Le
20 avril 2005, au lendemain de son élection au Siège de Pierre, le
Pape Benoît XVI affirmait : « Au début de son ministère dans
l'Église de Rome que Pierre a baignée de son sang, son successeur
actuel se fixe comme tâche première de travailler sans ménager son
énergie à la reconstruction de l'unité pleine et visible de tous les
disciples du Christ. Telle est son ambition, tel est son devoir
impérieux ».
L'unité des Chrétiens
est une œuvre divine, surnaturelle, que seule la prière peut
obtenir. « Prier pour l'unité n'est pas réservé à ceux qui vivent
dans un milieu où les Chrétiens sont divisés », écrivait le Pape
Jean-Paul II dans son encyclique Ut unum sint (Qu'ils
soient un) du 25 mai 1995. La collaboration de tous est
nécessaire : « Pour réaffirmer cette nécessité, continue
Jean-Paul II, j'ai voulu proposer aux fidèles de l'Église
catholique un modèle qui me paraît exemplaire, celui d'une sœur
trappistine, Marie-Gabrielle de l'Unité, que j'ai proclamée
bienheureuse le 25 janvier 1983. Sœur Marie-Gabrielle, appelée par
sa vocation à être en dehors du monde, a consacré son existence à la
méditation et à la prière centrées sur le chapitre 17 de l'Évangile
selon saint Jean, et elle a offert sa vie pour l'unité des
Chrétiens. Voilà ce qui est au centre de toute prière : l'offrande
totale et sans réserve de la vie au Père, par le Fils, dans l'Esprit
Saint. L'exemple de sœur Marie-Gabrielle nous instruit, il nous fait
comprendre qu'il n'y a pas de moments, de situations ou de lieux
particuliers pour prier pour l'unité. La prière du Christ au Père
est un modèle pour tous, toujours et en tout lieu » (n. 27).
« Je ne supportais rien ! »
Maria Sagheddu est née
à Dorgali, village situé sur la côte orientale de la Sardaigne, le
17 mars 1914, cinquième d'une famille de huit
enfants. Son père est un berger. Sa mère, Catarina, veille à tout; à
la fois douce et ferme, elle mène son monde dans la voie de la
crainte aimante de Dieu. Maria est une enfant joyeuse à la langue
déliée soit pour exiger ce qui lui plaît, soit pour critiquer ce qui
ne lui va pas. Dès son enfance, elle se montre obstinée et
impatiente. Un jour, sa mère lui demande d'aller jeter des
épluchures de pommes de terre. Maria fait la sourde oreille. La
maman insiste fortement puis contraint sa fille à obéir. Dépitée,
celle-ci revient au bout d'un moment en rapportant les épluchures
qu'elle n'a pas jetées. Elle dira d'elle-même : « Quand j'étais
enfant, je ne supportais rien, j'en voulais même aux cailloux de la
route ! »
En 1919, Maria perd son
papa. Sa première Communion n'apporte pas de modification sensible
dans son comportement. D'une nature étonnamment vivace, elle
s'absorbe toutefois facilement dans la lecture qui, avec les jeux de
cartes, l'attire plus que la piété. Un dimanche, sa mère la
prévient : « Les vêpres sonnent, vas-y, Maria. – Oui, j'y vais »,
répond la fillette qui, cependant, ne bouge pas. Au bout d'un
moment, la maman insiste : « Il est déjà tard, Maria », et
sort en laissant la porte entrebâillée. Maria ne peut fermer son
livre et les vêpres s'achèvent sans elle. La jeune fille ne
manquerait pas la Messe dominicale, mais les vêpres étant
facultatives, elle s'en dispense volontiers.
Éveillée et
intelligente, Maria se range, à l'école, parmi les premières. Elle
excelle surtout en arithmétique et tient tête à la maîtresse, si
elle s'aperçoit de quelque erreur ou distraction. À la fin du cours
élémentaire, il lui faut abandonner l'école pour aider à la maison.
Elle s'y montre sérieuse et dotée d'un grand sens du devoir. La
pauvreté de sa famille la stimule à payer de sa personne pour le
ménage, le lavage du linge à la rivière, la fabrication du pain la
nuit, le travail aux champs. Toutefois elle n'aime pas qu'on lui
fasse des observations et n'obéit qu'en grognant. Vers l'âge de
quatorze ans, consciente de ses défauts, elle refuse d'entrer dans
l'Action Catholique qui réunit les jeunes de la paroisse, car elle
ne se sent pas prête à répondre aux exigences d'un tel engagement.
En 1932, Maria n'a pas
encore dix-sept ans lorsque meurt sa sœur Giovanna Antonia, plus
jeune qu'elle d'un an. Maria s'était beaucoup attachée à cette soeur
frêle et souvent malade qu'elle avait entourée de ses soins
affectueux. Elle réfléchit alors au sens à donner à sa propre
existence. Un changement profond se fait sentir dans sa vie. À cette
époque également, elle prend conscience que la religion est avant
tout la rencontre avec Quelqu'un, le Christ qui conduit au Père.
Dans son encyclique Deus Caritas est, le Pape Benoît XVI
écrit : « À l'origine du fait d'être chrétien, il n'y a pas une
décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un
événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon
et par là une orientation décisive » (Introduction). Maria n'a
pas dévoilé le mystère de cette rencontre, mais ses conséquences
sont bien visibles. Faisant fi de sa fierté native, elle s'inscrit à
l'Action Catholique, se porte volontaire pour l'enseignement du
catéchisme aux petites filles, passe de longs moments en prière et
devient douce et délicate. Au début, elle fait le catéchisme à la
baguette. Mais un jour, le vicaire enlève la baguette et met à la
place un billet avec ces mots : « Armez-vous de patience et non
d'une baguette ». Maria accepte la remontrance et change de
méthode.
« Où vous voudrez ! »
Maria lit dans l'Introduction
à la vie dévote de saint François de Sales que certaines jeunes
filles quittent le monde pour le cloître : « Pourquoi pas moi ? »
se dit-elle. Deux ans durant, elle réfléchit beaucoup, et refuse des
demandes en mariage qui lui sont faites. Enfin, en 1935, elle
s'ouvre de son dessein de vie religieuse au vicaire, Don Meloni, qui
ne se presse pas de lui donner une réponse affirmative. Toutefois,
avant de partir pour une autre paroisse où il est nommé curé, Don
Meloni demande à Maria où elle veut être Religieuse.
« Envoyez-moi où vous voudrez », répond-elle. Son désir est
d'être au Seigneur, peu importe le lieu. Le prêtre l'oriente vers la
Trappe de Grottaferrata, près de Rome. Mise au courant, Madame
Sagheddu accepte, mais reproche à sa fille de n'en avoir rien dit
plus tôt.
Malgré l'opposition
d'un de ses frères qui estime qu'elle déshonore la famille, Maria
entre à Grottaferrata le 30 septembre 1935. Là, elle trouve un monde
nouveau qui l'impressionne fortement. « Quand, au parloir, la
grille s'ouvrit et que je vis des choses nouvelles et entendis des
paroles inaccoutumées, écrit-elle à sa mère, il me sembla que le
paradis s'ouvrait... Si vous entendiez chanter les sœurs, vous
croiriez entendre les anges ». Elle prend le nom de
Marie-Gabrielle. Son adaptation se fait progressivement. « Au
début de sa vie religieuse, écrira une sœur, l'impatience, qui était
son défaut dominant, n'avait pas disparu. Un jour, ne la vit-on pas
s'impatienter contre la Mère Maîtresse parce qu'un couteau lui
paraissait trop petit et impropre à éplucher ? Un autre jour, elle
frappait à la porte de la Mère Abbesse. Pas de réponse. Elle
recommence; même silence. Et cela six fois de suite. Elle finit par
donner un coup de poing dans la porte et s'en alla tout irritée.
Elle n'aimait pas perdre son temps ! » La Sous-Maîtresse lui
fait remarquer au réfectoire qu'elle ne mange pas assez de pain. Sa
réponse fuse aussitôt : « Ce n'est pas à vous de me faire cette
observation ; je mange ce que je veux, moi ! » Les deux moniales
se séparent fâchées... Mais ces saillies ne font pas oublier les
grandes qualités qui constituent le fond de sa nature : une totale
droiture, un dévouement inconditionnel, une grande promptitude à
s'humilier et à renoncer à ses vues dès qu'elle reconnaît que les
autres ont raison. Elle est prête à se rendre partout où elle peut
être utile.
La seule crainte de
sœur Marie-Gabrielle est qu'on la renvoie de la communauté : « Si
l'on me renvoie, confie-t-elle un jour, je profiterai de la pénombre
du soir quand la clôture n'est pas gardée, j'escaladerai le mur et
je rentrerai au monastère ». Mais elle a su se faire apprécier
par ses sœurs et les suffrages de celles-ci lui sont favorables pour
l'admission à la vêture monastique qui a lieu le lundi de Pâques, 13
avril 1936. Elle écrit à sa mère: « Bien que je sois misérable et
une indigne créature qui n'a rien fait d'autre que l'offenser, Jésus
ne m'a pas rejetée, mais accueillie dans son Cœur. Lui, mon
Créateur, n'a pas dédaigné de m'appeler son épouse... Il a voulu
faire de moi l'objet de sa miséricorde. Quand je pense à cela, je
suis confondue, voyant le grand amour de Jésus et mon ingratitude et
ma non-correspondance à sa prédilection... » Sœur
Marie-Gabrielle entretient le grand désir de se sanctifier par
l'observation de la Règle, sans attirer l'attention. Plusieurs de
ses sœurs témoigneront que sa vie était tout à fait ordinaire. Il en
va de même au plan spirituel : sa prière est toute simple, sans
consolations particulières. Un jour qu'elle en parle à la Mère
Abbesse, celle-ci lui demande : « Voudriez-vous des dons
extraordinaires ? – Non Les dons extraordinaires, non, ils ne sont
pas nécessaires, si je puis arriver sans... J'aimerai ma vie, aussi
monotone qu'elle puisse être ». Sœur Marie-Gabrielle s'applique
à un recueillement intense et prend un air sérieux qui paraît
excessif. La Mère Abbesse lui fait remarquer qu'il serait plus
agréable de la voir sourire de temps en temps. Bientôt son visage se
détend et la tension fait place à une expression douce et sereine,
puis à un sourire qui ne la quitte pratiquement plus.
L'unité comme Dieu la veut
Le 31 octobre 1937, en
la fête du Christ-Roi, sœur Marie-Gabrielle émet ses premiers vœux
monastiques pour trois ans. Elle écrit à sa mère : « Maintenant
je suis certaine d'habiter pour toujours dans la maison du Seigneur,
et à cause de cela, ma joie est immense ». En janvier de cette
année, était parvenu pour la première fois à la Trappe de
Grottaferrata le livret de la « Semaine de prières pour l'Unité des
Chrétiens » publié par l'abbé Paul Couturier, prêtre français, grand
apôtre de l'Unité. Avec insistance, celui-ci demandait la prière des
moniales pour que se réalise «l'Unité des Chrétiens, comme Dieu la
veut, par les moyens qu'Il voudra». Une moniale âgée avait offert sa
vie pour cette cause et était décédée un mois plus tard.
Au début du XXe siècle
a été instituée, à l'initiative d'un ministre anglican, L. T.
Wattson, une semaine de prière, destinée à obtenir de Dieu le retour
de toutes les Églises séparées de Rome à l'unité catholique. Cette
octave de prière a lieu pour la première fois du 18 au 25 janvier
1908, entre la fête de la Chaire de saint Pierre à Rome, fixée alors
au 18, et celle de la Conversion de saint Paul, le 25. Dès 1909,
saint Pie X bénit cette initiative qui connaît rapidement un grand
développement. L'année suivante, Wattson se convertit au
catholicisme. En 1916, le Pape Benoît XV étend la pratique de
l'octave de prière à l'Église universelle. Par la suite, dans le but
de faciliter la participation des Protestants, la prière a pris la
forme d'une demande pour la réunion des Chrétiens; depuis lors,
beaucoup s'unissent à cette « Semaine de prière » pour demander à
Dieu l'unité que le Christ veut pour ses disciples.
Sans compromis
« Le manque d'unité
entre les Chrétiens est certes une blessure pour l'Église, non pas
comme privation de son unité, mais en tant qu'obstacle pour la
réalisation pleine de son universalité dans l'histoire »
(Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Dominus
Jesus, 6 août 2000, n. 17). Lorsque l'Église catholique insiste
sur la nécessité d'unir davantage les Chrétiens, elle n'entend pas
mettre en doute l'unité que le Christ lui a accordée dès le
commencement et qui subsiste en elle « de façon inamissible » (Catéchisme
de l'Église catholique, n. 820). Elle ne veut pas non plus
amoindrir l'exposé de la Révélation que Notre-Seigneur Jésus-Christ
lui a confiée : « Il ne s'agit pas de modifier le dépôt de la
foi, de changer la signification des dogmes, d'en éliminer des
paroles essentielles, d'adapter la vérité au goût d'une époque ou
d'abolir certains articles du “Credo” sous le faux prétexte qu'ils
ne sont plus compris aujourd'hui. L'unité voulue par Dieu ne peut se
réaliser que dans l'adhésion commune à la totalité du contenu révélé
de la foi. En matière de foi, le compromis est en contradiction avec
Dieu qui est Vérité. Dans le Corps du Christ, lui qui est le Chemin,
la Vérité et la Vie (Jn 14, 6), qui pourrait considérer comme
légitime une réconciliation obtenue au prix de la Vérité ? » (Ut
unum sint, n. 18).
En janvier 1938, un
nouveau livret arrive à la Trappe de Grottaferrata pour la Semaine
de l'Unité. On y parle de vies qui ont été offertes pour l'unité au
sein de l'anglicanisme, du protestantisme et du catholicisme.
Profondément touchée, sœur Marie-Gabrielle va s'agenouiller
humblement devant son Abbesse pour lui faire sa demande :
« Permettez-moi d'offrir ma vie... » Surprise, l'Abbesse demande un
délai de réflexion. Plus tard, la moniale insiste : « Il me
semble que le Seigneur le veut : je m'y sens poussée, même quand je
ne veux pas y penser ». L'Abbesse lui demande d'en parler à
l'aumônier et celui-ci autorise l'offrande. La jeune moniale ne
croit pas nécessaire de rédiger un acte par écrit et elle s'offre du
fond de son cœur. Sœur Marie-Gabrielle aime passionnément
Jésus-Christ : si Lui a offert librement sa vie en sacrifice pour
rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés (Jn 11,
52), elle se sent appelée à l'accompagner, par amour, dans son
immolation. L'enthousiasme de son Abbesse pour l'oecuménisme et
l'exemple du don que d'autres ont déjà fait de leur vie sont des
éléments suffisants pour la décider à faire sa propre offrande.
Peu après son offrande,
sœur Marie-Gabrielle ressent une douleur à l'épaule; sa santé
s'altère et après Pâques, on la conduit à Rome pour des examens
médicaux qui révèlent une tuberculose. La perspective de rester à
l'hôpital la fait grandement souffrir : « J'ai tant pleuré que je
n'en puis plus, écrit-elle à son Abbesse... Parfois je me
demande si le Seigneur ne m'a pas abandonnée. D'autres fois je pense
qu'Il éprouve ceux qu'Il aime... Je finis toujours par m'abandonner
à la volonté divine ». Quelques jours plus tard, elle ajoute :
« Je me suis offerte entièrement à mon Jésus et je ne veux certes
pas retirer ma parole. Je suis faible, il est vrai, mais le
Seigneur, qui connaît ma fragilité et la cause de ma douleur, me
pardonnera, j'en suis convaincue ». Elle est assaillie de
pensées contre ses Supérieures qui lui semblent manquer de cœur en
la laissant à l'hôpital. Mais elle se rend compte que c'est là aussi
une tentation qu'elle s'applique à chasser. Au début du mois de mai,
elle est « sur la croix » sans autre consolation que de savoir
qu'elle souffre pour accomplir la volonté divine.
Un trésor à ne pas partager
Quinze jours après son
hospitalisation, elle est transférée dans un pavillon de cure où les
conditions de vie sont moins pénibles. Elle demeure cependant
consciente de ses faiblesses : « Depuis longtemps, je me suis
aperçue que je n'étais qu'un pygmée dans les voies spirituelles, car
je me laisse emporter par tout vent qui souffle... Je voudrais être
forte, forte comme l'acier, et je ne suis qu'un brin de paille ».
Cependant, le mal progresse et devant l'impossibilité de l'enrayer,
on accorde à la moniale la permission de retourner terminer ses
jours au monastère. Sœur Marie-Gabrielle est angoissée à la pensée
que sa présence en communauté pourrait faire courir à ses sœurs le
danger de la contagion, mais d'un autre côté, elle ne veut pas
mourir loin de son monastère. Finalement, elle rentre à
Grottaferrata le 29 mai et y prend toutes les précautions
nécessaires pour éviter de transmettre son mal aux autres. Elle ne
perd d'ailleurs pas le sens de l'humour et dit un jour à
l'infirmière qui s'approche un peu trop près d'elle : « Le
Seigneur m'a donné ce trésor de ma maladie, je ne veux le partager
avec personne... pas même avec vous ! » La Mère Abbesse lui
suggère de trouver une devise qui l'aiderait dans les moments les
plus difficiles. Elle choisit : «Ecce ancilla Domini – Voici
la servante du Seigneur ! » L'abandon entre les mains du
Seigneur l'habite de plus en plus : « Autrefois, je pensais à mes
péchés, mais maintenant je ne me rappelle rien de précis. Je suis
comme une enfant. Je me suis abandonnée et depuis j'ai une grande
paix ». Elle ne désire ni vivre ni mourir, mais accueillir ce
que Dieu lui enverra : « Quand j'étais à l'hôpital, dit-elle,
je ne pouvais me résigner à la séparation ; à présent, si, pour
le bien de la communauté, je devais encore partir, je le ferais sans
hésiter ». Certaines heures sont plus douces et sœur
Marie-Gabrielle les accueille avec simplicité. Mais elle n'attend
pas de grâces mystiques : « Dieu ne m'en a pas donné,
dit-elle, car je suis une porte ouverte à la vaine gloire et
l'orgueil. Je ne désire pas de consolations, elles ne sont pas
nécessaires, la grâce suffit à tout ». Elle puise une forte
nourriture spirituelle dans l'Évangile de saint Jean. Le petit livre
dont elle se servait présente des pages toutes jaunies par l'usage
intensif qui a été fait des chapitres 12 à 20 du quatrième Évangile
et tout spécialement du chapitre 17, la prière de Jésus pour l'unité
de ses disciples.
Le sceau de crédibilité
Un jour, étendue sur
son lit, sœur Marie-Gabrielle, très accablée, dit à Jésus :
« Seigneur Jésus, je T'aime et je voudrais T'aimer beaucoup, T'aimer
pour le monde entier ». L'unité des Chrétiens pour laquelle la
Trappistine s'est offerte n'est pas sans lien avec l'évangélisation.
« Dès ses débuts, le mouvement œcuménique a été intimement lié à
l'évangélisation. L'unité est, en réalité, le sceau de crédibilité
de la mission. Le Concile Vatican II a fait remarquer avec regret
que le scandale de la division « fait obstacle à la plus sainte
des causes : la prédication de l'Évangile ». Jésus lui-même, la
veille de sa mort, a prié pour que tous, ils soient un... afin
que le monde croie (Jn 17, 21) (Congrégation pour la Doctrine de
la Foi, 3 décembre 2007).
La dernière nuit de
sœur Marie-Gabrielle se passe en une alternance de moments calmes et
de souffrances aiguës. À un moment, elle gémit : « Je n'en puis
plus ! » La Mère Abbesse lui demande : « Voulez-vous offrir
ce qui vous reste de vie pour l'Unité ? – Oui ! » répond-elle
distinctement. Enfin, après les vêpres de ce dimanche du Bon
Pasteur, 23 avril 1939, elle exhale son dernier soupir avec un
sourire. Par erreur, au lieu du tintement du glas, sonne un carillon
festif auquel les cloches de l'église paroissiale répondent à la
volée, dans un concert de joie.
L'exemple de sœur
Marie-Gabrielle nous rappelle que tous les fidèles peuvent
travailler à l'unité des Chrétiens, d'abord par la conversion du
cœur : « Bien que l'Église catholique ait été enrichie de la
vérité révélée par Dieu ainsi que de tous les moyens de grâces,
néanmoins ses membres n'en vivent pas avec toute la ferveur qui
conviendrait. Il en résulte que le visage de l'Église resplendit
moins aux yeux de nos frères séparés ainsi que du monde entier, et
la croissance du royaume de Dieu est entravée. C'est pourquoi tous
les Catholiques doivent tendre à la perfection chrétienne ; ils
doivent, chacun dans sa sphère, s'efforcer de faire en sorte que
l'Église, portant dans son corps l'humilité et la mortification de
Jésus, se purifie et se renouvelle de jour en jour, jusqu'à ce que
le Christ se la présente à Lui-même, glorieuse, sans tache ni ride »
(Vatican II, Unitatis redintegratio, n. 4).
Le 19 août 2005, à
Cologne, le Pape Benoît XVI concluait une rencontre œcuménique par
ces paroles : « Je vois un motif réconfortant d'optimisme dans le
fait qu'aujourd'hui se développe une sorte de “réseau” de liens
spirituels entre Catholiques et Chrétiens des diverses Églises et
Communautés ecclésiales : chacun s'engage dans la prière, dans la
révision de sa vie, dans la purification de la mémoire, dans
l'ouverture de la charité. Le père de l'œcuménisme spirituel, Paul
Couturier, a parlé à ce sujet d'un monastère invisible, qui
rassemble entre ses murs les âmes passionnées du Christ et de son
Église. Je suis convaincu que, si un nombre croissant de personnes
s'unit intérieurement à la prière du Seigneur pour que tous soient
un (Jn 17, 21), une telle prière au nom de Jésus ne tombera pas dans
le vide, ne peut pas tomber dans le vide ».
Demandons à la
Bienheureuse Vierge Marie, Médiatrice de toute grâce, d'obtenir
cette unité des Chrétiens en un seul troupeau et sous un seul
Pasteur (cf. Jn 10, 16) afin que s'accomplisse la volonté de son
divin Fils.
Dom Antoine Marie osb
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