NOTRE DAME DES VICTOIRES
PARIS

Notre-Dame-des-Victoires est une basilique de l'Église catholique romaine située dans le 2e arrondissement de Paris. Elle est l'une des sept basiliques mineures de la capitale française, la plus célèbre de celles-ci étant la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Dans la basilique Notre-Dame des Victoires, la Vierge Marie est invoquée et priée comme le Refuge des pécheurs. Quelle est l'histoire de cette basilique? 

Nous sommes en 1628. Le 10 septembre 1627, le roi Louis XIII ordonna et fit commencer le siège de La Rochelle. Le 28 octobre 1628, les anglais se retirèrent et la cité capitula. L'armée française était enfin victorieuse des anglais. Aussi, le roi Louis XIII décida-t-il, le 9 décembre 1629, en remerciement, la construction de l'église Notre-Dame-des-Victoires, au bénéfice des Augustins déchaussés de Paris, dits les Petits-Pères; mais les travaux à peine commencés furent suspendus faute de fonds. 

Qui sont ces Augustins déchaussés ? Ce sont les successeurs des Ermites de saint Augustin et de l'Ordre des Grands Augustins, Ordre mendiant issu d'une réforme de l'Ordre des Ermites de Saint-Augustin. En effet, cherchant à imiter la réforme des Carmes, les Ermites voulaient se distinguer des Grand Augustins par le fait de marcher pieds nus. Cette branche, née en 1574 de la réforme du portugais Thomas de Jésus, se répandit bientôt en France et les religieux de la congrégation française étaient familièrement appelés Petits Pères pour les distinguer des Grands Augustins 

Revenons en arrière. En 1256, le pape Alexandre IV avait décidé de regrouper et d'organiser selon les principes de la Règle de saint Augustin plusieurs groupuscules issus de l'érémitisme du XIIe siècle. L'ordre fut définitivement approuvé lors du deuxième concile de Lyon en 1274. Les Augustins se vouaient surtout à la prédication, rivalisant avec les Dominicains. À Paris, les Grands-Augustins ou Augustins chaussés, établis dès 1259, ne relevaient que de Rome. Leur couvent situé sur l'emplacement de la rue Dauphine actuelle, servait souvent aux assemblées du clergé et du parlement. Nous savons qu'à Paris, quatorze Petits Pères desservaient la chapelle des Louanges de la rue dite des "Petits-Pères", bâtie en 1609 par Marguerite de Valois et devenue par la suite chapelle de l'hôpital de la Charité. Comme tous les religieux, ils faisaient les trois vœux de pauvreté, chasteté et obéissance.  La branche s'éteignit à la Révolution. Le couvent fut fermé comme les autres à la Révolution française et les 60 religieux furent alors dispersés. L'église, rouverte au culte sous l'Empire, devint une paroisse puis, au XIXe siècle, un lieu de pèlerinage réputé. 

Décembre 1629 : Louis XIII, fondateur de l'église

Louis XIII fonda Notre-Dame des Victoires en 1629. Le roi répondait ainsi  à l'appel des Augustins déchaussés, dits "petits Pères", qui lui demandaient l'argent nécessaire à la construction d'un nouveau couvent, sur les trois hectares qu'ils avaient acquis entre la Porte de Montmartre et la Porte de Saint-Honoré. Louis XIII accueillit favorablement leur requête à condition que l'église portât le nom de Notre-Dame des Victoires, en action de grâces pour la victoire des troupes royales à La Rochelle. Le souverain en effet, attribuait la reddition des huguenots et des anglais, à la prière et à la protection de la Vierge. 

Le samedi 8 décembre 1629, le premier archevêque de Paris, Jean-François de Gondi, bénit les fondations de l'Église. Ce jour-là, fête de l'Immaculée" ou de la "Sacrée Conception" de la Vierge Marie (qui devint l'Immaculée Conception, après la proclamation du dogme, en 1854), l'archevêque de Paris, Mgr de Gondi, planta la croix à l'endroit destiné à la construction de l'église, en présence des trente religieux du couvent. 

Le dimanche 9 décembre 1629, le roi en posa solennellement la première pierre, en présence des seigneurs de la Cour et des magistrats de la ville. Pour la pose de la première pierre par Louis XIII, une chapelle en charpente fut édifiée, et majestueusement ornée. Plusieurs tentes et de riches tapisseries vinrent décorer le lieu de la cérémonie. Puis une statue portant sceptre et couronne, sculptée dans le chêne de Notre-Dame de Montaigu, dans le Brabant, en Belgique, où la Vierge s'était manifestée en 1505, fut installée dans la chapelle du couvent, à l'initiative du jeune frère Fiacre. Elle suscita aussitôt une grande dévotion chez les fidèles. En effet, lors de la construction, en 1602, à Montaigu d'une modeste chapelle le Chêne qui avait porté la statuette de Notre-Dame de Montaigu, fut coupé. Son bois, ses branches, précieuses reliques, furent conservées et servirent à faire de nombreuses statuettes de la Vierge, dont celle qui assista à la cérémonie de la pose de la première pierre de Notre-Dame des Victoires. 

 Frère Fiacre et la Naissance de Louis XIV

Les années passent. La famille royale s'inquiète, car Louis XIII n'a toujours pas de successeur. Mais voilà qu'en novembre 1637, la Vierge Marie apparut à Frère Fiacre, l'un des religieux augustins. Elle lui présenta un petit enfant, "l'enfant que Dieu voulait donner à la France", le futur Louis XIV, l'héritier tant espéré du royaume. À quatre reprises, entre 1h et 4h du matin, le religieux aura devant les yeux la Mère du Christ accompagnée de l'enfant royal, puis de Jésus-Christ. 

Le manuscrit des archives du couvent (conservé à la Bibliothèque Nationale, contresigné du vicaire général et du prieur de l'époque), rapporte: "Frère Fiacre tourna la tête du côté de la voix, et aperçut la Sacrée Vierge environnée d'une belle et agréable lumière, ayant un enfant dans les bras, vêtue d'une robe bleue semée d'étoiles, ses cheveux pendant sur ses épaules, trois couronnes sur sa tête, assise sur une chaise et qui lui dit: 'Mon enfant, n'ayez pas peur, je suis la Mère de Dieu'. Sur cela, il se jeta en terre pour adorer l'enfant qu'elle tenait entre ses bras, pensant que ce fut Jésus-Christ, mais la Vierge sacrée lui dit: 'Mon enfant, ce n'est pas mon Fils, c'est l'enfant que Dieu veut donner à la France.' Cette première vision lui dura bien un gros quart d'heure..." 

Cette révélation fut portée, non sans mal, à la connaissance de la reine et du roi. Frère Fiacre indiqua aussi que la Vierge Marie demandait trois neuvaines: l'une à Notre-Dame des Grâces (à Cotignac, en Provence), une autre à Notre-Dame de Paris et la dernière à Notre-Dame des Victoires. Frère Fiacre s'en acquitta du 8 novembre au 5 décembre 1637. Mais qui était Frère Fiacre? 

Frère Fiacre, de son vrai nom Denis Antheaume, était né à Marly-la-Ville le 21 février 1609. Ses parents étaient de simples ouvriers agricoles, mais ils avaient fait le nécessaire pour que leur fils apprenne à lire et à écrire. À  15 ans, Denis gagna Paris pour devenir potier d'étain chez un artisan du faubourg Montmartre. Très pieux, Denis fréquentait régulièrement les Augustins déchaussés chez qui il entra, en 1631; il revêtit l'habit deux ans plus tard sous le nom de Frère Fiacre de Sainte-Marguerite. Mais, peu de temps après son entrée dans la communauté, Frère Fiacre tomba malade. Il apprit que la reine fournissait aux religieux tous les médicaments qui leur étaient nécessaires. Or, Frère Fiacre avait une très grande dévotion pour la Vierge Marie. Aussi, par reconnaissance envers la reine, décida-t-il de demander à Dieu, par l'intercession de Marie, la naissance d'un dauphin. Six ans plus tard, en 1637, la Vierge Marie lui apparut, le 3 novembre 1637, et lui annonça la naissance de Louis XIV. Nous connaissons la suite. 

Après la révélation de Frère Fiacre, et alors que la grossesse de la reine s'achevait, Louis XIII, le 15 août 1638, à Notre-Dame de Paris, consacra publiquement la France à la Vierge Marie. Le 5 septembre 1638, Anne d'Autriche donnait naissance à un fils – Louis-Dieudonné – au château de Saint-Germain en Laye. La Gazette de France put alors écrire : "Il y a un an, un religieux avertit la reine qu'elle devait accoucher d'un fils." 

On peut donc affirmer que frère Fiacre, grâce à sa grande confiance en la Mère de Dieu, est aussi à l'origine de l'église de Notre-Dame des Victoires, sanctuaire et but de pèlerinages où la Vierge Marie offre, à ceux qui invoquent, son cœur maternel et la grâce d'être écoutés et secourus. 

Frère fiacre mourut le 16 février 1684 en odeur de sainteté. Vénérée par les pauvres de la capitale, son image fut placée dans les voitures de louage, peu sûres à l'époque, d'où le nom de fiacre qu'elles ont longtemps porté. Frère Fiacre fut enterré dans la crypte de la basilique et son cœur est conservé à Cotignac au Sanctuaire de Notre-Dame des Grâces. 

La basilique Notre-Dame des Victoires de Paris, attire depuis 1836 les pèlerinages au Cœur Immaculé de Marie (plus de 37 000 ex-voto recouvrent les murs ainsi que des trophées militaires). Nous rappelons que les parents de Sainte Thérèse de Lisieux firent dire des messes à son intention lors de sa grave maladie en 1883. Thérèse y viendra plus tard en pèlerinage avec son père.  

Trois siècles plus tard, le 15 août 1938, l'un des chefs de la maison de Bourbon, le prince Xavier, renouvela le geste de son illustre ancêtre en consacrant notre pays à Notre-Dame des Victoires.  

Petites informations peu connues 

De retour d'une mission royale en Italie, Frère Fiacre découvrit Notre-Dame de Savone. Dans la Basilique Notre-Dame des Victoires, il érigea une chapelle dédiée à Notre-Dame de Savone, dont Louis XIV finança la construction. Cette chapelle fut bénite le 2 avril 1674. Prosterné devant l'image vénérée à Savone, le religieux demanda à la Vierge qu'elle soit le refuge des pécheurs, et accorde à la France la même protection qu'aux habitants de l'Italie. Pour mémoire, nous vous indiquons que la dévotion à Notre-Dame de Savone est née de l'apparition de la mère de Dieu à Antoine Botta, dans la vallée de Saint-Bernard, proche de Savone, le 18 mars 1536. Là, la Vierge qui apparut trois fois à Antoine Botta, avait exhorté les populations à la pénitence et au jeûne. 

La statue de Notre-Dame des Victoires, de Savone, vêtue d'un manteau blanc, disparut pendant la révolution française avec les trésors du couvent, lorsque les religieux furent chassés et l'église fermée. Privée de ses religieux, l'église devient le siège de la Loterie nationale puis Bourse des valeurs sous le Directoire. Elle fut rendue au culte en 1802, mais c'est seulement le 9 novembre 1809, que la statue retrouva son nom de Notre-Dame des Victoires après sept années de tractations avec la Bourse des valeurs, installée depuis 1796 dans l'église, par décision du Directoire.

L'aventure étonnante de l'Abbé Desgenettes

Charles Desgenettes naquit à Alençon, dans le département de l'Orne, le 10 août 1778, dans une famille très aisée: son père était magistrat. Mais après l'exécution de Louis VI, le 21 janvier 1793, Monsieur Desgenettes dut se démettre de ses fonctions; il fut arrêté, emprisonné et dépouillé de tous ses biens. Immédiatement, Charles, âgé de 12 ans, pour aider sa famille dans une grande pauvreté alla rendre visite aux fermiers des alentours et reçut d'eux des vivres en abondance. Les démarches de Madame Desgenettes pour faire libérer son mari demeurèrent sans effet. Aussi, Charles, qui avait maintenant seize ans, se rendit-il au Club Révolutionnaire de Dreux. Après un plaidoyer remarquable pour un adolescent de seize ans, il obtint la libération de son père et de cent autres détenus. Le 9 juin 1805, Charles fut ordonné prêtre et nommé vicaire à Argentan. Après de nombreuses péripéties, Charles Desgenettes revint à Paris et fut nommé curé de la paroisse Notre-Dame des Victoires qui ne comptait qu'une quarantaine de pratiquants sur 40 000 personnes. Pendant qua-tre ans, il s'épuisa sans succès. Découragé il voulut partir.

Nous sommes le 3 décembre 1836. À plusieurs reprises, alors qu'il célébrait la messe à l'autel de la sainte Vierge, il entendit une parole intérieure: "Consacre ta paroisse  au Très Saint et Immaculé Cœur de Marie!" Ce qu'il fit. Il rédigea les statuts d'une Association de prières pour la conversion des pécheurs et invita ses fidèles à venir aux Vêpres le dimanche 11 décembre, pour implorer, par l'intercession du Cœur de Marie, la conversion des pécheurs. À sa grande surprise, cinq cents personnes seront présentes… Interrogées plus tard, beaucoup de personnes diront: "On ne savait pas pourquoi on était là."

L'association créée en vue de la conversion des pécheurs, sera érigée en Archiconfrérie le 24 avril 1838, par le pape Grégoire XVI. L'Archiconfrérie deviendra un des plus importants foyers de diffusion de la Médaille Miraculeuse. Désormais, Notre-Dame des Victoires attirera de très nombreuses foules. L'Abbé Desgenettes décèdera le 25 avril 1860, à l'âge de quatre-vingt-deux ans.

Paulette Leblanc

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