Marie Thérèse de Soubiran
Religieuse, Fondatrice, Bienheureuse
1834-1889

Une enfance protégée

Le 16 mai 1834, Sophie Thérèse de Soubiran naît à Castelnaudary, petite ville du Lauragais à 40 km environ au sud de Toulouse. Sa famille très chrétienne est issue de la vieille noblesse méridionale, ruinée à la Révolution lorsqu’elle revint de son exil en Espagne.

Six ans plus tard, une petite sœur Marie, vient la rejoindre. Le père, ancien militaire, est austère et attaché aux valeurs traditionnelles ; ses enfants reçoivent une éducation à la maison auprès de leur, mère, de la tante Sophie restée célibataire et de l’oncle paternel, le chanoine Louis de Soubiran. Tous habitent le vieil hôtel familial.

Le chanoine de Soubiran dirige la Congrégation Mariale de Castelnaudary qui regroupe un certain nombre d’enfants et de jeunes filles de cette ville et des environs, de tous milieux sociaux. Sophie Thérèse y est admise très jeune ; c’est là qu’elle entend l’appel à la mission. Elle note dans ses écrits spirituels :

« De quatorze à dix huit ans, le bon Dieu subjugua entièrement mon cœur… L’oraison sur la vie et les mystères de notre Seigneur m’était facile et douce ; j’y recevais de vives lumières sur la vie intérieure, le prix de la souffrance connue de Dieu seul…l’abandon à la sainte volonté. Dès ce moment le bon Dieu s’est attaché mon cœur…Oui les charmes de son amour ont ravi mon cœur….Je reçus de vives lumières sur la beauté du travail apostolique. Je compris l’abnégation qu’exigeait ce travail tout divin et combien il est nécessaire de s’y dépenser sans cesse, sans rien retenir pour soi-même, avec un soin tout particulier de tout rapporter à Dieu….

La grâce d’une grande dévotion au Sacré Cœur de Jésus me fut donnée, une douce confiance en la très sainte Vierge… Mon âme désirait très vivement le carmel, parce que l’on y est à Dieu sans partage… »

Le Béguinage

Depuis plusieurs années, le chanoine de Soubiran mûrit le projet d’établir à Castelnaudary, un Béguinage, institution religieuse médiévale pour jeunes filles pieuses, restées célibataires mais sans vocation religieuse proprement dite. Pour le réaliser, il compte sur sa nièce qui va avoir vingt ans…

Cette proposition est loin de répondre aux attraits de Sophie Thérèse qui lutte pendant un an et fait une retraite pour se déterminer.

« pour exécuter la volonté divine qui venait de m’être clairement manifestée, mon esprit dut marcher de tout point sur tout ce qu’estime le monde… » Le 8 août 1854, Sophie Thérèse part au Béguinage de Gand , en Belgique pour s’initier à cette nouvelle vie.

De retour, dans sa ville natale le 29 septembre de la même année, elle va directement s’installer à l’Enclos du Bon Secours, préparé à cet effet par son oncle : le Béguinage est fondé.

Des jeunes filles se joignent à elle et le 14 novembre 1855, Sophie Thérèse y fait profession et devient la Supérieure de cette petite communauté, sous le nom de Mère Thérèse. Très vite elle modifie la Règle du Béguinage, pour y mettre une vie plus conventuelle.

Dans la nuit du 5 au 6 novembre 1861, un incendie, ravage tout les bâtiments que l’on vient de construire pour agrandir le couvent. Mère Thérèse emporte le Saint Sacrement dans ses bras pour le mettre à l’abri et passe le reste de la nuit en adoration ; la Sainte Vierge invoquée donna miraculeusement le temps de sauver les religieuses et les 26 enfants de l’œuvre de la Préservation qui étaient accueillies au Bon Secours.

L’année suivante, Mère Thérèse fait le vœu que toutes les Sœurs porteront le nom de Marie ; à la date anniversaire de l’incendie, les religieuses renouvellent une nuit d’adoration devant le Saint Sacrement.

Dès lors, l’aspiration à une vie religieuse plus solidement établie se précise parmi les Sœurs du Béguinage, où l’adoration eucharistique tiendrait une place centrale.

Nuit de feu

Nuit du 5/6 novembre 1861 au Béguinage de Castelnaudary. Lieu source pour la Congrégation.

« Le 6 novembre 1861, un incendie épouvantable dévora le couvent et faillit envelopper dans ses flammes 26 religieuses et bon nombre d’enfants. La très sainte Vierge invoquée donna miraculeusement le temps de sauver les personnes ; pour l’édifice, il fut détruit ; et chose remarquable, la veille au soir, après une instruction, il avait été dit : être de mauvaises religieuses, donner naissance à une communauté qui serait sans régularité et sans ferveur, il vaudrait mieux mourir mille fois, oui, il vaudrait mieux que le bon Dieu nous détruise toutes d’un seul coup,même en nous brûlant. »[1]

Pendant l’incendie, et dès que les secours furent organisés, Marie Thérèse de Soubiran, qui avait emporté le Saint Sacrement pour le mettre à l’abri, passa le reste de la nuit en adoration, rejointe par quelques religieuses.

« L’événement est fondateur en ce qu’il est à l’origine de l’adoration eucharistique ; et plus précisément de l’adoration de nuit. Il l’est aussi pour la conception de la pauvreté religieuse à vivre à Marie Auxiliatrice.

Nuit de feu riche en symboles bibliques :

– Nuit : temps de repos, temps où peut germer la semence qui pousse toute seule. Nuit qui enveloppe la terre de son mystère quand la Parole se fait chair. Nuit pascale…

– Feu : qui brûle et détruit, purifie et se propage, qui consomme le sacrifice adressé à Dieu. Marie Thérèse n’a pas choisi de brûler sa maison ; celle-ci a été livrée aux flammes sans son accord ! mystère de la destruction d’un bâtiment et d’une œuvre pour la construction d’une autre maison “selon le cœur de Dieu”, c’est le même mystère qui a pénétré les profondeurs du « oui » de Marie Thérèse de Soubiran. Ce feu n’est pas venu par hasard. A la lumière de la foi, elle a compris tout ce qu’il signifiait pour elle et pour nous »[2].

Marie Auxiliatrice

Afin de mieux discerner le dessein de Dieu sur le Béguinage,Mère Marie Thérèse demande conseils et fait une retraite spirituelle de 30 jours selon les Exercices spirituels de St Ignace, à Toulouse en 1864. Dans la prière elle comprend que Dieu lui demande de continuer la fondation ébauchée, mais en lui donnant une autre base.

Les Sœurs adopteront la spiritualité ignatienne et trouveront Dieu aussi bien dans la prière que dans l’action apostolique. Pour mieux se mettre entre les mains de Dieu, « pour ne faire fond que sur Lui seul », Marie Thérèse renonce à tous ses biens personnels par un vœu de pauvreté radicale ; c’était le 7 juin 1864. Dieu lui donne une tâche à accomplir, elle compte uniquement sur Lui pour la réaliser.

Mère Marie Thérèse se met à l’œuvre : elle constate l’exode rural des jeunes vers la ville où l’industrialisation commence à se développer. Le projet apostolique de la Congrégation de Marie Auxiliatrice sera donc de : « Soutenir les jeunes filles de l’âge de quatorze à vingt cinq ans environ. Très spécialement cette partie de la jeunesse qui, sans famille, réside dans les grandes villes, fréquente l’atelier et les fabriques. Ce but étant un besoin de nos sociétés modernes qui centralisent tout et remplacent les familles chrétiennes par des masses d’individus… »

Marie Thérèse fonde une communauté à Toulouse et ouvre une « Maison de famille », ancêtre du Foyer de jeunes travailleuses.

Dès 1869, s’amorce une période d’extension : elle ouvre une maison de famille à Amiens , sur la demande pressante de l’évêque, puis à Lyon A la guerre de 1870, Presque toutes les sœurs partent en Angleterre avec le Noviciat qui regagne la France fin 1871 à Bourges, une communauté reste en Angleterre ; une autre maison de famille s’ouvre à Paris, puis à Angers.

Le développement de la Congrégation a été très rapide, sous l’impulsion de Mère Marie François qui a été élue Assistante Générale en 1871. Fin 1873, cette dernière profite de petites difficultés pour annoncer une faillite avec des comptes qu’elle a falsifiés et elle accuse la Supérieure Générale, Mère M. Thérèse de ne pas savoir gouverner….

Un orage à Marie Auxiliatrice

Exil et départ de la Fondatrice

Sous l’action intrigante de son Assistante générale, début 1874 Marie Thérèse doit s’éloigner de la Congrégation qu’elle avait fondée :

« Le 9 février, tout se brisait pour moi,
la tempête me sépara violemment
de tout ce qui m’était le plus cher ici-bas…
Je fus rejetée sans asile, chargée de la responsabilité
de tout ce qui s’effondrait,
accusée par tous, de tous les malheurs
prêts à fondre sur Marie Auxiliatrice. »

Marie Thérèse quitte sa communauté de Bourges ; elle va prendre conseil auprès du Père Ginhac S.J qui réside à Castres ; elle démissionne de sa charge de Supérieure Générale

« Mon Dieu seul me restait, seul il me consolait dans ce flot d’amertume dans lequel mon être tout entier semblait être submergé… »

Elle vit son exil à l’hôpital de Clermont Ferrand, où elle est tolérée comme « hôte » ; Marie Thérèse est dans le dénuement et presque l’indigence, elle fait un peu de broderie pour subvenir à ses besoins…Elle prie et s’en remet à la direction du Père Perrard, jésuite, qui l’accompagne dans cette épreuve, et cherche pour elle un couvent qui accepterait de la recevoir…Sa mauvaise santé et son passé de fondatrice, lui ferment bien des portes…

Marie Thérèse de Soubiran au monastère de Notre Dame de Charité

Après 9 mois d’exil, Marie Thérèse de Soubiran est accueillie le 20 septembre 1874, au monastère Notre Dame de Charité, rue St Jacques à Paris. Admise d’abord comme dame pensionnaire, elle entre au Postulat le 24 décembre.

Le 20 avril de l’année suivante, elle prend l’habit et reçoit son nouveau nom : Sœur Marie du Sacré Cœur ; elle est admise définitivement dans ce monastère le 29 juin 1877.

Avec beaucoup d’humilité, de fidélité et d’amour, elle s’initie à tous les usages et coutumes de sa nouvelle famille religieuse ; tantôt seconde portière, ou troisième maîtresse, dans les classes, son apostolat auprès des jeunes filles que recueille cet institut est réduit. Sa santé se détériore très vite.

Pendant quinze ans, Sœur Marie du Sacré Cœur, vit un enfouissement avec le Christ et une résurrection en Lui. Elle relit sa vie, ses épreuves à la lumière d’une foi toujours plus vive et d’une confiance sans limite en l’amour de Dieu qui l’a dépouillée de tout et qui est devenu sa force, sa joie, sa prière, sa plénitude.

« Notre Seigneur m’a traitée comme une tendre mère qui, prenant son enfant dans ses bras, lui enlève tout pour qu’enfin le petit ne regarde qu’elle, ne pense qu’à elle. »

Le 7 juin 1889, Sœur Marie du Sacré Cœur, s’endort dans la paix de Dieu.

Le 20 octobre 1946, le Pape Pie XII, la proclame bienheureuse.

http://www.marieauxiliatrice.cef.fr/


[1] M. Thérèse de Soubiran (manuscrit Amour et Miséricorde).
[2] Extrait d’une conférence de Sr Geneviève M. Perret.

 

 

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