Nunilon et Alodie
Vierges martyres en Espagne
+ 851

Bonmuc, ayant détrôné Vitiza, roi des Goths d’Espagne, s’empara de la souveraine puissance en 711. Le comte Julien, dont il avait déshonoré la fille, résolut de s’en venger en invitant les Maures ou Sarrasins d’Afrique à passer en Espagne. Mousa, gouverneur de ces infidèles, envoya, du consentement du calife Miramolin, douze mille hommes, qui, sous la conduite du général Tarif, s’emparèrent du Mont-Calpé et de la ville Hiéraclée, qu’on appela depuis Gibraltar ou mont de Tarif, du nom de leur général. Ils se maintinrent dans cette forteresse, et, avec les nouveaux secours qu’ils reçurent d’Afrique, ils défirent les Espagnols dans l’Andalousie. On n’entendit plus parler du roi Roderic après cette bataille. Mais deux cents ans après, on découvrit son corps dans une église de la campagne de Portugal ; ce qui a fait conjecturer qu’il s’était enfui dans ce pays, et qu’il y était mort.

Tarif se rendit maître de différentes places, entre autres de Tolède, capitale de l’empire des Goths. Mousa, jaloux de ses succès, passa le détroit, et réduisit sous sa puissance Séville, Mérida, et plusieurs autres villes. Enfin les Sarrasins se virent maîtres de toute l’Espagne au bout de trois ans. La mésintelligence s’étant mise entre Tarif et Mousa, Miramolin les rappela l’un et l’autre, donna le gouvernement de l’Espagne à Abdalasisa, fils de Mousa, et fit de Séville la capitale de ses nouveaux états.

En 716, les Goths d’Espagne placèrent sur le trône Pélage, le seul prince du sang royal qui leur restât. Celui-ci rassembla une armée sur les montagnes des Asturies, reprit ce pays, avec la Galice et la Biscaye, et jeta les fondements du royaume chrétien, dit des Asturies, puis d’Oviedo, enfin de Léon. Sa valeur et sa piété lui méritèrent de grands succès. Alphonse son successeur, surnommé le Catholique, marcha sur ses traces, et eut le même bonheur.

Les gouverneurs sarrasins, et surtout le troisième, nommé Ahdéramène, se conduisirent avec beaucoup de cruauté. Ils portèrent souvent leurs armes dans le midi de la France. Mais ils furent vigoureusement repoussés par Charles-Martel. En 719, Abdéramène, surnommé Adahil, s'affranchit de la dépendance des sultans d’Égypte, prit le titre de roi, et fixa sa cour à Cordoue. Les autres gouverneurs sarrasins suivirent son exemple. Lorsque le feu de la guerre eut été amorti, ces princes infidèles tolérèrent les chrétiens dans leurs états ; ils leur permirent même, à certaines conditions, de bâtir des églises et des monastères ; mais dans le neuvième siècle, la persécution contre le christianisme recommença à Cordoue, et continua sous les règnes Ahdéramène II, et de son fils Mahomet.

Une multitude innombrable de martyrs scellèrent leur foi par l’effusion de leur sang. On compte, parmi les plus célèbres, Nunillon et Alodie. C’étaient deux sœurs d’une extraction noble. Leur père était mahométan, et leur mère chrétienne. Celle-ci, devenue veuve, se remaria à un autre mahométan. Nunillon et Alodie, qui avaient été élevées dans la religion chrétienne, eurent beaucoup à souffrir de la brutalité de leur beau-père, qui occupait un rang distingué dans la Castille. On voulut inutilement engager les deux saintes dans le mariage ; elles avaient résolu de servir Dieu dans la virginité. Enfin elles obtinrent la permission de se retirer chez une tante qui était une chrétienne pleine de ferveur. Elles eurent alors une entière liberté de vaquer aux exercices de leur religion, qu’elles n’interrompaient qu’autant qu’elles y étaient forcées par d’autres devoirs.

La ville où elles vivaient se nommait Barbite ou Vervète. On croit que c’est Castro-Viejo, près de Najare en Castille, sur les frontières de la Navarre. Cette ville était soumise aux Sarrasins, lorsqu’Ahdéramène fit publier ses édits contre les chrétiens. Nunillon et Alodie étaient trop connues par leur naissance, leur ferveur et leur zèle, pour qu’on ne les arrêtât pas les premières. Ayant été conduites devant le juge, elles montrèrent une constance inébranlable. On voulut inutilement les intimider par des menaces et les séduire par des caresses. Tous les moyens qu’en avait employés étant inutiles, on les livra à des femmes impies, dans l’espérance qu’elles viendraient a bout de les gagner ou de les corrompre. Mais Jésus-Christ protégea ses épouses par les lumières et la force de sa grâce. Enfin les femmes à la méchanceté desquelles on les avait abandonnées, déclarèrent aux juges que rien n’était capable de les faire renoncer au christianisme. On les condamna donc à être décapitées dans la prison où elles avaient été renfermées. La sentence fut exécutée le 22 octobre 851. On les enterra dans le même lieu. On garde la plus grande partie de leurs reliques dans l’abbaye de Saint-Sauveur de Castro-Viejo en Navarre.

SOURCE : Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction : Jean-François Godescard.

 

 

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