vous et Nous, faire les plus grands efforts, employer tous
les moyens, lutter avec une constance inébranlable, déployer une
vigilance continuelle pour tout ce qui touche aux écoles à
l'instruction et à l'éducation des enfants et des jeunes gens de
l'un et de l'autre sexe. Vous savez que, de nos jours, les ennemis
de la Religion et de la société humaine, poussés par un esprit
vraiment diabolique, s'attachent à pervertir par tous les moyens le
cœur et l'intelligence des jeunes gens dès le premier âge. C'est
pourquoi il n'y a pas de moyen qu'ils ne mettent en œuvre, il n'y a
pas d'entreprise audacieuse qu'ils ne tentent pour soustraire
entièrement à l'autorité de l'Église et à la vigilance des sacrés
Pasteurs les écoles et tout établissement destiné à l'éducation de
la jeunesse.
Nous avons donc la ferme espérance que
nos très chers Fils en Jésus-Christ, tous les Princes de l'Italie,
aideront votre fraternité de leur puissant patronage, afin que vous
puissiez remplir avec plus de fruit les devoirs de votre charge que
nous venons de rappeler. Nous ne doutons pas non plus qu'ils n'aient
la volonté de protéger l'Église et tous ses droits, soit spirituels,
soit temporels. Rien n'est plus conforme à la religion et à la piété
qu'ils ont héritée de leurs ancêtres, et dont ils se montrent
animés. Il ne peut pas échapper à leur sagesse que la cause première
de tous les maux dont nous sommes accablés n'est autre que le mal
fait à la Religion et à l'Église catholique dans les temps
antérieurs, mais surtout à l'époque où parurent les Protestants. Ils
voient, par exemple, que le mépris croissant de l'autorité des
sacrés Pontifes, que les violations chaque jour plus multipliées et
impunies des préceptes divins et ecclésiastiques, ont diminué dans
une proportion analogue le respect du peuple pour la puissance
civile, et ouvert aux ennemis actuels de la tranquillité publique
une voie plus large aux révoltes et aux séditions. Ils voient de
même que le spectacle souvent renouvelé des biens temporels de
l'Église envahis, partagés, vendus publiquement, quoiqu'ils lui
appartinssent en vertu d'un droit légitime de propriété, et que
l'affaiblissement, au sein des peuples, du sentiment de respect pour
les propriétés consacrées par une destination religieuse, ont eu
pour effet de rendre un grand nombre d'hommes plus accessibles aux
assertions audacieuses du nouveau Socialisme et du
Communisme enseignant que l'on peut de même s'emparer des autres
propriétés et les partager ou les transformer de toute autre manière
pour l'usage de tous. Ils voient de plus retomber peu à peu sur la
puissance civile toutes les entraves multipliées jadis, avec tant de
persévérance, pour empêcher les Pasteurs de l'Église d'user
librement de leur autorité sacrée. Ils voient enfin qu'au milieu des
calamités qui nous pressent, il est impossible de trouver un remède
d'un effet plus prompt et d'une plus grande efficacité que de faire
refleurir la Religion dans toute l'Italie, et de rendre toute sa
splendeur à l'Église Catholique qui possède, on n'en saurait douter,
les moyens les plus propres à secourir les indigences diverses de
l'homme dans toutes les conditions.
Et, en effet, pour
employer ici les paroles de saint Augustin : " L'Église catholique
embrasse non seulement Dieu lui-même, mais encore l'amour et la
charité pour le prochain, de telle sorte qu'elle a des remèdes pour
toutes les maladies qu'éprouvent les âmes à cause de leurs péchés.
Elle exerce et enseigne les enfants d'une manière appropriée à leur
âge, les jeunes gens avec force, les vieillards avec tranquillité,
chacun, en un mot, selon que l'exige l'âge, non pas seulement de son
corps, mais encore le développement de son âme. Elle soumet la femme
à son mari par une chaste et fidèle obéissance, non pour assouvir le
libertinage, mais pour propager la race humaine et conserver la
société domestique. Elle met ainsi le mari au-dessus de la femme,
non pour qu'il se joue de ce sexe plus faible, mais afin qu'ils
obéissent tous deux aux lois d'un sincère amour. Elle assujettit les
fils à leurs parents dans une sorte de servitude libre, et
l'autorité qu'elle donne aux parents sur leurs enfants est une sorte
de domination compatissante. Elle unit les frères aux frères par un
lien de religion plus fort, plus étroit que le lien du sang, elle
resserre tous les liens de parenté et d'alliance par une charité
mutuelle qui respecte les nœuds de la nature et ceux qu'ont formés
les volontés diverses. Elle apprend aux serviteurs à s'attacher à
leurs maîtres, non pas tant à cause des nécessités de leur condition
que par l'attrait du devoir ; elle rend les maîtres doux envers
leurs serviteurs par la pensée du Maître commun, le Dieu suprême, et
leur fait préférer les voies de la persuasion aux voies de la
contrainte. Elle lie les citoyens aux citoyens, les nations aux
nations, et tous les hommes entre eux, non seulement par le lien
social, mais encore par une sorte de fraternité, fruit du souvenir
de nos premiers parents. Elle enseigne aux rois à avoir toujours en
vue le bien de leurs peuples ; elle avertit les peuples de se
soumettre aux rois. Elle apprend à tous, avec une sollicitude que
rien ne lasse, à qui est dû l'honneur, à qui l'affection, à qui le
respect, à qui la crainte, à qui la consolation, à qui
l'avertissement, à qui l'exhortation, à qui la discipline, à qui la
réprimande, à qui le supplice, montrant comment toutes choses ne
sont pas dues à tous, mais qu'à tous est due la charité et à
personne l'injustice. "
(S. Augustinus de Moribus Cathol. Ecclesiæ, lib.
I.)
C'est donc Notre devoir et le vôtre,
Vénérables Frères, de ne reculer devant aucun labeur, d'affronter
toutes les difficultés, d'employer toute la force de notre zèle
pastoral pour protéger chez les peuples italiens le culte de la
Religion catholique, non seulement en nous opposant énergiquement
aux efforts des impies qui trament le complot d'arracher l'Italie
elle-même du sein de l'Église, mais encore en travaillant
puissamment à ramener dans la voie du salut ces fils dégénérés de
l'Italie qui déjà ont eu la faiblesse de se laisser séduire.
Mais tout bien excellent et tout don
parfait vient d'en haut : approchons donc avec confiance du trône de
la grâce, Vénérables Frères ; ne cessons pas de prier avec
supplication, de conjurer par des prières publiques et particulières
le Père céleste des lumières et des miséricordes, afin que, par les
mérites de son Fils unique Notre-Seigneur Jésus-Christ, détournant
sa face de nos péchés, il éclaire, dans sa clémence, tous les
esprits et tous les cœurs par la vertu de sa grâce ; que domptant
les volontés rebelles il glorifie la sainte Église par de nouvelles
victoires et de nouveaux triomphes, et que, dans toute l'Italie et
par toute la terre, le peuple qui le sert croisse en nombre et en
mérite. Invoquons aussi la très sainte Mère de Dieu, Marie la Vierge
Immaculée, qui, par son tout-puissant patronage auprès de Dieu,
obtenant tout ce qu'elle demande, ne peut pas demander en vain.
Invoquons avec elle Pierre, le prince des Apôtres, Paul son frère
dans l'apostolat, et tous les Saints du ciel, afin que le Dieu très
clément, apaisé par leurs prières, détourne des peuples fidèles les
fléaux de sa colère, et accorde dans sa bonté, à tous ceux qui
portent le nom de Chrétiens, de pouvoir par sa grâce et rejeter tout
ce qui est contraire à la sainteté de ce nom et pratiquer tout ce
qui lui est conforme.
Enfin, Vénérables Frères, recevez, en
témoignage de Notre vive affection pour vous, la Bénédiction
apostolique que, du fond de Notre cœur, Nous vous donnons avec
amour, et à vous, et au Clergé, et aux fidèles laïques confiés à
votre vigilance.
Donné à Portici, près Naples, le 8
Décembre de l'an de grâce MDCCCXLIX, de notre Pontificat le IVe.
PIE IX, PAPE. |