La
vie de sainte Mechtilde
Mechtilde de Hackeborn était une
moniale vivant dans un monastère qui suivait une règle proche de la Règle
bénédictine. Elle bénéficia de grâces très spéciales. Elle fut contrainte par
ses supérieurs de les partager à quelques religieuses, ses confidentes, qui les
notèrent soigneusement pour, ensuite, rédiger un livre: Le Livre de la Grâce
spéciale.
Afin de prouver la véracité de son
contenu, le principal auteur du Livre de la Grâce spéciale affirmera à plusieurs
reprises qu’il vient vraiment de Dieu. Elle déclare notamment:
— Que ce livre est vraiment de Dieu,
qu’il a été composé par sa grâce, qu’il est, de nom comme d’effet, le “Livre de
la Grâce spéciale”. La personne qui l’écrivit d’après ce qu’elle tenait de la
bouche de celle-ci
ou
d’après les récits d’une personne qui causait familièrement avec elle
,
fut favorisée d’une vision pendant son sommeil, il y a environ trois ans...
donc vers 1294 ou 1295.
Puis l’auteur ajoute:
— Je ne crois pas devoir taire
non plus le fait suivant: les trois personnes qui écrivaient ce livre le
tenaient soigneusement caché; or, un jour de fête, l’une d’elles désirant y lire,
n’eut pas plus tôt ouvert le livre qu’une autre lui dit avec impétuosité:
— Eh bien! quel trésor y-a-t-il
dans ce livre? Au moment où je l’ai aperçu, mon cœur en a ressenti une si forte
émotion que tout mon corps en a tressailli.
C’est donc avec raison que ce
volume a reçu de Dieu le nom de Livre de la Grâce spéciale, puisqu’on vient de
le voir présenté sous la figure d’une douce liqueur, et qu’il pénètre de
sentiments si agréables ceux qui seulement l’aperçoivent. (Le Livre de la
Grâce spéciale, cinquième partie, chapitres XXIV, 27)
La fin du Livre de la Grâce
spéciale, à partir du chapitre XXII de la cinquième partie, a été écrit, c’est
presque certain, après la mort de sainte Mechtilde. L’auteur, surtout sainte
Gertrude d’Helfta, insiste beaucoup sur la véracité de ce Livre. Elle veut
affirmer que tout ce qui a été écrit dans ce livre, l’a été à la demande
expresse du Seigneur, pour le bien et le salut de ceux qui le liront; et elle
rapporte les faits suivants.
À une demande inquiète de sainte
Mechtilde, Jésus dit
— Mon âme n’est-elle pas dans
toutes les parties de ton corps, et cependant toujours en ma présence dans le
ciel? Si ton âme, qui n’est qu’une simple créature, a ce pouvoir, pourquoi moi,
le Créateur de toutes choses, ne puis-je pas être dans toutes mes créatures et
partout?
— Dis, dit Mechtilde, comment
puis-je savoir si tout ce qui est écrit est vrai, puisque je ne l’ai ni lu ni
approuvé...
— Je suis dans le cœur de celles
qui désirent t’entendre, c’est moi qui excite en elles ce désir. Je suis leur
intelligence lorsqu’elles t’écoutent; je leur fais comprendre ce que tu leur
rapportes... Je suis dans leurs mains quand elles écrivent, je suis leur aide et
leur coopérateur.
Mechtilde vit alors trois rayons du
Cœur divin se diriger vers le cœur des personnes
qui
écrivaient ce livre. Mechtilde implora:
— Hélas! ô mon très doux ami,
puisque j’ai été ingrate pour vos dons et ne vous ai jamais remercié, je désire
que tous ceux qui liront ce livre rendent pour moi, misérable, des actions de
grâces à vous-même, par vous-même... Le Seigneur répondit:
— Tous ceux qui liront ce livre
ou entendront parler de toi n’auront qu’à réciter à cette intention, l’antienne:
“À vous la gloire...” (Le Livre de la Grâce spéciale, cinquième partie,
chapitres XXII, 25)
Une nuit, le Seigneur apparut à
Mechtilde en tenant le livre ouvert dans sa main droite. Le Seigneur dit:
— Ne crains pas... ce livre est mon
ouvrage. Le don que tu as reçu vient de moi; aussi réellement que tu as reçu de
mon esprit, celles-ci
ont
été poussées par mon esprit à écrire et à poursuivre leur travail. Ainsi, ne
crains rien, il n’y a pas de raison de t’affliger; c’est moi qui préserverai ce
livre de tout dommage et de toute erreur.... Elles ont en toute vérité écrit
d’après mon esprit tous les mots de ce livre; ils brilleront à jamais dans leur
couronne devant mes yeux.
(Le Livre de la Grâce spéciale, cinquième partie,
chapitres XXXI, 32)
L’auteur
du Livre de la
Grâce spéciale précise:
Ce que nous avons écrit est peu
de choses en comparaison de tout ce que nous avons omis. Et, suivant l’usage de
l’époque, elle fait tout un panégyrique de la vie et des actions de Mechtilde,
panégyrique dont nous ne citons que quelques lignes: ainsi, cette moniale
vénérable a gardé avec un grand soin la virginité (qu’elle avait vouée à Dieu
dès l’âge de sept ans) avec la parfaite pureté de cœur... Le plus grand péché de
son enfance, et elle ne se le rappelait qu’avec douleur, était d’avoir dit une
fois qu’elle voyait un voleur dans la cour, tandis qu’il n’y en avait point.
Elle ne se souvenait pas d’avoir jamais commis sciemment aucun autre
mensonge...
Pour s’élever à la sublimité de la
gloire suprême ,
l’humilité indispensable ne lui a pas plus manqué que cette chasteté virginale
qui associe familièrement et délicieusement à l’Agneau...
Elle a méprisé le monde dans sa
fleur, et si bien embrassé la pauvreté qu’elle refusait même le nécessaire...
Elle posséda en perfection toutes les autres vertus de la vie religieuse: le
renoncement à sa volonté propre, le mépris de soi, la prompte obéissance, le
zèle de la prière et de la dévotion, l’abondance des larmes, l’amour d’une
contemplation assidue... Elle était le refuge et la consolatrice de tous, et
possédait, par un don singulier, la grâce de se faire ouvrir avec confiance les
secrets des cœurs... Des religieux et des séculiers venaient de loin et
attestaient qu’ils avaient été, par elle, délivrés de leurs peines...
Elle fut tellement éprouvée par
les douleurs et les infirmités qu’on est en droit de l’associer aux martyrs...
Cette dévote disciple du Christ contemplait Dieu face à face par les yeux de son
âme... Elle était en effet si intimement unie à Dieu et lui avait fait de sa
volonté une offrande si parfaite, qu’après sa profession, ainsi qu’elle l’a
rapporté elle-même, elle n’eut jamais, en aucune circonstance, d’autre volonté
que le bon plaisir de Dieu... Elle était douée aussi de l’esprit de prophétie...
Elle nous a souvent confié que, pendant la psalmodie chantée ou récitée, son
esprit recevait subitement du Seigneur l’intelligence de vérités inconnues pour
elle jusqu’alors... Maintenant, que dirons-nous encore? Ne peut-elle pas être
comparée aux esprits angéliques? Unie avec eux sur la terre par un lien
d’étroite amitié, elle était rarement privée de leur présence... (Le Livre
de la Grâce spéciale, cinquième partie, chapitres XXX, 32)
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