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Le Fils de
l'homme est glorifié
Quand Jésus
adresse aux apôtres les paroles que nous venons de lire, Il
sait que sa mission et son sacrifice touchent à leur fin.
Judas vient de sortir du Cénacle, emporté par le démon de la
trahison, et Jésus dit calmement : Le Fils de l'homme est
glorifié.
Oui, désormais
en effet, tout va aller très vite : le traître va bientôt
revenir avec la troupe des soldats à Gethsémani, où Jésus va
se rendre après quelques instants encore de conversation et
de prière ; Jésus va s'offrir à Son Père et accepter d'être
ligoté, frappé, insulté, puis ce sera la longue nuit des
interrogatoires et des mauvais traitements, puis le calvaire
et la crucifixion, tout cela en moins de vingt-quatre
heures... Jésus le sait.
Jésus dit : "Le
Fils de l'homme est glorifié", comme si le Sacrifice était
déjà consom-mé, car maintenant tout est accompli. L'heure
est arrivée. Dans ce Sacrifice suprême de tout son être,
Jésus est pleinement glorifié, parce qu'Il accepte
totalement la Volonté du Père, parce qu'Il remet absolument
tout entre les mains du Père pour sauver les âmes de tous
les hommes. Jésus est glorifié dans son humiliation totale,
acceptée librement, sans se plaindre, par pur amour de
chacun de nous. C'est l'heure de l'Amour total.
Dieu à son tour
est glorifié, parce que Sa volonté s'accomplit, parce que
Son Fils s'est totalement soumis, parce que, par ce
Sacrifice, toutes les âmes retrouvent la paix en Lui. Le
Sacrifice de Jésus rétablit dans la Création l'harmonie que
le péché y avait détruite. Dans quelques années, le nouveau
converti saint Paul l'exprimera, en écrivant aux Colossiens
: "...Pacifiant, par le Sang de celui-ci, tant les créatures
qui sont au ciel que celles qui sont sur la terre" (Col
1:20).
Puis Dieu "lui
donnera sa propre gloire", et "bientôt", parce que Christ va
ressusciter, reprendre la Vie, au matin de Pâques, puis
revenir près du Père, dans la Gloire où Il est
perpétuellement Un avec le Père et l'Esprit.
Quiconque
connaît l'épreuve d'un décès, passe par un moment de "vide",
où tout lui apparaît désormais différent d'avant. Même si la
vie quotidienne continue et reprend son rythme, on voit
chaque chose, chaque personne avec un regard nouveau.
Combien de fois
Jésus a parlé à ses apôtres de l'amour, de l'amour
fraternel, du pardon... Et voilà qu'Il leur donne, juste
avant de mourir, "un commandement nouveau : "de vous aimer
les uns les autres". Ce n'est pas à proprement parler ce
commandement qui est nouveau, c'est ce que Jésus ajoute :
"Comme je vous ai aimés", car maintenant les apôtres vont
voir jusqu'où va l'amour du Maître : jusqu'à la mort. C'est
cela que Jésus exige de nous : d'aimer jusqu'à la mort.
Aimer sans
trahir, sans abandonner, sans "laisser tomber", sans refuser
de tendre la main, sans se lasser de supporter les
désagréments psychologiques, les heurts et les conflits
parfois quotidiens. Aimer jusqu'à la mort : l'époux son
épouse, le médecin son malade, le professeur son élève, le
prêtre ses ouailles, le pape l'Eglise que Christ lui a
confiée.
Oh ! si tous
les hommes pouvaient reconnaître l'Amour, pour détruire la
haine ! Si tous les hommes voulaient vraiment appliquer les
préceptes de leur religion, pour respecter et aimer leurs
frères partout !
Est-ce aimer
que de profaner un lieu de culte ? de persécuter les membres
d'une autre religion ? de s'accuser devant les tribunaux des
hommes ? de se venger ? de s'insulter ? Les hommes n'ont-ils
pas honte de ce qu'ils font dans le monde politique, dans le
monde économique, parfois dans leur propre famille ? Quand
s'établira le règne de l'Amour ? Il viendra, certainement,
ce sera cette Jérusalem nouvelle, que voit Jean, quand Dieu
demeurera en plénitude parmi les hommes, quand il n'y aura
plus de larmes, plus de pleurs, plus de cris, plus de
tristesse, quand la mort aura cessé.
Sera-ce bientôt
? Nul ne le sait, mais tous peuvent et doivent préparer
cette Jérusalem nouvelle en aimant davantage.
C'est avec le
cœur rempli de cet amour que Paul et Barnabé ont sillonné
l'Asie Mineure pour porter la Bonne Nouvelle aux populations
d'Iconium, d'Antioche de Pisidie, de Pergé... Ce n'a pas été
très facile, ils ont dû rencontrer des oppositions, mais ils
ont montré leur amour, ils ont invité tous ces nouveaux
frères à persister dans l'amour.
Pour cultiver
cet amour, ils désignent des Anciens - c'est le sens du mot
"prêtre", en grec "presbyteros" - sans lesquels il n'y a pas
de Sacrements. Les Prêtres : le fruit de l'Amour de Jésus
pour nous, les héritiers de Son Amour, les Acteurs de
l'Eucharistie, du Sacrement d'Amour par excellence.
Sans Amour, pas
de Prêtre ; sans Prêtre, pas d'Eucharistie ; sans
Eucharistie, pas d'Amour.
Aimer le Christ
totalement, c'est aimer aussi nos frères totalement, c'est
montrer à Dieu notre attachement total au Bien et à la
Vérité.
Jean rapporte
dans l'évangile ces mots de Jésus aux Juifs :"La Vérité vous
libérera", que reprend la Prière d'aujourd'hui : puisque
nous croyons au Christ, accorde-nous la vraie liberté et la
vie éternelle.
Croire
totalement au Christ, c'est L'aimer ; aimer totalement le
Christ, c'est renoncer au Mal ; renoncer totalement au Mal,
c'est s'épanouir dans le Bien, c'est donc être libre.
Abbé Charles
Marie de Roussy |