Pedro
était né à Tarragona, de la famille des comtes d’Urgel, et reçut
une
excellente éducation, mais n’en profita guère, car au moment de
choisir un état de vie, il quitta les siens, tomba dans toutes
sortes de
désordres
et d'excès. Il se fit chef d’une bande de brigands qui
parcouraient les montagnes, détroussaient les voyageurs et
parfois leur donnaient la mort. Au plus fort de ses égarements,
il se prit un jour à réfléchir, se rendit compte de sa chute
lamentable : touché de repentir, il alla se jeter aux pieds d’un
religieux de Notre-Dame de la Merci, lui confessa ses crimes et
lui exposa ses terreurs. Le religieux auquel il s’était adressé
était le vénérable Guillaume de Bas, successeur de saint Pierre
Nolasque1 et Français d’origine. Il reconnut la sincérité d’un
tel repentir et consentit à admettre ce jeune homme dans son
noviciat de Barcelone. Pierre n’avait que dix-neuf ans : après
une année de pénitence, on lui donna l’habit de l’ordre. Alors
il était devenu un homme nouveau que les austérités
n’effrayaient point ; il se couvrait de cilices, châtiait son
corps, s’imposait des jeûnes rigoureux.
Bientôt ses supérieurs consentirent à l’adjoindre aux religieux
qui allaient traiter de la rédemption des captifs. Pedro fit ses
premiers essais dans les royaumes de Grenade et de Murcie. Sa
charité, sa prudence et son zèle déterminèrent le général de
l’ordre à l’envoyer à Alger. Dans l’espace de deux mois, notre
ardent religieux racheta trois-cent quarante-six esclaves qu’il
fit partir aussitôt pour l’Espagne. A Bougie, il délivra
quelques-uns de ses frères retenus comme otages et brisa les
fers de cent dix-neuf chrétiens. Il se préparait à revenir en
Europe quand il apprit que dix-huit enfants chrétiens étaient
exposés chez leurs maîtres à perdre la foi et à tomber dans la
dépravation. Il alla aussitôt les trouver, les exhorta à
demeurer fermes ; puis rassuré sur leurs bonnes dispositions, il
traita de leur rançon pour trente mille ducats. Mais l’argent
lui manquait, il proposa alors de demeurer lui-même comme otage
pendant que le religieux son compagnon irait conduire ces
enfants et rapporterait la somme convenue. La proposition fut
agréée, les enfants rendus à la liberté purent être embarqués
pour l’Espagne avec les autres esclaves rachetés.
Durant
sa captivité volontaire à Bougie, Pedro trouva de fréquentes
occasions d’exercer sa charité : non seulement il exhorta les
esclaves chrétiens à demeurer fidèles à Dieu, mais il
instruisit, convertit et baptisa plusieurs Maures. Les
sectateurs de Mahomet s’émurent de cet apostolat ; ils firent
jeter Pedro dans une noire prison où il serait réduit à mourir
de faim. Les Turcs qui lui avaient vendu les dix-huit enfants
chrétiens, voyant que l’argent tardait à venir, s’impatientèrent
; ils l’accusèrent d’être un espion envoyé par les rois
chrétiens pour connaître l’état du pays, et ils le condamnèrent
à être pendu. Sans retard, ils exécutèrent cette injuste
sentence sur la demande des patrons dont Pierre était le
débiteur ; il devrait rester suspendu pour que son cadavre fût
la pâture des oiseaux de proie. Six jours s’écoulèrent après la
pendaison, Guillaume Florentin, compagnon de Pedro, arriva
d’Espagne à Bougie durant ce temps et on lui apprit la triste
nouvelle. Il arriva au lieu du supplice en versant des larmes,
mais sa surprise fut au comble quand il entendit Pedro suspendu
lui adresser ces paroles : “Frère, ne pleure pas, je vis soutenu
par la très sainte Vierge qui m’a assisté durant les jours
passés.” Joyeux d’entendre un pareil langage, Guillaume
s’empressa de détacher le corps,. Les habitants de la ville et
plusieurs matelots espagnols étaient là qui contemplaient ce
spectacle. Quand il apprit ce miracle, le divan défendit de
remettre l’argent aux barbares patrons ; il voulut qu’on
l’employât à racheter vingt-six autres esclaves, fit remettre
ceux-ci à Pedro et à son compagnon. Tous ensemble, religieux et
captifs rachetés partirent aussitôt pour l’Espagne.
A
partir de ce moment, Pedro conserva les traces visibles de son
supplice : il avait le cou de côté et le visage d’une extrême
pâleur ; Dieu le permettait ainsi pour attester la réalité du
miracle; Plein de reconnaissance envers la très sainte Vierge,
Pedro se retira dans un couvent solitaire dédié à Notre-Dame des
Prés ; il y passa dix ans dans les exercices continuels de la
prière et de la pénitence, il n’avait pour nourriture que du
pain et de l’eau. La réputation de sa sainteté et le bruit du
miracle accompli en sa personne attirèrent dans cette solitude
de nombreux visiteurs ; il les recevait avec bonté, soulageait
et guérissait ceux qui étaient malades. Rappelant son supplice,
il avait coutume de dire à ses frères : “Croyez-moi, les seuls
jours heureux que je pense avoir eus sont ceux que j’ai passés
suspendu au gibet, car alors je me croyais bien mort au monde.”
Il prédit son trépas plusieurs jours à l’avance ; une grave
maladie survint ; il rendit son âme à son Créateur en prononçant
cette parole du psalmiste : “Je plairai au Seigneur dans la
terre des vivants”.
C’était le
27 avril 1304,
jour où il est commémoré au Martyrologe Romain.
En
raison de son supplice, Pedro a été considéré comme martyr par
certains, mais ce titre n’a pas été repris dans le Martyrologe
Romain.
Le culte a été approuvé en
1686. |