Lorsqu'à l'âge de douze ans
Perrine Éluère perdit sa mère, elle se précipita vers la Vierge Marie et lui
demanda de lui servir de mère; plus tard elle s'affilia à la Congrégation de la
Sainte Vierge. Enfin, elle entra au carmel, un ordre consacré à la Vierge Marie.
À mesure que le Seigneur lui révélait sa vocation propre: la réparation pour les
pécheurs et la dévotion à sa Sainte Face, la contemplation de la Vierge
douloureuse se développait aussi en elle.
7-1-Notre Dame du Saint Nom de Dieu
7-1-1-Notre-Dame du Saint
Nom de Dieu
Bientôt la sœur se sent portée à
invoquer Notre Dame sous le nom de Notre-Dame du Saint Nom de Dieu. Elle
écrit dans une lettre datée du 24 mai 1847: "Étant ces jours derniers aux
pieds de cette Mère auguste, je me sentis inspirée de l’invoquer sous le
titre de Notre-Dame du saint Nom de Dieu; alors je lui fis une couronne
composée de soixante-douze invocations, pour honorer les précieuses années de sa
très sainte vie. À la suite de chaque dizaine je lui ai rappelé les paroles
qu’elle a prononcées elle-même en son divin cantique: Il a fait en moi de
grandes choses Celui de qui le Nom est saint!
Après ces paroles, j’ai
ajouté: Ô très sainte et très digne Mère de Dieu, puissante avocate des
chrétiens, je remets la cause du saint Nom de Dieu entre vos mains. Cette petite
dévotion toucha, je crois, le sensible Cœur de ma tendre Mère, car j’éprouvai en
la faisant une grâce toute particulière en mon âme."
Et une autre prière de la petite
sœur :
– Ô Vierge sainte, daignez
recevoir ce nouveau titre, car vous êtes véritablement Notre-Dame du
Saint-Nom-de-Dieu, puisque vous êtes la Fille du Père, la Mère du Fils, et
l’Épouse du Saint-Esprit, et que vous proclamez vous-même qu’il a fait en vous
de grandes choses, celui de qui le Nom est saint! Oui, ô divine
Vierge, vous l’honneur et la gloire du saint Nom de Dieu, parce que vous êtes le
chef-d’œuvre de ses mains, qui ont opéré en vous des merveilles. Je vous
appellerai donc Notre-Dame du Saint Nom de Dieu.
Le 24 mai 1847, Sœur Marie de
Saint-Pierre écrit au sujet de l'Œuvre de la Réparation: "... Mais pour
réussir en cette pieuse entreprise, adressons-nous avec une confiance sans
bornes à la glorieuse Vierge Marie; prions-la de vouloir bien se mettre à la
tête de cette sainte milice, elle qui est la générale des armées de Dieu, et qui
est plus terrible aux démons qu’une « armée rangée en bataille ». C’est cette
aimable Mère qui m’a obtenu, malgré mon indignité, l’insigne faveur que j’ai
reçue hier de son très cher Fils; qu’elle en soit à jamais bénie!"
7-2-Le lait de Marie
Le 13 août 1847, Sœur Marie de
Saint-Pierre écrit: "Jamais jusqu’ici je n’avais bien connu le précieux don
que Jésus nous a fait en nous léguant sa Mère. Ô mystère de clémence et d’amour!
Aussitôt qu’il nous eut enfantés sur la croix, au milieu des plus affreuses
souffrances, il a remis tous ces nouveau-nés entre les bras de Marie, la plus
tendre des mères, afin qu’elle les nourrît et les élevât pour la vie éternelle.
Dans cette vue, il a rempli son sein du lait de la grâce et de la miséricorde;
il a fait cette divine Mère légataire des biens immenses qu’il avait acquis
pendant sa laborieuse vie et sa douloureuse passion, afin qu’elle devînt le
canal admirable d’où découleraient des mérites infinis sur la sainte Église, son
Épouse."
7-2-2-La révélation
Sœur Marie de Saint-Pierre reçoit, le
24 juin 1847, une révélation étonnante: "C’est avec la plus grande confusion
que je me vois obligée de vous dire quelque chose des faveurs que je reçois ces
jours-ci du divin Jésus et de sa très sainte Mère. J’ai bien hésité avant de me
mettre à écrire cette lettre, car j’aimerais beaucoup mieux écrire mes péchés,
cependant je dois coopérer à la sainte volonté de l’Enfant-Jésus, qui veut
graver en moi sa simplicité, et vous dire naïvement ce qui s’est passé dans mon
âme; le voici à peu près:
Il y a quelques jours, après
la sainte communion, l’Enfant-Jésus m’a fortement appliquée à considérer
l’honneur et l’hommage de louange parfaite qu’il a rendus à son Père céleste
pendant le temps où il a été nourri du lait virginal de sa très sainte Mère; et
il m’a fait connaître qu’il veut que je l’adore dans cet humble état, en union
avec les saints anges, afin que sa miséricorde me remplisse d’innocence, de
pureté et de simplicité, et que je puisse recueillir les grâces précieuses qui
découlent du mystère ineffable d’un Dieu enfant. Alors ce divin sauveur a ravi
mon âme à un sublime état, et, dans une grande élévation d’esprit, j’ai
contemplé ce prodige d’amour et d’humilité: Celui qui est engendré éternellement
dans le sein du Père, dans les splendeurs de sa gloire, se nourrit en même temps
du lait de son auguste Mère! Le Saint-Esprit m’a fait entrer dans la profondeur
de ce mystère, qui jusque-là m’était inconnu.
– Ô esprits angéliques qui
êtes appliqués à l’adorer, dites-moi ce que vous ressentez: lequel vous semble
le plus charmant, ou de voir une vierge tenant son Créateur et son Dieu entre
ses bras pour le nourrir de son lait virginal, ou de voir un Dieu devenu enfant,
le Verbe divin réduit au silence, le Tout-Puissant enveloppé de langes sur le
sein de cette mère vierge? Ah! je crois vous entendre me répondre que les
humiliations de l’Enfant-Dieu en ce profond mystère font la grandeur et la
gloire de Marie, dont les deux augustes privilèges sont d’être en même temps la
mère et la nourricière d’un Homme-Dieu...
Je le dis avec la plus grande
confusion, car une telle faveur n’était due qu’à saint Bernard
et non à une misérable pécheresse comme moi: cependant je suis obligée de
l’avouer dans la simplicité de mon cœur, et ce n’est point ici une pure
imagination, mais une grâce que je ne puis exprimer, n’ayant point de paroles
propres à cela. Ah! s’il m’était donné de faire connaître les lumières que j’ai
reçues!... Quel trésor j’ai trouvé!...
L’Enfant-Jésus, si je puis
m’exprimer ainsi, a fait, des vertus de sa sainte Enfance, un bouquet dont il a
orné le sein de sa Mère, vertus de douceur, d’humilité, d’innocence, de pureté,
de simplicité, que les frères de Jésus, enfantés par Marie au pied de la croix,
doivent venir chercher auprès de leur Mère adoptive. Oh! j’aperçois un grand
mystère! Oui, Marie est nourrice d’un Dieu, mais elle est aussi nourrice de
l’homme! Que mon esprit a conçu de grandes choses entre les bras de Marie,
pendant cette haute contemplation qui a ravi mon âme! Il m’a fallu l’heure de la
récréation pour revenir un peu à moi.
7-2-3-Le lait de Marie est
pour tous les hommes
Et encore, le 13 août 1847:
"Par la Rédemption, nous avons été faits enfants du Père céleste et frères de
Notre-Seigneur Jésus-Christ; la Mère de Jésus est devenue notre Mère. Alors le
Sauveur l’a établie dépositaire des richesses et des mérites infinis de sa vie
et de sa Passion; il lui a rendu le corps et le sang adorables qu’il avait reçus
d’elle; il a rempli ses mamelles d’un lait mystérieux et divin, pour nourrir les
nouveaux enfants qu’il avait engendrés sur la croix, et dont elle est la Mère
dans l’ordre de la grâce.
Ainsi, quand Notre-Seigneur
m’envoie au sein de Marie chercher le lait de la miséricorde pour le salut des
pécheurs, il n’y a en ce procédé rien de contraire à la foi, ni à la doctrine de
l’Église, qui nomme la très sainte Vierge le refuge des pécheurs, la trésorière
de son Fils. Les mamelles virginales et le lait mystérieux dont j’ai parlé dans
cette relation sont l’image des douceurs de la grâce, et la figure de l’effusion
de la miséricorde.
Je vous salue, ô Marie, conçue
sans péché, vigne mystérieuse, qui avez produit la divine grappe de raisin foulé
plus tard au pressoir de la croix: il en est sorti un vin sacré, déposé dans le
précieux vaisseau de votre Cœur, afin que vous le distilliez sur les enfants
dont vous êtes devenue la Mère sur la montagne du Calvaire!" (13 août 1847)
7-3-La France, bien-aimée de Marie!...
Le 14 septembre 1847, Sœur Marie
de Saint-Pierre précise: "L’Enfant-Jésus, malgré mon extrême indignité, a
transformé mon âme en lui, et m’a fait participer au lait mystérieux de sa
sainte Mère. Il m’a été donné de puiser dans ces fontaines admirables le lait de
la grâce et de la miséricorde pour mes frères les pauvres pécheurs. Par ce
privilège, que le très saint Enfant-Jésus m’accordait, il me fut dit que
j’obtiendrais de grandes faveurs pour la France, et que je n’étais qu’un
instrument dont Dieu voulait se servir."
Le 5 mai 1847, Sœur Marie de
Saint-Pierre note: "Le Sauveur me fit entendre qu’il avait remis toutes
choses entre ses mains,
et qu’elle nous obtiendrait le bref du souverain pontife. Cette œuvre
réparatrice est si nécessaire à la France et si glorieuse à Dieu, qu’il veut que
sa très sainte Mère ait l’honneur de la donner à ce royaume, comme un gage
nouveau de sa miséricorde. Allons donc à la très sainte Vierge, qui est la
trésorière des grâces de Dieu; disons-lui sans cesse que la France lui est
consacrée et qu’elle lui appartient.
Ô heureux Français, enfants trop
aimés de Marie, sachons reconnaître la bienveillance de notre auguste Mère, nous
lui devons notre salut! Bénissons-la en mangeant notre pain de chaque jour, nous
en sommes redevables à son intercession. Mais convertissons-nous au Seigneur,
approchons-nous de son trône avec humilité et surtout avec confiance, car nous
avons de puissants médiateurs: le Fils auprès de son Père, et la Mère auprès de
son Fils!..."
7-4-La Vierge Marie conduit Sœur Marie de
Saint-Pierre vers la petite voie d'enfance
Le 1er août 1847, Sœur
Marie de Saint-Pierre avait écrit: "Malgré ma répugnance à mettre par écrit
les dispositions actuelles de mon âme, je le ferai cependant de bon cœur, pour
pratiquer l’obéissance et la simplicité du saint Enfant-Jésus, que je veux
imiter. Comme j’ai la confiance que vous mettrez ce papier au feu, je vous
parlerai avec la simplicité d’un petit enfant, et vous rendrez compte de ce qui
s’est passé en mon âme depuis la fête de saint Jean-Baptiste jusqu’à ce jour.
Ma Révérende Mère, mon âme,
depuis cette époque, a été appliquée à adorer le Verbe incarné à la mamelle de
sa sainte Mère. Oh! que ce mystère est ineffable! L’âme est toute ravie d’un tel
prodige; un Dieu, enfant d’une Vierge! Celui qui a parlé par les prophètes, et
qui a donné sa loi aux hommes au milieu des éclairs et du tonnerre, Celui enfin
par qui tout a été fait, le Verbe divin, la parole éternelle du Père, est là en
silence, attaché au sein de sa Mère, par obéissance à Dieu, son Père, lui
faisant hommage de son pouvoir absolu en se réduisant à l’impuissance d’un petit
enfant, se nourrissant d’un lait qui, bientôt changé en son sang précieux, se
répandra pour le salut du monde!
Il est là ce Dieu agneau,
destiné au sacrifice, attaché à la mamelle de sa sainte Mère par la même
obéissance qui bientôt l’attachera à la croix. Oh! que cette contemplation est
ravissante! Mais, après avoir considéré avec respect et amour ce divin Enfant,
mon esprit se porte sur son auguste Mère. Ah! quels devaient être les sentiments
de son cœur, en voyant son Dieu, son Créateur se nourrir de sa substance!
Combien je la remercie d’avoir allaité mon Sauveur, d’avoir engraissé, si je
peux m’exprimer ainsi, la victime de notre salut!"
Et bientôt le 13 août 1847 :
"J’ai encore été éclairée sur
ce mystère: le Saint-Esprit, du plus pur sang de Marie, avait formé le corps
adorable de notre divin Sauveur. Ce corps sacré était né de cette tendre Mère,
elle avait des droits sur lui; c’est pourquoi, après sa mort, il a été déposé
entre ses bras maternels. Cet aimable Jésus m’a fait entendre qu’il avait voulu
lui rendre tout ce qu’il avait reçu d’elle pour opérer la rédemption du monde.
Elle l’avait nourri de son lait très pur; Jésus, pour la remercier, lui a remis
son sang, dont il l’a faite la dépositaire: oui, elle était là, debout au pied
de la croix, afin de recevoir ce dépôt dans le précieux vaisseau de son cœur
maternel!
Marie avait donné à Jésus son
corps adorable, et Jésus le lui a rendu après sa mort, orné de ses glorieuses
plaies, afin qu’elle puisât, dans ses fontaines sacrées, la vie éternelle pour
les enfants que son amour lui avait engendrés avant son dernier soupir. Oui,
Jésus est à Marie avec tous ses trésors, et Marie est aux hommes avec toutes ses
tendresses! Oh qu’elle est grande la miséricorde de cette Mère! Elle nous tend
ses bras bienfaisants, elle nous invite à puiser le lait de la grâce sur son
sein virginal: son Cœur est toujours ouvert pour nous recevoir. Tant que l’homme
est sur la terre, il est dans un état d’enfance; au ciel seulement il sera dans
l’âge parfait; c’est pourquoi il doit sans cesse recourir à sa Mère comme un
petit enfant."
D'où la nécessité de recourir
constamment à la Vierge Marie. La petite sœur poursuit, toujours le 13 août
1847:
"Oui, je le vois clairement
dans la lumière de Dieu, l’homme doit sans cesse recourir à la très sainte
Vierge, sa Mère, s’il veut parvenir à l’âge parfait de la vie éternelle. Voilà
les deux grands mystères de la maternité de Marie que l’Enfant-Jésus veut
m’apprendre: Marie, Mère de Dieu, et Marie, Mère de l’homme. C’est pourquoi il
m’applique continuellement à le considérer au sein de sa Mère, se nourrissant de
son lait virginal, afin de m’apprendre par son exemple à recourir à elle, pour
me nourrir du lait de ses vertus.
Elle
m’a fait comprendre que, de même qu’elle choisit
certains lieux, afin d’y répandre ses grâces avec profusion, ainsi elle
choisirait mon âme pour en faire le théâtre de ses miséricordes. Je n’ai pas
tardé à ressentir l’effet de cette promesse, car aujourd’hui, après la sainte
communion, l’Enfant-Jésus, m’apparaissant au sein de sa divine Mère, m’a fait
connaître plus clairement sa volonté: ce grand mystère est un trésor caché dans
le champ de son Église, et il le découvre à qui il lui plaît. Il y a eu des âmes
chargées par lui d’honorer les mystères de sa Passion; à cet effet, il les a
marquées de ses sacrés stigmates; mais, pour moi, il me charge, malgré mon
indignité, de porter l’état de sa petite enfance.
Déjà il m’a préparée lui-même
à cette faveur. Voici qu’aujourd’hui il daigne, par la sainte communion, m’unir
à lui et me faire entrer dans son Cœur adorable, afin que je m’approche du sein
virginal de son auguste Mère; c’est lui qui me conduit à cette source de grâces
et de bénédictions, me disant de puiser le lait de la divine miséricorde dans
l’esprit de charité avec lequel il a puisé lui-même; car il a pris ce lait pour
tous les hommes, et, pour tous les hommes, il l’a répandu en versant son sang
sur la croix. Je dois, à son exemple, m’approprier cette mystérieuse liqueur sur
le sein de Marie, au nom de tous mes frères, et la répandre ensuite sur le monde
entier, comme une rosée céleste, pour rafraîchir et purifier la terre dévorée
par le feu de la concupiscence et pleine de corruption.
Je veux que vous soyez bien
petite, mais que vous ayez un grand cœur."
7-5-L'inquiétude de Sœur Marie de Saint-Pierre
Ces révélations inquiétaient la
petite sœur qui chercha à se documenter. Elle tomba sur un livre du Père Louis
d'Argentan, ainsi qu'elle le rapporte: "Bientôt je me sentis vivement pressée
de demander un livre à notre Révérende Mère: c’était le père d’Argentan. Elle me
l’accorda. Quelles furent ma surprise et ma reconnaissance envers Dieu lorsqu’en
l’ouvrant je trouvai une conférence sur la Maternité divine de la très sainte
Vierge, nourrice du Verbe incarné! Mon admiration augmenta encore lorsque,
lisant cette conférence, je vis l’estime que les Pères de l’Église faisaient de
ce grand privilège de Marie. Tout ce que je lisais était comme l’écho qui
répétait, à la lettre, ce qui s’était imprimé dans mon âme pendant les
opérations de l’Esprit-Saint touchant ce mystère.
Oh ! avec quel respect et
quelle joie je baisai ces pages sacrées que Notre-Seigneur et son auguste Mère
me mettaient sous les yeux, comme une lumière divine, pour éclairer mon âme et
la rassurer sur ses inquiétudes! Convaincue que cette dévotion n’était ni
nouvelle ni illusoire, puisque saint Augustin, saint Athanase et saint Bernard
en parlaient avec tant d’éloge et de piété, je suis rentrée dans un calme
parfait, m’abandonnant entre les mains de l’Enfant-Jésus, afin qu’il fasse en
moi son adorable volonté...
Je parle en toute simplicité,
car Notre-Seigneur a réduit mon âme à l’état d’un petit enfant, faisant en moi
des opérations qui surpassent mon entendement. 'Si vous ne devenez de petits
enfants, disait-il à ses apôtres, vous n’entrerez dans le royaume des cieux'."
Il est facile de reconnaître
que ces communications ne sont point étrangères à l’œuvre réparatrice dont j’ai
précédemment parlé; elles s’y rattachent, au contraire, par une liaison très
étroite. D’abord, le Seigneur me paraissait irrité contre les pécheurs de la
France, à cause des nombreux blasphèmes et des violations du dimanche; il
menaçait d’engloutir dans les eaux de sa justice notre perfide patrie, si elle
n’apaisait sa colère en réparant les outrages faits à la gloire de son Nom, et
il promettait de pardonner encore une fois si ses ordres étaient exécutés. Après
de grandes contradictions excitées par Satan, la Réparation est enfin née dans
la France, et le Seigneur, fidèle à sa parole, a calmé son courroux: il a changé
sa justice en miséricorde, et, comme signe d’allégresse, il a fait couler sur la
France un lait mystérieux par l’entremise de sa sainte Mère, qui est le canal de
ses grâces! La justice de Dieu m’avait effrayée, maintenant sa miséricorde me
ravit. » (Lettre du 8 novembre 1847)
La petite sœur comprend qu'elle
doit suivre la voie d'enfance que Jésus et Marie lui proposent. Elle avait écrit
en août 1847: "Je dois imiter les vertus de son enfance, et, pour m’en être
une fois un peu éloignée, j’ai perdu la présence de la sainte Vierge et celle de
l’Enfant-Jésus pendant à peu près huit jours; mais je me suis humiliée devant
Dieu au souvenir de mes profondes misères; il a lancé dans mon cœur un vif trait
de contrition, j’ai pleuré amèrement mes péchés passés; bientôt, comme le père
de l’enfant prodigue, il m’a donné le baiser de paix et de réconciliation, et
s’est communiqué à mon âme de la manière la plus intime... Cette communication a
changé la disposition de mon âme, j’ai retrouvé l’Enfant-Jésus au sein virginal
de sa divine Mère..."
Sœur Marie de Saint-Pierre ajoute
la remarque suivante: "On sera peut-être étonné, après m’avoir vue occupée
pendant quatre ans à méditer la grandeur du très saint Nom de Dieu, de me voir
maintenant si attachée à un mystère qui semble, aux yeux de quelques chrétiens,
le plus petit et le moins honorable dans la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Je ne condamnerai pas ceux qui peuvent avoir cette opinion: car l’année
dernière, sans les lumières que l’Enfant-Jésus et sa sainte Mère m’ont
accordées, j’aurais peut-être partagé leur sentiment.
Mais aujourd’hui il n’en est
pas ainsi, et d’après les communications que j’ai reçues et que je reçois encore
au moment où j’écris, je dirai que ce mystère, si inconnu qu’il soit au monde,
est cependant grand, admirable, ineffable; sa profondeur n’est pénétrée que par
l’Enfant-Jésus, qui en est l’objet, et par la Vierge sa tendre Mère...
Oui, ô divin Enfant, vous êtes
aussi digne de nos respects et de nos adorations sur le sein virginal de votre
Mère que dans le sein de votre Père éternel; vous êtes et vous serez toujours le
Dieu de l’éternité."
7-6-La dernière lettre de Sœur Marie de
Saint-Pierre
La dernière lettre de la petite
sœur, du 12 avril 1848,
est comme son testament. Elle écrit : "Depuis quelques jours je me trouve
tout de nouveau appliquée à la très sainte Enfance du Verbe incarné. Vous savez
que mon âme est vouée à ce mystère. Notre-Seigneur me conduit de temps en temps
à la contemplation des autres mystères de sa sainte vie; mais l’étable de
Béthléem est mon point de ralliement.
Le Sauveur m’a fait entendre
dimanche dernier que beaucoup de bonnes âmes s’occupaient des humiliations de sa
Passion, mais peu des anéantissements de sa sainte Enfance, et il désire que je
m’y applique pour combattre l’esprit d’orgueil, d’ambition et d’indépendance,
par les humiliations, la pauvreté de sa crèche et la captivité de ses langes.
Ainsi, le Père éternel, je crois, n’aura pas moins agréable la Face du petit
Jésus couverte de larmes que la Face de Jésus couverte de sang et délaissée sur
la croix. Il est notre auguste Victime en la crèche et à la croix. J’offre donc
ce divin Enfant au Père éternel; je le mets entre le ciel et la terre pour
apaiser sa colère. Le Saint-Esprit m’applique aussi de nouveau à contempler
Jésus prenant le lait virginal de sa divine Mère.
Hier, sur la fin de mon
oraison, la très sainte Vierge, malgré mon indignité, a daigné se montrer à moi.
Elle m’a dit qu’elle était la Reine du Carmel; elle protégera ses maisons dans
ces jours de calamité; il faut avoir une grande confiance en elle et en son
adorable Fils; elle m’a fait entendre aussi qu’il fallait travailler avec zèle à
la fin de son Institut,
c’est-à-dire prier pour l’Église, et faire violence au ciel. Cette tendre Mère
m’a prescrit de dire en l’honneur de sa maternité divine, autant de fois que
nous avons de maisons en France, l’hymne "Ô gloriosa virginum"; et cette auguste
Reine arrosera les fleurs du Carmel de son lait virginal, emblème de la
miséricorde. Elle me l’a promis. Elle m’a dit aussi que plus l’armée de Dieu
augmenterait (les défenseurs de son Nom), plus l’armée de Satan s’affaiblirait
(les ennemis de l’Église et de l’État).
Voilà à peu près, ma très
Révérende Mère, ce qui s’est passé dans mon âme. J’ai dit soixante-douze fois
l’hymne indiqué par Marie, en l’honneur des années de sa bienheureuse vie;
et j’ai prié saint Joseph notre bon Père et notre Mère sainte Thérèse de les
offrir à la Reine du Carmel pour le salut de nos chères maisons.
Ô divine Marie, arrosez de
votre lait mystérieux les fleurs du Carmel, afin qu’elles prennent une forte
racine dans cette terre de bénédiction et qu’elles n’en soient jamais arrachées
par le démon."
7-7-Conclusions concernant ce chapitre
Pour conclure ce chapitre sur les
relations entre la Sainte Vierge et sœur Marie de Saint-Pierre, nous rapportons
un extrait de la lettre du 5 mai 1847. Nous verrons qu'il y est fait allusion à
presque tous les principaux thèmes abordés ci-dessus:
"Le Sauveur me fit entendre
qu’il avait remis toutes choses entre ses mains ,
et qu’Elle nous obtiendrait le bref du souverain pontife. Cette œuvre
réparatrice est si nécessaire à la France et si glorieuse à Dieu, qu’il veut que
sa très sainte Mère ait l’honneur de la donner à ce royaume, comme un gage
nouveau de sa miséricorde. Allons donc à la très sainte Vierge, qui est la
trésorière des grâces de Dieu; disons-lui sans cesse que la France lui est
consacrée et qu’elle lui appartient. Redoublons de zèle pour cette Œuvre ; que
les difficultés ne nous abattent point ; pour moi, Notre-Seigneur me donne une
confiance sans borne."
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