La spiritualité de sainte
Mechtilde
d’après le Livre de la Grâce spéciale
Jésus est le modèle de la vraie
sainteté
― Si tu
désires une vraie sainteté, dit Marie, tiens-toi près de mon Fils; il est la
sainteté même, sanctifiant toutes choses... Que ton âme se nourrisse du Verbe de
Dieu comme de la meilleure nourriture, et qu’elle se couvre et se pare des
délices qu’elle goûte en lui, c’est-à-dire des exemples qu’il lui donne à imiter.
Unis-toi aussi à sa famille, je veux dire les saints; aime-les, loue Dieu pour
eux, demande-leur souvent d’aller vers le Bien-Aimé pour le louer avec toi...
Avec les saints tu seras sainte. (Le Livre de la Grâce spéciale, première
partie, chapitre XXXVII, 2)
Pendant une oraison, Mechtilde se
rappelait ses péchés lorsque soudain, elle se vit couverte de cendres, comme
d’un manteau. “Elle se demanda alors ce qu’elle ferait quand le Dieu de
majesté... apparaîtrait dans sa puissance et lui ferait rendre compte de sa
grande lâcheté.” Des paroles vinrent à sa pensée: “Plus un homme est
saint devant Dieu, plus il se croit vil et inférieur à tous; plus sa conscience
est pure, plus il craint et redoute d’encourir la disgrâce de Dieu.”
Mechtilde comprit alors que la très
sainte vie et les œuvres du Christ avaient suppléé en elle tout le bien qu’elle
avait négligé de faire, “car lorsque Dieu arrête sur une âme son regard de
miséricorde, quand il s’incline pour la prendre en pitié, tous ses crimes sont
jetés dans un éternel oubli.”. (Le Livre de la Grâce spéciale, 1ère partie,
chapitre 1)
À l’attention d’une âme affligée
désirant cependant la sainteté, Jésus fit comprendre à Mechtilde, qui priait
pour cette âme, qu’il avait, sur cette terre, suivi trois voies qu’elle devait
imiter :
― La
première, aride et étroite est celle de la pauvreté volontaire. La seconde,
semée de fleurs et plantée d’arbres fertiles est sa vie remplie de vertus et
digne de louange. La troisième est son amère et cruelle Passion. (Le Livre
de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre XXXVI, 36)
Dans le Cœur de Jésus, c’est
l’amour qui domine. Ainsi, dans la maison de ce Cœur de Jésus, Mechtilde
aperçut aussi quatre vierges d’une grande beauté qu’elle reconnut pour être les
vertus suivantes: l’humilité, la patience, la douceur et la charité... La
charité était vêtue d’un manteau vert. Le Seigneur expliqua :
― La
charité fait reverdir par sa vertu beaucoup de troncs desséchés, c’est-à-dire
les pècheurs; elle leur fait porter aussi les fruits des bonnes œuvres... Tâche
d’entrer dans l’intimité de ces vierges et d’obtenir leur amitié, si tu veux
rester avec moi dans cette maison et jouir de ma présence... (Le Livre de la
Grâce spéciale, deuxième partie, chapitre XIX, 17)
Pour exprimer sa puissance,
plusieurs fois l’amour se présenta à Mechtilde sous la forme d’une vierge très
belle... L’amour dit :
― J’ai
fait seule le tour du ciel... C’est moi aussi qui ai vaincu les rigueurs de la
divine justice, les ai changées en douceur, pour abaisser le Seigneur de gloire
jusque dans l’exil de votre misère... Tous ceux qui, par amour, demeurent
fidèles à Dieu dans leurs tribulations triomphent de tous les obstacles et de
tous leurs vices par la force de l’amour.” (Le Livre de la Grâce spéciale,
deuxième partie, chapitre XXXV, 31)
Travaille à délivrer tous les
captifs, c’est-à-dire porte secours et consolation aux affligés et à ceux qui
sont dans la tentation. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie,
chapitre XXXIX, 39)
Sur la charité, à propos du silence
de Jésus pendant la Passion :
― Bien
que l’homme puisse parler bien ou mal, il devrait régler ses paroles de façon à
n’en jamais prononcer pour blesser ou troubler le prochain. (Le Livre de la
Grâce spéciale, première partie, chapitre XVIII, 28)
Jésus dit à Mechtilde :
― Les
vierges, de préférence aux autres saints, ont reçu trois privilèges honorables.
Le premier est que je les aime plus que toute créature: c’est pourquoi la
première vierge qui m’ait voué sa chasteté a tellement enflammé mon amour que,
ne pouvant plus me contenir, je me suis précipité du ciel, pour me renfermer en
elle tout entier. Le second est que je les ai enrichies plus que toutes les
autres créatures: tous mes biens et toutes mes souffrances, je les leur donnés
en propriété particulière. En troisième lieu, je les ai glorifiées plus que les
autres; car je me lève lorsqu’elles s’approchent de moi, je murmure à leur
oreille un mystérieux secret, et, seules, elles ont la liberté de jouir, selon
leur bon plaisir, de mes chastes embrassements...
La véritable vierge, choisie
ainsi pour devenir mon épouse, doit être noble en humilité. Qu’elle estime
n’être rien, qu’elle se croie la dernière des créatures, qu’elle désire
sincèrement le mépris et l’abjection; plus elle s’enfoncera dans l’humilité,
plus sa noblesse sera grande dans la gloire céleste. Et moi, ajoutant mon
humilité à la sienne, je lui conférerai la plus haute des noblesses. La vierge
doit aussi être belle, c’est-à-dire patiente; et sa beauté grandira en
proportion de sa patience, car j’ajouterai à ses souffrances celles de ma propre
Passion...
Plus tard Mechtilde se demanda ce
qu’elle pourrait offrir d’agréable à son Seigneur. Le Seigneur lui dit :
― Celui
qui m’offrira un cœur humble, patient et charitable, me fera un très agréable
présent.
― Quel
est le cœur assez humble pour vous plaire? s’inquiéta Mechtilde
― Celui
dont la joie est de se voir méprisé, affligé et plongé dans l’adversité; celui
dont le bonheur est d’ajouter quelque chose à ma Passion, à mes humiliations, et
de m’offrir des sacrifices, celui-là est vraiment patient et humble de cœur. De
même celui qui se réjouit de tout le bien qui arrive à son prochain, celui qui
s’afflige des disgrâces du prochain comme des siennes propres, celui-là m’offre
un cœur vraiment enclin à la charité. (Le Livre de la Grâce spéciale,
première partie, chapitre XI, 18)
Un Vendredi-Saint, le Seigneur
dit :
― Veux-tu
voir comment je suis maintenant en toi, et toi en moi?
Elle gardait le silence toute
pénétrée de son indignité, quand elle vit le Seigneur comme un cristal
transparent, et son âme comme une eau pure et brillante qui coulait dans le
corps du Christ. Elle était encore dans l’admiration de cette faveur et de
l’étonnante bonté de Dieu à son égard, lorsque le Seigneur lui dit:
― Souviens-toi
de ce que saint Paul a écrit: “je suis le dernier des apôtres, indigne d’être
appelé apôtre; mais par la grâce de Dieu je suis ce que je suis.” De même tu
n’es rien par toi-même; mais ce que tu es, par ma grâce, tu l’es en moi...
Le Seigneur continua :
― Je veux
bien m’ensevelir en toi: je veux être dans ta tête l’objet de ton intelligence;
je veux être l’œuvre de tes mains, et m’identifier à toutes tes actions et à
chacun de tes mouvements. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie,
chapitre XVIII, 27)
D’autres comparaisons
Pendant une messe, à l’Offertoire,
le Seigneur apparut à Mechtilde, debout près de l’autel, royalement vêtu.
Émerveillée Mechtilde voulut connaître le symbolisme des colombes, des aigles,
des pierres précieuses qu’elle voyait sur la couronne du Seigneur qui lui dit :
― L’humilité,
la foi, la patience, l’espérance de tous les hommes brillent comme des perles
sur ma couronne. Les colombes et les aigles qui la surmontent représentent les
âmes simples et les âmes éprises d’amour. (Le Livre de la Grâce spéciale,
quatrième partie, chapitre III, 3)
À un autre moment, Mechtilde se
trouvait, en esprit dans un jardin magnifique; sous un arbre fleurissaient une
rose, une violette, un crocus, et une herbe appelée benoîte. Le Seigneur
prenait ses délices parmi ces fleurs, c’est-à-dire dans la charité, l’humilité,
l’abaissement et l’action de grâces qui tient la créature prête à dire en tout
ce qui lui advient: “Béni soit le nom du Seigneur”, et à remercier et bénir Dieu
en tout temps. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre L,
50)
L’Évangéliste Luc rapporte une
parabole du Seigneur, concernant ceux qui, dans les banquets, prenaient les
premières places. Le Seigneur dit plus tard à ses disciples :
― Je suis
au milieu de vous comme celui qui sert. Mechtilde demanda ce que cela signifiait
et le Seigneur répondit :
― Ce que
je vous sers, c’est mon Cœur.
Et aussitôt il montra son Cœur et
fit comprendre à sa servante que l’homme doit ordonner ses propres dispositions
selon trois sentiments: Le premier est une disposition d’amour et de
révérence à l’égard du Père; le second, de miséricorde et de charité à l’égard
du prochain; le troisième, d’humilité et d’abjection devant soi-même
À propos de la robe nuptiale
Le Seigneur montra une robe
merveilleusement tissue de pourpre, de blanc et d’or, en disant :
― Voici
la robe nuptiale faite de la blancheur d’un cœur pur, de l’humilité et de l’or
du divin amour. Quiconque veut porter cette robe doit avoir un cœur pur,
c’est-à-dire ne permettre volontairement à aucune mauvaise pensée d’entrer dans
son cœur, puis juger favorablement ce qu’il voit et entend. Qu’il se soumette
avec douceur et humilité à ses supérieurs et même à toute créature, en vue de
Dieu. Qu’il aime Dieu de tout son esprit, qu’il méprise toute créature en la
comparant au Créateur, et ne s’attache à aucune chose qu’il ne soit disposé à
rejeter et à fuir absolument, si elle l’éloignait de Dieu. (Le Livre de la
Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XXXVIII, 39)
Les vertus se présentèrent
personnifiées par des vierges. L’une d’elles se présenta: c’était l’obéissance.
Mechtilde demanda la signification de ce spectacle, et le Seigneur lui
répondit :
― Celle-ci
est l’obéissance; seule elle me présente à boire, car l’obéissance contient en
elle-même la richesse des autres vertus: le véritable obéissant doit
nécessairement posséder l’ensemble de ces vertus. (Le Livre de la Grâce
spéciale, première partie, chapitre XXXV , 61)
Toutes ces vertus sont
indispensables à celui qui veut devenir saint. Cependant elles seraient sans
effet s’il n’avait pas d’abord la foi, et s’il ne faisait pas son possible pour
la conserver. Voici quelques conseils :
― Si
quelqu’un recommande sa foi à Dieu de la manière suivante, il obtiendra la grâce
d’être préservé, à la fin de sa vie, de toute tentation contre la vraie foi.
― Premièrement
donc, que le chrétien recommande sa foi à la toute-puissance du Père, le priant
de la fortifier tellement par la vertu de la Divinité, qu’elle ne puisse jamais
s’éloigner de la vraie foi.
― Secondement,
qu’il confie sa foi à l’impénétrable sagesse du Fils de Dieu, le priant de
l’illuminer par les splendeurs de la divine science, de telle sorte qu’elle ne
soit jamais séduite par l’esprit d’erreur.
― Troisièmement,
qu’il la donne en garde à la bienveillance du Saint-Esprit, le suppliant
d’accorder à cette foi de n’opérer qu’en présence du Saint-Esprit, par l’amour,
afin qu’à l’heure de la mort l’âme soit consommée dans la perfection. (Le
Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XXXIII, 34)
Pour atteindre la sainteté,
l’exercice, même persévérant, des vertus ne suffit pas; il faut aussi implorer
l’aide du Seigneur, par des prières ferventes.
Une nuit de la Circoncision du
Seigneur, Jésus dit à Mechtilde :
― Quiconque
veut obtenir le repos du cœur et du corps doit être doux et humble. Que celui
qui souhaite renouveler sa vie fasse comme l’épouse qui aime beaucoup à recevoir
les étrennes de son époux. Ainsi, l’âme fidèle désire être ornée par moi de
vêtements nouveaux, afin de se présenter toute l’année aux yeux des hommes avec
la magnificence d’une reine. Qu’elle me demande d’abord un vêtement de pourpre,
c’est-à-dire l’humilité... Qu’elle me demande ensuite une robe d’écarlate,
c’est-à-dire la patience... Qu’elle recouvre enfin la pourpre et l’écarlate du
manteau d’or de la charité... (Le Livre de la Grâce spéciale, première
partie, chapitre VII)
Instruction du Seigneur :
― Lorsque
je répands sur toi ma grâce, laisse là toutes choses, suspends ton activité, en
sorte que, libre et dégagée, tu jouisses avec plénitude de cette grâce. Tu ne
peux rien faire alors de meilleur et de plus avantageux. (Le Livre de la
Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XI, 11)
Jésus dit :
― Le cœur
humain ne peut vivre sans respirer l’air; ainsi l’âme qui ne vit pas de mon
esprit est morte. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre
XII, 12)
Mechtilde priait pour une personne
qui désirait savoir ce que Dieu voulait qu’elle fît. Le Seigneur lui suggéra la
réponse suivante :
― Qu’elle
se comporte avec moi comme un enfant qui aime tendrement son père, ne s’adresse
jamais qu’à lui pour obtenir quelque chose et trouve toujours ce qu’il reçoit
beau et précieux à cause de son affection filiale. De même elle doit aspirer
toujours à recevoir la grâce, et tout ce que je lui donne ne doit jamais lui
paraître petit, parce qu’elle peut recevoir tout par amour dans une gratitude
profonde...
Qu’elle cherche aussi en toutes
choses la gloire de Dieu, qu’elle l’accroisse autant qu’il est en son pouvoir,
et ne voie jamais avec indifférence ce qui peut outrager Dieu. Si cependant elle
n’arrive pas encore ainsi au comble de ses désirs, si sa grâce habituelle
ou la consolation divine lui est enlevée, qu’elle ne s’en afflige pas, qu’elle
ne pense pas aussitôt que cela vient du mécontentement ou de l’abandon de Dieu.
Quand un bon père refuse à son fils une chose que celui-ci a le tort de
demander, ou qu’un époux prend à l’égard de son épouse une attitude sévère, ce
n’est pas la colère qui les inspire, mais le désir de leur donner un
enseignement. (Le
Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre XXXII, 31)
Et voici des conseils très
pratiques: c’est Jésus qui enseigne :
― Le
matin, dès ton lever, salue le Cœur tendre et fort de ton très doux amant, car
c’est de lui que tout bien, toute joie, toute félicité ont découlé, découlent et
découleront sans fin, au ciel et sur la terre. Emploie toutes tes forces à
verser ton propre cœur dans ce Cœur divin, en lui disant:
“Louange, bénédiction, gloire et
salut au très doux et très bienveillant Cœur de Jésus-Cœur de Jésus-Christ, mon
très fidèle amant! Je te rends grâce pour la garde fidèle dont tu m'as entourée,
pendant cette nuit où tu n'as cessé d'offrir à Dieu le Père les actions de
grâces et les hommages que je lui devais. Et maintenant, ô mon unique amour, je
t'offre mon cœur comme une rose fraîchement épanouie dont le charme attire les
yeux tout le jour et dont le parfum réjouit ton divin cœur. Je t'offre aussi mon
cœur comme une coupe qui te servira à t'abreuver de ta propre douceur et des
opérations que tu daigneras opérer en moi aujourd'hui. Je t'offre mon cœur comme
une grenade d'un goût exquis digne de paraître à ton royal festin, afin que tu
l'absorbes si bien en toi-même qu'il se sente désormais heureux au-dedans de ton
cœur divin. Je te prie de diriger aujourd'hui toutes mes pensées, mes paroles,
mes actions et mon bon vouloir selon le bon plaisir de Ta volonté. Amen.”
Fais ensuite le signe de la
Croix en disant: “Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Père saint,
unie à l’amour de votre très aimable Fils, je vous remets mon esprit...”
Recommande ton cœur à l’amour
afin qu’il le cache en son Cœur divin et l’embrase à tel point qu’il ne puisse
désormais goûter ni joie, ni délectation terrestre.” (Le Livre de la Grâce
spéciale, troisième partie, chapitre XVII, 17)
Jésus donne aussi quelques exemples
sur la manière de prier :
― Quand
une personne est seule, qu’elle élève sans cesse son cœur vers Dieu, qu’elle
s’entretienne avec lui et le désire du fond de son âme, poussant vers lui de
profonds soupirs. Cette conversation continuelle avec Dieu allumera son cœur de
l’amour divin. Quand elle se trouve en compagnie d’autres personnes, qu’elle
garde son attention dirigée vers Dieu, autant que possible, et parle volontiers
de lui. C’est ainsi qu’on attise le feu de l’amour chez soi et chez autrui.
Il convient encore que l’homme
fasse toutes ses actions en vue de Dieu, pour le louer, et qu’il abandonne par
amour pour Dieu toute chose défendue. Enfin, les adversités et les charges
doivent être acceptées pour l’amour de Dieu et portées avec patience. (Le
Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre X, 10)
Une nuit, pendant le temps de la
Passion, Mechtilde demanda au Seigneur comment elle pouvait le louer pendant le
temps de la Passion. Jésus lui répondit qu’elle devait bénir :
La toute puissance
infinie qui, pour sauver l’homme, a condamné à l’impuissance le souverain
Seigneur des anges et des hommes,
L’insondable sagesse
qui lui a fait accepter de passer pour un insensé,
La charité sans
borne qui l’a rendu gratuitement odieux à ceux qu’il devait sauver,
Sa miséricorde très
bénigne qui lui a fait souffrir pour l’homme une mort si cruelle,
Sa douceur
infiniment suave qui lui a fait supporter les amertumes de la plus terrible des
morts.
Dans la croix est le vrai salut; en
dehors d’elle point de salut. Au cours d’une messe de la semaine sainte, Jésus
dit:
― La
vraie vie a été donnée à l’homme par la croix, lorsque moi, vie de l’âme, je
suis mort d’amour sur la croix; alors, j’ai donné la vie à l’âme morte par le
péché, je lui ai donné la vie éternelle en moi. Par la croix il a été aussi
donné à l’homme de ressusciter par la pénitence, autant de fois qu’il meurt par
le péché. De la croix viennent la résurrection de la chair et la vie éternelle.
Il faut chercher Dieu par ses
cinq sens
Le Seigneur enseigne :
― Cherche-moi
dans tes cinq sens... L’âme doit me chercher sans cesse au moyen de ses sens qui
sont les fenêtres de son âme. Si elle voit, par exemple, des choses belles et
aimables, qu’elle pense combien est beau, aimable et bon celui qui les a faites
et qu’elle s’élève aussitôt vers le Créateur de l’univers. Lorsqu’elle entend
une mélodie suave ou quelque discours agréable qu’elle se dise: “Oh! combien
sera douce cette voix qui t’appellera un jour...” Au contraire, si elle prend
la parole, que ce soit en vue de la gloire de Dieu et du salut de ses frères.
Qu’elle lise ou chante avec cette pensée: “Voyons, qu’est-ce que ton Bien-Aimé
te dit ou te commande en ce moment par ce chant ou cette lecture?...”
Toute délectation qui se
présente doit ramener le souvenir des délices cachées en Dieu qui a créé toute
beauté et tout plaisir pour nous faire connaître sa bonté, et nous attirer à son
amour... (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XLIV,
44)
Les cinq portes de l’Humanité de
Jésus
Un jour, pendant que Mechtilde
était en oraison, elle vit une immense porte comportant elle-même cinq autres
portes magnifiquement sculptées: La grande porte symbolisait l’Humanité de
Jésus-Christ. Les deux portes creusées en bas signifiaient les pieds du
Seigneur; sur la colonne qui les séparait on lisait ce verset: “Venez à Moi,
vous tous qui êtes dans le labeur et courbés sous le fardeau, et je vous
soulagerai.” Devant cette double porte, elle vit une vierge de grande beauté:
c’était la Miséricorde qui la fit entrer. L’âme se trouva alors devant le juste
Juge qui, apaisé par la Miséricorde, lui donna le pardon de tous ses péchés et
la revêtit de la robe d’innocence. Ainsi parée elle s’approcha avec confiance
des portes qui s’ouvraient plus haut et qui signifiaient les mains du Christ...
Entre les deux portes se trouvait
une autre vierge: la Bénignité qui l’introduisit auprès du Roi. Elle put alors
s’approcher de la porte la plus élevée qui désignait le très doux Cœur de
Jésus-Christ, semblable à un bouclier d’or transpercé, en signe de la victoire
qu’il a remportée dans sa Passion. La colonne portait cette inscription:
“Approchez de lui, soyez illuminés, et vos visages ne seront pas couverts de
confusion.”
Là aussi elle vit une vierge que
son incomparable beauté mettait bien au-dessus des autres: c’était la Charité
qui l’introduisit auprès de son doux fiancé, plus beau que tous les fils des
hommes... (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre VIII)
Comment Jésus parle à l’âme
Un jour, Mechtilde demanda :
Mon Bien-Aimé, quel est donc ce
salut que vous adressez à mon âme? Je ne l’entends pas.
― Ma
salutation n’est pas autre chose que ma tendre affection... J’apprends à une âme
par une inspiration divine, par un mouvement d’amour, comment elle doit m’offrir
ses hommages... Les œuvres dépourvues de saveur pour l’homme peuvent cependant
plaire à Dieu... (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre
IX, 9)
Le Seigneur explique qu’il y a
quatre genres de prières :
– La première est la
prière des justes qui, d’un cœur contrit et humilié implorent le pardon de leurs
péchés.
– La seconde est
celle des affligés qui cherchent refuge et secours auprès de Dieu.
– La troisième est
celle de la charité fraternelle qui intercède pour les besoins et les misères
d’autrui...
– La quatrième est
celle d’une âme inspirée par le plus pur amour, lorsu’elle intercède pour
l’Église en général et pour chacun de ses frères comme pour elle-même... (Le
Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XLVII, 47)
Mechtilde comprit un jour, grâce à
Marie, que si quelque obstacle surgit dans le service de Dieu, à cause de
l’attitude d’autrui à notre égard ou de dispositions personnelles ressortant de
faits extérieurs, des désirs, des réminiscences, n’importe quel obstacle enfin,
doit être perçu par nous comme messager du Seigneur. Il faut donc aller
au-devant de lui avec respect, et le renvoyer pour ainsi dire vers Dieu, par la
louange et l’action de grâces. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième
partie, chapitre XV, 15)
Conseil : Ne te défie jamais de
la miséricorde de Dieu, même s’il permet à la tribulation de t’approcher ou s’il
te soustrait les consolations de sa grâce. (Le Livre de la Grâce spéciale,
quatrième partie, chapitre LIX, 55)
Une nuit, alors qu’elle était
éveillée, Mechtilde vit le Seigneur descendre vers elle et lui dire :
― Jamais
abeille au printemps ne fut plus prête à s’envoler, plus légère pour butiner les
fleurs dans les prés verdoyants, que je ne suis disposé à venir en hâte vers ton
âme, au premier appel. (Le Livre de la Grâce spéciale, deuxième partie,
chapitre III, 3)
Le Seigneur entend toujours la
détresse des pauvres. La lumière divine fit comprendre à Mechtilde que toutes
les fois qu’une âme en détresse pousse des soupirs vers Dieu, soit afin de le
louer, soit afin d’obtenir une grâce, aussitôt tous les saints se lèvent, louent
Dieu tous ensemble pour cette âme, ou lui obtiennent la grâce désirée. (Le
Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XXXV, 36)
Quand une personne est dans la
tristesse, elle doit agir ainsi :
― Est-elle
enveloppée des nuages de la tristesse? Qu’elle gravisse la montagne de
l’espérance et qu’elle me contemple des yeux de la foi, moi, le céleste
firmament auquel sont fixées, comme des étoiles, les âmes de tous les élus. Ces
étoiles peuvent bien être cachées sous les nuages du péché, les brouillards de
l’ignorance; cependant elles ne peuvent cesser de briller à leur firmament,
c’est-à-dire dans ma clarté divine... C’est pourquoi il est bon à l’homme de se
rappeler souvent ma gratuite bonté... Alors on peut me bénir, moi qui suis
l’éternel firmament des élus. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième
partie, chapitre XXIV, 23)
Et il faut confier toutes ses
peines à Dieu
Le seigneur dit aussi :
― Lorsqu’on
est dans la peine, on doit se prosterner à mes pieds, y déposer tout son fardeau
et me le confier... Qu’on s’approche de mon Cœur en disant: “Ô merveilleuse
condescendance de votre bonté pour nous, excès incompréhensible de votre
charité! Pour racheter l’esclave, vous avez livré le Fils!... Qu’on prie afin
que l’amour de mon divin Cœur, qui m’a chargé du fardeau de tous les hommes,
vous aide à supporter ce poids de tristesse avec un amour reconnaissant. (Le
Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre XXV, 24)
Et encore :
― Quand
une peine survient, si on avait aussitôt l’intention de me donner à boire, mes
lèvres, en se portant vers le calice, y infuseraient tant de douceur que le
chagrin deviendrait noble et fructueux.
Quand vient la tristesse, il
faudrait aussitôt, conseille Mechtilde, en offrir le poids à Dieu: alors il
enverrait la douce consolation, il encouragerait la patience et ne permettrait
pas que l’affliction demeurât sans fruit... Quand on veut porter soi-même ses
chagrins, on tombe dans l’impatience, et plus on s’en occupe, soit pour les
raconter, soit pour les revivre en esprit, plus ils deviennent lourds et amers. (Le
Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre XXVI, 25)
Mechtilde était souvent soumise à
de violentes tentations et elle se demandait si les grandes grâces qu’elle
recevait de Dieu venaient de Lui ou de l’ennemi. Ce jour-là “le tentateur...
jeta dans son cœur la crainte et la tristesse...” Elle supplia le Seigneur
de l’éclairer, et le Seigneur lui dit :
― Ne
crains, pas ma Mechtilde bien-aimée; je te jure par la vertu de ma Divinité que
cette crainte et cette tristesse ne te nuiront pas; au contraire, elles te
sanctifieront et te prépareront à ma grâce. (Le Livre de la Grâce spéciale,
deuxième partie, chapitre XII, 10)
Mechtilde se trouvait, en esprit,
devant un autel magnifiquement décoré, dont les sculptures symbolisaient les
bienfaits de Dieu. On montait à cet autel par trois degrés:
– le premier était en or, parce
que nul ne peut venir vers Dieu sans la charité.
– Le second, couleur d’azur,
désignait la méditation des choses célestes, car celui qui s’approche de Dieu
doit nécessairement se dépouiller des idées terrestres pour s’efforcer
d’atteindre, par l’oraison, les pensées célestes.
– Le troisième degré, de couleur
verte, exprimait la vigueur que réclame la louange divine, car nos actions
doivent être animées par l’intention de louer Dieu bien plus que par le désir de
notre avantage et de notre salut. (Le Livre de la Grâce spéciale, première
partie, chapitre XXXI, 55)
Jésus, un dimanche de la
quinquagésime, invita Mechtilde :
― Veux-tu
demeurer avec Moi sur la montagne pendant ces quarante jours et quarante nuits
de Carême?
― Oh!
volontiers, mon Seigneur.
Alors le Seigneur lui montra une
montagne élevée qui s’étendait de l’Orient à l’Occident, avec sept plateaux à
gravir et sept fontaines. Il la prit avec lui et atteignit le premier plateau
qui s’appelait: degré de l’humilité; il y avait là une fontaine dont l’eau
purifie l’âme de tous les péchés commis par orgueil. Ils montèrent au second
plateau appelé degré de la douceur; ils y trouvèrent la fontaine de patience qui
purifie l’âme des fautes contractées par la colère. Ils atteignirent le
troisième degré qui est celui de l’amour où coule la fontaine de charité dans
laquelle l’âme peut se laver de tous les péchés enfantés par la haine... (Le
Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XIII, 20)
De là ils s’élevèrent au
quatrième plateau appelé degré d’obéissance où l’on trouve la fontaine de
sainteté qui purifie l’âme de toutes les fautes de désobéissance. Puis, ils
montèrent au cinquième qui est le degré de la modération où se voit la fontaine
de libéralité où l’âme se purifie des péchés qu’elle a commis par avarice quand
elle usa des créatures sans avoir en vue la gloire de Dieu ou son avancement
personnel. Ils gravirent le sixième plateau, celui de la chasteté où jaillit la
fontaine de la divine pureté dont les eaux purifient l’âme des désirs charnels.
Là, cette âme se vit, comme le Seigneur, revêtue d’une robe blanche.
Enfin, ils arrivèrent au
septième degré, celui de la joie spirituelle; la fontaine s’appelle joie
céleste; elle purifie de toutes les fautes commises par dégoût des choses
spirituelles. Or cette source ne jaillissait pas avec impétuosité comme toutes
les autres, mais elle coulait lentement, goutte à goutte, parce que la joie
céleste ne peut être goûtée pleinement par personne en cette vie; sur terre, on
en reçoit une goutte qui n’est rien, pour ainsi dire, en comparaison de la
réalité...
Puis ils gravirent le sommet de
la montagne... Il y avait deux trônes magnifiques. Le premier était le siège de
la souveraine et indivisible Trinité d’où sortent quatre fleuves d’eau vive. Le
premier fleuve désigne la divine Sagesse qui gouverne les saints... Le second,
la divine Providence... le troisème fleuve désigne la divine surabondance qui
les enivre de tout ce qui est bon... le quatrième enfin, figure les délices qui
les font vivre en Dieu, dans la plénitude des joies enivrantes et sans fin
qu’ils goûteront dans ce lieu où Dieu enlèvera toute larme de leurs yeux... Le
second trône était celui de la Vierge Mère qui avait sa place auprès du roi,
ainsi qu’il convient à une reine. (Le Livre de la Grâce spéciale, première
partie, chapitre XIII, 20)
Mechtilde, en vision, se vit en
train de “gravir” cette même montagne. Elle se purifia dans l’eau du 3ème degré,
et parvint au 7ème degré où elle vit le Seigneur Jésus qui la conduisit jusqu’à
une petite maison transparente comme le cristal. Autour de la maison jouaient
de petits enfants vêtus de blanc qui, tout joyeux, louaient le Seigneur. Elle
comprit que les enfants morts avant l’âge de cinq ans sont là dans une
allégresse éternelle. (Le Livre de la Grâce spéciale, 1ère partie, chapitre
XIII, 21)
Dieu fait don de son Cœur divin
à l’âme pour qu’en retour elle lui donne son cœur... Il faut aussi garder avec
soin le Cœur de Dieu et étudier avec soin ce qui lui plaît davantage. (Le
Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre LIX, 58)
Sache, dit Jésus à Mechtilde,
que si tu veux être mon épouse, il te faut renoncer à toute joie sensible,
partager avec moi cette couche de souffrances et d’ignominies et t’unir à la
plaie béante de mon Cœur...
Donc, ô fille du Père éternel,
épouse choisie de son Fils unique et coéternel, amie du Saint-Esprit et lieu de
repos qu’il convoite, aime un tel Amant qui est tout amour et dont tu es la
bien-aimée. Sois fidèle à celui qui est la fidélité même... Considère aussi ce
qui te manque de vertus. Est-ce de l’humilité ou d’une autre que tu es surtout
dépourvue? Ouvre, par la clé de l’amour, le précieux écrin de toutes les vertus,
c’est-à-dire le Cœur divin de Jésus-Christ... Si des pensées de désespoir te
font la guerre, recours au trésor inépuisable de cette tendresse qui ne veut
laisser périr personne, mais souhaite attirer tous les hommes à la connaissance
et à l’amour de la vérité. Ceux-là seuls sont exceptés qui choisissent
volontairement l’éternelle damnation... (Le Livre de la Grâce spéciale,
quatrième partie, chapitre LIX, 56)
L’Amant des hommes, le Seigneur
Jésus-Christ souhaite d’un immense désir s’unir à l’âme, surtout à celle qui
veut être consolée par lui...
Si l’on s’aperçoit que quelque
chose, ou quelqu’un éloigne la pensée de Dieu, il faut écarter cette chose si
l’on ne veut être privé de l’intimité avec Dieu. Cette intimité est
excessivement délicate: elle ne souffre rien au-dessus d’elle, ni même avec
elle. C’est Jésus-Christ lui-même, Fils de la Charité du Père, qui veut être le
bien-aimé et l’intime ami de ton cœur. (Le Livre de la Grâce spéciale,
quatrième partie, chapitre LIX, 57)
Cependant il n’est pas interdit
de sentir la dévotion
Et plus tard le Seigneur lui fit
comprendre que lorsqu’on se sent moins dévot, froid dans l’amour, loin de
Dieu, qu’on invoque l’Amour, qu’on le prenne pour ambassadeur en le chargeant
d’obtenir la grâce ou le zèle de la dévotion... En tout labeur et tribulation,
qu’on appelle l’Amour à son aide, car, lui présent, l’homme n’éprouve ni fatigue
dans le travail ni défaillance dans l’adversité. (Le Livre de la Grâce
spéciale, deuxième partie, chapitre XLI, 37)
Un jour comme Mechtilde cherchait
quel cadeau elle pourrait offrir à Jésus, ce dernier répondit :
― Tu ne
pourras jamais trouver un présent qui me soit plus agréable qu’une petite maison
établie dans ce cœur[2],
afin que j’y habite sans cesse et que j’y prenne mes délices. Cette maison
n’aura en tout qu’une fenêtre par où je parlerai et distribuerai mes dons aux
hommes.”
Mechtilde comprit que cette fenêtre
figurait sa bouche dont elle devait se servir pour distribuer la parole de
Dieu et pour enseigner ou consoler ceux qui viendraient à elle. (Le Livre de
la Grâce spéciale, deuxième partie, chapitre XXXIII, 29)
Jésus dit :
― Si
quelqu’un veut me faire une offrande agréable, qu’il s’applique à pratiquer
trois choses:
ne jamais abandonner
le prochain dans ses besoins ou sa détresse, atténuer et excuser les défauts et
les péchés de ses frères autant qu’il le peut...
ne chercher refuge
qu’en moi dans la tribulation; ne se plaindre de ses chagrins à personne, mais
confier avec abandon, à moi seul, toutes les inquiétudes qui chargent le cœur...
marcher avec moi
dans la vérité.
Celui qui s’adonne à ces
pratiques sera reçu par moi à l’heure de sa mort comme par une mère très aimante
qui accueille son fils. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie,
chapitre VII, 7)
Ah! bienheureux êtes-vous, vous
qui vivez encore sur la terre et pouvez acquérir tant de mérites! Si l’homme
savait combien il peut mériter en un seul jour, à peine serait-il éveillé que
son cœur se dilaterait de joie en voyant luire encore une journée, pendant
laquelle il pourrait vivre à Dieu et mériter pour le glorifier! Cette joie le
rendrait certainement plus allègre et plus fort pour tout ce qu’il devrait faire
ou souffrir! (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre IX,
9)
S’étant inclinée sur le sein de son
Bien-Aimé Mechtilde entendit résonner trois pulsations dans les profondeurs du
Cœur divin... Le Seigneur lui dit :
― Ces
trois battements indiquent trois paroles que j’adresse à l’âme aimante: la
première est: “Viens!” c’est-à-dire sépare-toi de toute créature; la seconde:
“Entre” avec confiance, comme une épouse; la troisième: “dans le lit nuptial”,
c’est-à-dire dans le Cœur divin.
Ces trois mots lui firent
comprendre que Dieu adresse son appel à chaque élu encore entouré de toutes les
créatures, afin que, renonçant d’une volonté libre et entière aux délices qu’il
peut trouver en elles, il s’applique au Seigneur Dieu seul, en toute dévotion. (Le
Livre de la Grâce spéciale, deuxième partie, chapitre XX, 18)
Mechtilde s’inquiétait à cause de
ses nombreuses négligences, malgré toutes les grâces qu’elle avait reçues. Elle
croyait même que sa consécration comme épouse du Christ avait été souillée par
ses péchés. Le Seigneur lui dit :
― Si on
te donnait le choix, que préfèrerais-tu? Acquérir les biens que je t’ai donnés
par l’effort de tes œuvres et de tes vertus, ou les recevoir gratuitement de
moi?
― Ô mon
Seigneur, je fais plus de cas du moindre don concédé par vous que de
l’acquisition des mérites de tous les saints par les plus grands travaux et les
plus hautes vertus.
― À cause
de cela, sois à jamais bénie! dit le Seigneur qui ajouta:
― Si tu
veux renouveler tes fiançailles, approche-toi de mes pieds, rends grâces pour la
robe d’innocence que je t’ai gratuitement conférée, car ce n’est point par ton
mérite que tu l’as gardée, et demande que ma très parfaite innocence corrige
tout ce qu’il y a de vicié en toi. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième
partie, chapitre XV, 15)
Mechtilde pensait que sa maladie la
rendait inutile... Le Seigneur vint pour la consoler :
― Lorsque
tu désires me louer et que la maladie y met obstacle, prie pour que j’exalte et
bénisse Dieu le Père dans tes peines comme je l’ai fait sur la croix au milieu
de mes propres souffrances... Ma Passion a porté des fruits infinis au ciel et
sur la terre; ainsi tes peines, tes tribulations remises à moi-même et unies à
ma Passion seront tellement fructueuses qu’elles procureront aux élus plus de
gloire, aux justes, un nouveau mérite; aux pécheurs, le pardon; et aux âmes du
purgatoire l’allègement de leurs peines. Qu’y a-t-il, en effet, que mon Cœur
divin ne puisse rendre meilleur, puisque tout bien au ciel et sur la terre
découle de la bonté de mon Cœur.” (Le Livre de la Grâce spéciale, deuxième
partie, chapitre XXXVI, 32)
Pendant que la maladie de
Mechtilde était plus pénible, Jésus vint à elle revêtu d’une robe blanche,
serrée par une ceinture tissue de soie verte à losanges d’or, dont les bouts lui
pendaient jusqu’aux genoux. Tout étonnée, elle désirait savoir ce que cela
signifiait, quand le Seigneur le lui expliqua :
― Voici
que je me revêts de tes souffrances. La ceinture indique que tu es entourée de
douleurs: elles t’atteignent jusqu’aux genoux. Moi, j’absorberai en moi-même
toutes ces souffrances et je les subirai en toi. C’est ainsi que je ferai une
offrande très agréable à Dieu le Père. (Le Livre de la Grâce spéciale,
deuxième partie, chapitre XXXIX, 35)
Celui qui veut devenir un vrai
religieux doit défendre à ses yeux tout regard illicite ou inutile, doit
défendre à ses oreilles d’écouter aucune parole qui puisse souiller son cœur,
défendre à sa bouche toute parole inutile, et lui interdire de répéter tout ce
qu’il a vu et entendu...
On ne peut empêcher les pensées
de se présenter à l’esprit, mais on peut toujours n’y pas consentir, ne pas les
accepter volontiers; on peut les chasser facilement. (Le Livre de la Grâce
spéciale, quatrième partie, chapitre V, 5)
Enfin, pour conclure ce chapitre
consacré à la prière, il ne faut jamais oublier que, dans la communion des
saints, rien n’est jamais perdu de nos prières, de nos sacrifices, de nos
offrandes et de nos bonnes actions. Les saints du ciel aussi en bénéficient.
Voici une parole que Mechtilde reçut du Seigneur, un jour de la fête de Sainte
Agnès :
― L’hommage
des cœurs remonte vers Dieu et comble les saints d’une douce allégresse.”
(Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XI, 18)
Mechtilde désirait savoir ce
qu’était “la voix de la gloire divine.” Le Seigneur lui dit :
― La voix
de ma gloire se fait entendre quand une âme contrite pleure ses péchés, par
amour plus que par crainte, et mérite ainsi que je lui adresse la parole du
pardon: “tes péchés te sont remis; va en paix!” Dès que l’homme ressent une
vraie douleur et peine de ses crimes, je lui remets tous ses péchés et je le
reçois dans ma grâce comme s’il n’avait jamais failli.
Secondement, la voix de ma
gloire résonne encore lorsqu’une âme qui m’est unie dans l’oraison intime ou
contemplation, m’entend murmurer à son oreille: “Viens mon amie, montre-moi ton
visage.”
Troisièmement, c’est aussi la
voix de ma gloire qui invite doucement une âme à sortir de son corps pour entrer
dans l’éternel repos; elle dit alors: “Viens, mon élue, et je ferai de toi mon
trône.”
Enfin, au jour du jugement,
lorsque je convoquerai mes élus appelés de toute éternité aux splendeurs et aux
honneurs du royaume, la voix de la gloire dira: “Venez les bénis de mon Père,
recevez le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde.” (Le Livre
de la Grâce spéciale, première partie, chapitre 3)
Pourquoi le visage de Jésus
prend-il parfois l’aspect du soleil? demandait Mechtilde.
Jésus répondit :
― Parce
que le soleil a trois propriétés par lesquelles il me ressemble: il échauffe, il
féconde, il éclaire.
Le soleil échauffe:
ainsi ceux qui m’approchent s’enflamment d’amour, et, comme la cire devant le
feu, leurs cœurs se fondent en ma présence.
Le soleil donne
fécondité à toute plante; ainsi ma présence rend l’âme vigoureuse et féconde en
bonnes œuvres.
Le soleil éclaire;
de même quiconque vient à Moi est illuminé des clartés de la science divine.
(Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre 4)
Un jour de Noël, pendant une messe,
Jésus dit à Mechtilde :
― Du
visage du petit Enfant Jésus s’échappaient quatre rayons destinés à illuminer
les quatre parties du monde: ces rayons symbolisaient la vie très sainte de
Jésus-Christ et sa doctrine qui a éclairé l’univers.
Le même jour, un peu plus tard,
Jésus emmailloté de langes précisa :
― Dès ma
naissance je fus lié de bandes et de bandelettes qui m’enlevaient la liberté de
mes mouvements, pour montrer que je me livrais tout entier, avec mes biens
apportés du ciel, à la puissance de l’homme et à son service. Celui qui est lié
n’a plus aucun pouvoir: il ne peut se défendre, il ne peut empêcher qu’on le
dépouille. Quand je suis sorti de ce monde, j’étais pareillement cloué à la
croix et ne pouvais faire le moindre mouvement, en signe de l’abandon fait aux
hommes de tous les biens que j’avais acquis pendant ma vie mortelle... (Le
Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitres V, 7 et 8)
5-7-4-Le Nom de Jésus
Mechtilde demanda :
― Quel
est ce nom sublime qui vous a été donné par le Père? (Ce nom qui est au-dessus
de tout nom) Jésus répondit :
― Ce nom
est: Sauveur de tous les siècles. Moi je suis en effet le Sauveur et le
Rédempteur de tout ce qui est, a été, et sera à jamais. Je suis le Sauveur de
ceux qui ont vécu avant mon Incarnation; Je suis le Sauveur de ceux qui
vivaient, lorsque, devenu homme, j’ai conversé avec les hommes; je suis le
Sauveur de ceux qui ont embrassé ma doctrine et qui veulent encore marcher sur
mes traces, jusqu’à la fin des temps. C’est là un nom digne de moi, destiné à
moi seul par le Père depuis l’origine du monde, et il est au-dessus de tout nom.
(Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XVI, 24)
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