« Prie ton Père dans le secret »
Que cherches-tu au dehors, ô belle
âme, puisque tu possèdes en toi-même tes richesses, ta jouissance, ton
rassasiement et ton royaume, c'est-à-dire le Bien Aimé auquel tu aspires et que
tu poursuis ?... La seule difficulté c'est que, tout en résidant en toi, il y
demeure caché...
Tu élèves une objection : « Puisque celui que j'aime habite en moi, comment se
fait-il que je ne le trouve ni le sente ? » En voici la raison. C'est qu'il y
est caché et que tu ne te caches pas comme lui pour le trouver et le sentir.
Celui qui veut trouver un objet caché doit pénétrer jusqu'à la profondeur où il
se cache, et lorsqu'il l'aura trouvé, lui aussi sera caché. Ton Époux bien-aimé
est le trésor caché dans le champ de ton cœur, ce trésor pour lequel le sage
marchand a donné tous ses biens (Mt 13,44). Il te faudra donc pour le trouver
oublier tout ce qui t'appartient, t'éloigner de toutes les créatures et te
cacher dans la retraite intérieure de l'esprit.
Là, fermant la porte sur toi, c'est-à-dire renonçant par la volonté à toutes
choses, « tu prieras ton Père dans le secret ». Si tu demeures ainsi cachée avec
lui, tu le sentiras en secret, tu l'aimeras et tu en jouiras en secret ; tu
prendras secrètement en lui tes délices, c'est-à-dire d'une manière qui surpasse
toute parole et tout sentiment.
Saint Jean de la Croix
(1542-1591), Carme, docteur de l'Église; Cantique spirituel B,1, 8-9 (trad. Cerf
1990)
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