Sœur Marie de Saint-Pierre
(Perrine Éluère)
1816-1848

Avertissement

 

Tout le monde connaît la spiritualité de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face: l'esprit d'enfance et l'amour de la Sainte Face de Jésus. Mais peu de personnes savent que Thérèse n'a pas inventé ces aspects de la spiritualité chrétienne : d'autres saints, avant elle, avaient vénéré les mystères de l'Enfance du Christ et de sa Sainte Face. On peut citer, parmi de nombreux autres noms :

– La Bienheureuse Marguerite du Saint-Sacrement, carmélite de Beaune, particulièrement estimée du Cardinal de Bérulle qui introduisit le Carmel en France, au XVIIème siècle.

– Sœur Marie de Saint-Pierre, l'objet de notre présente étude, carmélite de Tours, au XVIIIème siècle.

– Léon Papin Dupont, plus connu sous le nom de Monsieur Dupont, le saint homme de Tours qui appréciait vivement Sœur Marie de Saint-Pierre. Inspiré en partie par Sœur Marie de Saint-Pierre, et par Théodolinde Dubouché, M. Dupont vécut en profondeur cet esprit d'enfance et fut à l'origine du culte de la Sainte Face, à Tours.

 

Si Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus a ajouté à son nom de religion, "et de la Sainte Face", c'est parce que le 26 avril 1885, Monsieur Louis Martin et toute sa famille, Marie, Léonie, Céline et Thérèse, s’étaient inscrits à l’Archiconfrérie de la Sainte Face de Tours. Thérèse avait alors 12 ans. Dès lors, l’image de la Sainte Face de Tours l’accompagna partout. Il convient de noter ici qu'en 1885, l'Archiconfrérie de la Sainte Face avait été érigée canoniquement par le Pape Léon XIII.

On connaît la vie spirituelle de Sœur Marie de Saint-Pierre d'une manière assez précise, parce que sa supérieure, prieure du carmel, Mère Marie de l'Incarnation, lui imposa, dès 1844, de lui rapporter par écrit, toutes les révélations qu'elle recevait au sujet de l'Œuvre de la Réparation, puis d'écrire son autobiographie.

Dès lors, nous voyons immédiatement apparaître des liens très étroits entre ces trois personnes: Sœur Marie de Saint-Pierre, M. Dupont et Sainte Thérèse de Lisieux. Seule la "Petite Thérèse" a été canonisée, mais si elle n'avait pas été fortement influencée par ceux qui l'ont devancée: sœur Marie de Saint-Pierre et M. Dupont, aurait-elle pu atteindre les sommets de sainteté auxquels elle a abouti?

 

Sœur Marie de Saint-Pierre
(Perrine Éluère 1816-1848)
Carmélite de Tours

Quelques rappels historiques

1815

L'Empire napoléonien s'effondre. Au grand soulagement de nombreux français, et particulièrement des bretons, l'Empire est remplacé par la Restauration. Les méfaits de la Révolution s'estompent peu à peu, mais les années de persécution sous la Terreur demeurent vivaces. En Bretagne, les prêtres constitutionnels disparaissent, et, sous l'impulsion des successeurs de saints éminents: saint Jean Eudes, saint Grignon de Montfort, pour ne citer que ceux-là, de nouvelles congrégations se créent: les Dames de la Retraite, la société des Filles de Marie, entre autres. Mais le jansénisme est encore bien présent et de nombreux courants, plus ou moins orthodoxes agitent l'Église. L'éducation donnée aux enfants, au sein des familles chrétiennes, est sans faiblesse: il faut avant tout construire des hommes virils, des caractères solides, capables d'assumer leurs responsabilités.

Les artisans et les petits commerçants, ne peuvent pas, pour la plupart, être admis dans le corps électoral[1], mais ils ont conscience d'appartenir à une classe relativement privilégiée, et ils se considèrent comme l'aristocratie du monde des travailleurs. Globalement ils sont plutôt royalistes et regrettent les anciennes corporations.

1828-1830

L'abbé de La Mennais regroupe de jeunes catholiques désireux de secouer l'indifférence religieuse qui sévit toujours à cette époque. Il publie "Des progrès de la Révolution et de la guerre contre l'Église"  en février 1829. Il était convaincu que la France et l'Europe s'acheminaient vers de nouvelles révolutions. Les Trois Glorieuses et la Révolution de 1830 ne le surprirent pas, mais furent une vraie catastrophe pour le peuple breton qui avait placé beaucoup d'espoirs dans la royauté revenue. La peur était de retour et le peuple chrétien fut parfois dans un grand désarroi. Ainsi, cette révolution déchaîna en Touraine une vague d'anticléricalisme d'une virulence incroyable.

La vie de La Mennais va bientôt être bouleversée. En effet, il souhaitait que les catholiques se séparent politiquement de la monarchie et se réfèrent d'abord aux valeurs de la liberté. Cette attitude soulèva contre lui une certaine opposition; comme par ailleurs les encycliques papales condamnaient les principes qu'il voulait soutenir, il se révolta, et ses disciples le quittèrent. En 1836, il s'installa à Paris. Au niveau local, ces évènements furent sans retentissement, d'autant plus qu'on avait à déplorer en 1832 et 1834, de graves épidémies de choléra.

1834

Léon Papin-Dupont, que l'on appellera plus tard le "saint homme de Tours", s'installait à Tours. Venu de Martinique, il fut, dès son arrivée en France, profondément choqué par l'attitude des français, libres-penseurs, toujours en train d'attaquer l'Église, la religion, les prêtres et même les croyants; il comprit vite qu'il devait réagir et manifester ouvertement sa foi, et dans l'état laïc qui était le sien, continuer à aller à la messe tous les jours, pratiquer les bonnes œuvres, et affirmer ouvertement sa foi. À Tours, ce fut un évènement de voir un homme de la bonne société se montrer ainsi pieux et dévôt dans tous les actes de sa vie.

1837

Conversion plus profonde et définitive de M. Dupont qui comprit qu'il devait vivre dans la voie de la pénitence et réparer tous les outrages commis envers Dieu et son saint Nom.

1841

Les Conférences de Saint-Vincent-de-Paul fondées par Frédéric Ozanam  s'installent à Tours. De nombreuses congrégations féminines ouvrent des œuvres charitables: le Monastère du Refuge, les Ursulines dirigées par Mme de Lignac, les Dames du Sacré-Cœur, fondées par Sophie Barrat, les Dominicaines de la Présentation. Le "bon Père Pasquier" fonde un orphelinat de filles qu'il confie aux Filles de Marie.

1842

L'héritier du trône, le duc d'Orléans, fait une mortelle chute de cheval.

1846

Inauguration de la ligne de chemin de fer de Tours à Orléans. Mgr Morlot vint bénir la locomotive.

20-24 octobre 1846, la désastreuse crue de la Loire envahit une grande partie de la ville de Tours.

1847

En mai 1847, à la demande de sa Mère prieure, Sœur Marie de Saint-Pierre commence la rédaction de son autobiographie. Elle l'écrira d'un seul jet, et l'achèvera le 13 juin 1847.

1848

Graves mouvements révolutionnaires en France et en Italie.

Le 24 février 1848, Louis-Philippe doit abdiquer et la République est proclamée.

Le manifeste du Parti communiste, de Karl Marx et Friedrich Engels, est publié en février 1848.

Le pape Pie IX est chassé de Rome et doit s'enfuir à Gaëte. La République est proclamée dans ses états.


[1] Ne pouvaient voter que ceux qui payaient plus de 300 francs d'impôts directs, ce qui supposait des revenus déjà conséquents.

   

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