36-Notre Père et la coccinelle
Notre Père qui êtes aux cieux! Depuis longtemps nous savons
que Vous tenez le monde dans votre main, votre douce main
créatrice. Nous savons que Vous enveloppez toute ta création
d’un regard de bienveillance. Nous savons aussi que Vous
aimez les hommes d’un Amour de prédilection et que Vous
prenez vos délices avec eux. Vous enveloppez de tout votre
Amour, c’est-à-dire de Vous-même puisque Vous êtes Amour,
Vous enveloppez de Vous, votre Fils, votre Unique, Celui que
Vous engendrez de toute éternité. Vous enveloppez votre Fils
bien-aimé, votre Verbe, d’un Amour inexprimable et tellement
grand qu’il est l’Esprit, la Troisième Personne de la
Trinité. Et Vous enveloppez en même temps le Corps mystique
de votre Fils, ce Corps qui est son Église, c'est-à-dire
nous…
Père! Le Corps mystique de votre Fils, Vous l’enfermez dans
votre regard merveilleux de Père plein de bonté. Vous
l’enfermez et Vous le contemplez, et Vous Vous complaisez en
lui. Vous Vous complaisez en Jésus, donc en son Corps
mystique, et Vous l’inondez de votre Amour. Père, pardonnez
nos balbutiements probablement inadaptés, mais nous n’avons
pas de mot pour dire ce que notre coeur ressent, ce que
notre cœur voudrait pouvoir Vous dire et Vous chanter. Sur
terre nous ne sommes vraiment, pour exprimer la gloire de
Dieu, que des petits enfants toujours au berceau.
Père! Les hommes de la terre ne sont que des enfants
nouveau-nés, des enfants au berceau, ignorants de toutes les
réalités qui sont les vôtres. Alors, comme un petit enfant,
comme un petit bébé, nous Vous disons: ”Papa!”
Père! Papa! Vous savez que nous Vous aimons, assez mal,
c'est vrai, car tous les hommes sont imparfaits, mais nous
essayons de Vous aimer. Comme à un papa, le seul Papa,
l’unique Papa, nous essayons de Vous parler, comme on parle
à son Père, mais un Père merveilleux, un Père de qui nous
recevons tout, sans qui nous ne pouvons rien, un Père qui
donne la vie.
Vous êtes un Père tellement Père, ô Père, que nous sommes un
peu intimidés devant Vous. Nous Vous aimons, mais nous ne
savons pas comment Vous le dire. Et puis, Vous n'êtes pas à
notre taille, et votre nature toute spirituelle “étonne”
les êtres de chair que nous sommes, lesquels ont beaucoup de
mal à Vous rendre présent à nos coeurs. Mais votre Fils,
Père, Il s’est fait l’un de nous, Vous l’avez voulu ainsi.
Votre Fils, Père s’est fait homme pour rendre la divinité
accessible aux êtres qui, devant réaliser l’unité entre les
mondes spirituels et matériels, sont forcément un peu
fragiles dans l’équilibre surprenant que Vous avez imaginé.
Vous comprenez, Père pourquoi nous aimons votre Fils...
Votre Fils nous aime, et cela est merveilleux. C’est Lui qui
nous a aimés le premier. Nous L’aimons parce que c’est Lui,
parce qu’Il est dans la Trinité, donc dans l’Amour, et qu’Il
est aussi Amour, comme Vous, Père. Et que votre Amour ne
fait qu’Un.
Pourrions aimer ainsi après avoir reçu tant d’amour, si Dieu
n’était pas Quelqu'un, QUELQU’UN venu d'ailleurs? Pourtant,
peut-on aimer quelqu’un qu’on ne voit pas, qu’on n’entend
pas, qu’on ne touche pas? D’où vient cet amour? Est-ce un
rêve, une illusion, ou une réalité tellement réelle qu’elle
dépasse infiniment nos petits jugements terrestres? Nous
nous perdons un peu, mais ce qui est consolant c’est que
presque tous les saints ont connu ce rêve, cette réalité
tellement réelle dans son irréalité. Cela nous console un
peu, sans cependant nous satisfaire...
Oui, Dieu nous étonne parfois. Voici qu’Il nous comble, nous
enveloppe de son Amour. Et pourtant nous ne pouvons Le
saisir. Il semble toujours fuir et nous laisser à nos
insuffisances et à nos angoissantes questions face aux
circonstances dramatiques vécues par des enfants ou des
jeunes, et même des adultes, car il y a de plus en plus
souvent, de nos jours, des situations qui dépassent
l’imaginable. Alors, l’amour que l’on a pour Dieu devient
une lancinante interrogation: “Pourquoi?” Et notre bonheur
de connaître le Père des miséricordes se transforme en une
douleur écrasante. C’est alors que nous comprenons mieux
l’Agonie et la Croix de Jésus...
Nous sommes parfois comme écrasés par toutes ces misères qui
détruisent notre monde. Alors nous ne cessons de crier:
“Seigneur Jésus, faites quelque chose pour les pauvres
d’amour, nos contemporains qu’on a privés de Dieu et qui
sont si malheureux. Reviens, Jésus, montre-Toi! Nous avons
tous tellement besoin de Toi!” Et nous pouvons penser aussi
aux malades, aux blessés de la vie, aux handicapés, à toutes
ces personnes âgées qui voient leurs forces décliner, leur
intelligence s’obscurcir, mais dont la sensibilité est
restée intacte, et qui souffrent tellement d’être privées de
tendresse et d’amour. Jésus, nous savons que Tu les aimes.
Mais nous sommes de si pauvres instruments!... Jésus, vois
leur détresse, vois notre détresse et donne-nous l’Amour!
Jésus, nous comprenons si difficilement les choses de Dieu,
nous nous débattons au milieu des ténèbres qui ne sont pas
de Toi mais qui nous ont envahis. Jésus, nous implorons ta
miséricorde... Jésus nous crions vers Toi. Jésus, comment
sortir de nos ténèbres, comment Te voir, comment prier Dieu?
Encore une fois, seule des images, des paraboles peuvent
nous aider à voir plus clair. Laissons le rêve nous
emporter... Imaginons une parabole, pensons à une
coccinelle...
La coccinelle
Un jour, sur ma main, un tout petit insecte se posa, une
minuscule coccinelle. Pour elle, je devais être un monstre
énorme, un monde gigantesque sur lequel elle devait vivre
pendant quelques instants. Ce monde qui la soutenait, en
l'occurrence mon corps, elle ne pouvait en voir qu’une
infime partie, mais pourtant elle devait en subir tous les
mouvements et tous les soubresauts, puisqu’elle était
dessus.
Les secousses étaient parfois si violentes qu’elle manquait
de tomber. Alors, pleine de pitié, je la rattrapais, cette
petite coccinelle, je lui tendais un brin d’herbe pour
qu’elle puisse remonter sur mon doigt. Ou bien, je la
nourrissais un peu avec une miette de pain ou un grain de
farine. Alors elle se blottissait dans un repli de ma peau,
ou dans le creux de ma main, confiante. Moi, je la
regardais, avec intérêt et amour. Pauvre petite bestiole,
mon cœur fondait pour elle. Elle, elle me regardait mais ne
pouvait me voir: je suis bien trop grand pour elle dont
l’univers est si petit: il lui est impossible de prendre le
recul qui lui permettrait d’apercevoir un peu de mon
visage... Elle croit seulement que quelqu’un de bienveillant
l’aime et prend soin d’elle. Pleine de confiance elle
continue à se promener sur le dos de ma main.
Pauvre petite bestiole, elle voudrait bien me voir, mais ce
n’est pas possible... Elle voudrait bien m’entendre, mais ma
voix la fait fuir. Alors je la recueille sur le bout de mon
doigt, et tout doucement, sans bruit, avec mon cœur et mon
amour, j’essaie de lui faire comprendre que je l’aime et que
je lui veux du bien...
Cette parabole, nous la comprenons instantanément. Pour
Dieu, nous sommes comme cette petite coccinelle placée dans
son monde à Lui, cet univers qui est le sien et dans lequel
nous sommes plongés... Nous sommes comme cette petite
coccinelle plongés en Dieu, une petite bestiole si petite,
si fragile que tout ce qui vient de Lui est trop grand pour
nous. Le monde de Dieu qui est Lui, nous ne pouvons pas le
voir car il est trop grand. Mais Dieu nous aime!
Le Père nous aime! Jésus nous aime... Et doucement, tout
doucement pour ne pas nous effrayer, Dieu nous enveloppe de
son Amour et de sa sollicitude. Tout doucement, Jésus, pour
ne pas nous effrayer, nous cache en Lui et nous dit tout
bas, bien bas: ”Ne crains rien, car Je t’aime.”
Reprenons la contemplation de la petite coccinelle
La petite coccinelle était toujours sur le dos de ma main
faisant ce qu’elle avait à faire. Moi, je la regardais et je
l’aimais bien. Alors, n’en pouvant plus d’amour et de
tendresse, j’ai approché mon autre main, lentement,
doucement pour ne pas l’effrayer. Et puis mon doigt l’a
effleurée, délicatement. Elle n’a pas bougé. Pourtant je lui
faisais de l’ombre, mais elle avait confiance...
Je l’ai contemplée longtemps la petite coccinelle. Je
pensais que pour Dieu nous étions comme des petites
coccinelles. Il nous aime et nous enveloppe de sa tendresse,
mais nos sens courants ne nous Le révèlent pas: seul un sens
intérieur, indéfinissable, inconnu nous fait comprendre
qu’Il est là. Il est là, mais dans l’ombre, et quand Il
s’approche de nous, c’est sans bruit dans l’obscure clarté.
Seigneur! Comme tout devient étrange pour nous! Nous sommes
dans une adoration muette qui saisit tout notre être. Notre
intelligence ne peut plus rien comprendre, notre raison est
en panne; seul notre cœur Vous pénètre comme dans une
étonnante osmose. Alors, Seigneur, dans nos ténèbres
surgissent des images. Ces images se forment dans notre
imagination comme des reflets sur votre ombre lumineuse.
C’est bizarre! Nous sommes comme la petite coccinelle, sur
le bout de votre Doigt, minuscules, mais nous sentons votre
tendresse que nous ne pouvons décrire. Nous n’avons pas peur
car nous sentons bien que Vous nous aimez et que Vous nous
avez faits capables d’amour. Capables d’amour pour Vous
aimer et pour aimer tous nos frères et sœurs, les millions
de petites coccinelles.
Jésus, en contemplant vos merveilles, nous nous sentons sans
intelligence, comme inaptes à poursuivre cette narration.
Car c’est bien une histoire, une extraordinaire histoire que
Vous nous faites vivre, l’histoire de notre monde, de votre
Création.
Voici que l’échelle des grandeurs a changé. L’univers est
dans votre main... Dans l’univers immense, il y a la terre,
mais aujourd’hui la terre n’est pas perdue au milieu des
mondes matériels et sans âme. Non! La terre est comme
suspendue juste au-dessus de votre Doigt, le Doigt de Dieu.
Votre force créatrice est comme matérialisée par une force
magnétique qui la maintient en place. Votre Amour la baigne
de sa sollicitude. Dieu regarde la terre, Dieu regarde les
hommes dont Il fait ses délices... Dieu regarde chacun des
hommes qu’Il aime et Il s’attarde sur ceux qui L’aiment.
Dieu regarde chacun de nous. Dieu regarde la terre, Dieu
regarde l’univers. Dieu contemple tous les détails. Les yeux
de son Amour sont comme des instruments d’optique: tantôt
des jumelles grossissantes, tantôt des téléscopes puissants,
ou bien encore des microscopes doués de propriétés
exceptionnelles qui Le font pénétrer jusqu’au profond des
cœurs. Mon Dieu! Comme il est doux de Vous découvrir, de
découvrir vos merveilles, de découvrir votre bonté, votre
Amour, votre puissance, votre tendresse, de Vous découvrir,
Vous...
Jésus! Quelle merveille! Tout a changé d’échelle. Nous
sommes de nouveau sur l’extrémité du Doigt de Dieu, du Doigt
du Père. Nous frémissons car nous sentons le regard de Dieu.
Nous sentons le regard du Père que pourtant nous ne voyons
pas. Tout est ténèbres autour de nous, et pourtant tout est
tendresse aussi, et Amour. De la même façon que nous
approchions notre doigt de la petite coccinelle pour lui
donner une caresse d’amour, nous sentons le Doigt de Dieu
s’approcher de nos êtres humains et nous envelopper de sa
tendresse, de son Amour, de sa bienveillance.
Mon Dieu! Nous ne pouvons plus que nous taire, et Vous
adorer.
Paulette Leblanc |