La vie de sainte Mechtilde

4-Deux grandes “relations” de Mechtilde

        4-1-Sainte Mechtilde et sainte  Gertrude

La spiritualité de Mechtilde et celle de Gertrude sont étonnamment proches. Ce qui est vrai de l’une, est vrai de l’autre. Le mystère du Verbe incarné tient la première place dans leurs visions. L’homme-Dieu y apparaît non seulement comme Sauveur, mais comme Médiateur entre Dieu et les hommes. C’est l’amour qui l’a attiré des hauteurs des cieux jusque sur notre terre; c’est l’amour qui l’a fait petit, pauvre, humble, souffrant, qui l’a cloué à la croix et l’a marqué des plaies désormais glorieuses qu’il présente sans cesse à son Père afin de l’incliner vers ceux qu’il a acquis par son sang.

Ici encore, c’est le Cœur divin qui apparaît comme l’organe principal de l’amour et de ses opérations; et Mechtilde en fournit peut-être encore plus d’images que Gertrude, dont les visions se présentaient généralement sous une forme moins sensible.

Un autre point semble important à signaler: c’est la liberté prise par Gertrude pour rapporter les confidences de Mechtilde. Nous sommes entre l’Avent 1290 et Pâques 1291. Mechtilde est très malade. Voici ce que Gertrude écrit: “Ses douleurs continuelles [1] l’avaient empêchée de se rendre au chœur...” Mechtilde demandait ardemment la santé, mais elle ajoutait, à l’adresse du Seigneur:

— Ce que je veux seulement, c’est de n’être jamais en désaccord avec votre volonté, c’est vouloir toujours avec vous tout ce que vous voudrez et ferez pour moi de pénible ou d’agréable.

Puis Gertrude poursuit :

— On pourrait écrire beaucoup d’autres choses sur ce qui se passa durant cette maladie; mais nous les omettons parce que, dans ses récits souvent interrompus ou donnés par lambeaux, elle supprimait parfois le meilleur, comme elle le déclarait elle-même. Elle disait en effet: “Tout ce que je vous raconte n’est que du vent en comparaison de ce que je ne puis exprimer par des mots.” Parfois aussi elle parlait si bas que nous ne pouvions bien la comprendre. C’est pourquoi nous n’avons rien ajouté à ce que nous avons véritablement entendu et soigneusement conservé, pour la louange de Dieu et l’utilité du prochain. (Le Livre de la Grâce spéciale, deuxième partie, chapitre XXXI, 27)

        4-2-Sainte Mechtilde et Dante

Un autre honneur était réservé à la sainte, honneur secondaire assurément si on le compare à ceux que l’Église réserve à ses saints: on s’est toujours préoccupé d’un  personnage introduit par Dante dans sa Divine Comédie (chant du Purgatoire) sous le nom de Matelda. Ce ne pouvait être un personnage imaginaire, pas plus que les autres évocations du poète. Longtemps les commentateurs s’arrêtèrent à la grande comtesse de Toscane: Mathilde, la fille spirituelle et le ferme soutien de saint Grégoire VII. Cependant, d’autres se demandaient avec raison, quel rapport il pouvait y avoir entre la grande figure belliqueuse et virile de la comtesse Mathilde, et le gracieux personnage que Dante se donne comme initiateur à sa régénération spirituelle...

Aussi, sainte Mechtilde, plus et mieux étudiée, a-t-elle pu être reconnue comme une des meilleures inspirations du poète florentin. Nous savons qu’à l’époque où il composa le chant du Purgatoire, l’œuvre de Mechtilde était connue à Florence... Dante prononce le nom du personnage qui prend sur lui une autorité aussi douce que puissante. Il l’appelle Matelda, c’est-à-dire Mathilde ou Mechtilde, car ce sont là deux formes du même nom... Le livre de sainte Mechtilde compta bientôt un grand nombre de copies dont on retrouve des exemplaires dans les bibliothèques allemandes; les plus anciennes sont aussi les plus complètes. Plus tard parut une rédaction de l’ouvrage dont on supprima malheureusement tout ce qui pouvait avoir un intérêt historique, et où l’on se montra très sobre de détails sur sainte Mechtilde.

C’est sur ce second modèle, qui subit encore d’autres altérations, que furent imprimées les diverses éditions du Livre de la Grâce spéciale; il en résulta, sur la vie et la personne de sainte Mechtilde, une profonde obscurité, source des erreurs qui s’établirent sur son compte comme sur celui de sainte Gertrude. Ces retranchements étaient regrettables, car les manuscrits les plus complets n’étaient déjà que trop succincts en fait de l’absence de renseignements biographiques. (Le Livre de la Grâce spéciale, Préface)


[1] De Mechtilde.

    

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