bienheureux
Nicolas ROLAND
Chanoine théologal de Notre-Dame de Reims
prêtre, fondateur
(1642-1678)

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Communauté du Saint Enfant-Jésus de Reims

Traité
Petit traité des vertus les plus nécessaires aux sœurs,
qu’on a trouvé écrit de la main de M. le Théologal,
où il exprime ses sentiments sur la Communauté

 

1

de la charité envers Dieu et le prochain

Parce que les Sœurs ne se sont pas engagées dans cette Communauté que par le désir de leur perfection, et que la perfection n’a point d’autre mesure que celle de la charité, elles doivent se persuader qu’elles sont tenus d’aspirer à une charité d’autant plus haute qu’elles veulent s’élever davantage dans la perfection du christianisme.

La charité doit avoir pour fondement un e foi pure et solide qui convainque les sœurs de la bonté et de la perfection infinie de Dieu, et qui le leur fasse concevoir comme le terme où elles doivent tendre continuellement, n’y ayant de véritable repos dans le temps et l’éternité que dans le sein de cette bonté souveraine et infinie.

Dans cette persuasion, elles doivent, avec la grâce de Dieu, l’aimer ardemment et uniquement, et tâcher avec le même secours, que ce soit de tout leur cœur, de tout leur esprit, de toute leur âme et de toutes leurs forces, pour accomplir le premier, le plus excellent, le Sommaire et la fin de tous les préceptes, autant que la faiblesse d’une nature mortelle peut le permettre.

Si cet amour est chaste comme il demande de l’être, il fera que les Sœurs ne garderont que Dieu, pour Dieu même; qu’elles tâcheront de lui plaire en tout, sans mélange d’intérêt, et qu’elles rapporteront à sa gloire toutes leurs actions. S’il est pur, il les séparera de l’esprit du monde et de ses maximes, comme aussi de toutes les recherches les plus secrètes et les plus subtiles de l’amour-propre, et leur fera éviter, avec soin, les moindres tâches de leur conscience. S’il est ardent, elles rechercheront les moyens possibles de s’unir à Dieu plus intimement; elles se tiendront toujours en sa présence; elles s’élèveront souvent à Lui par des actes de foi, de désir, d’espérance, d’amour, de religion et, l’oraison sera leur plus solide et plus ordinaire nourriture. S’il est fidèle, elles appréhenderont plus que tous les maux imaginables, de se séparer de Dieu par le péché, ne fusse que pour un moment; elles craindront même la diminution et refroidissement de leur charité comme une disposition à la perdre, et seront toujours extrêmement touchées des injures qui seront faites à Dieu. Et, s’il est sincère et véritable, il se fera connaître par l’action, dans les filles de cette Communauté, en exécutant les Commandements de Dieu et de son Église, se soumettant à ses conseils, aux Règlements et saints Usages de la maison, se conformant à la volonté divine dans tous les événements et souffrances de leur vie, faisant tout le bien dont elles auront le pouvoir et qu’il sera convenable à leur état, et procurant à Dieu toute la gloire qu’elles pourront au dehors. Mais cet amour étant surnaturel, les Sœurs doivent le demander toujours avec humilité, instance, confiance et persévérance.

Toutes leurs actions étant animées de cet amour, auront le prix et le mérite qu’elles perdraient si elles en étaient privées. Tout ce qu’elles auront de travail sera agréable et doux, étant soutenues de cette vertu, et Dieu y donnera sa bénédiction.

Le feu sacré dont elles seront embrasées, leur donnera moyen d’en échauffer les autres. Elles le porteront dans le cœur de leurs écolières et des maîtresses qu’elles formeront, et de toutes les personnes avec lesquelles elles auront à traiter, par leurs bons exemples et les paroles d’édification dont la divine Providence leur donnera les occasions et les moyens.

Elles doivent aimer, par la même charité, leur prochain, puisque Dieu ne sépare point la charité qu’il veut que nous ayons pour lui d’avec celle qu’il nous oblige d’avoir pour nos frères. C’est par ce principe qu’elles doivent s’employer à l’instruction de toutes celles de leur sexe, par les écoles, les retraites et les conférences.

Elles n’agiront jamais avec acception de personnes, ni de leurs qualités humaines et naturelles, mais regardant toujours Dieu dans le prochain; se séparant autant qu’elles pourront de toute affection et inclination humaine, lorsqu’elles lui rendront quelques services.

       Dans cet esprit de charité, elles offriront à Dieu toutes leurs prières, leurs actions et souffrances pour toute l’Église, particulièrement pour les Prélats et pour ceux qui sont chargés du soin des âmes et pour les âmes qui souffrent dans le Purgatoire.

C’est aussi par ce même motif qu’elles s’uniront à celles qui sont occupées dans les offices particuliers de la maison, comme ne devant toutes avoir qu’une même fin, ne faisant qu’un même corps avec elles.

2

de l’union, de la charité des Sœurs entre elles

La charité particulière et mutuelle que se doivent les Sœurs — et qui est le lien de cette Communauté —, pour être solide, ne doit pas s’établir sur les parentés, alliances, qualités de Corps ou d’esprit, bienfaits reçus ou espérés, ou autres semblables motifs humains et temporels; mais elle a son fondement en la seule volonté de Dieu et dans le Commandement exprès de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Cette vraie charité ne permet pas les petites amitiés, intelligences ou liaisons particulières et secrètes, qui doivent être soigneusement évitées par les Sœurs et retranchées par le zèle de la Supérieure, comme étant la semence malheureuse de plusieurs particularités et divisions, et la ruine d’une Communauté chrétienne, et du véritable saint Amour que chaque Sœur doit conserver égal pour toutes les Sœurs.

Beaucoup moins cette charité peut-elle souffrir aucune envie, jalousie, aversion, dégoût, mépris, rebuts ou dureté; mais au contraire, elle veut que les Sœurs s’entr’aiment sincèrement et cordialement; qu’elles soient affables, respectueuses les unes envers les autres; qu’elles se préviennent d’honneur et de déférence; qu’elles s’entre-supportent dans leurs imperfections, infirmités et fautes journalières; qu’elles évitent les soupçons, jugements téméraires ou censures sur les actions, ou sur les paroles de leurs Sœurs; qu’elles interprètent tout en bien, et où elles ne pourront excuser l’action, elles excusent l’intention, ou du moins, elles en laissent le jugement à Dieu. Elles ne s’entretiendront point ensemble pour les faire connaître à celles qui ne les savent pas et qui n’y peuvent remédier; elles se secourront mutuellement dans leurs besoins, et principalement s’entre-avertiront de leurs défauts dans le particulier, lorsqu’elles croiront pouvoir profiter à leurs Sœurs par leurs avis, ce qu’elles feront d’une manière humble, charitable et discrète, usant de termes respectueux, et prenant garde si elles sont hors de tout témoin, comme aussi celles qu’elles veulent avertir; que si l’avis particulier avait été inutile, ou si par quelque raison, elles auraient cru ne devoir le donner, elles informeront la Supérieure de la faute qui aura été commise, dans le même esprit de charité, avec un désir sincère de l’amendement de celle qui aura failli, et d’empêcher le mal qui pourrait en arriver à la Communauté.

S’il arrivait à une Sœur de dire ou faire quelque chose contre la charité à une autre, elle lui en fera satisfaction sur le champ, s’il se peut, ou du moins lui demandera pardon avant que de se coucher, et la Sœur offensée lui rendra les témoignages d’une véritable et cordiale réconciliation.

Les Sœurs feront attention à ne louer ni blâmer les Supérieurs et officières qui sont hors de charges; elles ne compareront point le gouvernement passé au présent; ne le proposeront point pour exemple et, ne témoigneront aucun ressentiment ni déplaisir de ce qui se serait passé. Si néanmoins leur conscience les oblige d’en représenter quelque chose, elles en parleront à la Supérieure ou au Supérieur. Elles n’auront point de peine lorsqu’elles verront quelques Sœurs parler plus souvent au Supérieur ou à la Supérieure; elles compatiront à leurs peines et besoins, et prendront part à la consolation qui leur est accordée.

Si quelqu’une des Sœurs venait à manquer notablement contre la charité, par quelque aversion scandaleuse, ou troubler la paix de la Communauté, par des rapports entre Sœurs, par des murmures ou autres fautes qui sèmeraient la discorde dans la maison, elle en sera sévèrement reprise par la Supérieure et punie par l’imposition d’une pénitence exemplaire et proportionnée à la qualité de sa faute.

3

de la chasteté

Comme les Sœurs de cette Communauté n’ont point de clôture et que la charité de leur Institut les expose à plusieurs occasions, elles ont une obligation particulière d’aimer et d’honorer cette vertu de la chasteté, de la conserver avec autant d’exactitude, de prudence et de circonspection en leur personne, que l’on ne puisse remarquer aucune chose dans leurs paroles, dans leurs regards, dans leurs actions et dans tout le reste de leur extérieur, qui ne l’inspire et n’en répande la bonne odeur au-dedans et au-dehors de la maison.

Cette vertu leur apprendra à garder la pudeur en tout lieu et à être très décemment couvertes, non seulement devant les personnes du dehors, mais encore entre elles et en présence l’une de l’autre. Les Sœurs n’auront en leurs chambres et, la Supérieure ne souffrira dans la maison, ni livres, ni tableaux, ni images qui puissent, tant soit peu, blesser l’honnêteté.

4

de l’obéissance

Cette vertu est un sacrifice perpétuel de notre jugement, et une abnégation et soumission parfaite de notre volonté à celle de Dieu et à celle de nos Supérieurs qui nous le représentent, et une prompte exécution des choses qui nous sont ordonnées, sans chagrin, sans répugnance volontaire, murmure, réplique ni contestation.

La véritable obéissance est simple, sincère et universelle. Simple, n’examinant point ni la chose commandée, ni les qualités de la personne qui commande. Sincère, se soumettant de cœur et d’affection. Universelle, obéissant en tous lieux, à tous les supérieurs et en toutes choses, sans rien excepter que le péché.

Les Sœurs doivent se porter, avec affection, à la pratique de cette sainte vertu, si elles désirent vivre dans une grande consolation et repos de conscience, conserver la paix et l’union entre les Sœurs, et le bon ordre de toute la maison, et imiter Notre-Seigneur Jésus-Christ qui n’est venu et n’a vécu en ce monde que pour faire la volonté de son Père, en vue duquel il s’est soumis à toutes sortes de personnes et a mieux aimé perdre sa vie que de manquer à l’obéissance.

Que les Sœurs obéissent donc aux Supérieurs, comme à Jésus-Christ; qu’elles préviennent même leur commandement, aussitôt qu’elles connaissent leur volonté; qu’elles ne refusent point les emplois et les charges qui leur seront donnés, quand ils seraient contre leurs inclinations, et qu’elles les croiraient au-dessus de leur capacité.

Au cas d’absence, de maladie ou d’occupation de la Supérieure, elles obéiront à l’Assistante, avec la même humilité et docilité qu’à la Supérieure.

Elles ne se dispenseront d’aucune observance sans permission expresse, autant qu’il sera possible, et n’entreprendront aussi aucune chose extraordinaire sans cette dépendance et soumission, non pas même les œuvres les plus saintes, puisque Dieu n’a pas agréables les sacrifices qui lui sont offerts contre l’obéissance.

5

de l’humilité

C’est un des fruits de l’Incarnation du Fils de Dieu, et une des vertus  qu’il nous a le plus enseignées, de paroles et d’exemples; c’est le fondement de la perfection chrétienne: sans elle, les autres vertus n’auraient point de solidité, et les meilleurs œuvres deviendraient facilement une matière de péché.

Elle inspire à la créature des sentiments très bas d’elle-même, fondés sur ce que devant Dieu elle n’est rien, ne peut rien, et ne mérite rien que le mépris et la peine; elle lui fait souffrir avec tranquillité, et donne même de l’amour pour le mépris et la peine, comme l’apanage de son état.

Elle est nécessaire à tous les chrétiens, mais d’autant plus aux filles de cette Communauté, comme étant obligées de se communiquer beaucoup au-dehors; elles pourraient avoir de l’approbation qui ferait perdre le mérite de leur emploi, si elles en concevaient quelque vanité. Elles auront aussi quelquefois des contradictions et des sujets d’humiliation, outre ceux qui se rencontreront au-dedans de la maison, qui ajouteront beaucoup de bénédictions à leur travail, s’ils sont portés avec humilité.

Par le motif de cette vertu, les Sœurs ne se préféreront à qui que ce soit, ni intérieurement, ni extérieurement, soit pour les qualités de la naissance, soit pour le bien qu’elles prétendraient ou auraient même donné à la maison, soit pour leurs talents naturels et autres considérations humaines, et même, pour les grâces particulières qu’elles auraient reçues de Dieu, et du bien qu’il aurait fait par elles. Elles ne s’en entretiendront pas pour en rechercher de l’estime ou des louanges, elles tâcheront, au contraire, de les cacher aux yeux du monde, et s’humilier davantage aux yeux de celui duquel elles ont plus reçu, et qui en veut tirer toute sa gloire; comme aussi les Sœurs qui seraient de basse naissance, pauvres de biens ou de talents médiocres, n’en perdront jamais le souvenir, ne s’enorgueilliront point, pour être associées à celles qui ont de plus grands avantages, et ne voudront point leur être égales, par une secrète vanité et enflure de cœur.

La vue de leurs défauts et fautes journalières, ne les doit pas inquiéter ou porter à la tristesse et au découragement, mais leur faire reconnaître leur misère et le juste sujet qu’elles ont de se méfier toujours d’elles-mêmes, pour recourir avec plus de confiance et de fidélité à Celui seul en qui nous pouvons toutes choses. Elles aimeront que leurs défauts soient connus et que l’on en avertisse les Supérieurs; elles surmonteront la répugnance et la confusion qu’elles pourraient recevoir à découvrir leur intérieur, soit au confesseur, pour ce qui regarde les péchés, soit à la Supérieure, pour toutes les autres.

Quand elles seront accusées ou reprises, elles ne s’excuseront point, si la charité ou l’obéissance ne les y obligent, et quand même elles seraient exemptes des fautes qu’on leur imputeraient, elles ne témoigneront, ni par paroles, ni par signes, aucun mécontentement; elles étoufferont de tout leur possible le ressentiment et l’émotion intérieure, et s’abstiendront de faire des réflexions pour donner le tort aux autres, ni se justifier elles-mêmes; elles souffriront volontiers les réprimandes et les corrections qui leur seront faites, tant au Chapitre, qu’ailleurs, les avertissements des Sœurs particulières et toutes les contradictions, mépris, paroles rudes et piquantes, les railleries et moqueries qui leur arriveraient, de quelque part que ce soit, s’estimant d’autant plus heureuses qu’elles souffriront l’abjection avec plus d’innocence, ou si c’est pour de véritables fautes, qu’elles ont un moyen facile de les expier.

Elles se porteront avec affection aux actions et aux services les plus viles et humiliants en apparence, soit qu’ils leur soient ordonnés, ou seulement permis; elles appréhenderont toujours les emplois qui ont le plus d’éclat et les premières charges, bien loin de les désirer, elles ne les accepteront que par obéissance, et chériront incomparablement plus les moindres offices de la maison; elles conserveront toujours l’estime et le respect envers chacune des Sœurs, quelque imparfaites qu’elles puissent être; elles se préviendront d’honneur, se déferreront, ne défendront point leur opinion et sentiments, lorsqu’ils seront contredits, et tâcheront de se donner mutuellement l’exemple de l’humilité en toutes choses.

Comme elles ne chercheront point d’être estimées plus que les autres par la Supérieure et autres personnes qui les connaissent et conduisent, elles ne désireront pas non plus d’en être animées davantage, et n’auront point de jalousie à l’égard de celles qu’elles pourraient se persuader leur être préférées.

L’humilité des Sœurs ne se terminera pas à aimer et pratiquer l’humiliation, chacune en son particulier, il faut qu’elles soient encore disposées à l’aimer et pratiquer pour le corps de la Communauté, en souffrant volontiers que toutes les autres communautés, lui soient préférées; qu’elles soient, quelquefois, méprisées, qu’elles passent pour viles et abjectes aux yeux des hommes.

Cette vertu étant trop au-dessus de notre nature, dans la corruption où elle est, pour croire que nous la puissions acquérir par nos propres forces, il faut la demander continuellement à Dieu et combattre, avec sa grâce, l’orgueil que le péché nous a rendu naturel, faisant souvent des réflexions sérieuses sur nos imperfections, nos fautes, nos rechutes et sur les péchés plus notables de notre vie; considérant les humiliations extrêmes du Fils de Dieu et les effets et les suites de l’orgueil dans le premier Ange et le premier homme, et une infinité d’autres; embrassant tous les sujets d’humiliation intérieure et extérieure qui se présenteront, et s’efforçant de tout son pouvoir d’aimer sa propre abjection.

6

de la mortification et pénitence

Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à soi-même, qu’il porte sa croix tous les jours. Les Sœurs doivent écouter et suivre cette sainte doctrine et aimer cette vertu sans laquelle elles ne peuvent satisfaire pour leurs fautes, et leur vie être entièrement conforme à celle de Jésus-Christ; ce qui a fait dire au saint Concile de Trente, que la vie d’un chrétien doit être une continuelle pénitence.

Ainsi, elles doivent embrasser volontiers et supporter en esprit de pénitence, mais avec force et courage, tout ce qui est bas ou pénible, ou qui serait contraire à leurs inclinations, humeurs, ou propre jugement, dans les fonctions ou emplois, où l’obéissance les aurait employées, et encore au manger, au coucher, au lever, aux veilles, au travail, aux jeûnes, aux écoles et, à tout ce qui se peut présenter de fâcheux aux sens et incommode à la nature, dans la pratique de leurs Constitutions.

Dans ce même esprit de mortification, elles recevront les corrections et avertissements qui leur seront faits, et les pénitences qui leur seront imposées par la Supérieure, même les avis qui pourraient leur être donnés par les Sœurs.

Elles accepteront aussi les maladies et toutes leurs suites, comme aussi les peines intérieures ou afflictions dont il plaira à Dieu de les exercer, qu’elles doivent estimer d’autant plus qu’elles leurs arrivent de l’ordre de Dieu et non de leur choix. Mais, quoiqu’elles doivent chèrement conserver le désir de souffrir le de rendre effectif  en tout ce qu’il leur sera possible, elles ne refuseront pas, dans leurs maladies, les petits soulagements que l’obéissance leur ordonnera; et elles ne feront point, sans le consentement spécial de la Supérieure, d’autres austérités et mortifications ou pénitences, que celles qui leur seront prescrites par l’Église.

Outre la mortification extérieure qui se rencontre dans leur manière de vivre, elles s’appliqueront encore plus à la mortification intérieure de leurs passions et inclinations naturelles.

7

de la pauvreté

Les Sœurs doivent garder et estimer la sainte pauvreté, comme étant le fondement des vertus évangéliques, qui désaproprie leur cœur, et le détache de l’affection de tout ce qu’en effet elles pourraient posséder, s’appliquant particulièrement ce que le saint Apôtre ordonne à tous les chrétiens, que les personnes qui possèdent soient comme celles qui ne possèdent rien, et que celles qui se servent des choses de ce monde, soient comme celles qui ne s’en servent point.

Pour pratiquer cette vertu, elles ne s’attacheront à aucune chose de ce que la Communauté leur fournit, mais seront prêtes à la quitter, ou changer, quand la Supérieure l’ordonna; elles ne pourront rien se donner d’une à l’autre, ni changer aucune chose sans permission.

Comme la Communauté pourvoit à tout ce qui leur est nécessaire tant en santé, qu’en maladie, elles ne s’achèteront rien pour leur usage particulier, elles ne demanderont rien à leurs parents, ou autres personnes du dehors, pour leurs petites commodités, ni même pour la Communauté, mais elles se contenteront toutes du nécessaire en toutes choses.

Elles pourront et devront même, en humilité et simplicité, représenter à la Supérieure, ou à celle qu’elle commettra, les besoins qu’elles pourront avoir; mais se rapporteront à elle pour en juger et ordonner, et demeureront cependant en grande paix, sans se plaindre si on ne leur accorde pas ce qu’elles désirent, et sans jalousie, si elles croyaient que quelques unes fussent mieux qu’elles.

Dans cet esprit de pauvreté, elles ménageront et conserveront avec soin tout ce qui leur est donné pour leur usage particulier, ou ce qui leur est confié par leur charge, et même lorsqu’elles verront quelques choses, petites ou grandes se perdre, ou dissiper du bien de la Communauté, elles y remédieront si elles peuvent, sinon, elles en avertiront leur Supérieure.

8

de la modestie

La modestie est un rejaillissement de la pureté du cœur et de la sainteté de l’âme, et un signe véritable de la paix qu’elles possèdent. Elle est nécessaire à tous les chrétiens, dont la modestie doit être comme de tous les hommes; mais elle l’est singulièrement aux Sœurs de cette Communauté qui conversent avec le prochain, et qui sont obligées d’instruire, celles de leur sexe, de paroles et d’exemples, et principalement en cette vertu qui est un de leurs plus beaux ornements.

Que les Sœurs aient donc grand soin de si bien régler leur intérieur et de mortifier tellement leurs passions qu’elles ne produisent aucun dérèglement à l’extérieur, en sorte que la modestie leur soit comme naturelle.

Qu’elles soient fort retenues en leurs discours, surtout en présence des hommes, sur lesquels elles n’arrêteront jamais les yeux fixement. Qu’elles parlent d’un ton de voix si modéré, qu’il marque l’humilité de leur cœur; qu’elles évitent les rires immodérés, la multitude des paroles et les compliments mondains; qu’elles soient civiles sans affectation, graves, et néanmoins respectueuses, même entre elles, douces et affables, sans trop grande familiarité; qu’elles s’entre-saluent dans les rencontres; qu’elles ne s’appellent point de si loin qu’elles aient besoin d’élever trop la voix; qu’elles ne s’interrompent point en parlant les unes les autres, et beaucoup moins les personnes externes; qu’elles évitent les plus petites contestations; qu’elles ne se touchent point ni par jeu, ni par amitié.

Elles ne feront point de gestes en parlant; elles ne seront point libres ni dissipées en leurs discours et leurs actions, ni précipitées dans leur marché; elles éviteront toute affectation et indécence dans leurs habits, dans leur port, dans leur regard et leur maintien, afin qu’il ne paraisse aucune chose en elles qui ne soit une leçon de modestie chrétienne.

Il faut qu’elles soient modestes, mais principalement à l’Église, aux assemblées de la Communauté et au Réfectoire: ces lieux demandant une attention plus particulière sur elles-mêmes.

9

du silence

Les Sœurs observeront exactement le silence, pour honorer celui que Notre-Seigneur a gardé sur la terre; pour empêcher que les emplois extérieurs ne les dissipent, et pour conserver les vertus dont il est le fidèle gardien.

Le temps du grand silence commence depuis la fin de la récréation du soir jusqu’à la fin de la prière du matin. On l’observera toujours dans l’Église, au Réfectoire, aux chambres des Sœurs, et autant que faire se pourra sur les escaliers. S’il arrivait quelque nécessité de parler, on le fera plus brièvement qu’on le pourra et à voix basse.

Il n’y aura liberté de parler que dans les récréations, hors lesquelles on ne parlera qu’autant que la nécessité y obligera et cela sans élever la voix. Les Sœurs ne s’entretiendront point en particulier sans la permission de la Supérieure, et lorsqu’elles le feront, même avec la permission, elles éviteront tout entretien inutile, et beaucoup plus ceux qui pourraient blesser la charité et les autres vertus, et se garderont soigneusement sous prétextes de confiance, ou de décharge de cœur, de découvrir les unes aux autres leurs peines, tentations et autres sentiments, tels qu’ils puissent être qui pourraient faire naître de pareilles, ou autres peines dans l’esprit de leurs Sœurs, ou fortifier celles qu’elles auraient déjà; se souvenant que selon la doctrine de l’Évangile et des Saints Apôtres, les fidèles ne doivent parler que pour s’entr’édfier les uns les autres.

Les Sœurs néanmoins peuvent en tous lieux et en tous temps parler à la Supérieure, et particulièrement les Prétendantes à leur Maîtresse.

Mais d’autant que le silence extérieur serait de peu de fruit, si elles laissaient aller leur esprit dans l’oisiveté et évagation pendant leurs exercices et emplois: elles feront leur possible avec la grâce de Dieu, pour se tenir en sa Sainte présence; mais sans aucune contention, pour s’élever vers lui par de courtes et ferventes aspirations; ou s’occuper de quelques bonnes pensées.

10

de l’obligation à observer les Constitutions

Pour lever les scrupules et apaiser les inquiétudes qui arrivent quelquefois aux âmes timorées, lorsque par fragilité elles sont tombées dans quelques inobservances: on déclare aux Sœurs de cette Communauté que leurs Constitutions ne les obligent par elles mêmes sous peine d’aucun péché.

Elles remarqueront toutefois, qu’elles pécheraient en ne les observant pas dans les cas suivants:

1er Lorsque les mêmes choses qui sont portées par les Constitutions, seraient aussi défendues ou commandées par quelques lois qui obligent sous peine de péchés.

2e Lorsque l’inobservance serait accompagnée de mépris des Constitutions, ou par quelque motif vicieux, ou désordonné.

3e Si une Sœur troublait la paix et le bon ordre de la maison, ou si elle causait un relâchement considérable en la régularité par le scandale et mauvais exemple de l’inobservance.

Quoi que les manquements aux Constitutions ne fussent pas accompagnés de ces circonstances, qui enferment un péché, les Sœurs néanmoins qui les violeraient souvent et volontairement, auraient grand sujet de craindre, puis que de les négliger, ce serait manquer à sa vocation, être infidèles au Saint-Esprit par le mouvement duquel elles se sont engagées à cet Institut et se mettre enfin au hasard de quelque grande chute, tant par l’indignité où elles se seraient mises de la grâce divine, que par la facilité que l’on contracte d’ordinaire de tomber dans des fautes considérables, et de manquer aux lois de Dieu en négligeant les devoirs de son état et engagements particuliers, sous prétexte qu’on n’y est pas obligé sous peine de péché. C’est l’avertissement que nous donne un ancien Père: que celui qui fait indifféremment tout ce qui est permis de faire, viendra bientôt à faire aussi ce qui ne lui est pas permis; ce qui est fondé sur ces paroles de Notre-Seigneur. Que celui qui manque de fidélité dans les petites choses, deviendra bientôt infidèle dans les grandes.

S’il arrive à l’avenir quelques différends entre le Supérieur, la Supérieure et les Sœurs, où la Communauté fût engagée dans quelques contestations, sur le sujet des Constitutions, les plus intéressées auront recours à Monseigneur l’Archevêque pour leur donner l’explication et le juger.

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