INDULGENTIARUM DOCTRINA
Constitution
apostolique
PAUL, ÉVÊQUE,
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU,
POUR EN PERPÉTUER LE SOUVENIR
I
1. La doctrine et la pratique des indulgences,
telles qu’elles sont en vigueur dans l’Église catholique depuis de
nombreux siècles, trouvent leur solide fondement dans la Révélation
divine transmise par les apôtres, qui " se développe dans l’Église,
avec l’assistance de l’Esprit-Saint ", tandis que " l’Église, au
cours des siècles, est sans cesse tendue vers la plénitude de la
vérité divine, jusqu’à ce que soient accomplies en elle les paroles
de Dieu ".
Pour que l’on comprenne bien cette doctrine et
sa pratique salutaire, il Nous faut rappeler un certain nombre de
vérités que l’Église universelle, éclairée par la Parole de Dieu, a
toujours crues comme telles et que les évêques, successeurs des
apôtres, et en premier lieu les Pontifes romains, successeurs de
saint Pierre, ont enseignées au cours des siècles jusqu’à nos jours
tant par la pratique pastorale que par des documents doctrinaux.
2. Comme l’enseigne la Révélation divine, à la
suite du péché, des peines sont infligées par la sainteté et la
justice divines, soit en ce monde par des souffrances, des misères,
les épreuves de cette vie et particulièrement par la mort , soit
dans l’au-delà par le feu et les tourments, ou par les peines
purificatrices . Les fidèles ont donc toujours été persuadés que
l’on rencontre beaucoup d’amertume lorsque l’on s’engage dans la
mauvaise voie, et que celle-ci s’avère nocive, parsemée d’épines et
d’aspérités pour ceux qui la suivent .
Ces peines sont imposées par Dieu par un
jugement juste et miséricordieux, pour purifier les âmes, pour
protéger la sainteté de l’ordre moral et pour restituer à la gloire
de Dieu la plénitude de sa majesté. Tout péché trouble, en effet,
l’ordre universel que Dieu a établi dans sa sagesse indicible et son
amour infini, et il détruit des biens immenses, tant chez le pécheur
lui-même que dans la communauté des hommes. Aussi, de tout temps
dans l’esprit des chrétiens, le péché est-il apparu clairement non
seulement comme une transgression de la loi divine, mais de plus
comme un mépris et un dédain — même s’ils ne sont pas toujours
directs et manifestes — de l’amitié personnelle entre Dieu et
l’homme , comme une vraie offense à Dieu dont on ne saurait jamais
suffisamment mesurer la gravité, et même comme un ingrat rejet de
l’amour de Dieu qui nous est offert dans le Christ, lui qui a appelé
ses disciples amis et non serviteurs .
3. Pour la pleine rémission et réparation des
péchés, il est donc nécessaire non seulement que soit rétablie
l’amitié avec Dieu par une sincère conversion du cœur, et que soient
expiées les offenses faites à sa sagesse et à sa bonté, mais aussi
que tous les biens personnels, sociaux, ou qui appartiennent à
l’ordre universel lui-même, ainsi affaiblis ou détruits par le
péché, soient pleinement restaurés par une réparation volontaire qui
ne se fera pas sans peine, ou bien en supportant les peines établies
par la juste et très sainte sagesse de Dieu, grâce auxquelles se
manifestera dans le monde entier la sainteté et la splendeur de la
gloire de Dieu. En outre, c’est à l’existence et à la gravité des
peines que l’on reconnaît la folie et la malice du péché, ainsi que
ses funestes conséquences.
Que puissent demeurer et que de fait demeurent
souvent des peines à subir ou des restes des péchés à purifier, même
après que la faute ait déjà été remise , c’est ce que montre bien la
doctrine du purgatoire : c’est là en effet que les âmes des défunts
qui " sont morts vraiment repentis dans la charité de Dieu, avant
d’avoir satisfait par de dignes fruits de pénitence pour ce qu’ils
ont commis ou omis ", sont purifiées après la mort par des peines
purgatives. La même chose ressort suffisamment des prières
liturgiques dont la communauté chrétienne admise à la sainte
communion se sert depuis les temps les plus anciens pour implorer
que " nous qui souffrons à juste titre pour nos péchés, nous soyons
libérés avec miséricorde pour la gloire de ton nom ".
Or tous les hommes qui cheminent dans ce monde
commettent au moins ce qu’on appelle les péchés légers et quotidiens
: de sorte que tous ont besoin de la miséricorde de Dieu, pour être
libérés des conséquences pénales des péchés.
II
4. Dans le secret et la bonté du mystérieux
dessein de Dieu, les hommes sont unis entre eux par une solidarité
surnaturelle par laquelle le péché d’un seul nuit aussi aux autres,
de même que la sainteté d’un seul profite également aux autres .
C’est ainsi que les fidèles s’aident les uns les autres à parvenir à
leur fin surnaturelle. Nous trouvons un témoignage de cette
communion déjà chez Adam, dont le péché passe par " propagation " à
tous les hommes. Mais le principe le plus grand et le plus parfait
de ce lien surnaturel, le fondement et le modèle en est le Christ
lui-même, en la communion de qui Dieu nous a appelés .
5. En effet, le Christ " qui n’a pas commis de
péché ", " a souffert pour nous " , " a été transpercé à cause de
nos iniquités, broyé à cause de nos perversités... lui dont les
plaies nous ont guéris ".
En marchant sur les traces du Christ les
fidèles se sont toujours efforcés de s’aider les uns les autres sur
la voie qui mène au Père céleste, par la prière, par l’échange des
biens spirituels et par l’expiation pénitentielle ; plus ils étaient
animés par la ferveur de la charité, et plus ils suivaient le Christ
souffrant, en portant leur propre croix pour l’expiation de leurs
propres péchés et de ceux des autres, étant assurés qu’ils pouvaient
aider leurs frères auprès de Dieu, Père des miséricordes, à parvenir
au salut . Tel est le dogme très ancien de la communion des saints ,
en vertu duquel la vie de chacun des enfants de Dieu dans le Christ
et par le Christ se trouve unie par un lien merveilleux avec la vie
de tous ses autres frères chrétiens, dans l’unité surnaturelle du
Corps mystique du Christ, en quelque sorte, en une seule personne
mystique .
En cela apparaît le " trésor de l’Église ". En
effet, il n’est pas comme une somme de biens, à l’instar des
richesses matérielles accumulées au cours des siècles, mais il est
le prix infini et inépuisable qu’ont auprès de Dieu les expiations
et les mérites du Christ Notre-Seigneur, offerts pour que toute
l’humanité soit libérée du péché et parvienne à la communion avec le
Père ; c’est le Christ Rédempteur lui-même, en qui sont et vivent
les satisfactions et les mérites de sa rédemption . En outre font
aussi partie de ce trésor la valeur vraiment immense,
incommensurable et toujours nouvelle, qu’ont devant Dieu les prières
et les bonnes œuvres de la bienheureuse Vierge Marie et de tous les
saints qui se sont sanctifiés en marchant sur les traces du Christ
Seigneur par sa grâce, et ont mené à bien l’œuvre que le Père leur
avait confiée ; de sorte qu’en travaillant à leur propre salut, ils
ont coopéré également au salut de leurs frères dans l’unité du Corps
mystique.
" En effet, tous ceux qui sont du Christ et
possèdent son Esprit constituent une même Église et se tiennent
mutuellement comme un tout dans le Christ (cf. Ep 4, 16).
L’union de ceux qui sont encore en chemin avec leurs frères qui se
sont endormis dans la paix du Christ n’est nullement interrompue ;
bien au contraire, selon la foi constante de l’Église, elle est
renforcée par l’échange des biens spirituels. Parce qu’ils sont plus
intimement unis au Christ, ceux qui sont au ciel affermissent plus
solidement toute l’Église dans la sainteté... et contribuent de
multiples manières à donner plus d’ampleur à son édification (cf. 1
Co 12, 12-27). En effet, accueillis dans la patrie et
présents devant le Seigneur (cf. 2 Co 5, 8), ils ne cessent
par Lui, avec Lui et en Lui d’intercéder pour nous auprès du Père,
offrant les mérites qu’ils ont acquis par l’unique médiateur de Dieu
et des hommes, le Christ Jésus (cf. 1 Tm 2, 5), alors qu’ils
étaient sur terre, où ils ont servi le Seigneur en toutes choses et
achevé dans leur chair ce qui manque aux souffrances du Christ pour
son corps qui est l’Église (cf. Col 1, 24). Leur fraternelle
sollicitude apporte une aide considérable à notre faiblesse ".
Il existe donc certainement entre les fidèles —
ceux qui sont en possession de la patrie céleste, ceux qui ont été
admis à expier au purgatoire ou ceux qui sont encore en pèlerinage
sur la terre — un constant lien de charité et un abondant échange de
tous biens, grâce auxquels est apaisée la justice divine, tous les
péchés du corps mystique tout entier étant expiés : tandis que la
miséricorde de Dieu est inclinée au pardon, pour que les pécheurs
contrits soient introduits plus tôt dans la jouissance complète des
biens de la famille de Dieu.
III
6. Consciente de ces vérités depuis les
premiers temps, l’Église a trouvé et a suivi diverses voies pour que
les fruits de la rédemption du Seigneur soient appliqués à chaque
fidèle, et pour que les fidèles travaillent au salut de leurs frères
; et qu’ainsi 1e corps de l’Église tout entier soit rassemblé dans
la justice et la sainteté pour l’avènement parfait du royaume de
Dieu, lorsque Dieu sera tout en tous.
Les apôtres eux mêmes exhortaient leurs
disciples à prier pour le salut des pécheurs ; et cet usage a été
saintement maintenu par une très ancienne tradition de l’Église ,
particulièrement lorsque les pénitents faisaient appel à
l’intercession de toute la communauté , et que les défunts étaient
aidés par les suffrages, notamment par l’offrande du sacrifice
eucharistique . Les bonnes œuvres également, en premier lieu celles
qui sont difficiles pour la fragilité humaine, étaient dès les
premiers temps offertes à Dieu dans l’Église pour le salut des
pécheurs . Et comme les souffrances, endurées par les martyrs pour
la foi et la loi de Dieu, étaient considérées comme très précieuses,
les pénitents avaient coutume de leur demander de les aider par
leurs mérites à obtenir plus rapidement de l’évêque leur
réconciliation . Les prières et les bonnes œuvres des justes étaient
très estimées, au point que l’on affirmait que le pénitent était
lavé, purifié et racheté grâce à l’aide de tout le peuple chrétien .
Mais en tout cela on estimait que ce n’était
pas chacun des fidèles qui, seulement par ses propres forces,
contribuait à la rémission des péchés de ses frères ; on croyait que
c’était l’Église elle-même, comme un seul corps uni au Christ tête,
qui satisfaisait en chacun de ses membres .
Et l’Église des Pères était tout à fait
persuadée qu’elle accomplissait l’œuvre de salut en communion et
sous l’autorité des Pasteurs, que l’Esprit-Saint a constitués
évêques pour gouverner l’Église de Dieu . C’est pourquoi les
évêques, après avoir examiné prudemment toute chose, établissaient
le mode et la mesure de la satisfaction à fournir, permettaient même
que les pénitences canoniques soient rachetées par d’autres œuvres,
peut-être plus faciles, utiles au bien commun ou entretenant la
piété, à accomplir par les pénitents eux-mêmes, et parfois même par
les autres fidèles .
IV
7. La conviction existant dans l’Église que les
pasteurs du troupeau du Seigneur pouvaient libérer chaque fidèle de
ce qu’il restait de ses péchés, par l’application des mérites du
Christ et des saints, conduisit progressivement au cours des siècles
à la pratique des indulgences, sous le souffle de l’Esprit-Saint qui
anime constamment le peuple de Dieu. Par cette pratique, s’accomplit
un progrès — non pas un changement — dans la doctrine et la
discipline de l’Église , et de la racine de la révélation on a
retiré un nouveau bien dans l’intérêt des fidèles et de toute
l’Église.
La pratique des indulgences s’étendit
progressivement, et elle apparut dans l’histoire de l’Église comme
un fait important, lorsque les Papes décrétèrent que certaines
œuvres utiles au bien commun de l’Église " comptaient pour toute
pénitence " et accordèrent aux fidèles " vraiment pénitents et
s’étant confessés " qui accomplissaient ces œuvres, " en vertu de la
miséricorde du Dieu tout-puissant et ... confiants dans les mérites
et dans l’autorité de ses Apôtres " de par " la plénitude du pouvoir
Apostolique ", " non seulement une rémission pleine et plus étendue,
mais la rémission plénière... de tous leurs péchés ".
Car " le Fils unique de Dieu... a acquis pour
l’Église militante un trésor qu’il a confié au bienheureux Pierre,
détenteur des clés du ciel, et à ses successeurs, ses vicaires sur
la terre, afin qu’ils le dispensent pour le salut des fidèles, et,
pour des causes raisonnables et appropriées, ils l’appliquent avec
miséricorde à tous ceux qui se repentent et se confessent, remettant
parfois en totalité, parfois en partie, la peine temporelle due pour
les péchés, aussi bien de façon générale que spéciale (selon qu’ils
le jugent opportun dans le Seigneur). On sait que les mérites de la
sainte Mère de Dieu et de tous les élus... contribuent à accroître
ce trésor " .
8. Cette rémission de la peine temporelle due
pour les péchés dont la faute est déjà effacée a été proprement
appelée " indulgence " .
Cette indulgence a des points communs avec
d’autres moyens ou voies destinés à enlever les restes des péchés,
mais en même temps elle s’en distingue nettement.
Dans l’indulgence, en effet, usant de son
pouvoir de ministre de la rédemption du Christ Seigneur, l’Église
non seulement prie, mais avec autorité, elle étend au fidèle bien
disposé le trésor des satisfactions du Christ et des saints, pour la
rémission de la peine temporelle .
La fin que se propose l’autorité ecclésiastique
en accordant des indulgences, est non seulement d’aider les fidèles
à solder les peines de leur dette, mais aussi de les inciter à
accomplir des œuvres de piété, de pénitence et de charité,
particulièrement celles qui mènent à l’accroissement de la foi et au
bien commun .
Si les fidèles appliquent ensuite les
indulgences en suffrage pour les défunts, ils exercent la charité au
plus haut point et, tandis qu’ils pensent aux choses d’en haut, ils
ordonnent de façon plus juste celles de la terre.
Le magistère de l’Église a défendu et exposé
cette doctrine dans divers documents . Mais parfois des abus se sont
introduits dans la pratique des indulgences, soit parce que " par
des indulgences immodérées et superflues " on dépréciait les clefs
de l’Église et on affaiblissait la satisfaction pénitentielle , soit
parce que le nom des indulgences était blasphémé à cause de "
profits condamnables ". L’Église cependant, en amendant et en
corrigeant les abus, " enseigne et prescrit que la pratique des
indulgences, extrêmement salutaire pour le peuple chrétien et
confirmée par l’autorité des saints Conciles, doit être maintenue
dans l’Église. Et elle condamne par l’anathème ceux qui prétendent
qu’elles sont inutiles ou nient que l’Église ait le pouvoir de les
accorder ".
9. L’Église, aujourd’hui encore, invite tous
ses fils à bien peser et considérer la valeur de la pratique des
indulgences pour entretenir la vie de chacun, et bien plus, de toute
la société chrétienne.
Pour rappeler brièvement l’essentiel, cette
pratique salutaire nous enseigne d’abord " la douleur et l’amertume
d’avoir abandonné le Seigneur Dieu ". En effet, lorsqu’ils gagnent
des indulgences, les fidèles comprennent qu’ils ne pourraient pas
expier par leurs propres forces le mal qu’en péchant ils se sont
fait à eux-mêmes et à toute la communauté, et sont ainsi incités à
une salutaire humilité.
Ensuite, la pratique des indulgences enseigne
par quelle union intime nous sommes unis entre nous dans le Christ,
et combien la vie surnaturelle de chacun peut servir aux autres pour
qu’ils puissent eux aussi s’unir plus facilement et plus étroitement
avec le Père. C’est pourquoi la pratique des indulgences enflamme
efficacement la charité, et l’exerce de façon éminente quand on
vient en aide à nos frères qui dorment dans le Christ.
10. De même, le culte des indulgences redresse
la confiance et l’espoir d’une pleine réconciliation avec Dieu le
Père ; il le fait sans donner prétexte à aucune négligence, et il ne
dispense en rien de l’effort pour se mettre dans les dispositions
que requiert la pleine communion avec Dieu. Car, bien qu’elles
soient des dons gratuits, les indulgences ne sont accordées pour les
vivants et pour les morts qu’à certaines conditions. Pour les
obtenir, il faut d’une part que les bonnes œuvres prescrites aient
été accomplies, et d’autre part que le fidèle soit dans les
conditions voulues, c’est-à-dire : qu’il aime Dieu, qu’il déteste
les péchés, qu’il ait confiance dans les mérites du Christ et qu’il
croie fermement que la communion des saints lui est d’une grande
utilité.
Et il ne faut pas oublier qu’en gagnant les
indulgences, les fidèles se soumettent avec docilité aux pasteurs
légitimes de l’Église — en particulier au successeur du Bienheureux
Pierre, à qui ont été confiées les clefs du ciel — auxquels le
Seigneur a donné mandat de paître et de gouverner son Église.
C’est pourquoi l’institution salutaire des
indulgences concourt à sa manière à ce que soit présentée au Christ
une Église sans tache ni ride, mais sainte et immaculée ,
admirablement unie dans le Christ par le lien surnaturel de la
charité. En effet grâce aux Indulgences, les membres de l’Église
souffrante sont plus rapidement admis dans l’Église céleste de sorte
que par elles le royaume du Christ s’étende et s’instaure de plus en
plus rapidement, jusqu’à ce que nous parvenions " tous ensemble à
l’unité dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu, à
l’état d’adultes, à la taille du Christ dans sa plénitude ".
11. Fondée donc ces vérités, lorsque notre
sainte Mère l’Église recommande de nouveau à ses fidèles la pratique
des indulgences comme ayant été très en faveur dans le peuple
chrétien pendant de nombreux siècles et comme très précieuse encore
aujourd’hui, ainsi que le montre l’expérience, elle n’a aucunement
l’intention de retrancher quoi que ce soit des autres moyens de
sanctification et de purification, en premier lieu du saint
sacrifice de la Messe et des sacrements, notamment le sacrement de
pénitence, ensuite de ces nombreux moyens que l’on regroupe sous le
nom de sacramentaux, et enfin des œuvres de piété, de pénitence et
de charité. Tous ces moyens ont ceci en commun qu’ils sanctifient et
purifient d’autant plus efficacement que l’on est plus étroitement
uni par la charité au Christ Tête et au corps de l’Église. La
primauté de la charité dans la vie chrétienne se trouve également
confirmée par les indulgences. Car les indulgences ne peuvent pas
être gagnées sans une sincère metanoïa et sans l’union avec Dieu,
auxquelles s’ajoute l’accomplissement des œuvres prescrites. On
conserve donc l’ordre de la charité, dans lequel la rémission des
peines prend place grâce à la dispensation du trésor de l’Église.
Tout en exhortant ses fidèles à ne pas négliger
les saintes traditions de nos pères et à ne pas les dédaigner, mais
à les accueillir religieusement comme un précieux trésor de la
famille catholique, et à les respecter, l’Église laisse à chacun le
soin d’utiliser ces moyens de purification et de sanctification,
dans la sainte et juste liberté des enfants de Dieu ; tandis qu’elle
leur remet continuellement en mémoire les choses qu’il faut préférer
pour parvenir au salut, parce qu’elles sont nécessaires, ou
meilleures et plus efficaces .
Mais pour conférer une plus grande dignité et
une plus grande estime à l’usage même des indulgences, notre sainte
Mère l’Église a estimé opportun d’introduire certaines innovations
dans leur discipline, et elle a décidé de fixer de nouvelles normes.
V
12. Les règles qui suivent apportent des
changements opportuns à la discipline des indulgences, en intégrant
également les propositions faites par les Assemblées Épiscopales.
Les dispositions du Code de droit canonique et
des décrets du Saint-Siège sur les indulgences demeurent inchangées
dans la mesure où elles correspondent aux nouvelles règles.
Trois objectifs ont spécialement guidé la
rédaction de ces règles : établir une nouvelle mesure pour
l’indulgence partielle ; réduire opportunément le nombre des
indulgences plénières ; donner plus de simplicité et de dignité aux
indulgences dites " réelles " et " locales ".
Pour l’indulgence partielle, on a aboli
l’ancien décompte en jours et en années, et on a recherché une
nouvelle norme ou mesure, qui considère l’action même du fidèle qui
accomplit une œuvre à laquelle une indulgence est attachée.
Comme par son action — outre le mérite qui est
le principal fruit de cette action — le fidèle peut obtenir en plus
une rémission de peine temporelle, d’autant plus grande que plus
grande est sa charité et la valeur de l’œuvre, il a paru bon que
cette rémission de peine, acquise par l’action du fidèle, serve
aussi de mesure à la rémission de peine que l’autorité de l’Église
ajoute libéralement par l’indulgence partielle.
Pour l’indulgence plénière, il a semblé
opportun de diminuer convenablement leur nombre, afin que les
fidèles gardent une juste estime de l’indulgence plénière et
puissent la gagner s’ils sont dans les dispositions voulues. On fait
peu attention à ce qui arrive trop souvent ; ce qui est offert trop
abondamment est peu apprécié ; alors que la plupart des fidèles ont
besoin d’un temps convenable pour bien se préparer à gagner
l’indulgence plénière.
Pour les indulgences attachées à des choses et
à des lieux (réelles et locales), non seulement leur nombre a été
fortement réduit, mais leur nom a été supprimé, pour qu’apparaisse
plus clairement que les indulgences enrichissent les actions des
fidèles, non pas les choses ni les lieux, qui sont seulement
l’occasion de gagner des indulgences. Bien plus, les membres des
associations pieuses peuvent gagner les indulgences qui leur sont
propres en accomplissant les œuvres prescrites, sans que l’usage de
signes distinctifs ne soit exigé.
NORMES
1. L’indulgence est la remise devant Dieu de la
peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée,
que le fidèle bien disposé, et à certaines conditions définies,
obtient par le secours de l’Église qui, en tant que ministre de la
rédemption, distribue et applique avec autorité le trésor des
satisfactions du Christ et des saints.
2. L’indulgence est partielle ou plénière,
selon qu’elle libère partiellement ou totalement de la peine
temporelle due pour le péché.
3. Les indulgences, aussi bien partielles que
plénières, peuvent toujours être appliquées aux défunts par mode de
suffrage.
4. L’indulgence partielle sera désormais
désignée uniquement par les mots " indulgence partielle ", sans y
ajouter un nombre de jours ou d’années déterminé.
5. Le fidèle qui, au moins le cœur contrit,
accomplit une œuvre à laquelle est attachée une indulgence
partielle, obtient, outre la rémission de peine temporelle que lui
vaut son action, une semblable rémission de peine grâce à
l’intervention de l’Église.
6. L’indulgence plénière ne peut être obtenue
qu’une fois par jour, sauf ce qui est prescrit au numéro 18 pour
ceux qui sont " à l’article de la mort ".
Mais l’indulgence partielle peut être gagnée
plusieurs fois par jour, à moins qu’il en soit expressément prévu
autrement.
7. Pour obtenir l’indulgence plénière il est
nécessaire d’accomplir l’œuvre a laquelle est attachée l’indulgence
et de remplir trois conditions : la confession sacramentelle, la
communion eucharistique et la prière selon les intentions du
Souverain Pontife. Il faut de plus que soit exclu tout attachement
au péché, même véniel.
Si cette pleine disposition vient à manquer, ou
si les trois susdites conditions ne sont pas remplies, l’indulgence
sera seulement partielle, restant sauf ce qui est prescrit au numéro
11 pour les " empêchés ".
8. Ces trois conditions peuvent être accomplies
plusieurs jours avant ou après l’exécution de l’œuvre prescrite. Il
convient cependant que la communion et la prière selon les
intentions du Souverain Pontife aient lieu le jour même où l’œuvre
est accomplie.
9. Plusieurs indulgences plénières peuvent être
obtenues avec une seule confession sacramentelle ; mais par une
seule communion et une seule prière selon les intentions du
Souverain Pontife, on ne gagne qu’une indulgence plénière.
10. La condition de prier aux intentions du
Souverain Pontife est pleinement remplie si l’on récite à son
intention un Notre Père et un Je vous salue Marie ; mais chaque
fidèle peut réciter telle ou telle autre prière, selon la piété et
la dévotion de chacun envers le Pontife Romain.
11. Restant sauve la faculté donnée aux
confesseurs par le canon 935 C.I.C. de commuer pour ceux qui sont
"empêchés" soit l’œuvre prescrite, soit les conditions prévues, les
Ordinaires des lieux peuvent permettre aux fidèles sur lesquels ils
exercent leur autorité selon le droit, s’ils habitent des endroits
où il est impossible, ou au moins très difficile, de se confesser ou
de communier, de gagner l’indulgence plénière sans confession ni
communion actuelles, à condition qu’ils aient le cœur contrit et
qu’ils aient l’intention de recevoir ces sacrements dès qu’ils le
pourront.
12. La division en indulgences personnelles,
réelles et locales n’est plus employée, afin qu’apparaisse plus
clairement que les indulgences sont attachées aux actions des
fidèles, bien que parfois elles soient liées à un objet ou à un
lieu.
13. Le manuel des indulgences (Enchiridion
indulgentiarum) sera révisé afin que ne soient indulgenciées que les
principales prières et les principales œuvres de piété, de charité
et de pénitence.
14. Les listes et les recueils d’indulgences
des ordres, des congrégations religieuses, des sociétés de vie
commune sans vœux, des instituts séculiers, ainsi que des pieuses
associations de fidèles, seront révisés le plus tôt possible, de
sorte que l’indulgence plénière ne puisse être gagnée qu’en des
jours déterminés qui seront fixés par le Saint-Siège, sur
proposition du Modérateur général, ou, s’il s’agit de pieuses
associations, de l’Ordinaire du lieu.
15. Dans toutes les églises, oratoires publics
ou — pour ceux qui en ont le légitime usage — semi-publics on peut
obtenir l’indulgence plénière du 2 novembre, applicable aux défunts
seulement.
Mais dans les églises paroissiales on peut, de
plus, obtenir deux fois par an une indulgence plénière : le jour de
la fête du titulaire et le 2 août, jour de l’indulgence de la "
Portioncule ", ou un autre jour plus opportun fixé par l’Ordinaire.
Toutes ces indulgences peuvent être gagnées
soit les jours fixés ci-dessus, soit, avec le consentement de
l’Ordinaire, le dimanche précédant ou suivant.
Les autres indulgences attachées à des églises
ou à des oratoires devront être revues le plus tôt possible.
16. L’œuvre prescrite pour obtenir une
indulgence plénière attachée à une église ou un oratoire est la
pieuse visite de cette église ou de cet oratoire, au cours de
laquelle on récite la prière du Seigneur et le symbole de la foi
(Pater et Credo).
17. Le fidèle qui utilise avec recueillement un
objet de piété régulièrement béni par un prêtre (crucifix, croix,
chapelet, scapulaire, médaille) gagne une indulgence partielle.
Si l’objet de piété a été béni par le Souverain
Pontife ou par un évêque, le fidèle qui l’utilise avec dévotion peut
aussi gagner une indulgence plénière en la fête des saints apôtres
Pierre et Paul, en ajoutant cependant quelque formule légitime de
profession de foi.
18. Si on ne peut recourir à un prêtre pour
donner à un fidèle en danger de mort les sacrements et la
bénédiction apostolique avec indulgence plénière aux termes du canon
468, § 2, C.I.C., notre sainte Mère l’Église lui accorde, s’il est
bien disposé, l’indulgence plénière qui peut être gagnée à l’article
de la mort, à condition que pendant sa vie il ait récité quelques
prières d’une façon habituelle. Pour gagner cette indulgence
plénière, est recommandé l’usage d’un crucifix ou d’une croix.
Un fidèle pourra gagner cette même indulgence
plénière à l’article de la mort, même si le même jour il a déjà
gagné une autre indulgence plénière.
19. Les règles établies pour les indulgences
plénières, particulièrement au numéro 6, s’appliquent également aux
indulgences plénières habituellement appelées jusqu’à présent "
toties quoties " (chaque fois que).
20. Notre sainte Mère l’Église, dans sa très
grande sollicitude pour les fidèles défunts, a prescrit qu’à chaque
sacrifice de la Messe des suffrages soient très largement exprimés
pour eux, tout privilège à ce sujet étant aboli.
***
Ces nouvelles règles pour l’acquisition des
indulgences entreront en application trois mois après la publication
de la présente Constitution dans les Acta Apostolicae Sedis.
Les indulgences attachées à l’usage d’objets de
piété non mentionnés ci-dessus, cesseront trois mois après la
publication de la présente Constitution dans les Acta Apostolicae
Sedis.
Les révisions dont il est question aux numéros
14 et 15 doivent être proposées à la Sacrée Pénitencerie apostolique
dans l’année. Deux ans après la date de cette Constitution, les
indulgences qui n’auront pas été confirmées perdront toute valeur.
Nous voulons que ces décisions et prescriptions
soient et demeurent fermes et efficaces maintenant et dans l’avenir,
nonobstant, le cas échéant, les Constitutions et réglementations
apostoliques publiées par Nos prédécesseurs, ainsi que les autres
prescriptions, même dignes de mention particulière et de dérogation.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, en l’octave
de la Nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le 1er janvier de
l’année 1967, quatrième de Notre pontificat
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