CHAPITRE 22.

BENOÎT XIV APPROUVE POUR LA PREMIÈRE FOIS, PAR UN RESCRIT,
LA RÈGLE DE LA NOUVELLE CONGRÉGATION.

Le père Paul voyait son monastère achevé. Rien ne manquait à son contentement; aussi disait-il avec raison que ce lieu convenait à merveille pour vivre dans le recueillement, qu'il respirait la sainteté, ou pour mieux dire, qu'il y invitait. Les ombrages qu'on avait fait naître dans l'esprit du cardinal abbé, étaient entièrement dissipés. Paul voyait dans ce vénéré supérieur des dispositions bienveillantes. En effet, le cardinal voulut qu'on fît, à ses dépens, le magnifique tableau qui est au maître autel et qui rappelle la Présentation de la sainte Vierge au temple. De plus il se servait du père Paul et de ses compagnons, pour le ministère si difficile des missions. Les choses étant dans cet état, le vénérable fondateur s'appliqua de tout son cœur à former l'esprit de ses religieux. Ceux-ci, méditant jour et nuit la loi du Seigneur, donnaient de grandes espérances comme ces arbres qui sont plantés sur le bord des eaux. Paul envisageait son monastère comme une petite vigne, dont les rameaux, bénis du Seigneur ; produiraient un jour d'autres monastères semblables. Il attendait avec patience et confiance le temps marqué par la divine Providence, lorsqu'il apprit l'élévation au pontificat de Benoît XIV, ce grand pape, qui fut la gloire et la lumière de son siècle. A cette nouvelle consolante, le père Paul éprouva un sentiment extraordinaire. Sa plume si sincère et si véridique l'exprime dans une lettre à l'abbé Garagni. « Pour vous parler en confiance, je dois dire à votre seigneurie que lorsque j'appris l'heureuse nouvelle de l'exaltation de Lambertini au pontificat, bien que je ne l'aie pas connu comme cardinal, je me sentis ému d'une façon extraordinaire, comme je n'ai jamais été en pareille circonstance. J'ai senti naître en moi l'espérance la plus vive que c'était là le saint et zélé pontife qui devait rétablir la piété si déchue au sein du christianisme, et mon cœur s'épancha en louanges et en remerciements pour la grande miséricorde que Dieu faisait à son pauvre peuple ».

Le père Paul conçut en même temps une vive confiance que ce grand pontife lui accorderait le secours nécessaire pour établir et propager la petite congrégation. Il écrivit au cardinal Charles Rezzonico, toujours si obligeant pour lui, pour qu'il lui plût de parler du nouvel institut au Saint-Père. Le pieux cardinal en parla effectivement au pape; et voyant les excellentes dispositions de Sa Sainteté, il répondit au père Paul : « Hier, je fus aux pieds du pape, je présentai en raccourci à Sa Sainteté l'idée de votre institut, la fin très sainte pour laquelle il est fondé, le grand bien qui en résulte, l'extension qu'il aurait et qu'on doit désirer, si les constitutions étaient approuvées du Saint-Siège. Le Saint-Père entendit cet exposé avec une extrême satisfaction, l'honora de son assentiment, et me dit de vous inviter à envoyer quelqu'un des vôtres à Rome avec les constitutions que vous désirez qu'on approuve. Le pape espère qu'il pourra vous donner cette consolation.

En conséquence, le père Paul alla à Rome et soumit humblement les constitutions au Saint-Père, et Sa Sainteté daigna députer une congrégation spéciale, composée de leurs éminences les cardinaux Corradini et Rezzonico et du comte abbé Pierre Garagni, pour examiner les règles et donner leur avis. On en fit l'examen avec la maturité, l'application et la sagesse que réclamait l'importance de l'affaire. On marqua quelques légers adoucissements pour certains points, et le 30 avril 1741, on émit un vote favorable. Il fut porté avec les règles au Saint-Père qui approuva l'institut, par un rescrit du 15 mai 1741. Il le regarda comme très avantageux aux âmes et à la gloire du divin Rédempteur, parce qu'il faisait le vœu spécial de rappeler aux fidèles la mémoire de la passion et de la mort de Jésus-Christ. Il alla même jusqu'à dire que cette congrégation de la passion était venue au monde la dernières tandis qu'il semblait qu'elle dût être la première.

Voilà comment furent récompensées par le Seigneur les humiliations, les veilles, les austérités, les fatigues et les peines que le serviteur de Dieu avait souffertes dans ses voyages et plus particulièrement dans ceux qu'il fit à Rome pour obtenir l'approbation désirée, voyages dans lesquels lui et son frère Jean-Baptiste faillirent perdre la vie. En effet, comme ils y allaient un jour pendant un hiver fort rigoureux, mal garantis par leur pauvre vêtement contre les intempéries de l'air, ils furent saisis et tellement transis par le froid sans pouvoir se réchauffer, qu'ils coururent risque d'en mourir. Mais le Seigneur daigna dans sa bonté les délivrer de ce péril. C'était ce jour-là la fête de la conversion de saint Paul. Aussi le bienheureux voulut-il, qu'en mémoire de ce bienfait et de plusieurs autres obtenus par l'intercession du saint Apôtre, on célébrât chaque année cette fête avec une dévotion spéciale dans la congrégation.

   

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