Philéas
naquit à Thmuis en Egypte,
d'une famille qui alliait la noblesse à de grands biens. Il
reçut une excellente éducation, et se rendit ensuite fort
recommandable par son savoir et par son éloquence. S'étant
converti a la religion chrétienne, il fut élu évêque de Thmuis
même. On l'arrêta pour le conduire dans les prisons
d'Alexandrie, sous les successeurs de l'Empereur Dioclétien. Ce
bon pasteur, tout occupé du soin de son troupeau, lui adressa de
sa prison une lettre pour le consoler et l'exhorter à la
persévérance.
Il y décrivait les tourments qu'on avait fait souffrir aux
confesseurs qui étaient avec lui. « Chacun, disait-il, pouvait
les insulter et les maltraiter impunément. C'était à qui les
frapperait avec des verges, des cordes, des courrois, ou même
avec de gros bâtons noueux Tantôt on en voyait un lié à un
poteau, ayant aux pieds et aux mains des cordes, qui étant
tirées avec violence par le moyen de quatre roues qu'on tournait
avec rapidité, l'écartelaient misérablement; tantôt on déchirait
à un autre le ventre, les côtés , les bras, les jambes et les
joues, avec des peignes de fer.
On pendait celui-ci
par un bras on attachait ceux-là à un pilier, en sorte néanmoins
que leurs pieds ne touchaient point à terre, afin que les cordes
serrées par la pesanteur du corps entrassent bien avant dans la
chair. Ces tourments duraient quelquefois tout un jour. On en
mettait plusieurs dans des ceps, les ,pieds écartés jusqu'au
quatrième trou; mais la plupart étant ramenés en prison,
y demeuraient couchés sur le dos, parce qu'ils étaient
incapables de toute autre situation, à cause de la multitude de
leurs contusions et de leurs plaies. Il y en avait qui
expiraient entre les mains des bourreaux, etc. »
Le gouverneur
Culcien
,
dans un long interrogatoire qu'il fit subir à notre Saint, lui
demanda entre autres choses, si Jésus-Christ était Dieu. Philéas
répondit affirmativement, et prouva la divinité de Jésus-Christ
par les miracles qu'il avait opérés. Culcien lui ayant témoigné
beaucoup d'estime, tant pour son mérite que pour sa qualité,
ajouta : « Si vous étiez réduit à la dernière misère, et que,
pour en être délivré, vous me demandassiez à mourir, je ne
balancerais pas à vous l'accorder ; mais vous êtes riche, vous
avez des revenus suffisants pour votre subsistance, pour celle
de votre famille, vous pourriez même faire subsister presque
toute une province. J'ai donc pitié de vous, et je mets tout en
usage pour vous sauver. » Ceux qui étaient avec le gouverneur,
voulant absolument conserver la vie à Philéas, dirent : « Il a
déjà immolé dans le Phrontistère. »
Le Saint répondit : « Non, je n'ai point immolé ; mais dites
simplement que j'ai sacrifié, et vous direz vrai. » Il donnait à
entendre par-là, qu'il n'avait point immolé de victimes et
d'animaux, mais qu'il avait offert à Dieu un sacrifice plus
spirituel ; comme celui de la prière, ou même celui de
l'Eucharistie.
Ses proches étaient
présents, ainsi que plusieurs autres personnes de distinction.
Le gouverneur, espérant qu'il se laisserait attendrir par les
sentiments de la nature, lui dit : « Voyez le déplorable état où
votre femme se trouve réduite. » Le martyr répondit :
« Jésus-Christ, le sauveur des âmes, qui m'appelle à l'héritage
de sa gloire, y peut aussi appeler ma femme, s'il le veut. » Les
avocats, touchés de compassion, dirent à Culcien : « Philéas
demande un délai. Le gouverneur dit, en s'adressant au Saint :
Je vous l'accorde, afin que vous pensiez un peu à ce que vous
avez à faire. J'y ai pensé, répliqua Philéas, et je persiste
toujours dans la ferme résolution de mourir pour Jésus-Christ. »
Alors les juges, le lieutenant de l'Empereur, qui était le
premier magistrat de la ville, et tous les autres officiers de
la justice, s'étant joints aux proches de Philéas, se jetèrent
tous à ses pieds, et le conjurèrent d'avoir pitié d'une famille
désolée, et de ne pas abandonner ses enfants dans un âge où sa
vie leur était si nécessaire : mais le Saint, semblable à un
rocher que la fureur des vagues ne peut ébranler, éleva son cœur
à Dieu, et protesta qu'il ne reconnaissait pour ses parents que
les apôtres et les martyrs. Il se trouva parmi les assistants un
tribun qui était en même temps un trésorier général de
l'Empereur à Alexandrie ; il avait dans la ville un tribunal
particulier, où il jugeait les procès avec plusieurs personnes
de grande considération. On le nommait Philorome. Pénétré
d'admiration pour les réponses de Philéas, et indigné de
l'acharnement de ses ennemis à le perdre, il s'écria : « Pourquoi
vous opiniâtrer ainsi à vouloir vaincre la résistance de ce
brave homme ? Pourquoi chercher à le rendre infidèle à son Dieu
par une lâche complaisance ? Ne voyez-vous pas qu'il n'envisage
que la gloire du ciel, et qu'il n'a que du mépris pour toutes
les choses de la terre ? » Ces reproches irritèrent l'assemblée,
qui demanda la mort de Philéas et de Philorome. Ils furent donc
condamnés tous deux à perdre la tête.
Comme on les
conduisait au supplice, le frère de Philéas, qui était du nombre
des juges, dit : « Philéas désire qu'on lui accorde sa
grâce ». Culcien l'ayant fait rappeler lui demanda si cela était
vrai : « Moi, répondit le Saint, à Dieu ne plaise. Bien loin de
souhaiter la révocation de la sentence qui me condamne à mort,
je n'ai au contraire que des actions de grâces à rendre aux
Empereurs et à vous, puisque je vais
entrer aujourd'hui en possession d'un royaume que Jésus-Christ
veut bien partager avec moi. » A peine eut-il achevé ces
paroles, qu'on le reconduisit au lieu du supplice, où, après
avoir exhorté les fidèles à la persévérance, il fut décapité
avec Philorome. Son martyre arriva entre les années 306 et 312.
On trouve le nom de ces deux Saints dans les anciens
martyrologes.
SOURCE :
Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux
Saints… – Traduction : Jean-Fran-çois Godescard.
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