Sœur Marie de Saint-Pierre
(Perrine Éluère)
1816-1848

6
La Sainte Face

6-1-Les premières intuitions

6-1-1-Première révélation

Bientôt le Seigneur va révéler sa Sainte Face. Écoutons Sœur Marie de Saint-Pierre: "Ce bon Maître m’a fait entendre que sa divine volonté était toujours que je m’employasse à l’exercice de la réparation des blasphèmes, malgré les efforts du démon, qui voulait m’en empêcher en remplissant mon âme de peines et de répugnances lorsque je voulais m’y appliquer, parce qu’il voudrait anéantir cette œuvre si c’était en son pouvoir.

Alors Notre-Seigneur a transporté mon esprit sur la route du Calvaire, et m’a vivement représenté le pieux office que Lui rendit Véronique qui, de son voile, essuya la très Sainte-Face qui était alors couverte de crachats, de poussière, de sueur et de sang. Ensuite, ce divin Sauveur m’a fait entendre que les impies renouvelaient actuellement, par leurs blasphèmes, les outrages faits à sa Sainte-Face; j’ai compris que tous ces blasphèmes que ces impies lançaient contre la Divinité, contre Dieu qu’ils ne peuvent atteindre, retombent comme les crachats des Juifs sur la Sainte-Face de Notre-Seigneur qui s’est fait la victime des pécheurs.

Alors, notre divin Sauveur m’a fait entendre qu’il fallait que j’imite le courage de sainte Véronique qu’Il me donnait comme protectrice et pour modèle: elle qui traversa courageusement la foule de ses ennemis.

6-1-2-La Sainte Face sauvera le monde

Dans sa lettre du 22 novembre 1846, Sœur Marie de Saint-Pierre va encore plus loin: "J’ai reçu, malgré mon indignité, une nouvelle communication sur la Sainte-Face de Notre-Seigneur. Voici en substance ce que notre divin Sauveur m’a fait entendre:

– Ma fille, je vous prends aujourd’hui pour mon économe. Je remets de nouveau entre vos mains ma Sainte-Face, afin que vous l’offriez sans cesse à mon Père pour le salut de la France. faites valoir ce divin talent. Vous avez en lui de quoi faire toutes les affaires de ma maison. Vous obtiendrez par cette Sainte-Face le salut de beaucoup de pécheurs. Par cette offrande, rien ne vous sera refusé. Si vous saviez combien la vue de ma Face est agréable à mon Père!

Notre-Seigneur m’a donné ensuite quelques lumières pour l’avenir de la France, qui me portent à redoubler de zèle pour notre Patrie; et je me sers du moyen que Notre-Seigneur m’a fait connaître. J’offre sans cesse au Père éternel la Face adorable de notre divin Sauveur, pour le salut de la France et pour obtenir par elle l’établissement de l’Œuvre de la Réparation. Mais je m’occupe de tout cela en paix, suivant l’impression de la grâce."

6-1-3-La Sainte Face et l'Eucharistie. Les plaintes de Jésus

Dans sa lettre du 21 janvier 1847, Sœur Marie de Saint-Pierre rapporte les plaintes de Jésus: "Ce tendre et bon Sauveur m’a fait entendre des plaintes sur son amour méconnu dans le très Saint-Sacrement de l’Autel, par le manque de foi des chrétiens; et Il a heureusement lié mon cœur et mon esprit à ses pieds afin que je Lui tienne compagnie dans cet abandon, en adorant continuellement sa très Sainte-Face, cachée sous le voile de l’Eucharistie. Oui, c’est par cet auguste Sacrement que Jésus, notre Sauveur, veut communiquer aux âmes la vertu de sa très Sainte-Face, qui est alors plus éclatante que le soleil au Saint-Sacrement de l’Autel.

Il m’a promis de nouveau d’imprimer dans les âmes de ceux qui l’honoreraient les traits de sa divine ressemblance; et Notre-Seigneur m’a fait savoir, d’une manière aussi simple que juste, par une comparaison, que les impies par leurs blasphèmes, attaquaient son adorable Face, et que les âmes fidèles la glorifiaient par les louanges qu’elles rendaient à son Nom et à sa personne. Le mérite est dans les personnes, mais la gloire qui les accompagne est dans leurs noms. Il la fait éclater lorsqu’on les prononce. Le mérite ou démérite d’une personne passe en son nom. Le très saint nom de Dieu exprime la divinité et renferme en lui toutes les perfections du Créateur. Il s’ensuit de là que les blasphémateurs de ce Nom sacré attaquent Dieu Lui-même.

Maintenant, rappelons-nous ces paroles de Jésus: 'Je suis en mon Père et mon Père est en moi'.

Jésus s’est rendu passible par l’Incarnation et c’est Lui qui a souffert en sa Face adorable les outrages faits au Nom de Dieu son Père par les blasphémateurs. Notre-Seigneur m’a fait voir qu’il y avait quelque chose de mystérieux sur la face d’un homme d’honneur méprisé. Oui, je vois que son nom et sa face ont une liaison particulière. Voyez un homme distingué par son nom et son mérite, en présence de ses ennemis. Ceux-ci ne portent pas la main sur lui, mais ils l’accablent d’injures, ils ajoutent à son nom d’amères dérisions au lieu des titres d’honneur qui lui sont dus.

Remarquez alors ce qui se passe sur la face de cet homme injurié. Ne diriez-vous pas que toutes les paroles outrageantes qui sortent de la bouche de ses ennemis viennent se reporter sur sa face et lui font souffrir un véritable tourment? On voit cette figure se couvrir de rougeur, de honte et de confusion. L’opprobre et l’ignominie qu’elle souffre lui sont plus cruels à supporter que les tourments réels dans les autres parties du corps. Eh bien! voilà un faible portrait de la Face adorable de Notre-Seigneur outragée par les blasphèmes des impies!

Représentons-nous ce même homme en présence de ses amis qui, ayant appris les insultes qu’il a reçues de ses ennemis, s’empressent de la consoler, de le traiter selon sa dignité, font hommage à la grandeur de son nom en le qualifiant de tous ses titres d’honneur. Ne voyez-vous pas alors la face de cet homme ressentir la douceur de ces hommages, de ces louanges? La gloire se repose sur le front et, rejaillissant sur tout le visage, le rend tout resplendissant. La joie brille dans ses yeux, le sourire sur ses lèvres; en un mot, ses fidèles amis ont guéri les douleurs cuisantes de cette face outragée par ses ennemis: la gloire passe l’opprobre. Voilà ce que font les amis de Notre-Seigneur Jésus-Christ pour l’œuvre réparatrice.

La gloire qu’ils rendent à son Nom se repose sur son auguste front et réjouit sa très Sainte-Face. Mais il faut l’honorer d’une manière toute spéciale au très Saint-Sacrement de l’Autel."

6-2-Le Seigneur va donner une preuve

Les sœurs, obligées de déménager n'avaient pas encore trouvé le terrain dont elles avaient besoin. Sœur Marie de Saint-Pierre alla trouver sa supérieure qui lui dit :

– Si Notre-Seigneur désire que nous essuyons sa Face, et s’il est disposé à nous accorder une grâce par le service que lui a rendu la pieuse Véronique, la grâce que je vous ordonne de lui demander, c’est qu’il ait la bonté de vouloir bien voiler notre face, à nous qui serons exposés aux yeux des séculiers, si la portion de terre qui avoisine notre jardin est vendue à des étrangers; ainsi priez-le de vouloir bien la donner à ses épouses; s’il vous accorde cette grâce, vos supérieurs auront une preuve sensible de l’esprit qui vous conduit.

Curieusement, quelques mois après, cette affaire qui paraissait désespérée, se renoua. Le propriétaire, que rien auparavant n’avait pu fléchir, vint de lui-même offrir son terrain à des conditions dont les Supérieurs furent satisfaits, et quelques jours après avoir signé l’acte de vente, il mourut subitement. Cette grâce a rempli la sœur de crainte, car elle la regarda comme le signe sensible de la grâce qu'elle avait reçue de Notre-Seigneur dans le don de sa Sainte-Face.

6-3-Liens entre la sainte Face et la Réparation

6-3-1-Il faut prier la louange de la Flèche d'Or

"Ensuite, continue la sœur, j’ai compris que Notre-Seigneur me disait qu’en s’appliquant à l’exercice de la réparation des blasphèmes, on Lui rendait le même service que Lui rendit la pieuse Véronique, et qu’Il regardait celles qui le Lui rendaient, avec les yeux d’une même complaisance dont Il regarda cette sainte femme lors de sa Passion: et je voyais que Notre-Seigneur avait beaucoup d’amour pour elle. C’est pourquoi Il me dit qu’Il désirait qu’elle soit honorée particulièrement dans la Communauté, me disant de Lui demander telle grâce que nous voudrions, par le service que Lui rendit la pieuse Véronique, et qu’Il promettait de l’accorder.

Il me semblait aussi que Notre-Seigneur me disait de prier notre Révérende Mère de faire part de cela aux Sœurs qui, dans ces jours, faisaient une dévotion de réparation en disant en l’honneur de la vie de Notre-Seigneur un certain nombre de fois la louange au saint Nom de Dieu dite “Flèche d’Or”. Notre-Seigneur me fit comprendre qu’Il avait pour agréable cette dévotion, faisant voir qu’Il s’était servi de moi comme d’un vil instrument pour introduire cette dévotion dans la Communauté, qui étant pratiquée par de bonnes âmes, Lui rendait service..." [1]

6-3-2-La Sainte Face continue à se révéler

La révélation concernant la Sainte Face se poursuit. Sœur Marie de Saint-Pierre écrit, toujours le 11 octobre 1845: "... Ce matin, en arrivant à l’oraison, Notre-Seigneur s’est emparé des puissances de mon âme. Il m’a fait entrer dans son divin Cœur et Il m’a fait voir et entendre des choses admirables en me faisant connaître ses admirables desseins sur l’Œuvre de la Réparation...

C’est ici, ma Révérende Mère, que j’ai grand besoin que l’Esprit Saint conduise ma plume, car je ne sais comment écrire ce que j’ai vu et entendu. Voici donc à peu près ce que je crois que Notre-Seigneur m’a communiqué:

Notre divin Sauveur, ayant recueilli les puissances de mon âme dans son divin Cœur, Il m’a fortement appliquée à la contemplation de sa Face adorable et Il m’a fait connaître par la lumière de ses divins rayons que cette Face auguste et Sainte, offerte à nos adorations, était le miroir ineffable des perfections divines qui sont renfermées, exprimées, contenues dans le très Saint nom de Dieu.

D’après cette vue intellectuelle que Dieu m’a donnée, mais qu’il m’est impossible d’exprimer si ce n’est par ces paroles de l’Apôtre saint Paul, que j’ai lues depuis peu et qui m’ont vivement touchées parce que j’ai reconnu en ces paroles ce que j’avais vu et entendu en cette lumière : 'Dieu est le chef de son Christ'.

Et j’ai compris par cette communication que, comme le Sacré-Cœur de Jésus est l’objet sensible offert à nos adorations pour représenter son amour immense au très Saint-Sacrement de l’Autel, de même aussi, la Face adorable de Notre-Seigneur est l’objet sensible offert à l’adoration des associés de l’Œuvre de la Réparation, pour honorer et vénérer avec un profond respect, cette Sainte-Face couverte d’opprobres par les blasphémateurs qui attaquent la divinité dont elle est la figure, le miroir et l’expression; et par la vertu de cette Sainte-Face, offerte au Père éternel, on peut apaiser sa colère et obtenir la conversion des impies et des blasphémateurs. Cette dévotion n’est pas contraire à l’Œuvre; elle ne peut que lui être avantageuse."

6-3-3-Quand on salie l'Église, c'est Jésus que l'on souille

Notre-Seigneur m’a donné aussi une autre lumière en me faisant voir que l’Église est son corps mystique et que la religion était la face de ce corps. Alors, Il m’a fait voir cette face en butte à tous les ennemis de son Saint Nom; et je voyais que tous les blasphémateurs et les sectaires renouvelaient à la Sainte-Face de Notre-Seigneur tous les opprobres de sa Passion. Je voyais à la faveur de cette divine lumière, que les impies qui profèrent de mauvaises paroles et blasphèment le Saint Nom de Dieu crachent à la Face de Notre-Seigneur et la couvraient de boue, et que tous les coups que les sectaires donnaient à la Sainte Église, à la religion, étaient le renouvellement de nombreux soufflets que la Face de Notre-Seigneur avait reçus et qu’ils faisaient sur cette Face divine, en s’efforçant d’anéantir les divins travaux!

En suite de cette vue, Notre-Seigneur m’a dit:

– Je cherche des 'Véronique' pour essuyer et adorer ma divine Face qui a peu d’adorateurs.

Et il m’a fait entendre de nouveau que tous ceux qui s’appliqueraient à cette Œuvre de la Réparation feraient en cela l’office de la pieuse Véronique.

6-3-4-Les actes officiels

Le 19 septembre 1846[2] avait lieu l'apparition de la Vierge Marie à La Salette. Incontestablement il y avait un lien entre l'Œuvre de la Réparation et les paroles de Marie. Alors les responsables vont s'agiter un peu... Une notice, destinée aux carmels et à quelques initiés, fut composée par M.  Alleron, le supérieur du carmel, et soumise à l'évêque, sous le titre: "Abrégé des faits concernant l'établissement de l'Œuvre pour la Réparation." Ce document ne fut pas imprimé, mais copié à la main en une cinquantaine d'exemplaires. Par contre le petit livre de l'abbé Salmon, l'aumônier du carmel : "L'Asssociation contre le blasphème", fut imprimé.

Par ailleurs, le 30 juillet 1847, l'évêque de Langres érigeait une "Confrérie réparatrice du blasphème et de la profanation du dimanche". Un bref de Pie IX fut accordé: la confrérie devenait archiconfrérie, avec des indulgences spéciales. Pie IX s'inscrivit dans cette archiconfrérie.

Mais qui couvrira les frais? Sœur Marie de Saint-Pierre raconte:  "Tandis que je cherchais les moyens de couvrir les frais de ces dépenses, Notre-Seigneur m’ordonna de m’adresser à son serviteur, Monsieur Dupont, et de lui dire que l’Enfant-Jésus lui demandait cette œuvre de charité comme la dîme des biens qu’il lui avait donnés, et que cette œuvre lui serait fort agréable. Je dis alors à ce divin Sauveur:

– Si vous vouliez me promettre quelque bien pour lui, ou du moins quelque grâce pour sa famille.

Notre-Seigneur me répondit :

– Son amour est assez grand pour me rendre ce service sans qu’il soit besoin qu’on lui promette des grâces afin de l’y engager, et, pour cet amour désintéressé, je le récompenserai plus magnifiquement dans le ciel; quant à vous, faites cette commission comme étant ma petite domestique; ne craignez point de demander pour moi, et vous aurez le même mérite que si vous faisiez l’œuvre."

6-3-5-L'Œuvre de la Réparation piétinerait-elle encore?

Jésus se manifeste de nouveau à notre petite sœur: "Mais voilà que la voix de Notre-Seigneur s’est fait entendre. Il m’a rappelée, me faisant entendre qu’Il me donnait de nouveau mission pour l’Œuvre de la Réparation des blasphèmes. Voilà trois fois qu’Il m’y invite. Il y a quelque temps qu’Il m’assura que cette œuvre s’établirait. Cela a mis dans mon âme une si grande confiance que, si je voyais la terre et l’enfer traverser cette œuvre, je ne laisserais pas d’espérer dans Celui dont le bras est tout puissant. D’ailleurs, Notre-Seigneur m’a dit qu’Il permettait au démon de traverser ses œuvres pour éprouver la confiance de ses serviteurs. Aujourd’hui, Notre-Seigneur m’a dit:

– Réjouissez-vous ma fille, l’heure approche de la naissance de la plus belle œuvre qui soit sous le soleil. Offrez mon Cœur à mon Père pour l’obtenir.

Voilà plusieurs fois que Notre-Seigneur me presse de prier avec ardeur pour cela; et comme je pensais aux obstacles qui se présentaient:

– C’est le brouillard d’un beau jour qui tombe.

Et Il m’a dit de m’abandonner de nouveau entre ses mains pour souffrir intérieurement et extérieurement tout ce qu’Il voudrait pour l’accomplissement de ses desseins en cette œuvre. Et Il m’a fait remarquer combien je n’étais qu’un faible instrument entre ses mains, qu’Il maniait à son gré. Ce qui est bien vrai, car voilà plusieurs mois que je ne m’occupais pas de l’Œuvre de la Réparation, non par indifférence, mais c’est que Notre-Seigneur m’occupait à d’autres choses. Je ne peux travailler à cette œuvre que par une grâce spéciale de Notre-Seigneur quand Il veut et comme Il veut.

Maintenant, je sens que j’ai reçu cette grâce en mon âme; c’est pourquoi, avec la conduite de Notre-Seigneur qui va me diriger, je ne ferai rien que par son propre esprit.

6-3-6-En résumé

Le 8 mars 1847, Sœur Marie de Saint-Pierre rédigeait le résumé suivant: "Cette Œuvre a deux buts: la réparation des blasphèmes et la réparation du saint jour du dimanche... La dévotion à la Sainte face en est le plus précieux ornement puisque N.S. a fait présent de sa très Sainte Face à l'Œuvre pour être l'objet de la dévotion de ses associés, afin que cette Face adorable qui est en quelqque sorte de nouveau méprisée et outragée par les blasphèmes des pécheurs soit honorée et révérée avec un très profond respect par un culte spécial...

Ainsi les associés deviendront puissants auprès de Dieu, car, "quand le Père éternel regarde la Face de son Fils bien-aimé, qui a été meurtrie et couverte d'ignominie, quand il regard ce Chef sacré qui a été couronné d'épines, emblème des péchés des hommes qu'il a pris sur sa tête afin de sauver ses membres, cette vue émeut les entrailles de sa miséricorde."

Dans la déclaration globale[3] de 1847, que Sœur Marie de Saint-Pierre rédige, à la demande de ses supérieurs, elle écrit, entre autres: "Cette œuvre, comme on le voit dans ces deux relations, a deux buts: la réparation des blasphèmes et la réparation du saint jour du dimanche profané par les travaux. En conséquence, elle embrasse la réparation des outrages faits à Dieu et la sanctification de son saint Nom. Maintenant on demandera peut-être si la dévotion à la Sainte-Face doit être unie à l’Œuvre? Oui, elle en fait la richesse et le plus précieux ornement, puisque Notre-Seigneur a fait présent de sa très Sainte-Face à l’Œuvre, pour être l’objet de la dévotion de ses associés, afin que cette Face adorable qui est en quelque sorte de nouveau méprisée et outragée — comme Il s’en plaint Lui-même — par les blasphèmes des pécheurs, qu’elle soit, dis-je, honorée et révérée avec un très profond respect par un culte spéciale.

En second lieu, Notre-Seigneur fait don de sa très Sainte-Face à l’Œuvre afin que les associés deviennent tout puissants auprès de Dieu par l’offrande qu’ils doivent Lui faire de cette Face auguste et sacrée, dont la présence Lui est si agréable qu’elle apaise infailliblement sa colère et attire sur les pauvres pécheurs sa miséricorde infinie. Oui, quand le Père éternel regarde la Face de son Fils bien-aimé, qui a été meurtrie par les soufflets et couverte d’ignominie, quand Il regarde ce chef sacré qui a été couronné d’épines, emblème des péchés des hommes qu’Il a pris sur sa tête afin de sauver ses membres (comme il le dit un jour), cette vue, dis-je, émeut les entrailles de sa miséricorde.

Et enfin: l’Église est la Face du corps mystique

"Avant la communion, une lumière intérieure m’avait fait comprendre que l’Église est la Face du corps mystique de Jésus-Christ et qu’elle est maintenant couverte de plaies par les impies!... Alors une inspiration me fit offrir à Notre-Seigneur le lait virginal de sa sainte Mère comme une précieuse et suave liqueur pour adoucir les plaies de sa très Sainte-Face: mon âme éprouvait une grande joie en faisant cet exercice de simplicité et d’amour. Et le Seigneur dit:

– Je vous ai appliqué la vertu de ma face pour rétablir en vous l’image de Dieu. Ceux qui contempleront les plaies de ma Face sur la terre, la contempleront un jour, rayonnante de gloire dans le ciel ! (Lettre du 30 mars 1848)

 

REMARQUES : "Une lumière intérieure me fait connaître que d’autres châtiments nous sont préparés: ce ne sont plus les éléments [4] qui seront cette fois les instruments de la colère de Dieu, mais la malice des hommes révoltés..." Tours n’avait été sauvé que par un miracle. Mais, hélas! on ignorait la principale cause d’un si terrible fléau: la profanation du dimanche.

6-4-Jésus veut qu'on vénère sa Sainte Face

Notre petite sœur continue :

"Ensuite, Notre-Seigneur m’a dit :

– Je vous donne cette Sainte-Face en récompense des services que vous m’avez rendus depuis deux ans. Vous avez fait peu de choses, il est vrai; mais votre cœur a conçu de grands désirs. Je vous donne donc cette Face en présence de mon Père, dans la vertu du Saint-Esprit, et en présence des Anges et des Saints. Je vous fait ce « don » par les mains de ma Sainte Mère et de sainte Véronique, qui vous apprendra à la vénérer.

Ensuite, Notre-Seigneur m’a dit :

– Par cette Sainte-Face, vous ferez des prodiges.

Ce divin Sauveur me faisait connaître en même temps le désir qu’Il avait de voir sa Sainte-Face offerte à l’adoration de ses enfants, comme l’objet de la dévotion des associés de l’Œuvre de la Réparation des blasphèmes. Il semblait m’inviter à faire connaître son adorable Face. Ensuite, Notre-Seigneur me fit entendre que la grâce qu’Il m’avait faite en ce jour était la plus grande qu’Il pouvait me faire, après la grâce des sacrements, et qu’Il m’avait préparée, en labourant la terre de mon âme par les grandes peines intérieures que j’avais souffertes il y a peu de temps. Il me fit entendre qu’Il ne tentait point ses enfants au-dessus de leurs forces.

Je compris aussi qu’Il députait saint Louis, roi de France, pour protecteur de cette Œuvre de la Réparation, à cause du zèle qu’il avait eu pour la gloire de son Nom, et la pieuse Véronique, à cause du service qu’elle Lui avait rendu dans la route du Calvaire, en essuyant sa Face adorable. Après que Notre-Seigneur m’eût donné ces vives lumières sur l’Œuvre de la Réparation des blasphèmes, Il me dit:

– Maintenant, ceux qui ne reconnaîtront pas ici mon œuvre, c’est qu’ils fermeront les yeux. (Lettre du 27 octobre 1845)

L'enfer existe

Puis, le 21 décembre 1846, la petite sœur explique comment Jésus avait insisté, car l'enfer existe : "Un autre jour, Notre-Seigneur m’a fait voir la multitude d’âmes qui tombent continuellement en enfer, en m’invitant de la manière la plus touchante de secourir ces pauvres pécheurs et en me faisant voir l’étroite obligation de l’âme religieuse envers ces pauvres aveugles qui se précipitent dans l’abîme éternel et à qui sa miséricorde ouvrirait les yeux, si des âmes charitables demandaient pour elles grâce et miséricorde.

Notre-Seigneur me disait aussi que s’il demandait compte aux riches des biens temporels qu’Il leur a confiés pour secourir les pauvres, avec quelle bien plus grande sévérité Il demanderait compte à une Carmélite, à l’âme religieuse, riche de tous les biens de son Époux, possédant les trésors immenses des mérites de sa vie et de sa Passion, quel usage elle en a fait et si elle a su puiser dans ces trésors qui lui sont ouverts des richesses pour secourir les pauvres pécheurs. Alors cet aimable Sauveur, m’ouvrant ses trésors immenses composés des mérites de sa vie et de sa Passion, ajouta:

– Ma fille, je vous donne ma Face et mon Cœur. Je vous donne mon sang, je vous ouvre mes plaies; puisez et verse ! Achetez sans argent: mon sang est le prix des âmes. Oh! quelle peine pour mon Cœur de voir que des remèdes qui m’ont coûté si cher sont méprisés. Demandez à mon Père autant d’âmes que j’ai versé de sang dans ma Passion."

Le 2 mars 1847, Jésus se plaint. Sœur Marie de Saint-Pierre raconte: "Comme je voulais m’anéantir, et le considérer couvert de gloire, il a prononcé ces paroles :

– Ah ! ma fille, considérez-moi plutôt couvert de plaies que me font les pécheurs.

Et à l’instant il m’a semblé le voir en cet état; alors il m’a dit:

– Ma fille, approchez et prêtez l’oreille...

Et ce divin Sauveur m’a fait entendre ces lamentables plaintes, qui m’ont brisé le cœur et fait verser un torrent de larmes:

– Je ne suis point connu, je ne suis point aimé, on méprise mes commandements.

Et il a ajouté ces mots, qui me font frémir:

– Les pécheurs sont enlevés de ce monde comme des tourbillons de poussière que le vent emporte, et sont précipités dans l’enfer; ayez pitié de vos frères, priez pour eux; essuyez, par votre amour, le sang qui coule de mes plaies; aimez-moi et ne craignez point; quand vous élevez votre cœur vers moi par l’amour, je le reçois dans mes mains, alors il est en sûreté."

6-5-Les deux œuvres: réparation et vénération de la Sainte Face sont associées

Dès lors, les méditations de Sœur Marie de Saint-Pierre associent l'Œuvre de la Réparation au mystère de la Sainte Face. Et "elle comprend que la Face Adorable de Jésus Notre-Seigneur est l’objet sensible offert à l’adoration des associés de l’Œuvre de la Réparation, pour honorer et vénérer avec un profond respect, cette Sainte Face couverte d’opprobres par les blasphémateurs qui attaquent la divinité dont elle est la figure, le miroir et l’expression; et par la vertu de cette Sainte-Face, offerte au Père éternel, on peut apaiser sa colère et obtenir la conversion des impies et des blasphémateurs."

Et le Seigneur lui fit comprendre encore "le désir qu’Il avait de voir sa Sainte-Face offerte à l’adoration de ses enfants, comme l’objet de la dévotion des associés de l’Œuvre de la Réparation des blasphèmes." Elle ajoute: "Il semblait m’inviter à faire connaître son adorable Face. Ensuite, Notre-Seigneur me fit entendre que la grâce qu’Il m’avait faite en ce jour était la plus grande qu’Il pouvait me faire, après la grâce des sacrements."

Le visage humain de Jésus fascine les chrétiens; c'est le signe de sa présence; par ce signe il nous permet de rejoindre, sous une forme visible, le regard d'amour que Dieu porte sur ses créatures. Depuis le XIIème siècle, on vénérait à Saint-Pierre de Rome, un voile portant le dessin de la face douloureuse du Seigneur, peut-être une reproduction issue du Saint Suaire. À Lucques il y eut d'autres reproductions du "Voile de Véronique", le Sancto Volto, notamment. Des confréries se fondent, notamment à Nantes. Il semble que le culte rendu à la Sainte Face soit lié à la réparation des outrages subis par le Sauveur.

Le Seigneur poursuit l'éducation de Sœur Marie de Saint-Pierre, et "ce divin Sauveur a bien voulu l’instruire sur l’excellence du « don » qu’Il lui avait fait en lui donnant sa Face adorable." Bientôt, dans la Face du Seigneur, elle contemplera la Sainte Trinité. Jésus lui dit, en effet:

– Souviens-toi que ce divin Chef représente le Père éternel qui n’est point engendré; que la bouche de cette Sainte-Face représente le Verbe divin engendré par le Père; et que les deux yeux de cette Face mystérieuse représentent l’amour réciproque du Père et du Fils, car ces yeux divins n’ont tous deux qu’une même lumière, une même connaissance, et ne produisent qu’un même amour, qui représente le Saint-Esprit. Contemple en sa chevelure la diversité des perfections adorables de la Sainte Trinité. Vois dans cette tête majestueuse la pièce précieuse de l’humanité du Sauveur, l’image de l’unité de Dieu.

6-6-La Face Adorable de Jésus

"C’est donc cette Face adorable et mystérieuse du Sauveur que les blasphémateurs couvrent de nouveaux opprobres et renouvellent en quelque sorte les souffrances de la Passion en attaquant par leurs blasphèmes la divinité dont elle est l’image... Quel mystère d’amour !...[5]"

Et Sœur Marie de Saint-Pierre salue la Sainte Face par cette prière: "Je vous salue, je vous adore et je vous aime, ô Face adorable de Jésus, mon bien-aimé; noble cachet de la divinité, je m’applique à vous de toutes les forces et puissances de mon âme et vous prie très humblement de réimprimer en nous l’image de Dieu."

Puis elle conclura: "Essuyons donc cette divine Face du Sauveur, salie par les crachats des blasphémateurs, et ce divin Maître essuiera la nôtre salie par les crachats du péché."[6]

Un jour, une des copies faites à la main du petit document sur la réparation fut remise par Mère Isabelle, prieure des carmélites de la rue d'enfer à Paris, à une jeune fille, peintre de son état: Théodolinde Dubouché. La nuit suivante, Théodolinde eut un songe et Jésus lui apparaissait pendant sa Passion. Le lendemain elle peignit le visage qui lui était apparu, puis alla demander l'avis de Sœur Marie de Saint-Pierre. Cette dernière indiqua qu'elle n'avait jamais vu la Face de Jésus, mais estima que le portrait correspondait bien à l'idée qu'elle-même se faisait du visage de Jésus souffrant. Théodolinde décida bientôt de se donner à Dieu et fonda, en août 1848, la communauté des Sœurs de l'Adoration réparatrice.

Note :

Dans la lettre du 10 mars 1846, la sœur Marie de Saint-Pierre écrit: "C’est pour obéir à Notre-Seigneur qui, je crois, m’a commandé d’écrire ce qu’Il m’a communiqué ce matin après la Sainte Communion, que je vais soumettre les lumières suivantes :

Et voici la prière de notre petite Sœur: "Père éternel, je vous offre la très Sainte-Face de Jésus pour apaiser votre colère! Regardez ses plaies, voyez ses humiliations! Elle est la digne réparatrice de nos crimes et la gloire de votre saint Nom! Père éternel, je vous offre la très Sainte-Face de Jésus pour acquitter nos dettes! Elle est le denier infiniment précieux marqué à l’effigie du Roi des rois."

6-7-Véronique et le Bon larron

Notre-Seigneur m’a fait entendre que deux personnes Lui avaient rendu un signalé service pendant sa Passion. La première, c’est la pieuse Véronique qui a glorifié sa sainte humanité en essuyant sa Face adorable dans la route du Calvaire. La seconde est le bon Larron sur la Croix qui, de là comme d’une chaire, a pris la parole pour défendre la cause du Sauveur, confesser et glorifier sa divinité pendant qu’Il était blasphémé par son compagnon et par les Juifs. Notre-Seigneur m’a fait entendre que ces deux personnes étaient deux modèles pour ses défenseurs en l’œuvre de la réparation des blasphèmes: la pieuse Véronique le modèle des personnes de son sexe, qui ne sont pas préposées pour défendre sa cause à haute voix, mais pour essuyer sa Sainte-Face en réparant par la prière, les louanges et les adorations, les blasphèmes des pécheurs; mais que le bon Larron était le modèle de ses ministres qui devaient hautement et publiquement défendre sa cause en l’Œuvre de la Réparation."


[1] Lettre du 11 octobre 1845.
[2] La Vierge Marie est apparue, le 19 septembre 1846, à La Salette, dans les Alpes, diocèse de Grenoble, à deux enfants: Mélanie et Maximin: "Notre Mère du ciel y est apparue en pleurs... Elle y demanda, à "son peuple", la France, la sanctification du saint jour du Dimanche et la réparation du blasphème. "Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller le bras de mon Fils; il est si lourd que je ne puis plus le retenir. Oh! si vous saviez combien je souffre pour vous!..."
[3] Voir annexe 5.
[4] “Quelque temps après, un grand débordement de la Loire mit la ville de Tours en péril. Sœur Saint-Pierre vit dans ce fléau une première exécution de la menace...” Louis Van Den Bosche "Le Message de Sœur Saint-Pierre". Carmel de Tours 1954.
[5] Lettre du 30 octobre 1845.
[6] Lettre du 3 novembre 1845).

   

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