Marie-Marguerite Bonnet
Sœur Saint-Augustin

Religieuse sacramentine de Bollène

Marie-Marguerite Bonnet était née à Sérignan, le 18 juin 1719. Son père Pierre-André Bonnet et sa mère Marie-Anne Saussac, appartenaient à la petite bourgeoisie, mais possédaient un riche patrimoine de vertus chrétiennes. Tout ce que nous savons de leur enfant nous porte à croire qu'entre leurs mains, cet héritage spirituel ne fut pas amoindri. Marie-Marguerite fut baptisée le jour même de sa naissance. Son parrain fut Joseph Alauze, curé de la Roque-Atric, et sa marraine Spirite d'Hugues.

La situation de ses parents réclamant sa présence auprès d'eux, la future martyre se présenta en 1750, seulement, à l'âge de 31 ans, au couvent du Saint-Sacrement de Bollène. Elle y fut admise, puis, le 24 mai 1752, elle y reçut l'habit des mains de Messire Pierre de Guilhermier, doyen du chapitre collégial de Bollène, et official de l'évêque de Saint-Paul-Trois-Châteaux. L'année suivante, au mois de mai, elle faisait profession et prenait, en religion, le nom de Sœur Saint-Augustin. Son père et sa mère étaient morts, mais si leur place auprès de la nouvelle professe demeurait vide, une autre famille se présentait à l'affection de Marie-Marguerite.

Cette famille spirituelle, la jeune religieuse l'aima, et elle sut s'en faire aimer. Pendant quarante-trois ans, elle vécut dans son cher monastère, donnant à Dieu, à ses compagnes, à sa règle, le meilleur de son cœur, et le sacrifice quotidien de sa volonté. Bientôt les qualités dont Dieu s'était plu à l'orner se manifestèrent au grand jour. La confiance qu'elle inspirait, son talent à s'attacher les âmes, son zèle pour la perfection, non moins que sa fidélité scrupuleuse aux traditions et aux règles de sa communauté la désignèrent au choix de ses supérieures pour la charge de maîtresse des novices.

À cette place qui était, ainsi que l'expérience le prouva, vraiment sa place, Sœur Saint-Augustin donna la mesure de ses dons précieux et rares. Appliquée tout entière à sa tâche, et uniquement soucieuse de préparer à Jésus-Christ de pieuses servantes, elle fut amenée par les événements à former encore des martyres. Ses novices ne montèrent sans doute pas toutes sur l'échafaud. Mais toutes subirent la persécution, toutes, sous une forme différente, confessèrent leur foi, et surent conserver, au milieu des tribulations, l'esprit de force et de piété vaillante, qu'en des temps plus heureux, leur avait inspiré leur maîtresse des novices.

Pendant que Sœur Saint-Augustin exerçait sa charge, la loi qui supprimait les Ordres religieux fut promulguée et reçut son application. La maîtresse des novices abandonna, le cœur déchiré, une maison où elle avait vécu, enseigné et prié si longtemps, mais elle ne consentit pas à se séparer de ses sœurs. Elle les accompagna donc dans la maison louée par la Mère de la Fare. Avec elles, elle refusa le serment, fut mise en état d'arrestation dans sa chambre, le 22 avril, et elle eût avec elles, été transférée à Orange, si elle ne fût tombée assez gravement malade pour que le voyage n'eût été déclaré impossible par les médecins consultés. Cinq religieuses virent, elles aussi, leur départ retardé, et pour la même raison. Parmi elles se trouvaient Jeanne-Françoise Desplans, veuve de Roquard, avec Catherine Simane (Sœur Saint-Joseph), Marie-Claire Dubas (Sœur Claire de Sainte-Rosalie), Marie-Gabrielle Serre (Sœur Saint-Jean), Ursulines du couvent de Bollène, dont une, Marie-Claire Dubas, devait être la compagne de martyre et de gloire de notre héroïque sacramentine.

Ce fut seulement le 10 juillet que le Comité de surveillance de Bollène délibéra de faire arrêter et de traduire à Orange les six religieuses que nous venons de nommer. Mais les préparatifs du départ, ou peut-être l'état encore maladif de quelques-unes retardèrent de cinq jours leur voyage [1]. Elles furent écrouées les 15 juillet dans la prison de la Cure. À cette date, plusieurs compagnes de Sœur Saint-Augustin l'avaient précédée dans la gloire. Elle ne devait pas tarder à les rejoindre.

Le 26 juillet, dix jours après son incarcération, elle comparaissait devant ses juges, confessait courageusement sa foi, et donnait joyeusement sa vie pour Jésus-Christ. Elle avait soixante-quinze ans.

Abbé Méritan


[1] Registre des Délibérations du Comité de surveillance, extrait : «Séance du 22 messidor. Le Comité assemblé dans le lieu ordinaire de ses séances. Il a été exposé qu'il y a encore dans la commune des ci-devant religieuses qui s'étaient refusées au serment prescrit par la loi, qui y étaient détenues dans son lit pour cause de maladie quand les autres partirent ; d'après quoi le Comité a décidé de mettre à exécution les mandats d'arrêt contre les nommées Bonnet, etc., et les faire traduire au plus tôt dans la maison d'arrêt du district d'Orange.»

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